jeudi 1 octobre 2020

Biden-Trump, un débat révélateur du déclin étasunien

De quoi vouloir quitter cette foire d’empoigne

C’est à tête reposée que j’ai visionné le prétendu « débat’ » entre Joe l’endormi et le Donald vociférateur. L’issue de ce désespérant spectacle semble claire, ce pays devient encore moins vivable.


Vous trouverez sans doute assez de commentaires sur le pugilat verbal entre Trump et Biden dans la presse française, donc, autant vous épargner d’autres détails sur les manières des deux adversaires. En revanche, ce que n’ai pas trouvé relevé par la presse française, mais que la presse anglophone a su mettre en relief et vaut, je crois qu’on s’y attarde.

Jusqu’à hier, il fut fort rare qu’un débat électoral étasunien porte sur l’environnement. À propos des incendies des États démocrates de la côte ouest, Trump s’est contenté de mettre en cause une mauvaise gestion forestière, ce qui n’est pas totalement faux. Biden s’est abstenu de relever que les États républicains bordant le golfe du Mexique ou faisant face aux Bermudes et exposés aux ouragans dévastateurs ne savaient pas gérer l’Atlantique. Trump a justifié le retrait de l’accord de Paris par sou souci de préserver les revenus des entreprises et d’éviter aux ménages des surcoûts exorbitants en dépenses d’énergie. Biden a clairement rétorqué que les énergies propres renouvelables généreraient des emplois par milliers et feraient baisser les factures, ce qui reste à démontrer mais peut être envisagé. Trump s’est engagé à faire planter un milliard d’arbres (voire mille milliards). Pour le moment, celui qu’il avait lui-même planté en compagnie d’Emmanuel Macron face à la Maison blanche en avril 2018 n’a pas survécu. Trump proclamait déjà la même ambition en février dernier. Mais pour le moment il a surtout proposé d’ouvrir le parc national de Tongass, en Alaska, à l’exploitation par les scieries. Mais glissons… Toujours est-il que Biden s’est sans doute rallié des opinions écologistes (du moins chez les abstentionnistes, car son électorat est déjà plutôt écolo).

Sur le sujet de la loi et de l’ordre, Trump s’est targué du soutien du sheriff de Portland. Le journaliste chargé d’arbitrer le débat n’a pas relevé que Portland n’avait pas de sheriff mais la modération est venue par apprès avec un tweet du sheriff du comté de Multnomah, qui inclut Vancouver et Portland en Oregon, lequel sheriff a précisé qu’il n’avait jamais et partisan de Trump et même qu’il le désavouait.

Apparemment, soutenir des milices blanches suprémacistes ne vaut pas à Trump le soutien inconditionnel de toutes les forces de police, comme il le prétend sans cesse.

De toute façon, la Trumpland n’accorde aucun crédit aux propos de Biden et a considéré que le journaliste, pourtant employé par Fox News, avait favorisé Biden. Trump a d’ailleurs estimé par après qu’il avait débattu à deux contre un (lui contre Biden et Wallace, le journaliste).

J’avais déjà remarqué précédemment un article du Devoir portant sur la très forte croissance de l’immigration au Canada depuis les États-Unis tout au long de la présidence Trump. Le Tech Times a relevé qu’au court du débat, les questions sur Google portant sur les moyens de s’installer au Canada ou d’en obtenir la nationalité avaient afflué. Les courbes Google Trends ont révélé des pics (provenant surtout des États limitrophes, en particulier les frontaliers de la région des grands lacs, mais aussi dans une moindre mesure de ceux du Sud, Texas et Floride inclus). Divers sites de presse en ont fait état mais pour la Trumpland, soit il s’agit d’une fausse nouvelle, soit la réaction est du type « bon débarras ». Ce type de questions aurait cru constamment durant les quatre heures du pugilat. L’ennui, pour les candidats à l’émigration est que la situation sanitaire due au covid rend difficile le passage à l’acte. Et Trump semble vouloir les prendre en otages, au moins jusqu'au printemps quand, selon lui, le virus s'évanouira ou qu'un vaccin sera distribué largement par l'armée.

D’un point de vue européen, les deux candidats ont davantage perdu que gagné avec ce non-débat qui évoque davantage deux monologues entrecoupés d’invectives. Pour la Trumpland, sans surprise, le Donald a largement dominé le débat (avec un léger bémol de la part d’un chroniqueur du New York Post qui a estimé que Trump s’est montré un peu trop agressif sans parvenir à entraîner Biden sur son terrain). Trump s’est évidemment auto-congratulé et a estimé que Biden avait perdu l’appui de la fraction ultra-gauchiste de son électorat (ce qui semble discutable, du moins, électoralement à court terme). Je retiens surtout, mais ce n’est pas une surprise, que Biden a esquivé le sujet de la politique étrangère et que Trump a omis de se déclarer futur Prix Nobel pour la paix. Boris Johnson a sans doute été déçu par ce débat, un accord commercial avec le Royaume-Uni ne semble pas prioritaire..

Théoriquement, il reste deux occasions de débats. Théoriquement, car même si les démocrates affirment vouloir maintenir les deux rencontres suivantes, ils pourraient changer d’avis et laisser Trump faire le paillasse (Biden l’a qualifié de clown) dans son coin. Pourquoi débattre avec un sociopathe, s’est interrogé un journaliste, ajoutant que l’image des États-Unis à l’étranger avait été écornée.

Mon ressenti est que Trump peut remporter l’élection. Certes, le débat a favorisé les fonds de campagne de Biden, car les dons ont afflué (3,8 millions d’USD en à peine une heure). Mais je ne suis pas sûr que les donateurs iront aux urnes entourés de miliciens pro-Trump lourdement armés et agressifs. Et s’ils votent pas correspondance, Trump est fort capable de maintenir que leurs bulletins sont truqués.

Mais si on peut estimer que Trump fut pareil à lui-même, et que Biden a su se maintenir à peu près calme, il n’est pas sûr que ce dernier a vraiment pu enthousiasmer ses électeurs ni convaincre les indécis. Cela étant toute la stratégie de Trump a consisté à pousser Biden à la gaffe, à bredouiller, à paraître sénile, confus, et il n’y est pas parvenu. Autre élément notable, Trump s’est senti, par après, obligé de se distancer des Proud Boys « je ne sais pas de qui il s’agit », a-t-il déclaré, sans doute embarrassé par diverses réactions dans les rangs républicains traditionnels. Autant avouer qu’il a, lui, gaffé. C’est en tout cas ce que son équipe de campagne a estimé après avoir constaté que d’éminents républicains souhaitaient une clarification ou un désaveu de sa part. Si les deux autres débats sont maintenus et que Trump commet d’autres bourdes sans que Biden en aligne, cela pourrait changer marginalement la donne. Et cette élection sera serrée en dépit des sondages donnant, comme autrefois à Hillary Clinton, à Biden l’avantage.

mercredi 30 septembre 2020

Le rouge « les anglaises débarquent » révélé par Pantone

 

La menstruation a sa couleur dans le nuancier

Histoire de tuer le temps avant le débat Trump-Biden (03 :00 à Paris), parlons colorimétrie tout en nuances. Un rouge Period (menstruation) vient d’être ajouté au nuancier Pantone. Ttès proche du rouge républicain de la Trumpland, à mon humble avis.


Ouvrez Photoshop, et vous verrez que divers nuanciers sont proposés. Mais le plus connu reste le Pantone (qui en version papier, coûtait un bras). Cela ne sert pas que pour choisir une peinture, mais pour l’impression (en particulier des publicités : le logotype ne respectant pas le Pantone™ pouvait être un motif de négociations des futures annonces, ou justifier de ne pas payer). Je sais : qui ne fut pas du ou des métiers du graphisme ne peut imaginer ce que tout cela peut encore impliquer. Cela va du choix des écrans, des sondes chromographiques (ou je ne sais plus quelle appellation), aux profils PDF certifiés pour l’impression.

Or donc, voici un rouge règles ou ragnagnas, labellisé Pantone. Paraît-il afin de rendre les femmes fières de leurs menstruations. Perso, n’ayant jamais accordé d’importance à la question (pour être clair : ayant toujours considéré que du sang est du sang, et n’a rien d’impur d’où qu’il proviennet), il est bien clair que je me contrefiche qu’un rouge soit déposé, et je ne vais pas polémiquer à propos de sa position sur une roue chromatique. Ni chercher quelle est sa complémentaire, a priori, un truc écolo, vert ou verdâtre.

Pour paraphraser Jacques Chirac, cela ne me remue ni l’une, ni l’autre. Cela tout en trouvant cette initiative publicitaire pas si mal venue. Car je me souviens de ces publicités pour des tampons ou des serviettes montrant un liquide bleu présumé mieux absorbé par les produits de telle ou telle marque. Après je ne sais plus quoi lavant plus blanc, je ne sais plus kekchose absorbant plus bleu.

