Plus la porte du voisin est sécurisée, plus la vôtre attire les cambrioleurs
Immeuble parisien, six étages : deux portes déposées au sixième, deux autres attaquées au cinquième, une massacrée au deuxième... Elle n'allait pas tenir longtemps, un voisin survenant au milieu de l'après-midi a peut-être évité l'effraction. Pourquoi celle-là ? Peut-être parce que celle du voisin de palier semblait inexpugnable... Et découragea « nos » cambrioleurs estivaux.
J'aurais dû faire des photos... Je pourrais encore en faire, en dépit du panneau de bois provisoire clouté sur la partie gauche du montant de la porte du deuxième étage (dans un pareil cas, la police doit faire appel à un professionnel de je ne sais quoi pour « sécuriser » le lieu des méfaits), mais grosse flemme.
Ce n'est guère la première, ni la deuxième, ni... fois que des cambrioleurs estivaux s'en prennent à cet immeuble. Ce n'est sans doute que l’antépénultième avant les suivantes...
Ce qui m'inquiète fort, c'est que, sur mon palier, les voisines ont comme moi une porte à « trois points » qui ne tiendra sans doute pas plus d'un quart d'heure. Mais s'il leur venait — du fait de ce xième cambriolage — l'idée de renforcer tout le pourtour par des montants en acier, histoire de faire qu'un pied de biche adroitement manié doive d'abord s'acharner dessus, c'est sûr que ma porte, qui en reste démunie, sera la cible de choix prioritaire.
Au deuxième, deux portes : l'une semblable à la mienne, ô combien vulnérable, l'autre renforcée à l'extrême. Plus besoin de tirer à pile ou face : le choix s'impose d'évidence.
Purée, ils ont fait fort, les deux types dont j'ai peut-être interrompu le labeur en faisant résonner mes pas dans l'escalier. Deux gars passe-partout, avec juste de petits sacs à dos... Comme me l'expliqua le brigadier-chef, emporter des téléviseurs désormais volumineux, des unités centrales pesantes, c'est incommode et vous rend susceptible d'être repéré par les caméras de vidéo-surveillance. Donc, on dépose ou détruit des portes dans le seul espoir (vain) de tomber sur le bas de laine ou les bijoux des Castafiore des noces et banquets en banlieue.
Du téléphone portable vieux modèle (le plus récent est entre les mains des absents voisin ou voisine), à la rigueur des tablettes, des consoles de jeux, des appareils photo numérique (pour les passéistes ou amateurs encore vaguement éclairés), soit.
Le problème, si vous sécurisez au max votre porte, c'est que, si vous la claquez derrière vous afin de vous rendre chez un commerçant de proximité et avez oublié vos clefs, les vieilles radios médicales ne vous tireront plus d'affaire. J'vous dis pas comme la prolifération des IRM rend ces radios argentiques de plus en plus rares... S'il vous en reste, gardez précieusement (collez-les par exemple sur la face supérieure de la boîte aux lettres, mais attention : se munir par exemple d'un chausse-pied, dissimulé ailleurs, pour, lors du décollement, faire qu'elles ne chutent pas et que vous puissiez les extirper).
Reste la carte de fidélité de votre chaîne épicière. Beaucoup moins souple... Code barre illisible au final (réflexion pertinente du brigadier-chef qui prendra le dernier train pour rejoindre à point d'heure sa fort lointaine banlieue ; vingt ans qu'il sillonne le quartier sans pouvoir y habiter).
C'est donc un choix : investir comme le voisin de palier, au risque de ne pouvoir rouvrir une porte simplement claquée, ou risquer que les cambrioleurs s'en prennent en priorité à votre porte.
La solution alternative présente quelques inconvénients. Entasser des sacs de détritus, voire de fèces sèches (à suspendre au préalable devant vos volets, au risque des cancans du voisinage). Les cambrioleurs viennent à bout de votre porte, constatent que s'ils pénètrent plus avant dans l'appartement, ils devront fouiller des tonnes de piles de vieux journaux, d'emballages, sonder jusqu'au sol pour tenter de déceler vos trésors (la montre à gousset du pépé, la sainte vierge ou la Thérèse ou la Soubirou en boule de neige, la collection de figurines Mokarex, les gadgets Pif-le-Chien...). En général, ils renoncent.
On n'sait plus quoi faire... Finalement, ne faisons rien... Remplaçons nos portes à trois ou x points par des battantes : genre saloon. Entre comme tu veux.
L'ennui, c'est que même si vous n'avez plus rien de valeur chez vous, il restera toujours quelque chose à piquer : le couteau-sommelier publicitaire, le presse-purée à manivelle, le brise-jet de robinet, qui se revendra à la sauvette pour un prix dérisoire (genre cinq centimes d'euros).
Le saviez-vous ? Travels with Charley (Steinbeck), c'était... avant. À présent, en Europe comme en Amérique du Nord, celles et ceux vivant dans des caravanes sont des dizaines de milliers. Non plus des Travellers, des manouches, gitans, vanniers, &c., mais des gens ne pouvant plus régler des loyers. Croissance exponentielle. Padamalgam' : ni cambrioleuses, ni cambrioleurs potentiels. Mais clientèle pour le moindre objet utilitaire vendu à la sauvette. Qui dit demande, dit offre...
On en vient au point (The End is near), où... Nous sommes passés de Tortilla Flat (Steinbeck) au Tortilla Curtain (Tom Coraghessan Boyle, dit T.C. Boyle). Soit le voisin ultra-sécurisé, et nouzôtres. Enfin, ce qu'il reste de la petite classe moyenne inférieure ou « laborieuse » tentant de vivre encore avec un toit, une porte... Non, je ne déverse pas la sinistrose à pleins baquets. Je dis simplement que même les Gilets Jaunes (là, c'est pour Google, caser « Gilets jaunes » et même « Gillets jaunes », voire « Jilets jaunes », &c.) ont du souci à se faire.
Il te reste trois-francs-six-sous. Fuis le voisinage des six-francs-douze-sous. Celui qui peut mieux sécuriser sa porte que toi la tienne. Sa proximité te rend plus vulnérable.
Mixité sociale ? Zazie t'a répondu. J'te dis pas les BD apocalyptiques des années 1980-1990. Si tu t'en souviens, t'es à un poil coupé en quatre de le vivre. Faut pas tout charger sur les loups : la délinquance rurale (le mouton qu'on subtilise, la vache laitière dépecée en plein champ) est aussi en progression.
Mixité sociale ? Zazie t'a répondu. J'te dis pas les BD apocalyptiques des années 1980-1990. Si tu t'en souviens, t'es à un poil coupé en quatre de le vivre. Faut pas tout charger sur les loups : la délinquance rurale (le mouton qu'on subtilise, la vache laitière dépecée en plein champ) est aussi en progression.
Bon, il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. Je la ferme (enfin, la claque) et vais me coucher. Rêver peut-être au temps du Voleur (Darien), de 813, voire de Robin des Bois. Quand, entre pauvres, il n'y avait que de petits larcins...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire