mardi 6 août 2019

Brexit & immobilier : l’Écosse concurrence la France !

Immobilier : la parabole du coq et du chardon...

Fargniers (à g.) en Picardie, Lockerbie (à d.), Dumfries & Galloway
La first minister écossaise, Nicola Sturgeon invite les Anglais à venir s’établir de son côté du border pour échapper aux conséquences d’un no-deal Brexit. Notaires et agents immobiliers français doivent-ils s’alarmer ? Le chardon sera-t-il dur à digérer ?
Dans un entretien avec John Harris, du Guardian, Nicola Sturgeon a lancé un appel aux Anglais… Vous craignez les conséquences d’un Brexit sans accord le jour d’Halloween, le 31 octobre ? “Move to Scotland!”.
Nan, sérieusement insiste John Harris… « Nous avons besoin d’augmenter la population écossaise. Absolument : venez en Écosse. ».
Et implicitement, venez voter pour l’indépendance de l’Écosse lors du prochain référendum qui pourrait avoir lieu fin 2020 ou début 2021… Lequel, selon le dernier sondage en date, pourrait donner une majorité de 52 % pour la sortie du Royaume-Uni.
Mauvaise nouvelle pour les agences immobilières et les notaires du continent ? Et de la France en particulier ?
On peut distinguer trois types de Britanniques quittant le Royaume-Uni pour venir s’installer sur le continent… Les professionnels salariés ou indépendants ayant soupesé le pour et le contre de rester de l’autre côté de la Manche. Des retraités ou des entrepreneurs (artisans, propriétaires d’un gîte, artistes, &c.) s’établissant durablement, ayant opté pour un meilleur climat, le retour à la nature, un moindre coût de scolarité de leurs enfants, et de multiples autres raisons (dont 400 000 prédécesseurs, de la presse locale anglophone, des pubs diffusant les rencontres d'Arsenal...). Enfin, les résidents secondaires (600 000 environ), et dans une moindre mesure, des investisseurs.
Le Brexit change la donne… On constate des phénomènes de précaution, contrecarrés ou amplifiés par l’estimation des conséquences du Brexit, dont l’affaiblissement de la livre sterling. La livre tend vers la parité avec l’euro (ce jour, elle ne vaut plus que 1,08 euro, contre encore 1,12 en mai dernier). D’où la recherche d’implantation en des régions autrefois peu prisées par les Britanniques (Normandie, Bretagne, Saumurois, Dordogne, Lubéron, Toulouse, Montpellier, &c., avaient leur préférence). Mais où le coût d’accession à la propriété, surtout s’il s’agit d’un achat de précaution, soit d’une résidence secondaire qui pourrait devenir principale « au cas où », reste abordable.
Le déduire du seul exemple dont je dispose est certes plus qu’hasardeux… La semaine dernière un couple britannique ayant deux enfants prospectait la région de Chauny-Tergnier-La Fère… Une maison individuelle avec jardin, non mitoyenne, attira leur attention à… Fargniers. Imaginez. Fargniers. Certes une localité encore active, disposant d’une gare permettant de rejoindre Paris (et l’Eurostar) ou Amiens (puis les ferries des Hauts-de-France ou de Normandie). Mais d’une attractivité touristique plutôt faible en dépit du parc nautique de La Frette tout proche, où ne subsiste plus de restaurant (hormis, mettons, « de dépannage », genre pizzas, kebabs, frites-saucisses), et dont le centre est dévitalisé (les grandes surfaces des alentours et leurs centres commerciaux ont eu raison de multiples commerces). Le prix, pourtant abordable (moins de 90 000 euros pour un bien à fort potentiel d’aménagement, cinq pièces principales, une annexe, garage pour deux véhicules), pour une maison « de ville », leur sembla pourtant excessif et n’était pas (ou plus) négociable. Fort bien pour télétravailler ou trouver à s’employer en région parisienne (voire à Reims), mais pas vraiment un logis « de caractère » (du moins, en l’état). Une acquisition “wait and see” en quelque sorte, en vue d’un repli…
Un autre phénomène pourrait jouer : la crainte que le Brexit « tourne vinaigre » pour les couples binationaux (un, une Britannique, une ou un membre de l’Union européenne). Soit que le conjoint non-Britannique fasse l’objet de contraintes administratives s’amplifiant, voire de manifestations d’hostilité. Carrément. De refus de se voir accorder des aides sociales en cas de pépin (chômage, par exemple). Cela se constate déjà outre-Manche (dossiers d’aides au titre de l’Universal Credit retoqués systématiquement sans examen, multiples recours de résidents de longue date).
Fargniers n’est pas Najac (Aveyron), douzième localité la plus recherchée par les Britanniques (hors Paris). Et franchement, East Kilbride ou Lockerbie (dont la High Street n’est plus ce qu’elle fut, comme celle de Fargniers) non plus. Sauf qu’à Lockerbie, on trouve encore des cottages à moins de 300 000 euros, et situés à moins de 40 km du border.
Reste que la tenue d'un référendum écossais reste incertaine, son résultat non garanti. Mais dans l'intervalle, nul besoin de conduire on the right side ni d'apposer une vignette Crit'Air pour aller prospecter, ou de s'alarmer du taux de change. Sacrée Nicola... Go North, dit-elle... Et si elle faisait le coup du Portugal (exemption fiscale pour les retraités séduits par le chant du coq de Barcelos) ? Aïe, Ouch. Le coup du chardon, en quelque sorte.
Et à propos, si la maison vous intéresse : un PDF la décrivant est disponible...

lundi 5 août 2019

cambriolages estivaux : gare au voisinage !