Les couches des bébés translucides et les serviettes hygiéniques teintées de bleu. Hilarant.

Bien quel lien avec le débat Trump-Biden. Carrément aucun. Encore que… Je ne sais quelle couleur Trump va invoquer pour stigmatiser Biden, « dément sénile » selon la Trumpland, incapable de tenir un débat sans prompteur ou oreillette, trop vieux pour tenir la durée du débat sans petite sieste, et piqûres d’amphétamines ou je ne sais quoi. Biden n’est plus, aux yeux de Trump, bleu (couleur des démocrates), mais rouge (ou plutôt noir et rouge, anarcho-staliniste ;genre Mélenchon, qui fut un socialiste très centriste modéré auparavant)

Je ne sais si vous êtes comme moi, mais j’ai l’impression très forte de vivre dans mon monde, celui que je préserve pour ma santé mentale, et un monde parallèle. Sur lequel je n’ai plus la moindre illusion d’influer.

Autre digression. Pour moi, la liberté de la presse est une cause perdue. Dans un premier temps, la presse écrite a voulu faire comme la presse télévisuelle. Un angle, un seul. Des radio-trottoirs à la Pernault. Puis est venu l’Internet. Et désormais de plus en plus d’articles réservés aux abonnés. Donc, vu le prix des quotidiens et hebdomadaires, plus personne ne lit les supports papier, et presque que personne ne s’abonne aux versions en ligne. Et de toute façon, une majorité de personnes ne sachant plus lire ne croient plus que ce qui s’affiche sur Twitter (facile à lire, car ultra-court). Ou mieux, audible sur YouTube (plus besoin de lire). Un angle, un seul, trois minutes d’antenne suffisent. Faux, bien sûr, la vie, les événements sont bien plus complexes. Mais les patrons de presse écrite, qui ne juraient un temps que par USA Today, ont tué leurs titres.

Mais revenons à Trump. Bien avant 20126 nous savions que c’était un failli en puissance. À présent, il es patent que son train de vie est celui d’une Kardashian, due à la publicité associée à sa renommée. Trump, c’est un peu comme un footballeur vedette. Toute la publicité qu’’il génère est payée par le consommateur, qu’il assiste ou non à des rencontres de balle au pied ou non, qu’il joue au golf ou non.

Tant que nous n’aurons pars compris que nous avons fait (ou laissé faire) Trump, nous en financerons d’autres. En France, le prochain Trump sera un Fillon ayant prétendument réussi dans l’immobilier ou toute autre activité.

lundi 28 septembre 2020

Amy Coney Barrett aussi catholique que Dupont de Ligonnès

L’élue de Ttrump (« élu par Dieu »), un choix électoral

Pas davantage quElysstal, Joan Walsh ou d’autres journalistes de The Nation, je ne vais comparer la secte catholique intégriste à laquelle se rattache Amy Coney Barret, People of Praise, de la secte familiale de Xavier Dupont de Ligonnès, l’Église de Philadelphie, en dépit de similitudes. En revanche, pointer que la nomination de “Notorious Barrett” est d’abord un argument de campagne électorale à court terme de Trump me semble valoir d’être relevé.


J’ai benné, poubellisé une précédente contribution, développant, par des exemples précis, la chronique de Pierre Lellouche dans Marianne « L’élection du chaos », qui emploie l’expression « guerre civile larvée ». Je développais pourquoi deux amis de longue date, Chuck et Donna, de Placerville (Californie du nord, proche du Nevada), envisageaient de s’installer en Europe (Espagne ou Bretagne) en cas de réélection de Donald Trump. Mais bon, hormis cet exemple personnel, un peu tout le reste est plus ou moins relayé par la presse française, alors, bof.

Mais c’est dans ce contexte qu’il faut envisager la nomination à la Cour suprême d’Amy Coney Barret, non pas, comme la presse française le souligne, dans la perspective d’un Trump voulant s’accrocher (“Twelve more years” à la Maison blanche), ou dans celle des révocations des lois sur l’avortement ou l’Obamacare. Ami Coney Barret est avant tout un argument électoral à court terme, un élément de sa campagne immédiate.

Je ne cherche pas à rapprocher sous l’angle théologique People of Praise et l’Église de Philadelphie, dite « Le Jardin », de Xavier Dupont de Ligonnès. Ce sont deux mouvements charismatiques cherchant à ratisser large. Mais aussi deux mouvements familiaux. Amy C. Barret et son mari, qui se sont connus à l’Université Notre-Dame (un temps jumelées avec la Catho d’Angers, ce qui me valut d’aller retrouver des amis sur le campus de Notre-Dame), sont tous deux des enfants de fondateurs de People of Praise. Des gens bien « rodés » et sur lesquels Trump peut durablement compter.

Sans doute surtout de parfaits hypocrites. Par exemple, opposée à la peine capitale, Amy Barret incite les magistrats partageant cette opinion à se récuser, ne pas siéger. Il ne lui est pas venu à l’esprit d’inciter les magistrats favorables à la peine de mort de faire de même. Autant laisser le champ libre à ces derniers.

Mais l’essentiel, pour Trump, c’est de provoquer les démocrates afin qu’ils s’opposent le plus fermement possible à cette nomination, si possible de manière outrancière. C’est d’ailleurs ce que les chroniqueurs de The Nation (aussi catholiques de formation qu’Amy Barrett) redoutent. Soit que les démocrates se focalisent sur l’appartenance religieuse de la future juge suprême.

Que désire Trump, exactement cela, afin que marteler que les démocrates sont des athées, « contre Dieu », voulant détruire les valeurs familiales, imposer une éducation areligieuse aux enfants, désireux de mettre fin aux libertés de culte, persécutant le clergé comme aux temps du stalinisme et de Mao. Plus les démocrates protesteront, plus il les comparera à des séides de Castro et de Maduro (qu’importe que la religion catholique soit tolérée à Cuba ou au Venezuela ou que Maduro favorise une partie du clergé catholique). Nous avions, en France, des plénipotentiaires pour les Pôles (et les pinguins). Les États-Unis ont Sam Brownback, ambassadeur extraordinaire pour la liberté religieuse internationale.

Bref, Trump est pro-Dieu, et cette nomination le proclame, partant ses opposants sont contre Dieu. Cela peut même aller plus loin, les Barrett ont adopté deux enfants haïtiens créoles. Si on les critique, c’est qu’on est raciste, en dépit de dénégations.

Ttump, pour cette nomination, avait d’autres choix, dont des personnes dites de couleur. La nomination de Barbara Lagoa, d’origine cubaine, aurait sans doute valu à Trump des voix de Latinx, mais elle ne s’est pas affirmée résolument pro-life et contre l’avortement, contrairement à Amy Barrett. En fait, Trump mise sur le cœur de sa base, nationaliste blanche et évangéliste. Un candidat juif, comme David Stras, était aussi envisageable. Trump a choisi une candidate « plus blanche que blanche » et surtout plus portée à réaliser le coup de lessive législatif réclamé par les évangélistes.

Trump s’appuie sur une base galvanisée, très physiquement présente dans chaque voisinage ou presque, et intimidante. Voire dissuasive. Ses partisans tentent aussi de retourner les arguments des démocrates sur la réponse face au covid en jouant sur l’exaspération due au confinement. On pourrait aussi penser que sa volonté affichée de contester les résultats d’une élection lui étant défavorable lui coûtera des voix. Le message est en fait « c’est plié », plus la peine d’aller voter, de voter par correspondance, abstenez-vous, quoi qu’il advienne, voter contre moi ne servira à rien.

Trump est persuadé que rien, aucun fait ne fera fléchir la détermination de sa base, persuadée que tout argument démocrate est une fausse nouvelle fabriquée par les médias de l’état profond. La campagne de Trump mise sur la peur du voisin et de la voisine. Et quand la voisine semble aussi propre sur elle et décente qu’une Amy Barrett, oui, il y a de quoi être effrayé. Élue par Trump qui s'est déclaré l'élu de Dieu (vous pouvez vérifier), on peut s'attendre à l'entendre inciter à prendre les armes pour assurer que son prophète (Trump) sauve l'Amérique. Exagération de ma part ? Mes amis californiens veulent encore le croire. Ils n'en croisent pas moins leurs doigts.

dimanche 20 septembre 2020

Retour sur Fornax et ses fourneaux des cours de l’Industrie

La Semaest voudrait renouer le dialogue ?

