vendredi 18 septembre 2020

Aux fourneaux pour l’âtre de Fornax

 

Agir pour maintenir Guntenberg & Cie en ses lieux


Pour une fois inaccoutumée, je viens de signer des dix doigts une pétition. Laquelle vise à maintenir l’ami Christian Laucou (éditeur-typographe) et Catherine Chauvel (relieuse), en leur local de la Cour des industries, ex écurie des mousquetaires, de la rue de Montreuil, à Paris.

J’avais visité les locaux de Fornax et de Gutenberg & Cie, au 37 bis, rue de Montreuil (xie ar.), à je ne sais plus quelle culturelle occasion se clôturant, comme il se devait, par un ala (À la santé du confrère, abrégé en ala, peut-être pour ne pas aller piocher dans la casse une capitale accentuée). Je fus impressionné par le lieu, l’abondance, la qualité de ses équipements typographiques. Tout le monde le serait mais j’avais quelques notoires éléments de comparaison à travers l’Europe. Mais à la différence d’espaces muséaux, c’est un lieu de vie et de production. À l’instar d’espaces muséaux, c’est aussi un lieu de formations, animations, &c. Vous trouverez un aperçu sur le site Fornax. J’avoue moins bien connaître l’atelier de reliure de Chaterine Chauvel, Meilleure ouvrière de France, qui excelle tant dans les créations traditionnelles que contemporaines. J’ai cru aussi comprendre, en visitant son site, qu’elle était aussi papetière à l’occasion. Quant à Gutenberg & cie, qui propose des formations pour adultes et des animations pour jeune public, c’est un organisme qui associe les sus-dits à des partenaires et intervenants à l’occasion.

Or donc, alerté par la Liste typographique francophone de l’existence de la pétition sur change.org, j’ai craint, dans un premier temps, que la Semaest se livrait à une opération immobilière d’envergure sur l’ensemble de la cour. Je redoutais donc que d’autres praticien·n·es des métiers du Livre, comme David Laranjeira ou les éditions R.L.D., logés à même adresse, le soient aussi à même enseigne (d’huissier signifiant congé). Sans parler des dizaines d’autres artisans et artistes. L’adresse est une ruche, une pépinière, chargée d’histoire(s) — la facilité d’un lieu commun ou topique élimé ne fera pas reculer, je la confronte résolument — entrecroisées, que l’onglet historique du site gagnerait à développer.


Il se trouve que non, le lieu restauré ne sera pas détruit, enseveli, reconverti en centre commercial et d’activités plus mercantiles permettant de rehausser droits d’entrée et loyers. Seuls, Chauvel et Laucou seraient, pour le moment, visés. D’une part, selon eux, parce qu’ils auraient fait du raou(l)t à propos de travaux de rénovation inadéquats de 2010-2016, et que leur local serait plus intéressant que d’autres. Je sais, j’aurais du m’enquérir de la version de la Semaest. Si je revenais sur la question, je le ferai (et à l’heure où tout le monde s’improvise journaliste, je ne vous incite pas à harceler les employé·e·s de cet organisme). Son droit de réplique sera le bienvenu le cas échéant.

Qu’il soit admis que, de bonne foi, je ne cherche pas à polémiquer. Je tiens juste à souligner que Chauvel et Laucou ont investi les lieux depuis 1998 et qu’ils ont développé de nombreuses synergies avec les autres artisans et artistes résidents. Ces synergies me semblent mériter d’être préservées, prolongées.

Par ailleurs, depuis la liquidation de l’Imprimerie nationale pour favoriser une opération immobilière complexe (litote), et la relocalisation de son Atelier du livre d’art et de l’estampe à Flers-en-Escrebieux, que reste-t-il du patrimoine typographique à Paris ?

c’est aussi pourquoi l’AEPM (Association of European Printing Museums) a répercuté sur son site le texte de la pétition.

J’apprends par ailleurs que l’hebdomadaire Le Démocrate de l’Aisne bénéficie, à Vervins, d’un sursis ; « Toujours d’aplomb » a titré judicieusement Le Courrier Picard. Un titre qui fut distingué par l’Unesco en 2017. Cela n’aurait pas été possible sans une forte mobilisation. Et le devenir du titre reste fragile.

Sauver, c’est bien, préserver, ne pas détruire, ne pas disperser, c’est mieux. Pour mieux vous rendre compte de l’enjeu, je vous convie à consulter les photos de l’atelier typo. J’attire votre attention sur l’entrée « Réemménagement dans l’atelier d'origine » (dérouler la page). Je n’en conclurai pas que la suite, soit le non-renouvellement de bail, fut préméditée. Il peut s’agir de dysfonctionnements non imputables à la Semaest, au moins en tant que telle.

L’important n’est pas de gloser sur le passé, mais d’imposer une solution, si possible durable.

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