Plus la porte du voisin est sécurisée, plus la vôtre attire les cambrioleurs

Immeuble parisien, six étages : deux portes déposées au sixième, deux autres attaquées au cinquième, une massacrée au deuxième... Elle n'allait pas tenir longtemps, un voisin survenant au milieu de l'après-midi a peut-être évité l'effraction. Pourquoi celle-là ? Peut-être parce que celle du voisin de palier semblait inexpugnable... Et découragea « nos » cambrioleurs estivaux.
J'aurais dû faire des photos... Je pourrais encore en faire, en dépit du panneau de bois provisoire clouté sur la partie gauche du montant de la porte du deuxième étage (dans un pareil cas, la police doit faire appel à un professionnel de je ne sais quoi pour « sécuriser » le lieu des méfaits), mais grosse flemme. 
Ce n'est guère la première, ni la deuxième, ni... fois que des cambrioleurs estivaux s'en prennent à cet immeuble. Ce n'est sans doute que l’antépénultième avant les suivantes...
Ce qui m'inquiète fort, c'est que, sur mon palier, les voisines ont comme moi une porte à « trois points » qui ne tiendra sans doute pas plus d'un quart d'heure. Mais s'il leur venait — du fait de ce xième cambriolage — l'idée de renforcer tout le pourtour par des montants en acier, histoire de faire qu'un pied de biche adroitement manié doive d'abord s'acharner dessus, c'est sûr que ma porte, qui en reste démunie, sera la cible de choix prioritaire.
Au deuxième, deux portes : l'une semblable à la mienne, ô combien vulnérable, l'autre renforcée à l'extrême. Plus besoin de tirer à pile ou face : le choix s'impose d'évidence.
Purée, ils ont fait fort, les deux types dont j'ai peut-être interrompu le labeur en faisant résonner mes pas dans l'escalier. Deux gars passe-partout, avec juste de petits sacs à dos... Comme me l'expliqua le brigadier-chef, emporter des téléviseurs désormais volumineux, des unités centrales pesantes, c'est incommode et vous rend susceptible d'être repéré par les caméras de vidéo-surveillance. Donc, on dépose ou détruit des portes dans le seul espoir (vain) de tomber sur le bas de laine ou les bijoux des Castafiore des noces et banquets en banlieue.
Du téléphone portable vieux modèle (le plus récent est entre les mains des absents voisin ou voisine), à la rigueur des tablettes, des consoles de jeux, des appareils photo numérique (pour les passéistes ou amateurs encore vaguement éclairés), soit.
Le problème, si vous sécurisez au max votre porte, c'est que, si vous la claquez derrière vous afin de vous rendre chez un commerçant de proximité et avez oublié vos clefs, les vieilles radios médicales ne vous tireront plus d'affaire. J'vous dis pas comme la prolifération des IRM rend ces radios argentiques de plus en plus rares... S'il vous en reste, gardez précieusement (collez-les par exemple sur la face supérieure de la boîte aux lettres, mais attention : se munir par exemple d'un chausse-pied, dissimulé ailleurs, pour, lors du décollement, faire qu'elles ne chutent pas et que vous puissiez les extirper).
Reste la carte de fidélité de votre chaîne épicière. Beaucoup moins souple... Code barre illisible au final (réflexion pertinente du brigadier-chef qui prendra le dernier train pour rejoindre à point d'heure sa fort lointaine banlieue ; vingt ans qu'il sillonne le quartier sans pouvoir y habiter).
C'est donc un choix : investir comme le voisin de palier, au risque de ne pouvoir rouvrir une porte simplement claquée, ou risquer que les cambrioleurs s'en prennent en priorité à votre porte.
La solution alternative présente quelques inconvénients. Entasser des sacs de détritus, voire de fèces sèches (à suspendre au préalable devant vos volets, au risque des cancans du voisinage). Les cambrioleurs viennent à bout de votre porte, constatent que s'ils pénètrent plus avant dans l'appartement, ils devront fouiller des tonnes de piles de vieux journaux,  d'emballages, sonder jusqu'au sol pour tenter de déceler vos trésors (la montre à gousset du pépé, la sainte vierge ou la Thérèse ou la Soubirou en boule de neige, la collection de figurines Mokarex, les gadgets Pif-le-Chien...). En général, ils renoncent.
On n'sait plus quoi faire... Finalement, ne faisons rien... Remplaçons nos portes à trois ou x points par des battantes : genre saloon. Entre comme tu veux. 
L'ennui, c'est que même si vous n'avez plus rien de valeur chez vous, il restera toujours quelque chose à piquer : le couteau-sommelier publicitaire, le presse-purée à manivelle, le brise-jet de robinet, qui se revendra à la sauvette pour un prix dérisoire (genre cinq centimes d'euros).
Le saviez-vous ? Travels with Charley (Steinbeck), c'était... avant. À présent, en Europe comme en Amérique du Nord, celles et ceux vivant dans des caravanes sont des dizaines de milliers. Non plus des Travellers, des manouches, gitans, vanniers, &c., mais des gens ne pouvant plus régler des loyers. Croissance exponentielle. Padamalgam' : ni cambrioleuses, ni cambrioleurs potentiels. Mais clientèle pour le moindre objet utilitaire vendu à la sauvette. Qui dit demande, dit offre...
On en vient au point (The End is near), où... Nous sommes passés de Tortilla Flat (Steinbeck) au  Tortilla Curtain (Tom Coraghessan Boyle, dit T.C. Boyle). Soit le voisin ultra-sécurisé, et nouzôtres. Enfin, ce qu'il reste de la petite classe moyenne inférieure ou « laborieuse » tentant de vivre encore avec un toit, une porte... Non, je ne déverse pas la sinistrose à pleins baquets. Je dis simplement que même les Gilets Jaunes (là, c'est pour Google, caser « Gilets jaunes » et même « Gillets jaunes », voire « Jilets jaunes », &c.) ont du souci à se faire.
Il te reste trois-francs-six-sous. Fuis le voisinage des six-francs-douze-sous. Celui qui peut mieux sécuriser sa porte que toi la tienne. Sa proximité te rend plus vulnérable.
Mixité sociale ? Zazie t'a répondu. J'te dis pas les BD apocalyptiques des années 1980-1990. Si tu t'en souviens, t'es à un poil coupé en quatre de le vivre. Faut pas tout charger sur les loups : la délinquance rurale (le mouton qu'on subtilise, la vache laitière dépecée en plein champ) est aussi en progression.
Bon, il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. Je la ferme (enfin, la claque) et vais me coucher. Rêver peut-être au temps du Voleur (Darien), de 813, voire de Robin des Bois. Quand, entre pauvres, il n'y avait que de petits larcins... 

Franky Zapata et Boris « Bojo » Johnson sur le même « bateau »

Non, le bidule de Franky Zapata n'a pas laissé Albion indifférente

Vous voudrez bien pardonner le ton relâché de cette entrée de mon blogue-notes. Je reviens de Fargniers (Aisne), expédition ô combien éprouvante, et tout ce qui suit sera encore plus bringuezingue qu'habituellement foutraque. Sachez qu'il sera vaguement question de Franky Zapata et de la réception outre-Manche de sa traversée de Sangatte vers... Douvre ?
Fargniers... Figurez-vous que je ne savais même pas que cette localité du triangle des Bermudes axonaises (Chauny-Tergnier-La Fère, cher à Philipppe Lacoche, écrivain, &c.) prenait une s finale... C'est dire qu'après le Yémen (ex-Nord), l'Iran-Irak-Syrie, Baja California-Québec (et territoires intermédiaires), les grandes capitales européennes (Andorra, San-Marino, Vaduz...), Bobo et Bouaké, il me reste encore beaucoup à apprendre, découvrir, explorer, voire défricher. Accueilli par un hillbilly picard qui me prend pour un Anglais (entre la gare de Tergnier et l'un des rares cafés-tabac-PMU encore ouverts de Fargniers). Oh, et puis zut... Fargniers, sa 309 Chorus, &c., ce sera pour une autre fois. Sachez seulement que TripAdvisor ignore cette localité, que pour trouver un resto avec terrasse il faut remonter jusqu'à Saint-Quentin, et que les prix y sont de 16 % à 21 % supérieurs à ceux de Paris. Bravo Xavier Bertrand. Saint-Quentin est en quelque sorte devenue le Monaco septentrional.
Bref, lisant un Historia (hors-série 6) de feu Roger Choin (Fargniers, ou Tergnier, s'honore d'un musée de la Résistance), dans sa de son vivant demeure, j'avais en toile de fond sonore une chaîne d'information vantant l'exploit d'un certain Franky Zapata. Bof, je dispose, grâce à Retronews, d'une reproduction du numéro 9281 du Matin (daté du lundi 26 juillet 1909 : Blériot, tout cela...). En sus, je loge dans l'appartement parisien de la petite-fille du directeur du Matin. Ce qui relative bien des choses...
Franky par çi, Zapata par là, en continu. Bravo l'artiste. Ayant réalisé, à cloche-pied, à la marelle (contre des filles chevronnées...) des exploits autrement éminents dès le plus jeune âge, je percevais d'une oreille inattentive.
Puis, remonté (en fait redescendu) « à la capitale », me vint la curiosité médialogique de comparer le traitement de la chose par la presse (en ligne) française et britannique... C'est simple, le site du Daily Mail avait relégué cette traversée loin derrière (la liste serait trop longue). Ceux de la "quality press" (ou ce qu'il en reste...) n'en faisaient même plus état — si tant fut qu'il en aurait été question. 
Mais en tête de page d'accueil du site du Telegraph, que vois-je soudain ?  Un Bojo sur un engin à peu près identique à celui de Franky Zapata. Un crobar d'un certain Blower. Cela sous un titre laissant entendre que Boris Johnson, prévoyant des élections générales, allait pratiquer le saupoudrage de subventions en direction des hôpitaux des circonscriptions les plus favorables au Brexit (histoire de contrecarrer les ambitions du Brexit Party avec lequel un accord informel serait à l'ordre du jour des conservateurs). On voit bien le Bojo sur l'engin, hors de portée des partisans du maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, filant vers la reconstitution d'une majorité Tory au Parlement.
Je ne sais si vous vous souvenez du Hawker Siddeley Harrier à décollage vertical. Tandis que la France, mère des armes, des arts et des lois, catapultait des quoi (non pas des Fouga-Magister, mais je ne sais plus quoi de chez Dassault, des Alizé, des Étendard..?), les Britanniques avaient le Harrier. En France, on en parlait... pas trop. Outre-Manche, j'vous dis pas, j'vous dis que cela. Mais là, c'est tout autre.
Napoléon n'en avait même pas rêvé, Franky Zapata l'a fait... Bon, pour le moment, il n'y a, lorgnant dessus, que les gendarmes qui rêvent d'aller depuis les côtes méditerranéennes françaises s'attaquer aux paillotes corses dépourvues d'agrément préfectoral. Mais d'autres perspectives sont désormais ouvertes...
Cela faisait longtemps que je soupçonnais ce dessinateur d'être en fait un agent dormant des Services secrets de Sa Majesté. Le message subliminal est de laisser entendre aux sujets of The Queen qu'après l'échec du Concorde — je dois conserver je ne sais où une palette du rotor issue de l'usine de Bristol – nous tenons notre revanche avec la planche à kérosène de Franky Zapata. Un modèle franco-britannique nous assurerait la supériorité Terre-Air-Mer.
Un dessein humoristique (surtout inspiré par le MI6) est toujours un signe avant-coureur (pensez à Jules Verne et aux services français du renseignement de son époque). Simplement, faire trop état de la traversée de Franky Zapata dans la presse britannique aurait mis la puce à l'oreille de puissances étrangères... Attendez-vous donc à savoir... Mais même Geneviève Tabouis ne divulguait pas ses « dernières nouvelles de demain » sans la circonspection qui me guide. Stay Tuned, ne zappez pas...
  