Je vous avais précédemment entretenu des tribulations de Christian Laudcou et Catherine Chauvel, sis, pour le moment, au 37 bis, cour des Industries, rue de Montreuil, à Paris. Je me dois d’apporter un rectificatif d’importance. La directrice générale de la Semaest, Emmanuelle Hoss, réfute sur Twitter que leur atelier de reliure et typographie (210 m²) un vrai musée de la typo et de la reliure, « serait en passe d’être expulsé ». Fort bien, mais autant en faire part aux intéressés.

Depuis mondernier article sur Fornax et Gutenberg & Cie, j’ai obtenu des précisions sur l’évolution de leur dossier auprès de la Semaest. Il importait de vous en faire part et c’est pourquoi j’ai mis en ligne un fort mauvais (du point de vue typo-graphisme) document résumant l’historique du lieu.

Pour les intéressés, avec lesquels je me suis entretenu au téléphone, leur situation reste inchangée. Ils signalent que, « le 23 septembre prochain, un expert nommé par le tribunal vient évaluer le montant de l’indemnité d’éviction. Notre inquiétude est au comble, nous avons deux enfants. ».

Mais tout espoir n’est pas perdu. Déjà, vous pouvez signer la pétition sur Change.org, pétition signalée sur le site de l’AEPM (Association of European Printing Museums). onglet « nouvelles ». Mais surtout, surtout, s’il faut en croire Emmanuelle Hosse, DG de la Semaest, cette pétition n’aurait plus lieu d’être.

Je n’ai, a priori, aucune animosité ou antipathie à l’endroit de cette sympathique patronne, que je conviais, dans mon précédent article, à exercer un droit de réplique. L’offre tient évidemment toujours. Mais puisque les informations étaient fausses, je fais part de ma totale contrition.

Ce droit de réplique, elle l’a déjà exercé à l’encontre et pour l'édification, sur Twitter, d’un certain Maître de conf’ (@Maitre_de_conf).
Son texte était : « Un atelier de reluire d’art (meilleure ouvrière de France) et de typographie, rue de Montreuil, en passe d’être expulsé par la SEMAEST (gestionnaire pour la ville de @Paris). ».

Réponse sur le même fil  d’Emmanuelle Hoss : « c’est faux, et je suis à votre disposition par mp pour vous en dire plus. C’est toujours difficile de lire des contrevérités et de voir le travail de toute une équipe engagée mis à mal de cette façon. ». Dont acte.

Qu’est-ce qui est faux, et contredit la vérité ? D’une part, on ne voit pas où et comment l’interlocuteur ou moi-même auraient mis à mal le travail de toute une équipe engagée, c’est là une interprétation. D’autant que tout le monde convient que la Semaest a de vastes tâches dont le sort de l’atelier Fornax et de Gutenberg & Cie n’est qu’un aspect. Un élément, mais surtout pas un détail de l’histoire du Livre, de la typographie et des métiers du Livre en leur ensemble. C’est, pour Paris, un élément essentiel et unique depuis le transfert des locaux de l’Imprimerie nationale, et pour l’Europe, ce n’est vraiment pas le moindre.


Pour Christian Laucou et Catherine Chauvel, c’est tout simplement vital. Ils donnent des cours, réalisent des animations, animent des ateliers. Toutes leurs principales relations commerciales et autres sont sur Paris. Le télédéménagement d’un tel patrimoine n’est pas à l’ordre du jour. Si Emmanuel Hoss a des solutions de télétravail pour la composition au plomb et la reliure, je suis aussi preneur. Et puis, comment transmettre ces savoirs par téléconférence ? Des cours et sessions de formation théoriques, oui. Le tour de main, c’est autre chose.

Si je comprends bien Emmanuelle Hoss, « c’est faux », non, l’atelier « n’est pas en passe d’être expulsé. ». Par conséquent, le tribunal n’envisage plus, le 23 prochain, d’évaluer le montant d’une indemnité d’éviction qui n’a plus lieu d’être. Je ne polémique pas, je certifie que, pas plus tard que tout à l’heure (18 heures, ce 20 septembre 2020), à trois jours de la date fixée par le tribunal, les intéressés ignoraient tout de ce revirement.

Sans préjuger de la sincérité d’Emmanuelle Hoss et de la Semaest je n’en attendrai pas moins qu’ils m’annoncent eux-mêmes la bonne nouvelle qui ne devrait pas tarder à leur être communiquée. En cette attente, qu’il soit constant qu’aussitôt ayant eu connaissance du message d’Emmanuelle Host, je me suis empressé d’en faire part, comme il se doit. Tous mes compliments à « toute l’équipe engagée » de la Semaest. 

samedi 19 septembre 2020

Les Traoré et les Zemmour, comparaison n’est pas raison ?

 La « mère » d’Éric Zemmour aurait-elle eu tort ?

Franchement qu’Éric Zemmour soit poursuivi pour préférer des Corinne ou des Marie-Chantal à des Hapsatou ou Zohra, je trouve cela… limite ridicule, ou plutôt de la veine des offuscations surjouées du dit Zemmour, Éric. Peut-être en revanche faudrait-il lui remémorer que se prénommer Roland, William ou Gilbert n’est pas un gage de civisme ou de respectabilité...


Pas d’amalgame, comme on dit, et Brik (présumé devenu Éric) Zemmour, qu’il soit fils de Saädia Zemmour, devenue paraît-il – ce que je n’ai pu établir – Lucette, épouse de feu Roger Zemmour (enfin, si j’en crois Aknapress, site marocain disparu, mais je n’exclus pas qu’il s’agisse d’un conte concocté par le quotidien Assabah, et repris par des sources que je ne qualifierais pas de fiables) doit être considéré pour ce qu’il dit et fait et non parce qu’il se prénommerait Brik ou Éric. Idem pour Hapsatou ou Rachida qui n’ont pas estimé judicieux de se doter d’un pseudonyme à consonnances bretonnes ou basques ou alsaciennes. Ce qui est sûr, c’est que je n’intenterai pas un procès à ce Zemmour s’il lui était venu de me reprocher les prénoms de Keveren ou Meriadec : si on commence à monter en épingle tous les propos des bateleurs, on finira par engorger davantage les tribunaux. Surtout, ce n’est pas là du tout mon propos.

Pas d’amalgame non plus, et s’il existe un lointain, voire même étroit, cousinage entre Éric Zemmour et les fameux « frères Zemmour » (en fait Zemour), ceux de Sétif, Algérie, de fort fâcheuse réputation, cela ne disqualifie pas tout ce qu’il dit. Il est certes outrancier, mais n’a pas toujours tout faux sur tout. Il lui advient d’aborder posément des sujets d’intérêt général. Qu’il se dise pour une Europe de Brest à Vladivostok me semble quelque peu discutable (de l’Atlantique et des îles Féroé à l’Oural me semblerait plus réaliste), mais cela reste cohérent avec ce qu’exprime Jean-Pierre Chevènement. C'est une opinion qui lui vaut notoriété sur Sputnik, mais si on commence à reprocher à tout un chacun de faire son auto-promotion, où finira-t-on ?

Pour tourner la page de ces histoires de prénoms, je ne vais pas cracher sur les tombes des femmes françaises qui ont prénommé des fils Konrad ou Helmut sous l’Occupation. Encore que, devant celle de la mère d’un Adolf, issu des œuvres d'un « frère humain SS » (ça, c'est du Zemmour, quelque peu détourné de son contexte, dont acte), je veuille m’en remettre au bénéfice du doute et à d’éventuelles circonstances atténuantes.

Pas d’amalgame non plus entre non pas la famille Traoré, mais des membres de la famille Traoré, et non pas toute la famille des frères Zemmour (Roland Zemour et ses quatre cadets), mais force est de constater que les uns (les Zemmour ou Zemour) ont pu davantage prospérer quelques décennies que les autres (les Traoré). Tenter d’en déterminer les causes serait se hasarder : mettons qu’autres temps, autres mœurs, et qu’il fut une époque durant laquelle la police préférait observer plus lentement, et se gardait d’interpeller prématurément. Il se peut que d’autres facteurs aient pu entrer en ligne de compte, mais, ne m’étant pas penché sur le dossier Zemour frères, j’en ignore tout et ne suppute rien.

Je ne sais pas non plus si Mahamadou Fofana était ou non vraiment un cousin proche ou éloigné d’Adama Traoré. L’avocat de la famille Traoré assure qu’ils étaient cousins germains. Pour le moment, Me Yassine Bouzrou ne soutient pas que toute la famille élargie d’Adama Traoré faisait l’objet d’une surveillance particulière. Toujours est-il qu’il, Mahamadou, posait bien au bras d’Assa et Youssouf Traoré lors d’une manifestation publique en la mémoire d’Adama. Les voilà tous deux décrits bons maris, bons frères, bons pères, &c. L’une des ex-compagnes de Gilbert Zemour assure que ce dernier avait toutes les qualités. Était un bon père, &c. La mère d’Éric Zemmour aurait-elle eu tort ?

