mardi 22 octobre 2019

Brexit : repartis pour un tour ?


Qui veut jouer les prolongations du Brexit ?

Finalement (hum... finalement ?), l'incertitude se prolonge. Jusqu'à quand ? Et qui peut réellement décider d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne après la xième date butoir ? En réalité, pour l'instant, la balle est — provisoirement — dans le camp de l'équipe bruxelloise...
Ce n'est pas par désintérêt que j'ai interrompu ma chronique des tribulations du Brexit. Parfois, il faut prendre du champ et se retirer en des zones où la connexion Internet est défaillante. Si ce n'est inexistante. Mais comme la presse française (au moins Le Monde...) a rendu compte — de manière un peu trop synthétique — de ce qui se trame à Westminster, je ne regrette pas de reprendre à ce stade, pour celles et ceux que cela pourrait encore intéresser.
Or donc, pour résumer, tant le parti conservateur et ses alliés unionistes nord-irlandais que l'opposition étaient partagés sur l'opportunité d'accorder à Boris Johnson un vote favorable sur son plan. Lequel, dans ses grandes lignes, reste assez proche de l'antérieur, celui de Theresa May, rejeté par trois fois. Avec cependant une nuance de taille quant aux dispositions applicables en Irlande du Nord. Le principe de ne pas rejeter brutalement ce nouveau plan a été accepté, au prix de retournements d'alliance(s), de vestes, vestons, voire pantalons. Oui mais.
Que désirait cette opposition composite devenue encore plus mitigée à présent. En gros, obliger le gouvernement à, d'un faire part de ses intentions dans le détail, de deux, pouvoir en exposer les conséquences (plus ou moins chiffrées) en vue d'élections générales.
Boris Johnson a dévoilé ses intentions, mais ne voulait pas laisser au Parlement le soin de les disséquer. Donc, il lui donnait trois jours pour en débattre. Insuffisant. Les Commons avaient discuté plus longtemps la loi sur les animaux de cirque et la protection animale. Donc, non, il n'en est plus question. L'opposition veut disposer de davantage de temps.
Ce qui implique que l'Union européenne accède à la demande d'accorder un prolongation. Et l'UE est quelque peu (pour la façade ?) divisée. La France a fait savoir qu'une extension ne serait pas justifiée. Mais Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, a ajouté « à ce stade ». De pugilat britannique. Nuance.
Détailler qui a voté quoi ne serait pas si inintéressant mais fastidieux. Le DUP, ex-allié des conservateurs, a tourné casaque. De même des conservateurs débarqués des rangs Tories, qui ont rejoint l'écurie (tandis que d'autres...). Et cinq députés travaillistes (ou 19 selon les votes) ont fait défection. May s'était vue opposer 58 voix, Johnson a emporté une manche par 30. Votes tactiques ou de convictions divergentes.
Le plan Johnson aurait pu être retiré, ce en vue de passer à l'étape suivante : la tenue d'élections générales. Là, ce plan est placé « dans les limbes » (selon le chef de file des conservateurs, Jacob Rees-Mog), ou si l'on veut, au purgatoire. Ce en attendant que l'UE le voue à l'en sortir (nouveau report) ou l'expédie aux enfers.
Admettons, ce qui n'est plus si sûr, que l'UE se montre conciliante... L'opposition britannique pourrait multiplier les amendements, certains fortement contraignants (conditionnant l'accord à la tenue d'un nouveau référendum, à l'acceptation par le gouvernement de maintenir l'union douanière pour l'ensemble du Royaume-Uni), d'autres l'étant techniquement (et obligeant à des nouvelles navettes entre Londres et Bruxelles jusqu'à...).
Bien évidemment, maintenir le Royaume-Uni dans l'union douanière européenne l'empêcherait de conclure des accords commerciaux séparés, ad hoc.
Donc, ce soir, après cette demi-défaite ou demi-succès, c'est selon, Boris Johnson insiste : la date butoir du 31 octobre (sous huit jours quand vous lirez ces lignes) doit être respectée. Sauf si...
Donald Tusk recommande qu'un report soit accordé. Ce qui ne réglera rien de totalement prévisible. 
Le seul qui se frotte les mains, c'est Nigel Farage, du Brexit Party... Comme l'a exprimé Guy Verhofstadt (le coordinateur européen travaillant avec Michel Barnier), trois semaines d'extension, cela revient à devoir écouter Farage trois semaines de (pire/mieux, rayez la mention inutile). Lequel Brexit Party proclame que le Royaume-Uni deviendra le nouveau Singapour (du dumping fiscal).
Tout et son contraire restent possibles. 
La proposition du gouvernement de boucler le dossier en trois jours a été rejetée par 322 voix contre (et 308 pour). Mais dire qu'il suffirait de 15 députés pour faire basculer le sort (quand ?) serait sans doute inexact. Un tel vote ne préjuge guère du résultat du prochain. Parce que d'aucunes et certains ne suivent pas les consignes de vote de leur camp, et que l'examen attentif d'une clause ou d'une autre du protocole d'accord peut déterminer un changement d'attitude. Par exemple, la question des droits de pêche (en réciprocité) : pour le moment, personne ne sait ce qu'il adviendra.
La perspective d'élections impliquant la perte prévisible de son siège peut faire fléchir l'une ou l'autre, porter ou non à se raviser.
Vue d'Irlande (de la République d'), l'espoir subsiste. 30 contre 15, c'est encore jouable. C'est du moins l'opinion de Denis Staunton de l'Irish Times. Des conservateurs sont restés fidèles au gouvernement (ou le sont redevenus) alors même que l'opposition nouvelle du DUP (unionistes) devait, théoriquement, entraîner davantage de défections dans le camp conservateur. Conclusion, « sous quelques semaines », Boris Johnson remporterait une majorité pour l'adoption de son projet. The Independent (Londres) table aussi sur une sortie selon cette hypothèse avant Noël.
Si cela se confirmait, resterait à savoir comment le Brexit Party en tirera (ou non) avantage. À court terme, cela peut sembler « négligeable ». Mais il faut comprendre que Farage rallie des travaillistes, et des conservateurs. Ces derniers seraient prêts majoritairement à voir l'Écosse et l'Irlande du Nord prendre le large du moment qu'il soit mis fin à la « dictature » européenne. On peut comprendre que Boris Johnson soupèse le pour et le contre de déclencher des élections au bon moment pour lui. Y parviendra-t-il ? Je ne prends aucun pari.
Finalement (finalement ?), la France consent à un délai « technique » et assure, promis-juré-craché, que ce sera le dernier... Et le Bojo assure qu'il va engager le Royaume-Uni dans la voie d'élections anticipées.
Quoi qu'il advienne, il faudra des années pour finaliser les relations entre l'UE et le Royaume-Uni , ou désuni (sauf révocation de l'art. 50 après second référendum). Or, il y a tant et tant d'autres sujets sur la table. Qui exigent des réponses pour faire progresser la construction européenne (ou simplement consolider l'existant). Au fait, il se passe quoi en Catalogne ? On joue à quoi, là ? À je te tiens, tu me tiens ? À qui perd-gagne ?









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