jeudi 1 août 2019

RIP George Contos, Américain de Paris

In memoriam, George Contos (mai 1930-juil. 2019)

Abstract: George Contos, US Citizen, Marine Corps, lawyer, computer expert, photographer, and outstanding individual, died in Paris.
À l’intention d’Ingemann Larsen, de Tricia Dunn, du « Nam’ », de Christian d’Andlau, d’Emilia et d’Inna (et d’autres que j’ai moins fréquentés), peut-être de la famille (élargie) du Reverend Billy Lloyd Hults, et de qui a pu le connaître, voici une évocation de George Contos.
J’avais rencontré George Contos vers le milieu des années 1990 dans une petite boutique d’informatique proche de l’avenue Trudaine… Nous avions en commun un certain goût du vocabulaire et il me passa des copies de disquettes de dictionnaires anglais, anglo-américains, &c. Il se déplaçait alors encore en scooter.
Petit à petit, je fis sa connaissance. Appris qu’il avait combattu lors de la guerre de Corée, avait été grièvement blessé (passant des mois dans un hôpital au Japon), qu’il faisait, avec Ingemann Larsen, partie de la branche française des vétérans du corps des Marines, qu’il avait été juriste (diplômé de l’University of Maryland) avant de s’établir en France. Quand ? Voici longtemps. Peut-être vers l’âge de 35 ans, avant de vive cinq ans en Allemagne, et revenir… sans doute en 1970. Il fut un temps marié (avec Marie-Bernadette Julien, ai-je appris par la suite).
Un personnage de roman, George. Très Nord-Américain, très Européen aussi puisqu’il était d’ascendance grecque. À Paris, il fut d’abord informaticien (il pratiquait le langage assembleur avec ses collègues près de la machine à café) pour une grande banque. Puis photographe. Enfin, gradé d’une compagnie de sécurité chargée des contrôles d’accès et des rondes dans les locaux diplomatiques étasuniens en France. Le contrat fut repris par UIIS (ou quelque chose comme cela). Ingemann en était le gérant pour la France. Il démissionna. Et me voilà, avec le comte d’Andlau, censé représenter une compagnie prête à prendre la succession et emporter le contrat. Grand moment : visite de toutes les installations parisiennes de l’ambassade des États-Unis. Mais le coup manqua et George finit par prendre sa retraite.
Elle fut d’abord heureuse, avant qu’une grave maladie le rende progressivement impotent. Il dut céder son scooter et se retrouver à passer sur béquilles d’une pièce à l’autre de son minuscule appartement de la « ceinture rouge » (un rez-de-chaussée du square du Rhône donnant sur le bd Berthier).
De temps à autre, il parvenait encore à venir jusqu’à l’Up and Down (restaurant proche), puis l’immobilité prédomina et il fut obligé, l’an dernier, en octobre, de faire un séjour à l’hôpital franco-britannique de Levallois.
Quant il était encore vaillant, il accueillait à Paris des amis venus des États-Unis, comme Tricia Dunn ou Billy Lloyd Hults, fameux « révérend », libraire (à Cannon Beach), émérite joueur de wasboard (planche à laver), personnage insolite qui logea un temps dans l’annexe de la librairie Shakespeare & Company, devant Notre-Dame.
Chez « LeNam’ » — qu’il m’excuse que son prénom m’échappe momentanément ; Jean-Christophe ? J.-C. Meylan ? — et son épouse, Béatrice, trop tôt décédée, et qui était pour lui une fille adoptive, il passait généralement ses dimanches. Il avait une formidable mémoire et pouvait entonner des chansons anglaises des années 1930.
Le décès de Pamela Wilding, au grand âge, en mars 2018, l’avait beaucoup affecté. Ainsi que celui de son amie Annie, début 2013.
En fait, peu avant 2003, il avait cessé de faire des photos, (retrouvez-les dans ses albums de pbase.com). Discret, il avait pris pour pseudo geo_paris. Et commencé à mettre les récentes en ligne en juin 2009. Je me demande ce que sont devenues les antérieures.
Il y aurait beaucoup à rajouter... Je ne sais s'il est possible d'envisager un « portrait croisé »* (que celles et ceux l'ayant connu retracent sa vie en un texte commun). J'espère poser la première pierre...

Ci-dessus, chez « LeNam » & Béatrice, à g., Billy Hults (photo George Contos).

* I would not say a « cadavre exquis » but George would have laughed a lot, he was proficient in so many languages.

Brexit : On Hold, Soft, Hard, No-Deal, les differences

Vers un hostile Brexit ou des élections anticipées ?

On Hold, Soft, Hard, No-Deal (Hostile). Soit Brexit suspendu, doux (édulcoré, aménagé), dur (conflictuel mais négocié et réciproque), sans accord (décisions unilatérales). C’est du moins ce que j’ai pu tenter de comprendre…
Voici des mois et des mois que je m’intéresse au Brexit et à ses conséquences (tant intérieures au Royaume-Uni qu’en relation avec l’Union européenne et le reste du monde), et je ne suis pas sûr d’avoir tout bien précisément compris. J’en présume hâtivement qu’hormis des spécialistes, qui consulte ce blogue-notes n’est pas tout à fait au point sur la question. Voici ce que j’ai cru pouvoir discerner…
On Hold Brexit
De fait, c’est la situation actuelle : non, non, rien n’a changé, tout, tout (ne) va (pas) continuer jusqu’à… Théoriquement le 31 octobre prochain, sauf si une prolongation était envisageable… Mais on ne voit pas Boris Johnson la solliciter, ni Bruxelles la proposer (sauf, peut-être, mais ce n'est pas impératif, en cas d'élections générales imposées à Bojo).
Soft Brexit
Doux est à la fois singulier et pluriel, éventuellement adverbial au singulier, et cela correspond bien. Brexit mollet, Brexit mol, Brexit adouci, &c. Cela aurait été le cas si le Parlement britannique avait consenti à ratifier ce qu’avait négocié Theresa May. Soit divers aménagements pas tout à fait exactement identiques à ce qui régit les relations de la Norvège ou de la Suisse avec l’Union européenne, mais, jusqu’à approfondissement censé toujours ménager l’avenir, l’essentiel du point de vue de la libre circulation des personnes et des biens préservé.
Soit que le Royaume-Uni conserve un strapontin à Bruxelles, mais que les règles douanières actuelles perdurent, notamment pour les échanges la République d’Irlande et l’ensemble (UE et UK).
Le Royaume-Uni dispose déjà d’une certaine indépendance par rapport à certaines règles communes à ce qui prévaut entre les pays membres de l’Espace Schengen et la Zone Euro : des contrôles aux frontières subsistent dans le sens Continent-Grande-Bretagne, la livre sterling se négocie indépendamment de l’euro sur les marchés.
Hard Brexit
La séparation est actée, de longues négociations au cas par cas, secteur par secteur, s’entament. Les relations bilatérales se déterminent, mais on ne sait trop ce qui peut advenir. Des accords de coopération subsistent. La clause financière de rupture (le Royaume-Uni concède le versement d’une somme d’environ 39 milliards de livres sterling) s’applique.
No-Deal (hostile) Brexit
Au 31 octobre prochain, le Royaume-Uni s’est affranchi de tout lien avec l’Union européenne. Il décide souverainement de ses relations avec le reste du monde. Boris Johnson a d’ores et déjà annoncé qu’il n’honorerait pas la clause financière de rupture, et libre à l’Union européenne de décider unilatéralement des mesures régissant ses relations avec le Royaume. Cela pourrait aller jusqu’à des mesures de rétorsion, un blocus de fait des échanges commerciaux, la fin de l’agrément permettant aux institutions financières britanniques d’opérer sur le territoire de l’UE, &c. Voire impliquer l’expulsion des sujets britanniques jouissant d’un statut de résident européen, le rétablissement (ou non, pourquoi pas ?) de visas, &c.
Tout cela est théorique mais l’éventualité d’une escalade progressive de conflits multiples ne peut être écartée.
Apparemment, c’est ce vers quoi Boris Johnson semble s’orienter, mais il peut être freiné par le Parlement… Or, au jour le jour, c’est de ce point de vue une situation évolutive. Voire d’heure en heure : la presse britannique dite « de qualité » (The Independent, The Guardian, The Times, The Financial Times) actualise ou non ses sites en continu (ce 1er août, c’est le cas des sites du Guardian et de l’Independent). La presse « intermédiaire » (Daily Mail, Telegraph, Evening Standard…) fait de même à l’occasion (ce jour, c’est le cas du site du Telegraph).
Count-down
Bojo (Boris Johnson) vient d’équiper son bureau d’une horloge égrenant les secondes, minutes et heures, révèle The Daily Mail dont le site affiche chaque jour le nombre de ceux restant avant le 31 octobre (90 demain). Une horloge Winston (le choix de la marque ne doit rien au hasard : Churchill…). Il est dommage qu’un compteur indiquant le coût des préparatifs d’un no-deal Brexit ne lui soit pas adjointe… Un autre compteur, affichant le nombre des anciens ministres et des députés passant à l’opposition interne aux conservateurs, voire les quittant pour rejoindre les libéraux-démocrates ferait encore plus mauvais effet.
La majorité parlementaire tient à… on ne sait plus trop combien (deux sièges aux dernières nouvelles, mais cela peut évoluer à la baisse…). Le résultat d’une élection partielle au Pays de Galles tombera tard ce soir, une défection est en suspens, il suffirait d’une autre pour qu’une élection générale s’impose plus vite qu’envisagée.
Le coût d’un Brexit dur est plus ou moins évaluable, ce qu’a fait le Financial Times (illustration). Bien évidemment, il sera plus important pour le Royaume-Uni et les régions côtières du continent les plus proches (mettons de la Vendée au nord de la Norvège). Le graphique émane de Bertelsmann Stiftung (une agence allemande), qui s’était livré à des estimations en mars dernier, mais il est significatif que le FT l’ait publié hier.
En fait, “no-deal” équivaut à « hostile » (Brexit). Hostile de part et d’autre de la Manche, de par et d’autre du “border” avec l'Écosse, et pour l’anecdote les portraits de la reine viennent d'être déposés ce jour dans les locaux de diverses administrations de Belfast (Irlande du Nord).
On ne sait ce qu’il adviendra de la majorité mais au Parlement, les conservateurs pro-Brexit les plus déterminés (une soixantaine) se sont dits déterminés à ce que, même si Bojo obtenait des concessions de Bruxelles, aucun accord ne soit adopté.