Franchement qu’Éric Zemmour soit poursuivi pour préférer des Corinne ou des Marie-Chantal à des Hapsatou ou Zohra, je trouve cela… limite ridicule, ou plutôt de la veine des offuscations surjouées du dit Zemmour, Éric. Peut-être en revanche faudrait-il lui remémorer que se prénommer Roland, William ou Gilbert n’est pas un gage de civisme ou de respectabilité ;

Pas d’amalgame, comme on dit, et Brik (présumé devenu Éric) Zemmour, qu’il soit fils de Saädia Zemmour, devenue paraît-il – ce que je n’ai pu établir – Lucette épouse de feu Roger Zemmour (enfin, si j’en crois Aknapress, site marocain disparu, mais je n’exclus pas qu’il s’agisse d’un conte concocté par le quotidien Assabah, et repris par des sources que je ne qualifierais pas de fiables) doit être considéré pour ce qu’il dit et fait et non parce qu’il se prénommerait Brik ou Éric. Idem pour Hapsatou ou Rachida qui n’ont pas estimé judicieux de se doter d’un pseudonyme à consonnances bretonnes ou basques ou alsaciennes. Ce qui est sûr, c’est que je n’intenterai pas un procès à ce Zemmour s’il lui était venu de me reprocher les prénoms de Keveren ou Meriadec : si on commence à monter en épingle tous les propos des bateleurs, on finira par engorger davantage les tribunaux. Surtout, ce n’est pas là du tout mon propos.

Pas d’amalgame non plus, et s’il existe un lointain, voier même étroit, cousinage entre Éric Zemmour et les fameux « frères Zemmour » (en fait Zemour), ceux de Sétif, Algérie, de fort fâcheuse réputation, cela ne disqualifie pas tout ce qu’il dit. Il est certes outrancier, mais n’a pas toujours tout faux sur tout. Il lui advient d’aborder posément des sujets d’intérêt général. Qu’il se dise pour une Europe de Brest à Vladivostok me semble quelque peu discutable (de l’Atlantique et des îles Féroé à l’Oural me semblerait plus réaliste), mais cela reste cohérent avec ce qu’exprime Jean-Pierre Chevènement.

Pour tourner la page de ces histoires de prénoms, je ne vais pas cracher sur les tombes des femmes françaises qui ont prénommé des fils Konrad ou Helmut sous l’Occupation. Encore que, devant celle de la mère d’un Adolf, je veuille m’en remettre au bénéfice du doute et à d’éventuelles circonstances atténuantes.

Pas d’amalgame non plus entre non pas la famille Traoré, mais des membres de la famille Traoré, et non pas toute la famille des frères Zemmour (Roland Zemour et ses quatre cadets), mais force est de constater que les uns (les Zemmour ou Zemour) ont pu davantage prospérer quelques décennies que les autres (les Traoré). Tenter d’en déterminer les causes serait se hasarder : mettons qu’autres temps, autres mœurs, et qu’il fut une époque durant laquelle la police préférait observer plus lentement, et se gardait d’interpeller prématurément. Il se peut que d’autres facteurs aient pu entrer en ligne de compte, mais, ne m’étant pas penché sur le dossier Zemour frères, j’en ignore tout et ne suppute rien.

Je ne sais pas non plus si Mahamadou Fofana était ou non vraiment un cousin proche ou éloigné d’Adama Traoré. L’avocat de la famille Traoré assure qu’ils étaient cousins germains. Pour le moment, Me Yassine Bouzrou ne soutient pas que toute la famille élargie d’Adama Traoré faisait l’objet d’une surveillance particulière. TJours estt-il qu’il posait bien au bras d’Assa et Youssouf Traoré lors d’une manifestation publique en la mémoire d’Adama. Les voilà tous deux décrits bons maris, bons frères, bons pères, &c. L’une des ex-compagnes de Gilbert Zemour assure que ce dernier avait toutes les qualités. Était un bon père, &c. ElisabethBathory (la Hongroise princesse) ou Barbe bleue aimaient peut-être les chiens, moi aussi, et alors ?

Philippe Bilger ne tombe pas non plus dans l’amalgame mais relève qu’Éric Zemmour et les Traoré partageraient une « obsession de radicalité et de généralité » et une commune manière de concevoir « la guerre par les mots et l’attaque à outrance » (dans un billet de juillet dernier).

Pour en revenir au point de départ, poursuivre Zemmour pour des propos discutables portant sur des prénoms me semble ressortir du même battage médiatique. Je peux concevoir qu’Hapsatou Sy ait pu être sincèrement offusquée mais il y avait-il vraiment lieu de lancer une pétition contre « des messages incitant à la haine » et de porter plainte ? Prénommer son second enfant Isaac Haroun suffisait en matière de réplique.

Quant à Éric Zemmour, avant de s’emporter, il devrait peut-être se pondérer. Que dirait-il si un confrère sénégalais accusait un autre Sénégalais d’avoir prénommé son fils Léopold (comme Sédar Senghor) et lançait que c’est une insulte au Sénégal et aux peuples colonisés ? Faut-il se prénommer Diogoye (comme le père de Léopold Sédar) pour être un authentique Sénégalais ? Diogoye Senghor avait voulu honorer un ami et notable, Léopold Angrand, qui dénomma ses fils Armand-Pierre et Alexandre. Bon, Éric (on ne se connaît pas, mais il m’autorisera cette familiarité concitoyenne, limite confraternelle) me rétorquerait-il que c’est là un raisonnement de bric et de broc ? Ou de brik et de brok (en breton de La Villemarqué) ? Soit branquignol, en bon français de Molière (anachronisme ? je ne sais) présumé dérivé du provençal ou du lyonnais, c’est selon. Simuler la rabia (la rage en pataouète) au moindre prétexte pour mettre le jaleo (ou barouf), ce n’est pas très patos ou gavatcho, soit dit sans chicaya inutile.

Nous en sommes, sous prétexte à ne plus pratiquer la langue de bois, et aussi, il faut bien se l’avouer, par lassitude d’un politiquement correct trop envahissant, à ne plus mâcher ses mots, un peu trop parfois.

De manière mesurée et vraiment sans volonté polémique, j'estime qu'il serait bon qu’Éric Zemmour se remémore que les rapatriés, alors même que Ben Bella et consorts les faisaient massacrer, en masse à Oran, n’ont pas reçu de prime abord, le meilleur accueil en métropole. Certes, ce n’est pas pareil, assurément, l’intégration de plus d’un million de personnes fut facilitée, et ce, de part et d’autre. Mais certains propos du Gaston Defferre de l’époque ne l’ont pas honoré. Il s’en fallut de peu que les excès de langage de certains Français métropolitains l’emportent (souvenez-vous du slogan des dockers CGT : « les pieds-noirs à la mer »). Souvenez-vous, Éric, de ce que disait de Gaulle d’Edmond Jouhaud. Imaginez maintenant un tribun, un orateur de votre puissance s’emparant d’éléments de discours, les surmultipliant. Mettant tous les Zemour et Zemmour dans le même sac ou tonneau percé à larguer au large. Comment l’auriez-vous qualifié, en 1974, du temps de vos seize ans ? Auriez-vous dénoncé l’angélisme pro-rapatriés de ses contradicteurs ? Encore une fois, j’estime excessif de vous reprocher certaines (pas toutes) dérives de langagières. Je ne m’étends pas : kenavo, bon vent, bonne petite brise, prenez de l’âge, mûrissez du mieux possible. Pour qu’on ne finisse pas par penser, comme Riss dans Charlie : « Virginie Zemmour et Éric Despentes : les deux font la paire. ».

Philippe Bilger ne tombe pas non plus dans l’amalgame mais relève qu’Éric Zemmour et les Traoré partageraient une « obsession de radicalité et de généralité » et une commune manière de concevoir « la guerre par les mots et l’attaque à outrance » (dans un billet de juillet dernier).

Pour en revenir au point de départ, poursuivre Zemmour pour des propos discutables portant sur des prénoms me semble ressortir du même battage médiatique. Je peux concevoir qu’Hapsatou Sy ait pu être sincèrement offusquée mais il y avait-il vraiment lieu de lancer une pétition contre « des messages incitant à la haine » et de porter plainte ? Prénommer son second enfant Isaac Haroun, en hommage au Poussah de Goscinny, allez savoir) suffisait en matière de réplique.

