dimanche 8 décembre 2019

Historiographie : le mythe de la Reconquista

Après Poitiers, Covandonga, autre « escarmouche »

Je ne vais pas vous remémorer à quel point les historiens français ont remis en question la bataille (?) de Poitiers. Nouveau, la remise en cause, par les historiens espagnols, de celle de Covadonga, et plus largement, de la Reconquista.
J’ai déjà évoqué (ailleurs que sur ce blogue), le palais maure du haut du faubourg Poissonnière, cette île sur la Loire, près de Saumur, présumée peuplée de présumés gitans qui conversaient dans un dialecte berbère (comme l’ont déterminé des linguistes vers la fin des années 1950, ou plus tard, peu importe). Comme je n’ai jamais évoqué ce confrère niortais qui n’excluait pas des ascendances diverses (dont maures ou berbères, ou allez savoir…), je vous le place en préambule.
Très édifiant article de La Vanguardia, “La Reconquista que no existió”. Théoriquement, la période circa 711-1492. Environ sept siècles durant lesquels Juifs, Chrétiens, Musulmans (ou autres, de diverses lignées et croyances) ont contracté de multiples mariages et croisements. Et au cours de laquelle (il faudrait que je me replonge dans mon bouquin, Femmes et métiers du Livre, épuisé), les femmes, au moins dans la partie andalouse, tenaient des places prééminentes. Mais je ne vais pas vous ressasser mes diverses sauvages recherches ethno-anthropologiques sur l’ethnicité des unes, des autres, dont les Bretons et les Écossais (nombre d’analyses DNA établissant des ascendances africaines). Parlons plutôt d’identité espagnole.
C’est un peu comme la Jeanne en France, cela fluctue. En Espagne, au dix-neuvième, tout le monde, à peu de choses près, se gargarise des rois catholiques. Et de don Pelayo qui, à Cadavonga, vers 800, aurait livré bataille. Bataille ? Elle n’est qualifiée telle qu’à partir de 883. Totalement ignorée des chroniques musulmanes. Admettons qu’une retentissante défaite ait été mise sous le boisseau. Sauf que, dans les chroniques chrétiennes, est décelé le calque d’une bataille entre un Pelayo et des Chaldéens (occupant alors l’Irak). Bref, L’Exode aurait été pompée
On ne sait pas trop qui était ce Pelayo ibère. Un Wisigoth ? Un hobereau local ? Un soldat de fortune venu du Cantabrico ? Soit de Biscaye.
Or il n’est même pas sûr que les divers Goths aient vraiment dominé l’ensemble de la péninsule ibérique.
Mussolini fit révérer Romulus et Rémus jusqu’en Roumanie, les Anglais revendiquent l’héritage du kuningan Arthur, et les Allemands (entre autres), celui des Nibelungen. Tout comme les Ukrainiens mettent en avant des Vikings (sans parler des Normands issus des Norsemen). Et qui étaient donc les aïeux de nos ancêtres les Gaulois ?
Identitaires de tous les pays… Vox, en Espagne, remet au goût du jour l’épisode fumeux de Covadonga. Et en fait, pendant huit siècles, dans l’Espagne actuelle, on adopta la religion dominante du cru dans lequel on vivait. Telle localité vaut bien une messe ou une circoncision (souvent facultative).
Et « notre » Cid ? Un mercenaire, qui combattait, selon le gré du plus offrant, sous une bannière mahométane ou chrétienne. Un condottiere, en quelque sorte.
J’ai constaté l’essor d’une langue croate distincte arbitrairement de l’ex-serbo-croate, le flop du dictionnaire modalvo-roumain, et je prédis, en vérité, en vérité, que des régionalistes, un peu partout, se forgeront des identités pour obtenir davantage d’autonomie.
La réunification irlandaise n’est plus utopique : d’une part, les « catholiques » (ou se définissant tels) sont désormais majoritaires, et les jeunes unionistes ne se sentent plus vraiment britanniques (ou se déclarent indifférents, davantage soucieux des avantages de rester dans l’Union européenne). En contrepartie, les Écossais seraient favorables à l’indépendance en cas de Brexit, mais partisans du statut quo si le Royaume-Uni restait dans l’Union européenne. Cela reste flou, je peux me fourvoyer, tentez de vérifier par vous-mêmes.
À quoi tient notre sentiment d’appartenance ? À nos sentiments du moment et du rapport de forces ? Et comment auto-justifier nos reniements, ou nos enracinements dans nos convictions antérieures ?
La présomptueuse « identité » fondée sur l’antériorité de mythiques racines communes est caduque, pratiquement partout, en particulier en Europe. La volonté du « vivre ensemble » est beaucoup plus primordiale et gagne à s’affirmer indépendamment de toute considération ethnico-farfelue ou liée à la religiosité. Ce qui semble plaider pour un « entre-nous ». Mais ouvert à toutes et tous. Et non hostile aux « autres », l’hostilité étant un faible facteur de cohésion durable (au fil des siècles). Comment l’articuler ? Déjà en ne s’enferrant pas. La remise en cause du concept de reconquête en Espagne me semble un pas en avant salutaire. C’est pourquoi j’en fais état.

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