Ce serait donc l’Halloween Brexit (la fête étant célébrée le 31 octobre). “Trick or treat” : un « sort », assurément. Et de bien amères friandises…

mercredi 31 juillet 2019

Brexit : Erin & Alba go Bragh

Brexit : David Frost, persona non grata sur le continent

David Frost, ex-ambassadeur britannique au Danemark, va devoir se charger des non-négociations avec l’Union européenne pour le compte du cabinet de Bojo (Boris Johnson). Il ne peut plus se targuer de représenter l’Écosse, l’Irlande du Nord ni sans doute le Pays de Galles.
Wait and see… Attendons le 31 octobre et la décision de Boris Johnson de s’affranchir des obligations du Royaume-Uni en ne réglant pas les 33 (ou davantage, en raison de la chute de la devise) milliards de livres sterling dus à l’Union européenne pour saisir, arraisonner, toute cargaison ou navire anglais…
Hush… Inutile de brandir cette menace devant David Frost, l’émissaire de Bojo.
Il représente quoi au juste ?
Mary Lou McDonald, pour le Sinn Féin réclame qu’en cas de Brexit dur, une consultation électorale s’ensuive en Irlande du Nord. Elle n’a pu se prononcer ainsi sans que les Irlandais du Nord de son parti aient approuvé sa déclaration.
Nicola Sturgeon, du SNP-PNA (Pàrtaidh Nàiseanta na h-Alba) a reçu très fraîchement Bojo en Écosse. Elle n'a pas dit qu'elle envisageait un référendum à la mode catalane après le 31 octobre si un accord ne convenant à l’Écosse n’intervenait pas avant cette date, mais c’est tout comme.
Reste à savoir comment le Pays de Galles et les Cornouailles réagiront. Le continent isolé par la brume : Fog in Channel, Continent Cut Off. C’est peut-être apocryphe mais depuis que le Yorkshire Post and Leeds Intelligencer en fit état fin 1930, l’impression que l’Angleterre (surtout du centre et du nord) s’est isolée du reste du Royaume-Uni prévaut à ses périphéries.
Laissons donc du temps au temps, et laissons Boris Johnson s’embrumer, faire monter les nuées de sa rhétorique, enrober le fumet de ses menaces présomptueuses des vapeurs d’encens de ses promesses intenables flattant son électorat restreint qui ne pourra lui assurer un fragile équilibre qu’au prix d’une magouille avec le Brexit Party.
Procéder autrement, lui concéder de quoi faire passer la pilule pour lui sauver la face serait encourager tous ces chefs de file européens prêts à se muer en Thatcher exigeant des accommodements dans la seule vue d’élargir leur assise électorale. Il n’en manque pas dans l’Union européenne. Toutes et tous acquis aux groupes de pression soutenant Donald Trump, en liaison ou non avec le Kremlin.
Bojo, vecteur européen du Donald. Stipendié ? Allez le prouver… De toute façon prêt à tout faire afin que l’UE se fendille, que cela lui coûte son poste ou non du moment que ses finances personnelles croissent.
Deux convergences… adverses
Boris Johnson dit vouloir « booster » le Royaume-Uni. Emmanuel Macron la France et l’Europe des 27. Au prix sans doute, pour l’un et l’autre, de mesures fragilisant la protection des salariés. Censées favoriser les actifs et entreprenants aux dépens d’autres catégories.
Ne comptez pas sur moi pour démêler l’écheveau des intérêts de parties ou d’autres des financiers internationaux. J’énonce simplement que les traditions populaires en France, Écosse, Irlande, et en divers autres pays d’Europe occidentale, ce qui inclut évidemment celles des Anglais les plus lucides, peuvent faire en sorte que l’axe Trump-Johnson soit contraint à un recul, au repli.
Cela n’ira pas de soi. De deux maux, il faudra sans doute se résigner à choisir le moindre. Et faire pression, autant que cela soit possible, pour qu’un David Frost ne puisse faire le tour des chancelleries sans que cela provoque un tollé. Cela n’a rien de personnel (je ne connais pas David Frost, je lui jetterai des œufs pourris en prenant garde à ne pas l’atteindre). Surveillons tous ses déplacements. Mobilisons-nous pour crier Fuera, Go Home.
Cela peut sembler ridicule. Eh bien, autant encourir les moqueries que se taire et s’abstenir. Cela peut sembler exagéré, rodomontade… Tartarinade. Oui, sauf que ce qui est aussi en jeu, c’est la survie d’enfants et petits-enfants qu’un Bojo et un Donald mettent en danger. Ce sont deux chantres du productivisme plus effrénés qu’un Macron. C’est du moins mon opinion du moment, et libre à vous d’y réfléchir ou non...


