dimanche 3 mars 2019

Roger Vailland, reportages en Espagne


Roger Vailland en Espagne : mantilles, manzanilles & séguedilles

Avant d’arpenter les rues chaudes de Lisbonne (précédents articles ici), Roger Vailland avait fait de même à Madrid, et surtout Séville. Ce fut début novembre 1932. S’il n’évite pas divers poncifs, Vailland apporte un éclairage original, voire prémonitoire, sur la période de la Seconde République espagnole.
Chez Vailland, l’Espagnole est aussi… tartignolle. Quelque peu figée de réminiscences littéraires. Les yeux des Andalouses, les jambes nerveuses des Ibères, &c. S’intéressant bien plus aux mœurs qu’à l’actualité politique, qu’il laisse à l’arrière-plan, et sans doute à ses confrères envoyés spéciaux, comme lui, à la suite d’Édouard Herriot en visite officielle, il n’en restitue pas moins le climat.
         Les reportages à Madrid (ici la Castille) et Séville (l’Andalousie là) ont été retranscrits séparément. C’est assez logique… À Séville, Vailland a beaucoup plus les coudées franches, ses deux articles ne s’insèrent pas aux côtés de ceux des deux autres envoyés spéciaux de Paris-Soir. Cela étant, sans doute cornaqué, à Madrid, il a le flair de s’intéresser à la troupe ambulante de théâtre universitaire, La Barraca, qui joue en alternance un répertoire classique et d’avant-garde dans les bourgs éloignés de la capitale.
         Si l’idéal d’un théâtre populaire ambulant fut longuement évoqué par Catulle Mendès en 1905, concrétisé par Firmin Gémier avec le Théâtre national ambulant (1911), prédécesseur du TNP puis des Tréteaux de France, La Barraca, de par sa programmation et ses modes de fonctionnement, évoque très fort, en 1932, ce que seront les troupes nationales de la décentralisation théâtrale française d’après la Libération. Gaffe à l’anachronisme : créée en novembre 1931, soutenue par le ministère de la Culture et de l’Information publique, la troupe se disperse en 1936, et reconstituée en 1937, ses activités restent épisodiques au cours de la Guerre civile. André Malraux n’a sans doute pas croisé ses camions…
         Comme à son habitude, Vailland s’intéresse aux étudiantes, exclusivement ou presque. Le garçon qu’il mentionne brièvement aurait pu pourtant être Federico Garcia Lorca. Mais il est vrai que son renom en France, au début des années 1930, reste faible, et que ses Noces de sang ne seront créées qu’en 1933. Mais le texte parut en 1931 et il n’est pas impossible que sa Novia (la fiancée) ait pu inspirer à Vailland sa conception de la mentalité des jeunes Andalouses.
         Si Vailland évoque ses contacts avec des « personnalités » (masculines), la seule qu’il met en valeur est la féministe Clara Campoamor, l’une de la demi-douzaine des députées de la Seconde République. Car, « bien que féministe, Mme Clara Campoamor est une femme », aux yeux verts, aux belles mains, aux lèvres minces, &c. C’est tout juste s’il ne s’attarde pas sur ses jambes.
         Un étonnement : à Madrid, si les trois envoyés spéciaux se répartissent vaguement les rôles et les angles abordés, J.-J. Tharaud (les frères Tharaud), Élie Richard et Vailland se rendent séparément à l’Ateneo, le club intellectuel madrilène. C'est là que Vailland se fait présenter Pepita, la jeune communiste…
         Si Vailland s’intéresse surtout aux (jeunes) femmes, et ne rechigne pas à glisser des clichés, ses confrères ne restent guère en retrait. Élie Richard qualifie une fille de général de « pure Castillane », dépeint ainsi une jeune fille : « jambes nues, d’un bronze embué, velouté (…) Elle est belle, bien vêtue, 15 ans, femme. ».
         Encore une fois, un article de presse ne peut être estimé per se, sans tenter de prendre en compte ses conditions de production, son contexte (y compris spatial, dans la mise en pages), la ligne éditoriale du titre (Lazareff veut qu’on s’intéresse autant aux réfrigérateurs des ménagères de New-York qu’aux questions diplomatiques), et un certain « mimétisme » d’époque (le style de Colette, chroniqueuse judiciaire, diffère peu de celui de Robert François – Vailland – en compte rendu de procès d’assises).
         Sur la page 3 de l’édition du 1er novembre, les trois reportages couvrent cinq colonnes sur sept, les deux de droite étant dévolues à des publicités. Dont pour deux stylos. Le Gold Starry « ininflammable » et le Kaolo (« avec la plume Kaolithe, plus douce que la plume en or [qui] permet 3 et 4 copies avec carbone »). La plume du Vailland d’alors ? Gold Starry ou Kaolo ? Son style est aussi celui d’une époque.
P.-S. – Ne pas se méprendre, le Cortès de Vailland est ultérieur... Mais peut-être que les reportages en Espagne et au Portugal (et à Lisbonne, la rencontre avec l'amiral...) influeront sur l'imaginaire de Vailand. 

