L’élue de Ttrump (« élu par Dieu »), un choix électoral
Pas
davantage quElysstal, Joan Walsh ou d’autres journalistes de The Nation, je ne
vais comparer la secte catholique intégriste à laquelle se rattache Amy Coney
Barret, People of Praise, de la secte familiale de Xavier Dupont de Ligonnès, l’Église
de Philadelphie, en dépit de similitudes. En revanche, pointer que la
nomination de “Notorious Barrett” est d’abord un argument de campagne électorale
à court terme de Trump me semble valoir d’être relevé.
J’ai benné, poubellisé une précédente contribution, développant, par des exemples précis, la chronique de Pierre Lellouche dans Marianne « L’élection du chaos », qui emploie l’expression « guerre civile larvée ». Je développais pourquoi deux amis de longue date, Chuck et Donna, de Placerville (Californie du nord, proche du Nevada), envisageaient de s’installer en Europe (Espagne ou Bretagne) en cas de réélection de Donald Trump. Mais bon, hormis cet exemple personnel, un peu tout le reste est plus ou moins relayé par la presse française, alors, bof.
Mais c’est
dans ce contexte qu’il faut envisager la nomination à la Cour suprême d’Amy
Coney Barret, non pas, comme la presse française le souligne, dans la
perspective d’un Trump voulant s’accrocher (“Twelve more years” à la Maison
blanche), ou dans celle des révocations des lois sur l’avortement ou l’Obamacare.
Ami Coney Barret est avant tout un argument électoral à court terme, un élément
de sa campagne immédiate.
Je ne
cherche pas à rapprocher sous l’angle théologique People of Praise et l’Église
de Philadelphie, dite « Le Jardin », de Xavier Dupont de Ligonnès. Ce
sont deux mouvements charismatiques cherchant à ratisser large. Mais aussi deux
mouvements familiaux. Amy C. Barret et son mari, qui se sont connus à l’Université
Notre-Dame (un temps jumelées avec la Catho d’Angers, ce qui me valut d’aller retrouver
des amis sur le campus de Notre-Dame), sont tous deux des enfants de fondateurs
de People of Praise. Des gens bien « rodés » et sur lesquels Trump
peut durablement compter.
Sans doute
surtout de parfaits hypocrites. Par exemple, opposée à la peine capitale, Amy Barret
incite les magistrats partageant cette opinion à se récuser, ne pas siéger. Il
ne lui est pas venu à l’esprit d’inciter les magistrats favorables à la peine
de mort de faire de même. Autant laisser le champ libre à ces derniers.
Mais l’essentiel,
pour Trump, c’est de provoquer les démocrates afin qu’ils s’opposent le plus
fermement possible à cette nomination, si possible de manière outrancière. C’est
d’ailleurs ce que les chroniqueurs de The Nation (aussi catholiques de
formation qu’Amy Barrett) redoutent. Soit que les démocrates se focalisent sur
l’appartenance religieuse de la future juge suprême.
Que désire
Trump, exactement cela, afin que marteler que les démocrates sont des athées, « contre
Dieu », voulant détruire les valeurs familiales, imposer une éducation areligieuse
aux enfants, désireux de mettre fin aux libertés de culte, persécutant le
clergé comme aux temps du stalinisme et de Mao. Plus les démocrates protesteront,
plus il les comparera à des séides de Castro et de Maduro (qu’importe que la religion
catholique soit tolérée à Cuba ou au Venezuela ou que Maduro favorise une
partie du clergé catholique). Nous avions, en France, des plénipotentiaires
pour les Pôles (et les pinguins). Les États-Unis ont Sam Brownback, ambassadeur
extraordinaire pour la liberté religieuse internationale.
Bref,
Trump est pro-Dieu, et cette nomination le proclame, partant ses opposants sont
contre Dieu. Cela peut même aller plus loin, les Barrett ont adopté deux
enfants haïtiens créoles. Si on les critique, c’est qu’on est raciste, en dépit
de dénégations.
Ttump,
pour cette nomination, avait d’autres choix, dont des personnes dites de
couleur. La nomination de Barbara Lagoa, d’origine cubaine, aurait sans doute
valu à Trump des voix de Latinx, mais elle ne s’est pas affirmée résolument pro-life
et contre l’avortement, contrairement à Amy Barrett. En fait, Trump mise
sur le cœur de sa base, nationaliste blanche et évangéliste. Un candidat juif,
comme David Stras, était aussi envisageable. Trump a choisi une candidate « plus
blanche que blanche » et surtout plus portée à réaliser le coup de lessive
législatif réclamé par les évangélistes.
Trump s’appuie
sur une base galvanisée, très physiquement présente dans chaque voisinage ou
presque, et intimidante. Voire dissuasive. Ses partisans tentent aussi de
retourner les arguments des démocrates sur la réponse face au covid en jouant
sur l’exaspération due au confinement. On pourrait aussi penser que sa volonté
affichée de contester les résultats d’une élection lui étant défavorable lui coûtera
des voix. Le message est en fait « c’est
plié », plus la peine d’aller voter, de voter par correspondance,
abstenez-vous, quoi qu’il advienne, voter contre moi ne servira à rien.
Trump est persuadé que rien, aucun fait ne fera fléchir la détermination de sa base, persuadée que tout argument démocrate est une fausse nouvelle fabriquée par les médias de l’état profond. La campagne de Trump mise sur la peur du voisin et de la voisine. Et quand la voisine semble aussi propre sur elle et décente qu’une Amy Barrett, oui, il y a de quoi être effrayé. Élue par Trump qui s'est déclaré l'élu de Dieu (vous pouvez vérifier), on peut s'attendre à l'entendre inciter à prendre les armes pour assurer que son prophète (Trump) sauve l'Amérique. Exagération de ma part ? Mes amis californiens veulent encore le croire. Ils n'en croisent pas moins leurs doigts.
Bravo Jef, encore une fois un travail bien documenté et une plume précise !
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