Le Petit Catalogue permaculturel de Jean-Jacques Tachdjian


Tachdjian mode VPC

Voici un catalogue quadri (une et der’ de couv’) et dichrome à l’intérieur. Le titre ? L’éditeur ? Eh, rareté, seules et seuls les méritant·e·s valent que ces indications soient divulguées.
Il y eut une mode des recueils et albums de néologismes improbables et d’objets farfelus, style ceux de Gaston Lagaffe, mais la mémoire me manque… Enfouis dans une pile bouquins, je dois bien encore avoir deux-trois ouvrages de Jean-Loup Chifflet, mais j’ai la flemme de tout chambouler… Le Cafard laqué ? Le Mokimanké ? Cela étant, qui détiendrait la collection complète des catalogues de la Manufacture d’armes et cycles de Saint-Étienne y trouverait peut-être des appareils et ustensiles dont nos jeunes contemporains pourraient douter qu’ils n’aient jamais existé.
Me viennent aussi à l’esprit certaines créations des Helvètes Plonk & Replonk figurant dans leurs albums ou sur leurs cartes postales, style camionnette-amphibie volante ou « les véritables œufs de ponte » (se méfier des imitations).
Les dessinateurs Topor et Copi en imaginèrent-ils ? J’ai le souvenir convalevanescent à éclipses inarrachable au revers de ma boutonnière, et dans mon fouillis un lanterneau clignotant à lumière noire ne se déclenchant même plus dans les ténèbres de mes oublis, et je regrette de ne pas trouver en ligne une bibliographie exhaustive de ces dictionnaires, encyclopédies, albums illustrés, recueils et florilèges d’expressions dadaïstes ou surréalistes, et autres curiosités de cabinets d'érudits parfois visionnaires, rétro-futuristes, paléo-projectives, &c.
Nul doute que Le Petit Catalogue permaculturel illustré, moral et punkédélique des armes et cycles de la famille et du travailleur moderne au xxie siècle y figurerait en bonne(s) place(s). Soit chronologiquement en maillot jaune ou de lanterne rouge, soit alphabétiquement en ultra-gras si diverses graisses étaient affectées aux œuvres majeures, intermédiaires et mineures.
« Petit » rappel sur l’auteur ? Mission impossible. Depuis ses premiers gribouillis aux crayons de couleur sur les murs de sa chambrette infantile (ou enfantine) jusqu’aux œuvres typographiques et graphiques de son actuelle maturité, on atteindra bientôt sept décennies de créations en rafales quotidiennes, jours chômés inclus. Toute rétrospective d’ampleur est forcément lacunaire. Le nombre des faux flagrants et reproductions de Salvador Dali est incommensurablement surpassé ; ce, histoire de faire pressentir un ordre de grandeur difficilement imaginable.
Ce Petit Catalogue permaculturel ne compte que 178 pages qui sont sans doute la résultante d’une sélection plus que drastique. Résumer ? Merci de ne pas exiger l’impossible : c’est l’équivalent d’un condensé de tous les écrits abrahamiques des origines à nos jours que vous réclameriez. Car finalement, le permaculturalisme c’est à peu près cela, le trou noir régurgitant — compacté à l’extrême — l’ensemble des conceptions des êtres vivants depuis l’avant-stade protozoaire (ou métazoaire, je ne sais plus trop si je n’ai jamais su). Le stade ultime du dépassement à venir du clanisme, du capitalisme, du socialisme d’après le communisme, et je vous en passe (mention furtive pour le monachisme nonobstant : Jean-Jacques Tachdjian étant un « anachorète social » de fort longue date).
Bon (attaque de phrase marquant l’embarras, l’indécision, la pensée floue selon Donald Trump), extrait sommaire de la table des matières (pp. 42-150) :
* accélérateurs de survie biologique basique ;
* incapaciteurs émotionnels de niveau ii ;
* désinhibiteurs symboliques de pensée ;
* activateurs temporels de comportements psycho-sexuels ;
* activateurs neurosomatiques spatiaux ;
* métaprogrammeurs d’abstrations télépathiques ;
* métaconnecteurs de mémoire génétique ;
* psycho-atomiseurs neuro-atomiques.
Ce qui vous laisse subodorer préface, postface, et ce qui précède et s’ensuit.
Notez que les prototypes d’incapaciteurs de niveau i ont été expurgés.
J’aurais dû me précipiter jusqu’aux métaconnecteurs, comme l’alternateaseur, le bébé-nageur de fond, le libidiniseur coaxial, et aux publicités (parodiques) pour le déodorant cervical, et le module additionnel prêt à l’emploi reniflant la beauté intérieure. Bien sûr j’ai opté illico pour l’orgasmatron, le sent-bon de cyprine, et autres produits que même l’impudeur réserve à un public majeur initié.
Je devrais illustrer davantage, au risque que les algorithmes de Facebook retoquent ce qui antériorise et subséquence aux motifs d’incitation à la lubricité, glorification de la fornication, racolage des prépubères pubescent·e·s s’adonnant au stupre et au « tout sauf tout » tandis que leurs parents s’ébattent en clubs échangistes.
Si « Jiji » Tachdjian m’avait consulté, nous aurions dépassé le tirage de cent exemplaires. J’aurais bien trouvé des annonceurs pour les deuxième et troisième de couverture et des intercalaires. Sauf que Tachdjian est publiphobe et qu’il m’aurait excommunié, voire télépathiquement voué aux affres de la démence masochiste… Merci, Jiji, de ne pas m’avoir exposé à la tentation.
Un collector, donc. Cela étant, après ces tirages de tête concédés à 14 euros expédition comprise, en fonction de la demande, des retirages à l’unité sur papier de qualité, grammage, format, &c., inférieurs, sont envisageables.
Dédicace exclue pour les suivants (au fait, Jiji, renvoie-me donc un exemplaire dédicacé, s’il t’en reste, ce sera pour offrir : « À qui se verra offrir ce Catalogue par Jef Tombeur » conviendrait ; je ne sais pas déjà qui je vais draguer avec ça).
Où trouver ce Petit Catalogue permaculturel illustré, &c. ?
Eh, oh, de peur qu’il ne tombe en de mauvaises mains, de spéculateurs éhontés, de thésaurisatrices avides de limousines, de bolides et jets suréquipés pollueurs, ne comptez pas sur moi pour vous livrer un lien. Pour les autres : indice « La Chienne » (com’ qui dirait lachienne). Reniflez la piste… Pas contre les murs, malheureuses, béotiens inconscients des us de la gent canine femelle. Mais, là, au beau milieu, sous vos narines. Au ras du bitume de la voie d’escampette immatérielle, fin·e·s limier·e·s.
Conclure, dit-elle, conclusive, forcément conclusive, la phrase ultime. À vos marques, prêt·e·s, partez !

P.S. — Je ne sais si Tachdjian a déjà expérimenté les variable fonts et le colophon ne le mentionne pas ; mais il vous porte à élargir vos horizons, par exemple en employant le format .webp (convertible grâce à Pixillion, ou Irfanview). Jiji a toujours été à la pointe de l’insurrection technologique qui survient dans sa sous-pente. Mine de rien, en catimini. Ou caninimini. Dassault-Systems lui doit beaucoup. Après Grenoble, Sophia-Antipolis, la Silicon Valley, c’est désormais Zhongguancun et Shenzhen. Pourvu sur ce Petit Catalogue permaculturel illustré, moral et punkédélique… échappe à la vigilance de la veille technologique asiatique ! Sinon, vendez vite ! Au son du clairon.

Décès de Steve Maia Caniço : un symptôme ?

Le brigadier  Steve Maia Caniço se serait-il suicidé ?