vendredi 1 mars 2019

Roger Vailland nez à nez avec Thomas Mann (février 1933)


Avant son reportage en Allemagne, Vailland s’informe auprès de Thomas Mann

Non, Thomas Mann et Roger Vailland n’ont pas échangé des salutations esquimaudes à Paris, en février 1933. Mais Vailland, au nez d’oiseau de proie, ne s’intéressa sans doute pas qu’à celui de Thomas Mann…
On m’accordera l’indulgence, sans doute peu plénière, si, sur ce blogue-notes, je tente de vous distraire avec des anecdo(c)tes (prétentieuses, en cuistre). D'où ce titre et ce chapô irrévérencieux. À quoi s’intéresse d’abord Roger Vailland rencontrant Thomas Mann pour Paris-Soir le 18 février 1933 ? Au nez du Prix Nobel de littérature. Pas que, sans doute… Et nul autre (doute) ​: même s’il ignorait que, quelques jours plus tard, il devrait se rendre à Francfort constater la mise en œuvre du boycott des commerces juifs par les nazis, Vailland s’enquiert très probablement de la situation en Allemagne. Mais les lignes sont comptées : même dans les années 1930, le reporter sait la tâche et les contraintes de mise en page lui étant assignées. Par conséquent, le sujet, lors de la rencontre avec Thomas Mann à Paris, n’est qu’esquissé, allusif.
Thomas Mann vient de rédiger son discours, Souffrances et grandeur de Richard Wagner, prononcé le 11 février 1933 à l’université de Munich. C’est le cinquantième anniversaire de la mort du compositeur et le Prix Nobel est convié dans diverses villes à le « célébrer ». Il vient donc à Paris. Pressent déjà la réaction des Müncher Neueste Nachricten qui publieront, le 16 avril, une pétition réunissant les signatures de Richard Strauss, Hans Pfitznert et Hans Knappertsbusch, car Hitler vient de prendre le pouvoir et Mann critique le populisme et la démocratie de masse et le Kolossal Wagner. Il espère encore rentrer en Allemagne mais prendra rapidement la tangente vers la Suisse et ses enfants, Erika et Klaus, qui fondent à Zurich le cabaret Pfeffermühle.
         D’un côté, il n’était pas tendre pour Wagner, de l’autre, il en fait un chantre avant l’heure de la Kultubolchevist honnie dans l’Allemagne hitlérienne.
         Vailland rate-t-il le coche ? Rien dans son article de Paris-Soir n’allude à cette problématique sur Wagner. Il faut vraiment lire entre les lignes (ce que tentera Daniel Schneidermann, maladroitement, dans Berlin 1933, à propos du reportage ultérieur de Vailland à Francfort).
         Le nez sur celui de Mann (et dans le guidon du genre journalistique préconisé, au niveau des pâquerettes des rubriques mondaines de Lazareff), Roger Vailland n’élude pas tout à fait ce qui se joue à Rome et à Berlin. Un article de presse est toujours pris pour ce qu’il en paraît, publié, figé… Le carnet de notes du journaliste finit le plus souvent poubellisé (un sujet chasse l’autre, il faut faire de la place, déchirer des pages pour retrouver rapidement les plus récentes).
         Vailland aurait sans doute pu livrer une autre contribution, plus étayée, à un autre titre… Mais le temps lui est compté. Demain, une autre « actu » vous mobilise. Les conditions de production d’un Vailland ne sont certes pas les seules à prendre en compte pour appréhender ses écrits journalistiques, mais souffrez que je tente de les mettre en exergue : ce n’est pas le nez au milieu de la figure, mais l’arrière-plan, les coulisses, les ficelles du métier (qui a évolué), qui importent. J’adorerais faire une critique féroce (c’est beaucoup plus aisé d’éreinter...) de cet article « À l’heure actuelle, nous dit Thomas Mann, le penseur ne peut pas se désintéresser des problèmes politiques », mais à double-entendre. Ce qui ne créerait plus qu’un malentendu : déjà, Vailland avait compris à quel point le lectorat y était si peu perméable. Alors, l’ayant reniflé, il s’étend sur le nez de Thomas Mann.

mercredi 27 février 2019

Facebook plus pudibond que Paris-Match

Violette Nozière à loilpé défrise Facebook

Petit billet d'humeur... Ma précédente contribution portant sur Roger Vailland rencontrant des connaissances de Violette Nozière au Quartier Latin était illustrée d'une photo d'archives montrant cette dernière les seins à l'air... J'aurais dû m'en douter, Facebook à censuré.
Bref, ayant soumis derechef le visuel à je ne sais quel algorithme de reconnaissance des formes de Facebook, j'obtempère, modifie l'image (une couverture de magazine montrant Violette Nozière de profil dans sa cellule se substitue donc à la précédente). J'aurais pu aussi, comme le pratique systématiquement le Daily Mail, flouter l'aréole et le téton incriminants... Le même quotidien n'en rate cependant pas moins le moindre fait-divers quelque peu salace (en gonflant, par le titre et le style de l'article ou de l'écho, sa faible portée au besoin).
     Mais rien n'y fera... FB ne conserve que la trace de la version initiale : obsédé, va. Impossible donc de signaler le texte sur Facebook. Primat de l'image...
    C'est une censure quelque peu discutable... Situer le cas Nozière en publiant une image d'archives pour laquelle elle posa nue (à 17 ans) me semblait adéquat. Éclairait davantage la teneur des témoignages recueillis par Vailland auprès des connaissances de la parricide au Quartier Latin. Tandis que le nouveau visuel (qui présente certes un intéressant traitement typographique de la couverture de Police Magazine) n'illustre que la portée que prit « l'affaire Nozière » en 1933.
     La photo dénudée illustrait la chronique d'un dénommé Romi – sans doute Robert Miquel, à moins qu'il ne s'agisse de Gilles Martin-Chauffier  – pour Paris-Match (29 août 1991). La rubrique s'intitule « Les femmes de notre siècle ». Cela donne « Pour la première fois, une criminelle donne des états d'âme à la société » ; avec deux « chapos » : « À force de rêver palaces, Bugatti et grands couturiers, elle avait fini par ne plus supporter la médiocrité familiale. Devenue "femme" à 16 ans, Violette crut que seul un parricide la libérerait définitivement. La froideur et l'inconscience de cette meurtrière de 18 ans fascina la France. Écrivains, poètes et peintres se mobilisèrent et firent de cette petite ambitieuse criminelle un symbole. Condamnée à mort à 19 ans, graciée (avant d'être touchée par la Grâce), libérée puis réhabilitée, elle devint, dans l'indifférence générale, l'épouse respectable, conforme aux vœux de sa propre mère. ».
   Le second est en fait une légende déportée sous le titre : « Violette était fière de cette photo "coquine" (...) où elle posait nue, cadeau vivant pour Noël de riche. ».
     Le texte contextualise bien ce qu'ont dit et purent penser les trois interlocutrices de Vailland de cette « copine » de condition inférieure, qui voulut passer pour de leur monde... « Violette Nozière n'est pas contente. Ses parents l'agacent. Ils n'habitent pas avenue Georges-Mandel (...) ne l'envoient pas en classe à Sainte-Marie de Passy. C'est impardonnable. D'autant qu'ils sont enchantés de leur petit appartement, rue de Madagascar, derrière Bercy, près de Charenton. Comme si cette atmosphère toile cirée-soupe aux choux pouvait convenir à leur petite chérie. (...) elle déguerpit. Car, pour une lycéenne, elle court beaucoup à  travers la ville. Sans que ses parents, qui la prennent pour l'élève modèle du lycée Fénelon, s'en émeuvent. Dès 16 ans, elle perd sa virginité (...) avec un petit camarade de passage. Auquel succède toute une escouade d'autres petits amis. Violette n'est pas pingre : n'ayant pas d'argent à offrir, elle se donne (...) ce qui l'amène à quelques acrobaties d'alcôve, car elle a raconté à ses copains du boulevard Saint-Michel que c'était son père, ingénieur, et sa mère, directrice chez Paquin (le couturier), qui lui remplissaient les poches. ».
