mardi 10 décembre 2019

Johnson et Trump ont tout bon pour le grand rabbin britannique


Ephraïm Mivris : un silence qui en dit long


Le grand rabbin britannique avait solennellement appelé à ne pas voter Labour le 12 prochain. On attend toujours ses déclarations sur Boris Johnson (ou Donald Trump). Son silence en dit long…
Long, mais sur quoi ? Sur sa confusion, son embarras ? Rappelons que vendredi dernier, Donald Trump a proféré que les juifs sont principalement motivés par l’argent. « Passe encore », puisque le grand rabbin du Royaume-Uni n’a pas vraiment d’obligation de se prononcer sur les déclarations d’un chef d’État étranger.
Mais on se souvient surtout qu’Eprhaïm Mivris avait déclaré que les Juifs britanniques étaient « noués d’angoisse » par la perspective de voir Jeremy Corbyn accéder à Downing Street. Et pour diverses organisations juives, en dépit de ce peuvent dire les Juifs restant fidèles au Labour, Corbyn reste la tête à claques qu’il faut abattre.
Et voici que resurgissent des passages de Seventy Two Virgins (les 72 vierges), livre écrit par Boris Johnson. Tout ce qui n’est pas Bristish de souche dont l’ascendance remonte aux Saxons et aux Normands en prend plein sa musette. Les tziganes et autres gypsies, tous les basanés, les noirs, et seuls les homosexuel·le·s et les débiles mentaux sont épargnés (un oubli ?).
Sémites de toutes origines sont décrits ayant des nez crochus. Hop, prix de gros : Arabes, ou Juifs présentent des tronches bien typiques.
Mais il s’attarde sur les Juifs. Qui contrôlent les médias. Et trafiquent les élections. Sont en fait, comme au Kosovo, des basses castes, des interlopes métissés, &c. Glissons sur la dénonciation du politiquement correct qui paralyse celles et ceux craignant d’être qualifiés de racistes.
Bien évidemment, c’est de l’histoire ancienne. Cela remonte à mai 2005. Et puis, ce n’est qu’un roman (genre OSS 117, avec le Bojo dans le rôle d’Hubert Bonisseur de la Bath, mais se prenant au sérieux).
Mais pourquoi donc Ephraïm Mivris a-t-il donc lancé une telle consigne unilatérale de vote (tout sauf Corbyn, même s’il n’a pas laissé entendre que l’Ukip, l’ex-formation de Nigel Farage, du Brexit Party, valait mieux que le Labour) ? Sans nuance ; frontalement.
Et pourquoi se tait-il ?
Lui seul pourrait répondre, au risque, s’il s’abstenait, de laisser une partie de l’opinion entendre que seule la politique expansionniste de Netanyahou trouve grâce à ses yeux, et qu’importent les considérations raciales et judéophobes proférées par des soutiens du sionisme revisité par l’extrême-droite et la droite israéliennes.
Voici fort peu, le député israélien Yair Lapid (du Kakhol Iavan, et pressenti pour les Affaires étrangères) a su reconnaître un judéophobe en la personne de Jeremy Corbyn. Israel Katz, a souhaité, à titre personnel, que Corbyn ne soit pas élu. Gilles William Goldnadel a écrit dans le Figaro, que Corbyn reprend « les scories de la haine antijuive prolétarienne détestant le riche ». Meuh non, Trump est adulé par ses partisans prolétariens, et alors ? Il peut sans problème reprendre la même antienne avec l’approbation tacite de Me Goldnadel. Hormis The Jewish Chronicle, et quelques autres publications, qui a tenté de départager le pour du contre Jeremy Corbyn ? Le Centre Simon Wiesenthal, rapporte Haaretz, s’est aussi prononcé contre le Labour ce 9 décembre. Le Jerusalem Post rapporte les propos de Simon Cobbs, des Sussex Friends of Israel. Qui décrit un gouvernement travailliste judéophobe (forcément) et déplore que si les conservateurs l’emportent, on le mettra sur le dos des Juifs. Bref, gagnant-gagnant, on pourra continuer à dénoncer la judéophobie de… Pas des conservateurs et de leur sémillant chef de file, quand même ? Si, un peu ? Nan !
David Isaacson, toujours dans le Jerusalem Post, assure que tous les Juifs britanniques sont contre Corbyn, des laïcs aux ultra-orthodoxes. Ce n’est évidemment pas le sentiment du groupe Jewish Voice for Labour.
En fait, à ce train, il ne suffira plus d’avoir une mère ou grand-mère s’étant déclarée juive pour être reconnu Juif. Faudra-il jurer sur une bible allégeance à Israel (sauf si la gauche israélienne relançant le processus de paix venait à l’emporter) ?
Il ne faut rien exagérer. Ni minorer le fait que divers travaillistes ont exprimé davantage qu’un sentiment antisioniste. Environ 70 cas plutôt flagrants (sur, soutiennent le Mail et le Times, 130) ont été recensés. Indéniable, sauf si, évidemment, certains cas seraient dus à des activistes Juifs ayant infiltré le Labour pour créer des incidents. Ce qui n’est pas du tout, du tout évident. Jeremy Corbyn a lui-même exprimé sa proximité avec les thèses pro-palestiniennes de manière parfois limite.
Le grand rabbin britannique avait quelques raisons de faire part de son inquiétude.
Mais l’impression d’un deux poids, deux mesures, peut finir par l’emporter.
Dans le Guardian, Slavoj Zizek, évoque une manipulation de l’Holocauste. Et en appelle à un retour à la tradition éthique juive.
L’ironie de la situation est forte : les conservateurs examineraient les cas de trois de leurs candidats ayant exprimé des opinions judéophobes. Enquête supervisée par Boris Johnson ? Qui n’a pas trop tempéré le soutien conservateur à la Hongrie de Orban dont la tête de turc est George Soros ; mais, puisque qu’Ephraïm Mivris considère que c’est véniel, alors… Et lorsque Boris Johnson inaugura, avec Theresa May, une statue de Nancy Astor, première députée britannique (en 1919, parmi 700 députés), qui préférait le nazisme au communiste, la Campaign Against Anti-Semitism a certes dénoncé cet hommage… sans trop s’inquiéter de qui participait à l’inauguration.
L’histoire se répéterait-elle, avec de « négligeables » nuances ?
Bah, quelque soit l’issue du scrutin, la chasse aux subventions reprendra. Une généralité qui s’applique à toutes et tous. La religiophobie n’est pas que synonyme de la méfiance éprouvée envers une seule composante. Et s’accompagne généralement d’un fort sentiment opposé à toute forme de xénophobie.

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