mercredi 31 juillet 2019

Décès de Steve Maia Caniço : un symptôme ?

Le brigadier  Steve Maia Caniço se serait-il suicidé ?

Se prononcer sur le décès de « Steve » (Maia Caniço) peut exposer à des réactions diverses... Ne pas se prononcer confine à l'omission a-civique. Le faire avec justesse est épineux.
Au téléphone, un ex-Nantais résidant toujours en Loire-Inférieure, en Pays de Retz... « Steve » ? Un chanteur  ?
N'ayant, depuis des semaines, pas poussé plus loin que Rezé, n'écoutant pratiquement que France musique, mon pote sait nonobstant vaguement que Castaner est « le ministre de la castagne » selon ses termes, à lui, « Jipé ». Cela pour situer un cas d'a-civisme.
C'est, lisant Denis Guénoun, employant tant athéisme qu'à l'occasion « a-théisme », que ce néologisme d'a-civique m'est venu à l'esprit.
Quant au titre ci-dessus, mal-pesé, qu'il n'y soit pas imputé instinctivement une signification kabbalistique : je ne présume pas que Steve Maia Caniço aurait envisagé de faire carrière dans la police, je respecte tant sa mémoire que celles de policières et policiers ayant mis fin à leurs jours.
S'en tenir aux faits
Première réaction après l'allocution du Premier ministre : que ne s'est-il abstenu d'avancer une hypothèse alors que diverses investigations sont en cours et que le Défenseur des droits se soit auto-saisi.
Première réaction après avoir consulté Facebook : se pourrait-il que la dépouille de Steve n'ait été retrouvée si tardivement que pour faire en sorte de ne pouvoir établir qu'il aurait reçu des coups, des projectiles, du gaz lacrymogène, je ne sais quoi... 
Dans les deux cas, il y a de quoi s'inquiéter...
Édouard Philippe, et plus encore Christophe Castaner, confrontés au malaise ressenti par diverses composantes des forces garantissant « la paix » et le « maintien » de l'ordre, semblent de prime abord écarter toute responsabilité de l'une de leurs composantes. Il semble pourtant que, même si Steve Maia Caniço fut bousculé par des personnes se jetant dans la Loire, il ne fut pas la victime involontaire de lemmings affolés en raison d'un mouvement collectif fortuit.
Dans le second cas, le fait que des recherches aient été activement menées et qu'en définitive, c'est par hasard que des civils aient repéré le corps ne doit pas conduire à supputer que ce hasard devrait résulter de circonstances moins casuelles. La Loire, pour qui la connaît, est un long fleuve imprévisible. Elle peut emporter au loin et faire revenir à proximité du point de chute.
Quant aux indéniables violences policières elles résultent soit des circonstances, de dispositifs mal adaptés (que ce soit sciemment ou non est très difficile à déterminer), soit d'ordres inconsidérés provenant d'échelons inférieurs, soit d'individus qu'un syndicaliste récemment sanctionné a qualifié de « chiens fous », qu'ils soient mal formés ou pris d'une rage subite ou se comportant comme des bourreaux de cours de récréations restant à départager au cas par cas.
Qu'un menotté se trouve subir de réelles souffrances peut résulter d'une intentionnalité comme de l'inexpérience, de la précipitation.
Que des gens se refusent à se plier à des injonctions policières peut résulter de multiples causes et circonstances allant de « casser du flic » à l'impossibilité d'obtempérer tant bien même en aurait-on l'intention.
Droites et gauches convergentes ?
L'approche qui précède peut être taxée d'apolitique, donc de droite... Que nenni... On constate que maintenant une certaine droite se prononce avec une virulence égale à celle de composantes de la gauche sur les violences policières, les unes et les autres voulant se rallier les bonnes grâces de telle ou telle fraction ou portion des Gilets jaunes. Je fus fort surpris, voire stupéfié, de le constater. Je n'aurais jamais imaginé, par exemple, des nostalgiques de Nicolas Sarkozy en venir presque à exonérer « le peuple en colère » de certains débordements (qui ne sont pas le fait que de gens tentés par un radicalisme croissant, dans certaines situations les comportements peuvent évoluer).
Ce n'est certes pas inouï : réflexes de classe (possédante ou s'y assimilant) ou de caste (appareils des partis et syndicats, parfois soumis à des directives suivies aveuglément comme on le vit avec le PCF inféodé au dirigeant de la « patrie des travailleurs »), tactiques temporaires foireuses, ont déjà conduit, par le passé, à de telles insolites convergences.