    En réalité, elle a de forts besoins car, comme beaucoup de jeunes gens de ces milieux, elle s'adonne à la drogue, comme Vailland lui-même. En conséquence, elle michetonne, recherche les messieurs généreux...
    Il a été prêté à Flaubert la fameuse phrase « Madame Bovary, c'est moi ». Vailland n'allait pas s'assimiler à la Visirova ou à Leïla la Stamboulioute. Mais on se demande si le portrait en miroir qu'il dépeint de Violette, à travers les témoignages de ses propres fréquentations, ne lui inspire pas cette réflexion : j'aurais pu être Violette. Il provient d'un milieu à peine plus aisé (Baptiste Nozière fut promu par la compagnie Paris-Lyon-Marseille, Vailland père resta géomètre) et la différence avec elle, c'est qu'il ne déserta pas son lycée rémois, poursuivit ses études à Paris. Violette présente plus de similitudes avec l'ami Pierre Minet, qui déserte Reims pour la capitale à 16 ans. Lequel, comme elle, finira « ordinaire », ainsi qu'il le regrette dans La Défaite (1947).
    Vailland n'allait pas, dans Paris-Soir, heurter les sensibilités du lectorat en faisant de la parricide une héroïne. Ce qu'elle devient pour les surréalistes... Elle avait laissé supposer que son père fut incestueux, ce qui pouvait induire que sa mère en était la passive complice (Violette les empoisonna tous deux). Le cofondateur du Grand Jeu dans lequel était paru ce « Nous défendons Sacco et Vanzetti, mais nous préférons Landru » aurait pu faire de Violette une figure mythologique, comme surenchérirent les surréalistes (« embrasseuse d'aubes » ; « belle comme un nénuphar sur un tas de charbon » ; « nymphe baroque » ; « métisse de la lumière et de l'ombre »). Certains supputèrent même que la mère de Violette, qui réchappa du poison, eut agi par vengeance. Vailland n'incarnera pas à leurs yeux, cette fois, comme l'écrivit Péret, « ceux qui font uriner leur plume sur le papier de journal » ; il s'abstiendra de creuser le sillon et d'exploiter le filon. Il y avait pourtant de quoi en faire un feuilleton. Avec des Jean Dabin (amant de Violette, camelot du roi-maquereau, comme l'écrira André Breton), le vicomte de Pinguet, et divers personnages hauts en couleur... En 1953, il en était encore question avec le témoignage d'un commerçant, Émile Cottet, à France-Soir. Dix ans plus tard (1963), Violette Nozière fut réhabilitée par la cour d'appel de Rouen. Elle était devenue veuve, avait recueilli sa mère, et bénéficié des graces de trois chefs d'État (Albert Lebrun, Philippe Pétain, Charles de Gaulle).
     Pourtant, Vailland, en ses Écrits intimes, avance « La truite, c'est moi-même ». La Truite, ou Frédérique, est inspirée par une jeune prostituée lyonnaise... Peut-être aussi par la Violette de 1933. Car Violette, pendant au moins deux années, devient aussi familière à qui lit la presse que le sera Christine Villemin, la mère du « petit Grégory », en 1984-1985. Il est douteux que Vailland n'y ait nullement songé à nouveau en campant sa Frédérique de La Truite. Il est du moins permis de supposer qu'en 1964, il gardait son visage, son allure, en mémoire...

mardi 26 février 2019

Roger Vailland au Quartier Latin


Quand Vailland rata de peu Violette Nozière (qu’il aurait pu lever rive gauche ; suivi d’oiseuses considérations…)


C’est un article de Roger Vailland qui, pour qui connaît sa biographie, en dit plutôt long sur lui-même et ses fréquentations de la fin des années 1920 (et suivantes) à Paris… Dans ce « En parcourant le Quartier Latin et en parlant avec celles qui ont connu Violette Nozières », même si, pour une fois, il se met peu en scène, Vailland aborde aussi des sujets qui lui sont personnels…
Mais que laissèrent donc passer les titreurs de Paris-Soir ? Avaient-ils besoin de gonfler ce titre pour équilibrer l’ensemble de la page ? Toujours est-il qu’un « En parcourant le Quartier Latin et en parlant avec celles qui ont connu Violette Nozières» (accessible en ligne) vous ferait recaler aux concours d’entrée des écoles de journalisme… « Au Quartier Latin avec des amies de Violette Nozières » (quitte à puiser dans la casse des caractères de corps supérieur, car s’il y avait des Linotype, les titreuses étaient plus rares), voire le peu commode, à la rigueur : « Les Germanopratines se remémorent Violette Nozières », voire… « la fleur des catacombes » (Breton, André). Mieux, non ? J’admets, peu importe.
         D’une part, il est patent que cet article (le sien…) puise en des angles abordés antérieurement (notamment en des articles rédigés en Espagne, au Portugal, province…). D’autre part, Vailland, qui suivit une cure de désintoxication à Clichy, et qui traîne encore, en noctambule, sait de quoi « causent » Marie-Anne, Jane et Nosfera. Peut-être de même que, alors qu’en 1928 il remportait quelques succès féminins auprès de grisettes, gigolettes, et autres « filles du peuple », en 1933, il a noté que les étudiants lui envient ses coups d’un soir de la sorte, lui qui est à présent beaucoup mieux rétribué.
         Marie-Anne, Jane, Nosfera… Filles de… Vailland a pu aussi les connaître pour avoir fréquenté leurs parents ou parce qu’il leur fut présenté par elles-mêmes. Trois jeunes filles à la fois fictives (préserver leur anonymat oblige à brouiller les pistes) et si réelles, si authentiques. Total genuine.
         Comme le seront, le furent, les personnages de ses romans. Sans doute composites (Vailland a pu connaître un coureur cycliste amateur, un ouvrier sur presse ayant eu la main écrasée, un désireux de sortir de sa condition, et n’en faire qu’un). Vailland romancier est à rechercher dans le Vailland journaliste antérieur… Daniel Rondeau, qui évoqua si bien Vailland, fut un établi (jeune intello bossant en usine). Il lui en subsiste diverses sensibilités.
         Nous avons à présent, pour accéder à la profession, la voie royale : généralement Sciences Po, une bonne école spécialisée ensuite, le carnet d’adresse (au sing.) des parents. Devenue quasi-exclusive. Mais comment parler avec justesse des Gilets jaunes, même si la précarité de la pige vous rapproche, sans les avoir jamais côtoyés dans « la vraie vie » ?
         Je me souviens de ces OS aux mains cerclées de bracelets de cuir reliés à des chaînettes pour ramener d’une saccade les bras en arrière et retirer les mains de l’emboutisseuse (les hommes étaient affectés à d’autres presses) ; mes collègues des Forges de Strasbourg que, ahuri, je découvris ô combien « à la chaîne ». Cela étant, ce n’est pas ce qui fait naître le talent, le sens aigu de l’observation, et nombre de consœurs et confrères n’étant jamais passés par là font mieux que d’autres, pétris, talés, si ce n’est meurtris, d’expériences diverses. Nul besoin non plus d’être passé par la composition froide, puis la chaude, pour produire de fort belles pages.
         C’est bête. Il est fort possible que Vailland croisât Violette Nozière à Saint-Germain sans lui prêter attention. Damned, quel titre : « Ma nuit avec l’Ange noir ». Ce sera « Pierre-François, joueur de jazz, nous conte son aventure avec Violette » (article de Marc Roussel). En fait, non… Je ne le pressens pas concéder ainsi au sensationnel, plutôt rédiger subtil en songeant que ce qu’il écrit influera sur le ressenti des jurés de la cour d’assises.
Roger et Violette ; Michèle, ma belle, « si bien ensemble » (Lennon, McCartney) ? « Pourtant les gens m’ont dit/De me méfier de toi/Car tu n’es pas ce que je crois » (version Robert Demontigny). And I will write the only words I know they’ll understand. Ce fut Boule, et non Violette. Ni mieux, ni pis.
Je sais combien tout cela peut paraître cryptique à d’aucunes et d’autres. Survient un temps ou seule l’envie d’écrire pour une Élizabeth (non pas Lisana, défunte, une autre ; la trouver sur roger-vailland.com), un Philippe Lacoche, des inconnues, des anonymes – et soi-même, accessoirement – subsiste. Comme le répétait la marionnette des Guignols de l’Info : « excusez-moi, je n’ai pu m’en empêcher ». Cela tient presque du soliloque (ou remâchage sénil ?).
         Michel Picard, féru de Vailland, m’expliqua de vive voix comment la lecture du genre romanesque fait ressurgir le passé et se projeter. Lire, relire Roger Vailland, c’est se retrouver, s’envisager. Ce qu’il fit peut-être avec Suétone (meilleur romanceur que romancier). Jalonner, baliser l’œuvre, sans suggérer des sentes de traverses, non pas en les fléchant, juste en indiquant qu’elles sont multiples, serait vain. Je ne vous en propose pas moins, à la manière d’un Éric Poindron, de muser sur le thème Vailland in bed with Nozières. Lui confie-t-elle ses différends avec ses parents, l’incite-t-il à une meilleure conciliation, lui fournit-il le poison (ou l’adresse d’un confidentiel herboriste-apothicaire de douteuse réputation) ? Laissez flotter votre imaginaire...
       Donner à lire, et à voir, les articles de Vailland me semble indispensable pour donner envie de le (re)lire. C’est pourquoi… Attendez-vous donc à savoir que le reportage de Vailland en Espagne sera le prochain volet à paraître ici. (À suivre).