Quant à Éric Zemmour, avant de s’emporter, il devrait peut-être se pondérer. Que dirait-il si un confrère sénégalais accusait un autre Sénégalais d’avoir prénommé son fils Léopold (comme Sédar Senghor) et lançait que c’est une insulte au Sénégal et aux peuples colonisés ? Faut-il se prénommer Diogoye (comme le père de Léopold Sédar) pour être un authentique Sénégalais ? Diogoye Senghor avait voulu honorer un ami rt notable, Léopold Angrand, qui dénomma ses fils Armand-Pierre et Alexandre. Bon, Éric (on ne se connaît pas, mais il m’autorisera cette familiarité concitoyenne) me rétorquerait-il que c’est là un raisonnement de bric et de broc ? Ou de brik et de brok (en breton de La Villemarqué) ? Soit branquignol, en bon français de Molière (anachronisme ? je ne sais) présumé dérivé du provençal ou du lyonnais, c’est selon. Simuler la rabia (la rage en pataouète) au moindre prétexte pour mettre le jaleo (ou barouf), ce n’est pas très patos ou gavatcho, soit dit sans chicaya inutile.

Nous en sommes, sous prétexte à ne plus pratiquer la langue de bois, et aussi, il faut bien se l’avouer, par lassitude d’un politiquement correct trop envahissant, à ne plus assez mâcher nos mots, un peu trop parfois, on se laisse emporter.

De manière mesurée et vraiment sans volonté polémique, il serait bon qu’Éric Zemmour se remémore que les rapatriés, alors même que Ben Bella et consorts les faisaient massacrer, en masse à Oran, n’ont pas reçu de prime abord, le meilleur accueil en métropole. Certes, ce n’est pas pareil, assurément, l’intégration de plus d’un million de personnes fut facilitée, et ce, de part et d’autre. Mais certains propos du Gaston Defferre de l’époque ne l’ont pas honoré. Il s’en fallut de peu que les excès de langage de certains Français métropolitains l’emportent (souvenez-vous du slogan des dockers CGT : « les pieds-noirs à la mer »). Souvenez-vous de ce que disait de Gaulle d’Edmond Jouhaud. Imaginez maintenant un tribun, un orateur de votre puissance s’emparant d’éléments de discours, les surmultipliant. Mettant tous les Zemour et Zemmour dans le même sac ou tonneau percé à larguer au large. Comment l’auriez-vous qualifié, en 1974, du temps de vos seize ans ? Auriez-vous dénoncé l’angélisme pro-rapatriés de ses contradicteurs ? Encore une fois, j’estime excessif de vous reprocher certaines (pas toutes) dérives de langagières. Je ne m’étends pas : kenavo, bon vent, bonne petite brise, prenez de l’âge, mûrissez du mieux possible. Pour qu’on ne finisse pas par penser, comme Riss dans Charlie : « Virginie Zemmour et Éric Despentes : les deux font la paire. ».

Trump va-t-il offrir Formose à la Chine ?

Une hypothèse peu loufoque de Rohan Silva

Rohan Silva, LSE, MIT, et chroniqueur pour The Evenening Standard est un garçon sympathique, propre sur lui, et nullement un complotiste. Son hypothèse sur l’issue chaotique des élections étasuniennes de novembre m’a frappée « au coin du bon sens ». Tout laisse penser que les démocrates et les républicains (enfin, plus précisément, la Trumpland) contesteront sans fin le résultat des élections de novembre. Et à qui cela pourrait-il profiter le plus ?

C’est peut-être parce que je relis les chroniques, lettres et carnets d’Orwell (Eric Blair), enfin, le troisième tome, celui de sa fin de vie, que je me suis senti très sensibilisé par la chronique de Rohan Silva dans l’Evening Standard, intitulée “China is the real threat if the American election is derailed this November”.

Bon, il n’exclut pas non plus que la Russie, la Corée du Nord, l’Iran, mais à mon humble avis aussi le Royaume-Uni, la Turquie, et tout pays sachant saisir l’opportunité du moment, le vent des occasions, saura tirer parti de ce qui semble prévisible, si ce n’est inéluctable. Soit que Trump, vainqueur en votes des grands électeurs ou perdant, s’accrochera à la Maison Blanche. Qu’il soit vainqueur en voix ou autrement importe peu, perdant de même. Il s’incrustera de toute façon, et si vainqueur, les démocrates cette fois, contesteront (ce que n’avais pas fait Al Gore face à Bush). Même réélu, Trump voudra absolument établir qu’il l’aura été magnifiquement et fera passer la politique intérieure, et sa gloriole, avant tout autre considération. Les démocrates, surtout s’ils se renforcent au Sénat, ne pourront que relever le gant.

Faute d’un coup d’État militaire (je sais, j’extrapole à fond), les États-Unis seront paralysés, l’aigle rivé sur son nombril (métaphore douteuse qu’aurait désavouée Buffon ; digression, sur Google, si vous cherchez Buffon, c’est Gianluigui Buffon, le joueur de balle au pied, qui remonte en premier, la cancel culture, elle se poursuit  et prolonge ainsi).

Rohan Silva n’est pas complotiste, mais il relève que la coronavirus a permis à la Chine de mettre au pas Hong Kong. C’est un fait. Même si tout le monde n’était pas en train de se tester, il en aurait peut-être été de même. Notez bien que je ne suis pas en train de vous soutenir que la Chine a créé le virus à Wuhan pour permettre à Erdogan de renforcer l’influence turque islamiste en Albanie, au Kosovo et en Bosnie, en attente de retour sur investissement. N’importe qui fait son beurre avec de telles inventions que n’importe quoi de bien tourné permet d’étayer : il suffit de le marteler sur YouTube et vous engrangez des retombées.


C’est laisser subodorer que 1984 était à la fois prémonitoire et dépassé par la réalité actuelle. Autre digression : Orwell, vieux mâle blanc, si vous le relisez bien, il y aura toujours un prétexte à trouver pour le rayer des listes, brûler Animal Farm et ses autres écrits. Il suffit de bien éplucher et de hurler plus fort. Ezra Pound et Yves Klein dans le même sac (mussolino-fasciste) jusqu’à ce qu’un futur Luc Ferry les réhabilite. Trump est en train de nous refaire les programmes scolaires étasuniens sur le modèle du Tour de la France par deux enfants (d’Augustine Fouillée) ou d’une Alsace-Lorraine à la Erckmann-Chatrian. Ne pas se boucher les yeux, les mêmes ressorts arrivent en France, les mêmes méthodes. Les mêmes tripatouillages historiographiques. Mais aux États-Unis, l'histoire est en marche avec Trump, l'homme qui prédit l'avenir et dont les prières sont exaucées (voir l'illustration).

Ce texte foutraque vous a fait perdre le fil ? Normal, moi aussi. Mais quand vous lisez Rohan Silva, vous comprenez un peu mieux pourquoi Jean-Pierre Chevènement (amicales salutations au passage) plaide  dans le Marianne de cette semaine un rapprochement entre l’U.E. et la Russie de Poutine. Aussi illusoire que l’Europe « de l’Atlantique à l’Oural », mais entre deux maux, il croit choisir le moindre. Soit l’oligarchie russe plutôt que la chinoise ? Il ne s’agit pas de lui faire un mauvais procès d’intentions, mais en fait, cela se résume à cela. Les États-Unis, avec leur révérend Trump-Moon vont aménager leur survie (Biden sera sans doute contraint à lui aussi faire de l’America First), et une Europe désunie se retrouverait à se mettre dans les bras non du mieux offrant, mais du moins pire-disant.

Pour prolonger le propos de Rohan Silva, nous en serions là. Spéculation hasardeuse que celle de Rohan Silva qui la présente d’ailleurs pour telle, ne prétend pas énoncer une probable prédiction. Sans mettre en cause sa perspicacité, j’en viens quand même à me demander si l’idée de sa chronique ne lui a pas été suggérée par un diplomate, et si diverses chancelleries ne se préoccupent pas d’une telle éventualité. Comme chacun sait, l’un des trucs et astuces de la communication consiste à sortir un machin servant de diversion pour l’opinion, le temps de faire passer l’essentiel comme surgi simultanément voire spontanément et tacitement faire tolérer un fait accompli. Le culot paye alors.

En prolongement de cet ordre d’idée, je me demande d’ailleurs si le coup de Boris Johnson sur le Brexit et l’Irlande du nord n’est pas d’ailleurs un bluff visant à faire fléchir l’U.E. sur les droits de pêche et la distorsion concurrentielle liée aux subventions destinées à attirer des entreprises étrangères et en conserver des britanniques bénéficiant de mesures de défiscalisation. Le Donald et le Bojo sont de fins manœuvriers, en particulier dans le recours aux grosses ficelles en mode éléphant républicain ou lion royaliste et unioniste dans un magasin de porcelaine.

L’hypothèse d’un passage en force d’une puissance profitant du tumulte découlant d’une élection étasunienne contestée est d’autant plus plausible que Trump a limogé des flopées de généraux, démantelé le FBI (son directeur, Christopher Wray, pourrait sauter), menace l’Onu, déstabilise l’Otan, et j’en passe. Et puis, si la Chine tentait un passage en force quelque part, ce serait en raison de la mollesse de Joe Biden, déjà accusé de favoriser les intérêts chinois, de propager la covid (si, si…) et de financer en sous-main les antifas incendiaires de Californie et de la côte Ouest. Regardez ce qu’ose la Chine, attisée par le mol ensuqué Biden sous psychotropes, il faut, clame Trump, que je reste à la Maison Blanche au moins deux mandats de plus. Eight, Twelve more Years.

Je ne veux pas augurer que Trump aurait déjà passé un accord avec Xi Jinping ou Kim Jong un dans la perspective d’une défaite électorale due au dénoncé par avance trucage démocrate des élections, car cela serait trop extrapoler à partir de ce que suggère Rohan Silva.  Mais je ne doute pas que ce dernier, sans oser l’écrire, pourrait l’en croire capable. La Trumpland est tout aussi persuadée que son Donald est capable de tout, et que Biden est un parfait incapable, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle adule le Donald. Lequel, réciproquement, est convaincu que ses partisans seraient capables de tout pour le maintenir en place. Cela n’a rien d’une fumeuse vision complotiste, mais Trump a fait le ménage, s’appuie résolument sur la secte QAnon. Trump veut faire élire Marjorie Taylor Greene (QAnon), en Géorgie, et on présume qu’il poussera un autre candidat QAnon en Floride ou en d’autres États.

Qu’importe que la secte QAnon dénonce un complot judaïque, les évangélistes, qui ne jurent que par Israël, les Juifs pour Trump, les Latinx, les femmes et les Afro-Américains pour Trump sont prêts à se fédérer sur le mode les ennemis de mes ennemis de l’État profond sont mes amis. Je ne touche pas le fond du complotisme en soutenant que le Donald se pose en Messie, en Sauveur, en Prophète, pas encore du rastafarian Jah pour l’instant, mais cela pourrait venir s’il lui semblait bon, en nouveau David. On comprend bien peu la Trumpland si on n’envisage pas que des Jews for Trump finiront par considérer qu’il y avait sans doute un fond de vérité dans Le Protocole des Sages de Sion. Que le Donald se croit ou non dans ces divers rôles de Mahdi importe peu, du moment qu’il pense que la Trumpland s’en persuade. Certes quand Trump a déclaré « Je suis l’Élu » (The Choosen One), il ne faisait allusion qu’au combat commercial contre la Chine. Mais la Trumpland le prend pour tel en tout domaine. Et tout lui est bon pour ancrer cette idée. Laquelle, souvenez-vous, fut reprise par Rick Perry et Mike Pompeo, ses si chrétiens apôtres (dépêche AFP de fin novembre 2019, « Trump a été choisi par Dieu »).

Le présupposé de Silva vaut ce qu’il vaut. Mais si Trump virait Mark Milley, le chef de l’état-major, et démantelait la direction du Pentagone, ce qui fut un temps envisagé, puis abandonné, ou plutôt reporté après la réélection dont il se dit assuré, tout peut sembler envisageable. Ne vous attendez à rien savoir de ma part, mais tentez de réaliser que tout type de cogitation de ce genre est sans doute moins fumeux que vous vous l’imaginez.

Car, plus sérieusement, — en vérité, en vérité —je vous parie que si la Chine, en novembre, envahissait Taïwan, la Trumpland serait persuadée que Dieu l’aura voulu, la Chine ayant eu recours à la complicité de Judas-Biden-Belzébuth. Lequel comme l’a proclamé Trump « est contre Dieu », mais néanmoins son dévoyé instrument. Si les volontés divines sont impénétrables, celles de son envoyé, le Donald, sont limpides : que son règne perdure au plus haut du Capitole. 

vendredi 18 septembre 2020

Aux fourneaux pour l’âtre de Fornax

 

Agir pour maintenir Guntenberg & Cie en ses lieux


Pour une fois inaccoutumée, je viens de signer des dix doigts une pétition. Laquelle vise à maintenir l’ami Christian Laucou (éditeur-typographe) et Catherine Chauvel (relieuse), en leur local de la Cour des industries, ex écurie des mousquetaires, de la rue de Montreuil, à Paris.

J’avais visité les locaux de Fornax et de Gutenberg & Cie, au 37 bis, rue de Montreuil (xie ar.), à je ne sais plus quelle culturelle occasion se clôturant, comme il se devait, par un ala (À la santé du confrère, abrégé en ala, peut-être pour ne pas aller piocher dans la casse une capitale accentuée). Je fus impressionné par le lieu, l’abondance, la qualité de ses équipements typographiques. Tout le monde le serait mais j’avais quelques notoires éléments de comparaison à travers l’Europe. Mais à la différence d’espaces muséaux, c’est un lieu de vie et de production. À l’instar d’espaces muséaux, c’est aussi un lieu de formations, animations, &c. Vous trouverez un aperçu sur le site Fornax. J’avoue moins bien connaître l’atelier de reliure de Chaterine Chauvel, Meilleure ouvrière de France, qui excelle tant dans les créations traditionnelles que contemporaines. J’ai cru aussi comprendre, en visitant son site, qu’elle était aussi papetière à l’occasion. Quant à Gutenberg & cie, qui propose des formations pour adultes et des animations pour jeune public, c’est un organisme qui associe les sus-dits à des partenaires et intervenants à l’occasion.

Or donc, alerté par la Liste typographique francophone de l’existence de la pétition sur change.org, j’ai craint, dans un premier temps, que la Semaest se livrait à une opération immobilière d’envergure sur l’ensemble de la cour. Je redoutais donc que d’autres praticien·n·es des métiers du Livre, comme David Laranjeira ou les éditions R.L.D., logés à même adresse, le soient aussi à même enseigne (d’huissier signifiant congé). Sans parler des dizaines d’autres artisans et artistes. L’adresse est une ruche, une pépinière, chargée d’histoire(s) — la facilité d’un lieu commun ou topique élimé ne fera pas reculer, je la confronte résolument — entrecroisées, que l’onglet historique du site gagnerait à développer.


Il se trouve que non, le lieu restauré ne sera pas détruit, enseveli, reconverti en centre commercial et d’activités plus mercantiles permettant de rehausser droits d’entrée et loyers. Seuls, Chauvel et Laucou seraient, pour le moment, visés. D’une part, selon eux, parce qu’ils auraient fait du raou(l)t à propos de travaux de rénovation inadéquats de 2010-2016, et que leur local serait plus intéressant que d’autres. Je sais, j’aurais du m’enquérir de la version de la Semaest. Si je revenais sur la question, je le ferai (et à l’heure où tout le monde s’improvise journaliste, je ne vous incite pas à harceler les employé·e·s de cet organisme). Son droit de réplique sera le bienvenu le cas échéant.

Qu’il soit admis que, de bonne foi, je ne cherche pas à polémiquer. Je tiens juste à souligner que Chauvel et Laucou ont investi les lieux depuis 1998 et qu’ils ont développé de nombreuses synergies avec les autres artisans et artistes résidents. Ces synergies me semblent mériter d’être préservées, prolongées.

Par ailleurs, depuis la liquidation de l’Imprimerie nationale pour favoriser une opération immobilière complexe (litote), et la relocalisation de son Atelier du livre d’art et de l’estampe à Flers-en-Escrebieux, que reste-t-il du patrimoine typographique à Paris ?

c’est aussi pourquoi l’AEPM (Association of European Printing Museums) a répercuté sur son site le texte de la pétition.

J’apprends par ailleurs que l’hebdomadaire Le Démocrate de l’Aisne bénéficie, à Vervins, d’un sursis ; « Toujours d’aplomb » a titré judicieusement Le Courrier Picard. Un titre qui fut distingué par l’Unesco en 2017. Cela n’aurait pas été possible sans une forte mobilisation. Et le devenir du titre reste fragile.

Sauver, c’est bien, préserver, ne pas détruire, ne pas disperser, c’est mieux. Pour mieux vous rendre compte de l’enjeu, je vous convie à consulter les photos de l’atelier typo. J’attire votre attention sur l’entrée « Réemménagement dans l’atelier d'origine » (dérouler la page). Je n’en conclurai pas que la suite, soit le non-renouvellement de bail, fut préméditée. Il peut s’agir de dysfonctionnements non imputables à la Semaest, au moins en tant que telle.

L’important n’est pas de gloser sur le passé, mais d’imposer une solution, si possible durable.

samedi 12 septembre 2020

Pauline Harmange déteste les hommes, pourquoi pas ?

 Le féminisme mercatique trouve sa voie (ou sa voix)

Or donc Moi les hommes, je les déteste, de Pauline Harmange est passé de Monstrograph éds au Seuil. Maison beaucoup plus armée pour négocier les droits de traduction. Tant mieux pour l’auteure (oh, zut, elle emploie autrice). Aussi use-t-elle de  l’écriture inclusive à l’aide du point médian, ce qui donne créateur·rice·s. Eh bien, si je soutiens Charlie Hebdo qui se gausse des religions, pourquoi ne pas faire un peu de Barnum afin de populariser Pauline qui a pourtant « tant de mal à parler d’elle-même ».


Fini, le féminisme à la mamma. On n’investit plus les syndicats, les partis politiques (le PSU d’Huguette Bouchardeau fut un temps en pointe), l’associatif, le temps est venu du repli entre communicantes, mais en investissant la sphère médiatique. Bien, les deux ne sont pas antinomiques, les démarches non dirimantes.

J’avais bien vu qu’un fonctionnaire du ministère délégué à l’Égalité femmes-hommes voulait engager des poursuites pénales contre l’éditeur initial. Oh, bof. Non pas que, sur le principe, je désapprouve. Qui n’est pas copieusement la cible d’attaques sur les réseaux sociaux n’existe pratiquement plus, donc, oui, je ne désapprouve pas. J’attends les accusations de masculinisme. Dont je ne nie pas non plus la réalité (exacerbée aux États-Unis, et qui ne tardera pas à se répercuter en Europe : au plus grand bénéfice en renommée et notoriété des féministes plus récente vague). L’ai-je bien descendu, l’escalier de l’ignominie ?

Un temps, je fréquentais de près (pas comme Sacha Guitry), mais plus professionnellement pour la rubrique Femmes de Politique Hebdo, puis celle de Martine Storti dans Libération. Sous mon patronyme, puis, celui de Loïc Guillard (il m’avait été suggéré d’utiliser un alias, mon patronyme produisant un effet cocasse, me fit-on valoir). Je confortais aussi mon ex-épouse dans son action militante (Yvettte Roudy lui confia un poste régional). Puis, bof : je me suis pourtant abstenu de me prononcer sur la chasse aux postes et aux subventions des féministes sachant se hausser du col (claudine ou autre).

Rigolo, sur son blogue-notes, Pauline Harmange pose de dos. Pas dans The Guardian et tant d’autres sites depuis qu’elle assure la promotion de son livre. Parfois avec des scories, comme lorsqu’elle se déclare « bisexuelle refoulée ». Attention à ne pas se mettre à dos le lectorat des camionneuses pas trop misandres. Je luis suis en tout cas gré d’employer « retour du bâton » et non backlash.

Je n’ai jamais rencontré de lesbiennes misandres. Pas même celles, accompagnées de chiens de défense ou d’attaque qui se rendaient au domicile des femmes battues. Elles agissaient, mais à présent, les nouvelles féministes causent (on ne sait pas si la végétarienne Pauline Harmange ne fume pas, ne boit pas, ne drague pas, comme pour le titre du film de Michel Audiard de 1970). Je m’en balance. J’imagine qu’elle en dira davantage chez Hanouna. Un grand moment mercatique dont je me dispenserai.

Que l’auteure défende la misandrie, adelphique ou non, grand bien lui fasse. On se construit comme on peut, et en fonction des ventes, on peut toujours se reconstruire (Un Finalement, j’adore les hommes, par l’auteure de I Hate Men, sera du meilleur profit d’ici quelques années). La cancel culture, c’’est réversible. Les mêmes indigénistes nous vanteront les reines africaines esclavagistes quand le marché sera mûr.

On en vient au point au Émilie du Châtelet et d’autres figures du féminisme ne seront plus mentionnées car pas assez misandres. Louise Michel, trop blanquiste ! Simone Adolphine Weil, trop humaniste !

Sur son blogue, l’auteure conclut une entrée par « la vie, grande farceuse, exige qu’on la traite avec légèreté parce qu’inexorablement, elle continue ». Admettons. Il n’empêche qu’être farceuse ou farceur n’empêche pas de se sentir responsable. Certes, Harmange si situe loin de Valerie Solanas et de son Scum manifesto, mais je crains que le fameux « retour du bâton », du fait de la misogynie d’hommes et de femmes (oui, des femmes sont aussi misogynes), finisse par s’emparer, plus du titre que du livre (que les misogynes se dispenseront de lire), pour parvenir à leurs fins.

On me rétorquera que si les suffragettes s’étaient contentées de jeter des pétales de fleurs, le vote des femmes aurait attendu davantage. Objection recevable. Mais au moment où l’autoritarisme reconquiert du terrain (Trump, les Gilets jaunes ayant évincé toute figure féminine, les appareils d’État…), je veux bien concevoir qu’un titre comme Misandrie, voilà pourquoi, se serait moins vendu qu’un I Hate Men. Mais il serait bon de se souvenir qu’en matière de mercantilisme, hommes et femmes réunis (j ai cru comprendre que Pauline Harmange était rédactrice publicitaire indépendante, « vantant les mérites d’un produit, contractant des partenariats avec les marques », certes « éthique », et influenceuse) auront le dessus. Elle se situe « dans un écosystème de prescription, de recommandation et de consommation ». Désolé, mais les féministes à l’ancienne ne vantaient pas les couches-culottes éco-responsables issues de productions soucieuses du développement durable.

Je n’irai pas jusqu’à soutenir qu’une businesswoman ne déteste pas tant ses partenaires businessmen, mais j’émets quelques présupposés hasardeux.

samedi 5 septembre 2020

Oregon : l’antifa de Portland abattu

 

Un procès promptement évité

Michael Reinoehl, qui avait tué, semble-t-il, le « Patriote chrétien », Danielson à Portland, a été abattu par la police à Washington. Bonne nouvelle : aucun autre civil ni aucun policier n’est mort dans la fusillade déclenchée par la police.


C’est bien un déluge de feu (au moins une cinquantaine de coups tirés par la police) qui a fait taire Michael Reinhoehl, lequel se déclarait antifa et avait estimé avoir agi à Portland en état de légitime défense (lors d’un entretien avec Vice News). On peut effectivement considérer que cette déclaration vaut aveu d’avoir tiré sur Danielson, membre ou sympathisant du groupe Patriot Prayer.

Danielson avait aussitôt été présenté tel un remarquable Américain pacifique, un homme de bien, quasiment un bienheureux. Un homme compassionnel, comme l’ont décrit ses amis. Il n’en reste pas moins que l’enquête a déterminé qu’il était armé non seulement d’un pulvérisateur capable de neutraliser des ours, d’une matraque télescopique, et d’un pistolet automatique chargé et d’un chargeur de munitions. L’un des témoins de la scène, qui l’avait enregistrée avec une caméra, avait d’ailleurs déclaré que Danielson avait porté la main à sa ceinture. Il semble que Reinhoel ait tiré deux coups, l’un faisant éclater l'aérosol, l’autre ayant atteint Danielson dans le dos. La police, selon la vidéo et des témoignages de secouristes, avait sécurisé la scène, écartant les secouristes, et le légiste survenu par après n’avait pu que constater le décès de la victime.

L’Oregonian a enquêté sur l’embuscade du secteur de Lacey, à Washington, au cours de laquelle Reinoehl a été abattu. Il se trouvait sur un parc de stationnement, parmi de nombreux civils (comme en témoigne une photo montrant Reinoehl devant son véhicule). Un témoin a décrit « les enfants et les familles courant pour sauve leurs vies ». Au moins quatre policiers ont tiré une cinquantaine de balles, réussissant à ne pas s’entretuer. Reineohl fut atteint de plusieurs balles, apparemment une demi-douzaine, mais le légiste s’est refusé à en confirmer le nombre.

Le procureur général William Barr, très proche de Trump, s’est empressé d’estimer que force était restée à la loi et que, désormais, Portland était un peu plus paisible. « Les rues de nos villes sont plus sûres depuis que cet agitateur violent a été éliminé », a-t-il déclaré.

La sœur de Reinhoel, qui avait reçu d’anonymes menaces de mort la visant elle et tous les siens, n’a pas condamné l’action de la police et appelé à l’apaisement, elle a recueilli la nièce de 11 ans de son frère, dont le fils aîné, àgé de 17 ans, semble avoir fui la ville, voire l’Oregon.

La police a attendu que Reinoehl soit monté dans sa voiture pour ouvrir le feu sur son véhicule et il a été tué dès qu’il en fut descendu. La police du comté de Thruston, chargée de l’enquête sur l’intervention, n’a pas indiqué si Reinoehl était armé ou aurait tenté de riposter.

