samedi 26 octobre 2019

Brexit & Brexodus ne sont pas alignés...

L'attractivité du Royaume-Uni peu affectée par le Brexit

D'un, en dépit des incertitudes liées au Brexit, le Brexodus ne s'est pas produit. Deux, même si le cours de la livre sterling fléchit, le Royaume-Uni reste attractif pour les entreprises. Trois, on finirait par se demander si le Brino (Brexit in name only) ou la Brexeternity ne finiront pas par l'emporter.
Une nouvelle pièce de 50 pence devait être frappée...
La Royal Mint a différé, elle aussi
Commençons par le point trois. Il est tout à fait exagéré d'imaginer que l'accord final entre le Royaume-Uni et l'Union européenne équivaudra à un Brino (un Brexit fortement édulcoré) ou que des prolongations sine die repousseront encore et encore l'application de l'article 50 (la Brexerternity). Mais comme je le concluais hier, il ne peut jamais être exclu qu'un amendement soit adopté par le Parlement britannique « par défaut » (de vigilance, de respect des consignes de vote, &c.).
Là, il serait étonnant que lundi, lorsque sera décidée ou non la tenue d'élection anticipées, les conservateurs fidèles à Boris Johnson se laissent duper par l'ensemble des Remainers. Un article du Guardian laisse en effet entendre qu'une alliance composite ferait passer par les Commons la tenue d'un débat exceptionnel afin de faire ratifier soit le protocole Theresa May, soit celui de Boris Johnson en assortissant cette résolution de la décision de tenir un second référendum. Le présumé complot des Remainers ayant été éventé, les Leavers feraient tout pour s'y opposer.
Le Labour consentira-t-il à affronter les conservateurs lors d'élections ? Ils risquent de considérer ces élections inopportunes tant que ne sera pas éclairci les points litigieux du protocole Johnson. Dont celui qui porte sur les garanties de préservation des règles du marché du travail. Selon les travaillistes, le protocole Johnson marquerait un retrait par rapport à celui de Theresa May. Comprenez que le Royaume-Uni resterait davantage libre d'assouplir les réglementations, et attirerait ainsi des entreprises trouvant trop contraignantes celles s'appliquant dans l'Union européenne (durée du travail, facilités d'embauche et de licenciement, cotisations sociales, &c.).
Autre angle d'attaque des travaillistes et d'autres : le protocole Johnson pourrait transformer le Royaume-Uni en Singapore-on-Thames. Soit qu'un gouvernement conservateur s'engage dans la voie du dumping fiscal. Dumping fiscal plus dumping social égale moins de recettes fiscales, moins de garanties pour les salariés... Et soit la croissance parvient à compenser, soit il faudra rogner sur les dépenses publiques, donc aussi sur les aides sociales...
Le Labour pourra donc faire valoir que la priorité serait d'amender ce protocole, de lever les ambiguïtés, et que cela ne peut attendre le résultat d'élections...
Ce qui s'observe par ailleurs, c'est que le Brexodus (les entreprises embarquant en masse sur un cargo rejoignant le continent), mis en avant par le Project Fear (les menées imputées aux Remainers par les Leavers) ne se produit pas. Certes, les Brexpats, cherchant à obtenir une nationalité communautaire, ont été et restent nombreux. Mais il ne s'agit pas majoritairement de salariés relocalisés. Des relocalisations se sont produites (vers Dublin, Luxembourg, Paris, Frankfurt et Amsterdam, dans cet ordre) dans le secteur financier, mais l'exode manufacturier tarde à se manifester.
Quant à la pénurie de main d'œuvre qualifiée liée au départ de citoyens européens, elle semble aussi globalement marginale. Cela étant, les actuelles dispositions britanniques, sur le papier favorables au maintien des citoyens européens, en réalité plus complexes, pourraient évoluer et provoquer une petite vague de départs.
Mais, plus généralement, les perspectives britanniques ne semblent guère désastreuses, Brexit dur ou plus ou moins aménagé.
En témoigne le récent palmarès de la Banque mondiale, le Doing Business Index... Il se fonde sur dix critères assez disparates (dont le raccordement à l'électricité), mais mesure assez bien l’attractivité d'une économie. Et le Royaume-Uni se classe au huitième rang pour  2020 (la France est cotée 32), devant la Norvège et la Suède (Nouvelle-Zélande, Singapour, Hong-Kong restant en tête, suivis du Danemark, de la Corée, des États-Unis et de la Géorgie ; la France se situant derrière le Japon, l'Espagne et la Chine pour la « facilité de faire des affaires » et au 37e rang pour « la création d'entreprise »).
Cela n'empêche que les conséquences néfastes du Brexit pourraient être accentuées, tant bien même le protocole Johnson serait ratifié... Kwasi Kwarteng, le ministre de l'Économie (Business) a laissé entendre qu'une sortie sans accord resterait possible car les négociations se poursuivraient jusqu'à fin 2020, soit l'expiration de la période de transition.
C'est pourquoi l'ex-Premier ministre Tony Blair suggère aux Commons d'adopter une loi ad hoc imposant un accord ferme et définitif, ce avant de s'engager sur la voie d'élections anticipées. Le maire travailliste de Londres, Sadiq Kahn, s'exprimant dans La Reppublica, incite Jeremy Corbin à expliquer à l'électorat que « toutes formes de Brexits sont pires que de rester dans l'UE ». Il doit sortir de l’ambiguïté et se déclarer pour la révocation de l'article 50 (ce que le Royaume-Uni peut faire unilatéralement). 
Pour des raisons opposées, les dix députés unionistes Nord-Irlandais opposés au protocole Johnson « le pire de deux mondes », font sécession de l'alliance avec les conservateurs. Quant à Nigel Farage, du Brexit Party, il soutient que le protocole Johnson n'améliore celui de May qu'à la marge : « La Cour européenne de Justice reste garante des traités (...) pourra remettre en cause les lois britanniques (...) nous ne pourrons contrôler les droits de pêche » (adaptation libre). L'amélioration, selon lui, se limite à 5%.
20 "One Nation" conservateurs (Brexiters) — sur 41 —, proches des thèses du DUP unioniste nord-irlandais, feraient défection lors du vote sur les élections, lundi.
Lundi soir, France et Pays-Bas pourraient soit faire tilter le billard électronique (puisque les Britanniques ne parviennent pas à s'accorder, pourquoi prolonger l'attente ?), soit considérer qu'un court délai serait insuffisant (le Parlement britannique ne parvenant pas à ratifier le protocole Johnson) et donc espérer qu'en laissant du temps au temps, les Remainers pourraient finalement l'emporter.
Comme souvent, quand on ne sait trop comment tournera le vent, on s'en remet aux bookmakers. Ils annoncent des cotes assez proches. Paddy Power penche pour des élections avant Noël (15/8), Ladbrokes aussi, à deux contre un (selon The Sun). Cela peut changer d'un jour à l'autre, et lundi, d'heure en heure.




     

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