Il demeure que cela fait trop longtemps que des gouvernements se retrouvent otages de parties des « forces de l'ordre » défendant l'indéfendable pour des raisons diverses (électoralisme, crainte d'une saignée dans les effectifs, que sais-je encore...). Que des magistrats, pour des raisons diverses, idéologiques, clientélistes ou non (influence de la magistrature debout dont le pouvoir d'investigation dépend de la bonne volonté des uns, policiers, ou des autres, gendarmes, ce qui peut avoir des répercussions sur l'avancement et les résultats), font preuve parfois — l'inverse peut aussi être quelquefois constaté – d'une singulière mansuétude.
L'affaire Steve n'en est pas plus exemplaire que d'autres : sur le fond, la circonspection doit prévaloir. La présomption d'innocence doit s'appliquer aussi aux policiers étant intervenu en général, voire en particulier. Personne n'a vu Steve soit être jeté, soit se jeter, soit tomber accidentellement à l'eau et je ne présume absolument rien, n'avance aucune hypothèse. Ni ne vocifère.
Dire, ne rien dire...
Édouard Philippe s'est retrouvé avec, entre les mains, un rapport difficile à commenter. Il fait notamment état d'un policier donnant des coups à une personne à terre, de ce que les chiens policiers sont restés en laisse, qu'il y  a eu usage de gaz lacrymogènes, que cet emploi fut estimé inadéquat par un supérieur, &c. Seule sa synthèse (dix pages sur 235) a été rendue publique. Il n'empêche qu'il a délibérément opté pour mettre en avant le fait qu'un lien direct entre l'intervention policière et la mort de Steve ne peut, pour le moment, être établi. Il pouvait procéder autrement... Ne serait-ce qu'en s'en tenant à la langue de bois (condoléances, expectative en l'attente du résultat de l'information contre X du chef d'homicide involontaire). 
Qu'on le veuille ou non, l'impression résultante est que le Premier ministre semble plus soucieux de couvrir son ministre de l'Intérieur et les troupes policières que d'autre chose.  On aurait plus volontiers admis qu'il s'en abstienne. 
Nous en sommes (nous, citoyennes et citoyens) à 44 suicides dans la police en sept mois. Six par mois (faire état de décimales me semble déplacé). Sans doute pas uniquement pour des raisons toutes liées au service, dont acte (enfin, toutes directement liées...). Et un Alexandre Langlois, secrétaire général d'un syndicat policier ultra-minoritaire (pour des raisons complexes) suspendu pour six mois. Du fait d'une intervention directe qu'on imagine mal n'avoir pas reçu l'aval du ministre.
Cela fait beaucoup. Tout comme le nombre des victimes découlant directement ou indirectement, intégralement ou pour partie, d'activités de la police, ou dans une moindre mesure, de la gendarmerie. Il est plus que temps, sans vindicte ou crainte, de s'en inquiéter, et d'en faire état.
C'en est même devenu un devoir civique.
De la passivité à l'activisme
Steve Maria Caniço, 24 ans, était animateur périscolaire, soit salarié à temps partiel (de 15 à 20 heures hebdomadaires, éventuellement davantage hors périodes scolaires). Guère de quoi envisager sereinement un avenir financièrement confortable. Son cas est aussi, de ce point de vue, exemplaire. Je ne sais si une ex-animatrice, un ex-animateur, s'étant engagé dans la police a été amené à intervenir sur le quai de Nantes. Je ne voudrais pas être dans sa peau, même s'il n'a pas utilisé de projectile, même s'il resta en retrait.
C'est aussi un devoir civique de faire part de sa confiance non en l'ensemble (cela devient de plus en plus impossible), mais en la majorité des forces de police.
Pourquoi, aussi et au-delà des faits qui interpellent ponctuellement l'opinion ?
Parce que, sans que je puisse me prononcer, faute d'éléments concrets précis, j'ai la simple impression diffuse que l'a-civisme gagne du terrain. Et la conviction que l'anti-démocratisme progresse davantage dans les sociétés ou finit par prédominer l'a-civisme... Que parfois peu suffit à transformer un a-civique en extrémiste, en combattant, en partisan suiviste. Ce fut constaté, de manière généralisée, cela se constate partiellement (combien de combattants d'un bord ou d'un autre, dépourvus de repères, en Libye actuellement ?).
Je n'estime pas que la courte allocution d'Édouard Philippe revenait à une injonction du type « dormez, bonnes gens, il n'y a rien à voir ». Ni qu'elle s'apparente à une faute politique (l'avenir ne l'établira sans doute pas). Mais qu'elle prête le flanc à soulever ce type d'interrogations me semble patent. 
  

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