Donald Trump avait incité la police à agir contre Reinoehl au plus vite : « tout le monde sait qui est ce bandit », commentait-il. Vœu exaucé.

jeudi 3 septembre 2020

Valentin Gendrot et la police : confirmations, approximations

 Des limites du livre-témoignage brut

Je vous en parle sans avoir déjà lu Police (Goutte d’or éditeur), mais comme il existe une version numérique peu chère, je vous en entretiendrai de nouveau sans doute. Histoire de confirmer ou infirmer mon présupposé : un témoignage brut ne peut être que parcellaire.


Il est bien présomptueux de reprocher à Valentin Gendrot d’être resté au ras des pâquerettes. Soit au récit d’une formation bâclée dans un centre de province et de six mois d’observation au sein d’un commissariat d’arrondissement parisien. C’est du grand reportage, à la, mettons Florence Aubenas mode Quai de Ouistreham (six mois au coude à coude des précaires). Chapeau, donc. Avec un handicap pour Gendrot : tenter de prendre contact avec des collègues d’autres commissariats, de sonder la hiérarchie, d’élargir son terrain d’enquête l’exposait à se brûler rapidement. Soit il restait infiltré et il n’encourrait pas la vindicte d’autres policiers, soit… comme il l’explique, il risquait de se retrouver au placard et en butte à l’hostilité, aux brimades.

Ce qu’il ressort de la revue de presse et des quelques entretiens donnés par l’auteur, c’est qu’un jeune flic ne peut que devenir flic à part entière ou démissionner. D’ailleurs, il se défend d’avoir écrit un livre « anti-flic », et même on peut deviner qu’il s’agit plutôt d’un livre pro-flics décents.

Mais il confirme que, comme il l’a fait lui-même, les décents sont rapidement contaminés, couvrent non pas seulement les bavures, mais les exactions délibérées des collègues, et que la hiérarchie, ne voulant pas d’histoires ou compromettre son avancement, tolère quasiment tout comportement limite. Cela confirme les conclusions des diverses études sociologiques.

On a l’impression que seuls les « bâtards », ainsi désignent les policiers xénophobes) tous ceux sur lesquels ils se sentent libres de frapper, tous étrangers ou « bronzés » au sens large, font l’objet de menées contraires au code de déontologie. Rien n’est plus faux globalement. À moins d’être magistrat ou avocat ou de faire valoir une preuve indubitable de sa proximité avec le pouvoir, tout justiciable (c’est-à-dire pratiquement tout le monde) peut se retrouver provoqué puis poursuivi pour outrage. Mais dans le doute face à un bon Français « indigène », né en France de parents Français et blancs, simple contrevenant ou délinquant, les méthodes, par précaution, sont plus subtiles. C’est, par exemple, serrer les pinces à fond pour faire mal, mais de façon à ce que les traces ne puissent pas entraîner un constat médical qui, dans la plupart des cas, ne sera pas immédiat.

De son expérience d’une formation superficielle dans un centre régional, Gendrot déduit que n’importe qui peut devenir policier. Par cette voie, peut-être. Mais pour intégrer une école de police, formant des gardiens de la paix, ce n’est pas le cas : mieux vaut ne pas être trop diplômé et ne pas trop briller à l’écrit, être plus proche de 17 ans que du maximum (35 ans). Le tri est sévère pour éliminer les éventuels potentiels gêneurs.

Légère digression. En Espagne, on n’intègre plus une école de police si on n’a pas obtenu 62 bonnes réponses sur cent à l’épreuve d’orthographe. Que les nuls en orthographe ne désespèrent pas, cela ne durera pas.

Le livre est aussi un plaidoyer pour accorder des moyens décents aux policiers décents (dont les autres pourraient bénéficier, ce qui les apaiserait peut-être). Il est certain qu’entre les locaux et les véhicules des séries télévisées policières et le réel, l’écart est considérable. Mais une série policière qui ne bénéficierait pas de la sympathie de la hiérarchie ne durerait pas plus que quelques épisodes. Une bonne série policière doit donner une impression globale favorable de la police et de la gendarmerie.

En revanche, le mérite d’un tel témoignage brut est d’être difficilement réfutable, d’autant que l’auteur n’en est pas à sa première infiltration

Ce livre apporte beaucoup de confirmations. Et prolonge ce que décrivaient déjà les romans noirs d’Hugues Pagan, ancien policier et auteur (trop) franc, sincère. En réalité, pratiquement tout le monde savait déjà ce qu’il en était. Plus significatif me semble ce que l’éditeur en dit sur son site. Il avait été envisagé d’imprimer le livre à l’étranger (ce fut en Slovénie), d’en assurer la promotion auprès de relais d’opinion « dans le huis-clos du cabinet » d’un avocat.

Ce livre a déjà retenu l’attention à l’étranger (The Guardian, RTBF, Tribune de Genève, El Mundo, etc.).

Ce qui devient grave, c’est que, du fait d’une minorité, la majorité de la population devient appréhensive si elle doit frayer avec la police, en tant que témoin ou plaignant, s’attendant à être systématiquement toisée et intimidée. Il subsiste  pourtant des policiers faisant preuve d’écoute et d’une forte aménité.

À l’inverse, nombre de policiers sont quotidiennement insultés et confrontés à des attitudes provocantes de la part d’une minorité. Et certains policiers, sachant ce que subissent leurs collègues, en viennent à exprimer systématiquement un ressentiment à l’égard de populations assimilées hâtivement à ceux qui s’en prennent à leurs collègues. La tolérance de la majorité envers les écarts de comportements de certains en découle.

Ce qui est rassurant c’est qu’en découvrant les dépêches de l’AFP, largement reprises, le ministère a incité la préfecture de police à saisir l’inspection générale et alerté le parquet. Et pour une fois, le communiqué de la préfecture ne tente pas d’induire que les faits rapportés  (qualifiés « d’allégués » cependant) soient d’emblée dénués de tout fondement ou fortement exagérés.  Pour le moment, les syndicats de police n’ont pas réagi. Mais, pour donner l’ambiance du côté de France Police, il est réclamé, après le meurtre d’un policier au Mans, que policiers et gendarmes soient autorisés à ouvrir le feu en cas de refus d’obtempérer. Quant à Synergie officiers, ce syndicat définit les violences policières de « délit imaginaire caractérisé par les tribunaux médiatiques ». Quant au SICP-SCPN, qui appelle à manifester le 2 octobre, il dénonce la « mise en cause – systématique, médiatique et politique – de notre action au moindre incident. ». C’est mal parti pour la réception de ce livre.

Parmi les entretiens accordés par l’auteur, le plus significatif (je n’ai pas eu accès à celui de Mediapart) est le fait du site RTL belge. Ce n’est pas un hasard : les journalistes belges ont rarement à faire avec la police française et ne risquent pas des mesures de rétorsion.

Sur Twitter, une policière, Juliette Alpha, auteure de Vis ma vie de flic (Hugo Doc éd.), pose une question pertinente : «  est-ce que Valentin Gendrot a le recul nécessaire, avec seulement six mois dans une brigade,pour comprendre comment tous ces facteurs peuvent nous changer ? ». La question induit la réponse. Mais faudrait-il cinq à six ans pour un policier infiltré dans un gang d’une cité pour saisir, à défaut de comprendre, de quoi il en retourne ?

La version papier du livre était déjà, en soirée, en rupture de stock sur divers sites. Faut-il y voir un indice de l’évolution de la perception d’une partie de la police par une large partie de la population ? Un tantinet sans doute même si hors des agglomérations, la police reste très majoritairement respectée et appréciée. Ce que reflètent d’ailleurs les propos de l’auteur, pour le moins mesurés. Je ne doute d’ailleurs pas que le commissariat de son arrondissement reçoive aussi des félicitations méritées de la part des habitants. Un couple d’amis qui y résidait a fini par se réfugier en petite province, las des incivilités, des dégradations gratuites subies par son véhicule (une 4 L Renault). Des gens pas, ou plutôt plus choqués que des (et non les) policiers emploient parfois des méthodes « musclées ». Sans toutefois dénier qu’elles puissent exacerber des frictions, des tensions. Et cet engrenage mérite d’être pointé du doigt. Même, comme peuvent l’estimer certains policiers, maladroitement et cavantage à charge qu’à décharge.

Un fonctionnaire de l’Intérieur répondait à Juliette Alpha : « je n’ai rien contre un peu de justice expresse de rue, mais ce qui a l’air d’être décrit dans le bouquin est intolérable. Parce que cele arrive, mais surtout parce qu’il n’y a pas de sanctions. ». Mais, il y a des sanctions, contre les policiers dénonçant l’intolérable. On n’a pas oublié le sort fait au policier syndicaliste Alexandre Langlois de Vigi. Lequel syndicat dénonce « le racisme cautionné et encouragé dès l’école de police » (celle de Nïmes).