Se prononcer sur le décès de « Steve » (Maia Caniço) peut exposer à des réactions diverses... Ne pas se prononcer confine à l'omission a-civique. Le faire avec justesse est épineux.
Au téléphone, un ex-Nantais résidant toujours en Loire-Inférieure, en Pays de Retz... « Steve » ? Un chanteur  ?
N'ayant, depuis des semaines, pas poussé plus loin que Rezé, n'écoutant pratiquement que France musique, mon pote sait nonobstant vaguement que Castaner est « le ministre de la castagne » selon ses termes, à lui, « Jipé ». Cela pour situer un cas d'a-civisme.
C'est, lisant Denis Guénoun, employant tant athéisme qu'à l'occasion « a-théisme », que ce néologisme d'a-civique m'est venu à l'esprit.
Quant au titre ci-dessus, mal-pesé, qu'il n'y soit pas imputé instinctivement une signification kabbalistique : je ne présume pas que Steve Maia Caniço aurait envisagé de faire carrière dans la police, je respecte tant sa mémoire que celles de policières et policiers ayant mis fin à leurs jours.
S'en tenir aux faits
Première réaction après l'allocution du Premier ministre : que ne s'est-il abstenu d'avancer une hypothèse alors que diverses investigations sont en cours et que le Défenseur des droits se soit auto-saisi.
Première réaction après avoir consulté Facebook : se pourrait-il que la dépouille de Steve n'ait été retrouvée si tardivement que pour faire en sorte de ne pouvoir établir qu'il aurait reçu des coups, des projectiles, du gaz lacrymogène, je ne sais quoi... 
Dans les deux cas, il y a de quoi s'inquiéter...
Édouard Philippe, et plus encore Christophe Castaner, confrontés au malaise ressenti par diverses composantes des forces garantissant « la paix » et le « maintien » de l'ordre, semblent de prime abord écarter toute responsabilité de l'une de leurs composantes. Il semble pourtant que, même si Steve Maia Caniço fut bousculé par des personnes se jetant dans la Loire, il ne fut pas la victime involontaire de lemmings affolés en raison d'un mouvement collectif fortuit.
Dans le second cas, le fait que des recherches aient été activement menées et qu'en définitive, c'est par hasard que des civils aient repéré le corps ne doit pas conduire à supputer que ce hasard devrait résulter de circonstances moins casuelles. La Loire, pour qui la connaît, est un long fleuve imprévisible. Elle peut emporter au loin et faire revenir à proximité du point de chute.
Quant aux indéniables violences policières elles résultent soit des circonstances, de dispositifs mal adaptés (que ce soit sciemment ou non est très difficile à déterminer), soit d'ordres inconsidérés provenant d'échelons inférieurs, soit d'individus qu'un syndicaliste récemment sanctionné a qualifié de « chiens fous », qu'ils soient mal formés ou pris d'une rage subite ou se comportant comme des bourreaux de cours de récréations restant à départager au cas par cas.
Qu'un menotté se trouve subir de réelles souffrances peut résulter d'une intentionnalité comme de l'inexpérience, de la précipitation.
Que des gens se refusent à se plier à des injonctions policières peut résulter de multiples causes et circonstances allant de « casser du flic » à l'impossibilité d'obtempérer tant bien même en aurait-on l'intention.
Droites et gauches convergentes ?
L'approche qui précède peut être taxée d'apolitique, donc de droite... Que nenni... On constate que maintenant une certaine droite se prononce avec une virulence égale à celle de composantes de la gauche sur les violences policières, les unes et les autres voulant se rallier les bonnes grâces de telle ou telle fraction ou portion des Gilets jaunes. Je fus fort surpris, voire stupéfié, de le constater. Je n'aurais jamais imaginé, par exemple, des nostalgiques de Nicolas Sarkozy en venir presque à exonérer « le peuple en colère » de certains débordements (qui ne sont pas le fait que de gens tentés par un radicalisme croissant, dans certaines situations les comportements peuvent évoluer).
Ce n'est certes pas inouï : réflexes de classe (possédante ou s'y assimilant) ou de caste (appareils des partis et syndicats, parfois soumis à des directives suivies aveuglément comme on le vit avec le PCF inféodé au dirigeant de la « patrie des travailleurs »), tactiques temporaires foireuses, ont déjà conduit, par le passé, à de telles insolites convergences.
Il demeure que cela fait trop longtemps que des gouvernements se retrouvent otages de parties des « forces de l'ordre » défendant l'indéfendable pour des raisons diverses (électoralisme, crainte d'une saignée dans les effectifs, que sais-je encore...). Que des magistrats, pour des raisons diverses, idéologiques, clientélistes ou non (influence de la magistrature debout dont le pouvoir d'investigation dépend de la bonne volonté des uns, policiers, ou des autres, gendarmes, ce qui peut avoir des répercussions sur l'avancement et les résultats), font preuve parfois — l'inverse peut aussi être quelquefois constaté – d'une singulière mansuétude.
L'affaire Steve n'en est pas plus exemplaire que d'autres : sur le fond, la circonspection doit prévaloir. La présomption d'innocence doit s'appliquer aussi aux policiers étant intervenu en général, voire en particulier. Personne n'a vu Steve soit être jeté, soit se jeter, soit tomber accidentellement à l'eau et je ne présume absolument rien, n'avance aucune hypothèse. Ni ne vocifère.
Dire, ne rien dire...
Édouard Philippe s'est retrouvé avec, entre les mains, un rapport difficile à commenter. Il fait notamment état d'un policier donnant des coups à une personne à terre, de ce que les chiens policiers sont restés en laisse, qu'il y  a eu usage de gaz lacrymogènes, que cet emploi fut estimé inadéquat par un supérieur, &c. Seule sa synthèse (dix pages sur 235) a été rendue publique. Il n'empêche qu'il a délibérément opté pour mettre en avant le fait qu'un lien direct entre l'intervention policière et la mort de Steve ne peut, pour le moment, être établi. Il pouvait procéder autrement... Ne serait-ce qu'en s'en tenant à la langue de bois (condoléances, expectative en l'attente du résultat de l'information contre X du chef d'homicide involontaire). 
Qu'on le veuille ou non, l'impression résultante est que le Premier ministre semble plus soucieux de couvrir son ministre de l'Intérieur et les troupes policières que d'autre chose.  On aurait plus volontiers admis qu'il s'en abstienne. 
Nous en sommes (nous, citoyennes et citoyens) à 44 suicides dans la police en sept mois. Six par mois (faire état de décimales me semble déplacé). Sans doute pas uniquement pour des raisons toutes liées au service, dont acte (enfin, toutes directement liées...). Et un Alexandre Langlois, secrétaire général d'un syndicat policier ultra-minoritaire (pour des raisons complexes) suspendu pour six mois. Du fait d'une intervention directe qu'on imagine mal n'avoir pas reçu l'aval du ministre.
Cela fait beaucoup. Tout comme le nombre des victimes découlant directement ou indirectement, intégralement ou pour partie, d'activités de la police, ou dans une moindre mesure, de la gendarmerie. Il est plus que temps, sans vindicte ou crainte, de s'en inquiéter, et d'en faire état.
C'en est même devenu un devoir civique.
De la passivité à l'activisme
Steve Maria Caniço, 24 ans, était animateur périscolaire, soit salarié à temps partiel (de 15 à 20 heures hebdomadaires, éventuellement davantage hors périodes scolaires). Guère de quoi envisager sereinement un avenir financièrement confortable. Son cas est aussi, de ce point de vue, exemplaire. Je ne sais si une ex-animatrice, un ex-animateur, s'étant engagé dans la police a été amené à intervenir sur le quai de Nantes. Je ne voudrais pas être dans sa peau, même s'il n'a pas utilisé de projectile, même s'il resta en retrait.
C'est aussi un devoir civique de faire part de sa confiance non en l'ensemble (cela devient de plus en plus impossible), mais en la majorité des forces de police.
Pourquoi, aussi et au-delà des faits qui interpellent ponctuellement l'opinion ?
Parce que, sans que je puisse me prononcer, faute d'éléments concrets précis, j'ai la simple impression diffuse que l'a-civisme gagne du terrain. Et la conviction que l'anti-démocratisme progresse davantage dans les sociétés ou finit par prédominer l'a-civisme... Que parfois peu suffit à transformer un a-civique en extrémiste, en combattant, en partisan suiviste. Ce fut constaté, de manière généralisée, cela se constate partiellement (combien de combattants d'un bord ou d'un autre, dépourvus de repères, en Libye actuellement ?).
Je n'estime pas que la courte allocution d'Édouard Philippe revenait à une injonction du type « dormez, bonnes gens, il n'y a rien à voir ». Ni qu'elle s'apparente à une faute politique (l'avenir ne l'établira sans doute pas). Mais qu'elle prête le flanc à soulever ce type d'interrogations me semble patent. 
  

mardi 30 juillet 2019

Flat Earth : Que sont devenus Amira Kharroubi et Jamel Touir ?


L’aplatisseuse évanouie, son Soleil resplendit toujours

L’affaire qui parcourut tout le rayon de la Terre plate en avril 2017, soit la soutenance envisagée d’une thèse sur le sujet à l’université de Sfax passerait à présent pour un canular. Pourtant. Vérité antérieure, mensonge postérieur ?
Comme d’autres, en avril 2017, j’avais répercuté une information de la presse tunisienne. Des sommités universitaires s’alarmaient que, pendant cinq-six ans, la chercheuse Amira Kharroubi, sous la direction de Jamel Touir, avait poursuivi une thèse tendant à démontrer que le rond Soleil tournait autour d’une plate Terre comme l’enseigne le Coran. Aurais-je eu tort ? Fus-je naïf ?
J’ai depuis repéré deux sites affirmant qu’il s’agissait d’un canular, l’un américain (Flat-Earth PhD Hoax in Tunisia), l’autre lusophone (“Há reais possibilidades de que esta história seja um hoax (…) não é um aluno, senão aluna”), et j’ai tenté depuis de déceler la naine blanche ou rouge au firmament. Tâche ardue, car Amira Kharroubi semble s’être éteinte. Il en reste une trace sur Lindkedin, plus du tout sur les pages académiques de Si Jamel Touir ou celles de l'université de Sfax.
On retrouvera aisément Jamel Touir… Après le tollé suscité début avril, premier caillou fin septembre 2017. Des titres tunisiens se firent l’écho d’un communiqué de l’Académie tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts (Beït Al-Hikma) déplorant que ses membres soient « consternés » que « des sanctions exemplaires » n’aient été prises à l’encontre du distingué professeur. Lequel fit valoir qu’on avait en quelque sorte exagéré, gonflé toute cette affaire pour lui nuire (pour des raisons politiques ? le professeur fut un temps élu député). Son nom n’apparaît plus, entre ceux de Torjmen et Toumi sur la liste des enseignants de l’Enis de Sfax… Sa page Facebook est muette depuis le 29 septembre 2017.
Selon lui, l’étude « ne parle pas de l’aplatissement de la Terre, comme le disent certains » (ce que réfuta Sonia Naccache et d’autres universitaires), et toute l’affaire a été outrancièrement gonflée pour jeter le doute sur ses compétences scientifiques.
Il soutenait d’ailleurs que « les résultats préliminaires de cette étude ont été publiés dans une revue scientifique internationale ». Dont acte, la communication dans The International Journal of Science & Technoledge, revue demandant une participation pour faire paraître des publications, reste en ligne. Une partie de la thèse aurait été publiée dans une revue indienne (hélas, je n’ai pu la retrouver).
L’étudiante en question a bel et bien existé sauf à admettre que Jamel Touir lui-même l’aurait inventée… En tout cas, elle cosigna avec lui une intervention en mai 2016 lors de la conférence internationale de géologie appliquée de Mahdia. Et publia en sa compagnie dans Geobios (vol. 44-1) en janvier 2011.
De plus, on trouve bien encore en ligne la référence d’un ouvrage étant attribué à Amira Kharroubi et s’intitulant The Flat-Earth Model. Plate, totalement, non. Le Coran aurait simplifié : la chercheuse la voit plutôt « plate comme un œil de poisson », sans doute après avoir observé le lointain de la Méditerranée.
Cette thèse pose d’autres questions. D’une part, elle était truffée de fautes de français, tout comme, précédemment, la communication publiée par la revue américaine (dirigée par un détenteur d’une licence en « homéopathie et biochimie ») abondait en coquilles, francismes (Lactic Way et non Milky Way), et erreurs flagrantes (voir l’article de Yaël Nazé, universitaire belge, dans The Skeptical Inquirer, May/June 2008, vol. 42-3).
Il fut aussi constaté que des sites évoquèrent une chasse aux sorcières, que la Terre est bien plate (selon la Fondation Jean-Jaurès, 9 % des Français considèrent que la Terre est plate). Et pourtant les auteurs ne considéraient pas comme Amira Kharroubi que planètes ou étoiles servent à chasser les djinns et les mauvais sorts. Ce en quoi elle contredit d'autres éminences scientifiques musulmanes qui considèrent que l'on pourrait capter leur énergie et de se passer du nucléaire.
Au passage, cette chercheuse n’est sans doute pas totalement stupide… Mais sans doute pas non plus trop au fait de certaines réalités scientifiques (mais absolument congrue en d’autres), ni de théologie et sciences islamiques (Al-Ghazâlî semble lui avoir échappé en ce qu’il aurait pu inspirer à Copernic).
Faut-il voir dans cette histoire une tentative brouillonne de favoriser l’islamisation de la science (ou de la connaissance), soit une forme de concordisme tiré par les cheveux d’ange ?
En mars dernier, un professeur de physique de Kairouan fit appel au Coran pour expliquer à ses élèves que la pression diminue lorsque l’altitude augmente : comment faire valoir que s’élever (« monter jusqu’au ciel ») « resserre et oppresse le cœur » (verset 125, sourate 6) illustrerait cette loi physique ? Je n’y étais pas, je ne me prononce pas. Toujours est-il que s’exprimèrent dans la presse tunisienne des gens estimant cela judicieux et d’autres préjudiciable.
Cela étant il y eut celles et ceux, rares, mais qui du fait de la mise cause systématique des médias, gagnent en influence, ayant véhiculé que l’affaire était un canular pour faire la distinction entre islamisation sérieuse et farfelue de la science. Du fait de la balourdise de la doctorante et qu’elle place sur un pied d’égalité les religions abrahamiques et les autres, un certain « Gumwars » de la Flat Earth Society a aussi relayé l’hypothèse non vérifiée qu’il s’agissait d’un canular.
Mais d’autres phénomènes peuvent l’emporter, entre autres :
·        – volonté de discréditer la presse à la moindre occasion semblant plausible ;
·       – se préserver de… stigmatiser… telle ou telle composante sociale (ici, les « musulmans » en général, en d’autres occasions tout autre groupe.
·       – se distraire, galéger, voir si des gogos mordent à l’hameçon…
Le problème, c’est que certains apprennent les uns des autres, que les méthodes ou tours de désinformation des uns en inspirent d’autres, d’accord ou non avec les premiers.
Je ne vais pas présumer gratuitement que, dans quelques décennies, la supputation que cette affaire n'ait été qu'un vaste canular monté pour discréditer la « vraie » connaissance scientifique islamique (ou à je ne sais quelle autre fin) passera pour vérité tangible.
Je n’avance pas non plus qu’il y ait eu absence totale de sanctions (je n’en sais rien), ou sanctions symboliques, pour ne pas donner plus d’ampleur, de prolongement à une muflerie intellectuelle et financière (thèse poursuivie pendant six ans, justifiant peut-être que Jamel Touir puisse continuer à être directeur de recherches).
Cela étant, tout ce qui précède étant quelque peu barbant, un moment de détente. Voici quelques extraits authentiques de ladite thèse (sans le moindre sic, ce serait lassant) :
« En ce qui concerne les lois physiques connue on a rejeté les lois de Newton, de Kepler et d’Einstein vue la faiblesse de leurs fondements et ont a proposé par contre une nouvelle vision de la cinématique des objets conforme aux versets du Coran (…) les étoiles se situent à 7 000 000 km avec un diamètre de 292 km et leur nombre est limité. Ils possèdent trois rôles : pour être un décor du ciel ; pour lapider les diables et des signes pour guider les créatures dans les ténèbres de la terre (…) la terre est immobile ». Forcément immobile puisque la position de la plus grande constellation par rapport à la Kaaba « est constamment fixe ».
On ne sait pas pourquoi le diamètre des étoiles n’a pas été arrondi à 300 km, ce qui aurait pu faciliter certains calculs kabbalistiques. On ne s’explique pas, comme le relève le Dr Foued Nasfi, que seuls Newton, Kepler et Einstein (Darwin, un oubli ?) sont réfutés et non Philolaos et Erastothène (pour Al-Ghazâlî, je m’abstiens de me prononcer).
Ah, au fait, pour être aussi complet que possible. En septembre 2017, le bureau de la professeure lanceuse d’alerte, Beya Mannaï-Tayech, à la faculté des Sciences de Tunis, fut saccagé…
Il est quand même déplorable que le long laïus d’Amira Kharroubi ne soit plus accessible. Partant du postulat qu’elle soutient que tout ce qu’énonce le Coran finit par être prouvé par la science, comment s’en tire-t-elle avec le Soleil dont la course serait assignée par un créateur vers un point fixe (« sous le trône d’Allah ») ? Parvenu à ce point le Soleil serait constamment renvoyé à celui de départ. Énoncer que la fonction des astres est décorative est revanche parfaitement cohérent : « nous avons décoré le ciel » (dit le Coran). Pour le reste, il aurait été intéressant de voir si elle n’aurait pas encouru une fatwa ou une autre pour avoir contredit tel ou tel théologien par inadvertance… ou méconnaissance.
Mais au fait, alors qu’on s’inquiétait de savoir « où est Steve ? » (jeune Nantais disparu depuis le 21 juin, dont le corps aurait été « très probablement » retrouvé dans la Loire ce lundi 29 juillet), on pourrait se demander « où est donc Amira ? ». Mais qu’est-il donc advenu d’Amira Kharroubi ?

lundi 29 juillet 2019

Non, ni Coran, ni évangiles ne sont émancipateurs durablement


Denis Guénoun, Chouki El Hamal, ou « l’imposture de l’angélisme » ?

Non, bien évidemment, ni Denis Guénoun, ni Chouki El Hamal ne sont des imposteurs. Des hommes de bonne volonté, assurément. Sincères. Mais leur échappe peut-être (à moins qu’ils ne feignent d’ignorer… avec les meilleures intentions possibles ; l’objection étant d’ailleurs déplacée pour Guénoun qui sait le rappeler) que l’historiographie l’emporte toujours.
Je venais de chroniquer le remarquable essai de Denis Guénoun, Trois soulèvements (vous retrouverez ici-même, sur ce blogue-notes), quand me tombe sous les yeux un entretien entre Théa Ollivier, du Monde, et Chouki El Hamel, historien, auteur d’un Le Maroc noir, une histoire de l’esclavage, de la race et de l’Islam (Croisée des chemins éd).
Lequel soutien que « le Coran ne soutient pas la pratique de l’esclavage mais son abolition ». Pas davantage que le port du voile, &c., air connu.
Mais peu importe. Cette vision de textes (Coran, divers évangiles dont des controversés), émancipateurs pour Guénoun, humanistes pour Chouki El Hamal, hissés aux statuts de fondateurs, textes fondamentaux, est certes sympathique, mais idéaliste.
Déjà, on ne sait trop qui a pu les concocter. Ensuite, le dieu monothéiste (autant que les dieux des animistes) reste une absurdité que toute observation raisonnée confirme telle, et toute autre irraisonnée établit valide. Guénoun n’est pas loin de le laisser entendre, puisque « sa » foi « se trouve ainsi décrochée de ce en quoi elle est censée croire, de ce sur quoi elle peut porter. ». Et la sienne est d’abord celle de multitudes voulant croire en l’humanité (incluant évidemment la féminité, pour résumer).
Ce n’est pas la foi en l’au-delà, c’est la foi en l’espérance.
Je me suis toujours interrogé sur un texte préconisant aux Lapons se convertissant à l’Islam de jeûner pendant 23 heures, sur un Jésus n’imaginant pas les Pygmées, les Papous, les Amérindiens, alors qu’il serait l’incarnation d’un père omniscient. Passons…
Peut-être que, comme l’énonce Ludwig Wittgenstein, « les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde ». Ce qui vaut pour moi-même, mais aussi un Jésus (personnage composite ?) ou un Mahomet.
Mais l’essentiel n’est pas là. Que le Coran préconise ceci ou cela, que les évangiles s’accordent ou divergent (enfin, ceux validés par les églises romaines, coptes, orthodoxes diverses, syriaques, réformées, &c.) sur tel ou tel point importe finalement peu. L’historiographie l’emporte toujours. Les disputations priment immanquablement, en un sens (pour ou contre les peuples indigènes, pour contre l’humanité des femmes, &c.), ou un autre.
Le pape François plus humaniste que ses prédécesseurs ? Attendez ses successeurs… La controverse de Valladolid (1550) emporte l’adhésion de Charles Quint ? Voyez ce qui se produit au Brésil, de nos jours.
Chouki El Hamel croit-il vraiment que se référer au Coran suffira ? Le marxiste Guénoun se souvient sans doute que les rapports de force finissent – un temps, car évolutifs — par l’emporter.
Le Coran fut tiré à profit pour éliminer les Arméniens et les Assyriens (plus récemment, d’autres chrétiens orientaux), la Bible est sollicitée pour exproprier des Palestiniens. Et si un reversement de tendances intervenait, il se trouverait toujours des dominants pour se fonder sur des textes « sacrés » afin d’opprimer ou soumettre d’ex-dominants d’une période révolue.
Qui suis-je cependant pour estimer qu’une « morale laïque » serait plus à même de consolider un consensus durable ? « Les limites de mon langage… ». Les dieux furent créations humaines, qu’ils soient amalgamés en un seul ou restés multiples. « Déifier » une morale universalisante, ne se référant à aucun texte religieux, en garantira-t-il la pérennité ? Je me permets de douter.
La solutio ? Espérer. Encore faut-il ne pas espérer seul. Et que le verbe soit incarné par l’un, par l’autre, le troisième, d’autres (laïques ou religieux agnostiques, comme certains spiritualistes se livrant à des rites « païens » aux yeux des monothéistes, syncrétistes tels les baha’is), devrait cesser d’être clivant. Vaste entreprise… Vaine, eh bien, tant bien même… Soyons peut-être « imposteurs angéliques », de peur de ne l’avoir pas été assez.
Ce qui précède était, reste un « premier jet » (pas de pierre à quiconque) … J’avais songé à poubelliser. D’abord parce qu’eux et moi ne jouons pas dans la même cour, que j’hésite toujours à tomber dans la caricature au petit pied, qu’à trop synthétiser faute d’analyse approfondie préalable, &c. Limite parce que « troller » verbeusement est aussi insignifiant que lapidairement.
Et puis, mon attention est attirée par le titre exagéré (titre « incitatif », dit-on : une certaine outrance atténuée par la suite peut se concevoir) d’un respecté confrère, Richard Martineau, du Journal de Montréal : « L’excision du clitoris n’est pas barbare » (mis en ligne le 29 juillet 2019). L’argument est que soit que, par omission, restriction mentale (taire la vérité si la fin justifie les moyens), relativisme, les autorités canadiennes couvriraient d’un boisseau démesuré (« Matthieu, Luc…) certaines injustifiables réalités.
Les faits : un nouveau Guide de citoyenneté serait en cours d’élaboration. Le précédent, distribuer aux postulant·e·s à la résidence au Canada incluait le rappel que des « pratiques culturelles barbares » (excision, crime d’honneur) sont condamnées pénalement. « Ce passage sera retiré », assure Richard Martineau. Sera et non serait… On verra ce qu’il en sera.
« Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit. » (préambule de la Charte canadienne des droits et libertés). D’un côté, pour ne pas froisser les uns, on conserve cette référence, et la devise canadienne (A mari usque… d’un océan à l’autre, de par la volonté divine, implicitement), de l’autre, pour ne pas en heurter d’autres, on laisse(rait) en quelque sorte du temps au temps…
Peut-être dans l’espoir que des ulemas ayant lu Chouki El Hamel (et d’autres) finiront par persuader leurs ouailles qu’une interprétation du Coran l’emporterait sur celles dont elles ont hérité.
Qu’on ne se méprenne pas : Denis Guénoun n’appelle nullement à fonder impérativement son propre chemin de vie sur des références bibliques ou évangéliques, même si on peut lire chez lui, par exemple, que le christianisme ne fut pas « assez respectueux de ses sources ». Quant à Chouki El Hamel, j’en ignore tout, et je ne sais si sa référence au Coran vaut moyen parmi d’autres, choisi(e) pour son efficacité, de conforter un humanisme, ou incitation à s’en remettre à la pureté originelle d’un texte pouvant guider sa libre réflexion.
Je ne sais ce qu’il serait advenu de nos libertés si le culte de la Raison (instaurant une déesse plus ou moins inspirée d’Athéna) avait perduré au-delà de l’an iii de la Révolution. Du marxisme, Guénoun relève : « qu’une idée, quelle qu’elle soit, qui n’a jamais été défigurée vienne lui jeter la première pierre. ». La déesse aurait sans doute fini par imposer — ou propager, y parvenant ou non — ce qu’il lui était dicté.
Faut-il pour autant ne s’en remettre qu’à la loi, ou au droit (dont la capacité à justifier l’injustifiable n’est plus à démontrer), forcément évolutive dans un sens ou un autre ? Soit non pas bannir, mais s’abstenir de s’appuyer sur des principes décrétés justes, universels, qu’ils soient d’essence religieuse ou autre ?
À chacune et chacun de répondre en conscience.
L’imprégnation croissante d’un « religieux » — ou d’un autre — dans le discours public m’interroge. Texte dérisoire (aussi du fait de sa faible portée) que je ne sais conclure : d’autant plus que faire état de cette inquiétude propage le phénomène.
D’habitude, je répercute ce qui est publié ici via un ou deux autres vecteurs. Là, je m’abstiens. Cela restera entre fort peu d’entre-nous. Alors que pourtant Guénoun et El Hamal sont vecteurs d’espérance. Et que je ne m’interdirai pas de les évoquer de nouveau.
Pour en savoir (un peu) davantage sur El Hamel : https://choukielhamel.com/
Pour en savoir (beaucoup plus) sur Guénoun : http://denisguenoun.org/

P.-S. — à noter sur le site du premier, une citation d’An-Nazzam rapportée par al-Jahiz : « Le savoir est quelque chose qui ne vous cédera pas quelque chose de lui tant que vous ne y vouez pas tout entier, et quand vous le faites, alors vous pouvez envisager qu’il le fasse sans pourtant être assuré qu’il le fera. » (adaptation libre : “Knowledge is something that will not give part of itself to you until you give your all to it, and when you give your all to it, then you stand a chance but you cannot be sure that it will you that part.”.
Mais se tapir dans le doute et l’ignorance est vain…
Pour prolonger : « L’islamisation de la connaissance », Zouaoui Beghoura, Le Télémaque 2008/2-34 : https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2008-2-page-121.htm

N.B. — Peu à voir : pour l’anecdote j’ai tenté de savoir si Amira Kharroubi et son directeur de thèse, Si Jamel Touir, étaient toujours membres de l’université de Sfax. La thèse d’Amira Kharroubi, présentée dans The International Journal of Sience & Technoledge – publication se faisant rétribuer pour ce qu’elle fait paraître — concluait à la réfutation du modèle héliocentrique ; je ne sais si son ouvrage The Flat-Earth model, a été publié ou non. Il a depuis été présumé qu’il s’agissait d’un canular, qu’Amira Kharroubi n’a jamais existé – en dépit du fait qu’elle cosigna avec son directeur une intervention en mai 2016 lors de la conférence internationale de géologie appliquée de Mahdia. On peut lire par exemple que “não é um aluno, senão aluna chamada Amira Kharroubi” et à peu près la même chose en anglais sur un site ou l’autre. On ne sait jamais trop « quelle part » le savoir vous rendra. Et il se peut qu’au fil du temps cet épisode se considéré être un hoax. Allez savoir quelle « vérité » finit par l’emporter.