lundi 25 février 2019

Roger Vailland se prend un râteau de l’impératrice Zita…


Roger Vailland, envoyé par Paris-Soir, se fait éconduire

Loin de moi l’idée de suggérer que Roger Vailland tenta d’obtenir les faveurs de Zita de Bourbon-Parme, ex-impératrice d’Autriche-Hongrie, &c. La potentielle seconde sainte Zita (après celle de Lucques, sa canonisation serait envisagée) reste au-dessus de tout soupçon : honi soit qui mal y pense !

Le plus connu des râteaux que se prit Roger Vailland fut infligé par Régine Deforges. Avec Zita de Bourbon-Parme, veuve de Charles Premier, il est patent qu’il ne tenta que de s’entretenir des visées dynastiques d’Otto de Habsbourg-Lorraine (Othon dans l’article de Vailland pour Paris-Soir).
         Il reçut une fin de non-recevoir : l’ex-impératrice – s’il tant fut qu’il s’agissait bien d’elle-même – ne lui tint que des propos anodins…
         L’anecdote n’a que peu d’intérêt, mais vaut d’être détaillée sous l’angle de la médialogie de comptoir… Expédié au château de Bost(z) – les deux graphies sont recevables – à Bessin-en-Bourbonnais (château orthographié de diverses façons dans l’article – avec un talent infini, infâme, infime, intime, allez savoir…), Vailland ne peut rentrer à Paris totalement bredouille…
         Médialogie de comptoir, sémiologie sauvageonne : les quatre colonnes de l’article de Vailland (accroche en une, en tourne en page trois) sont meublées de trois photos, supposées prises par un photographe en planque venu auparavant ou peu après le passage de Vailland, lequel ne put immortaliser la brève rencontre de l’envoyé spécial avec l’ex-impératrice.
         Vailland brode, faute de mieux, faute de « viande ». Sont évoqués : les vaches dans les prés, la complexion du fils du maréchal-ferrant (Pierrot), les propos (apocryphes ?) du curé du patelin (non nommé), et tout aussi abondamment, l’envoyé spécial se met en scène. Même un Stéphane Bern n’oserait plus…
         Comme à son habitude, Vailland s’étend sur « les gracieuses jeunes filles » (des petites cousines de la famille impériale) qui lui assurent qu’il fera choux-blanc. Bref, c’est un cas d’école de tirage à la ligne… Même sur les bords de la Vologne (affaire Grégory), aucune, aucun d’entre-nous, n’aurait osé, faute d’infos « dures », broder aussi longuement sur la couleur locale. Ce qui m’amène à digresser en glissant l’anecdote suivante. Des confrères reporters-photographes, campant et planquant depuis des semaines à Épinal, rentabilisèrent leur (trop) long séjour avec un seul cliché… d’un vol de corbeaux au-dessus d’un clocher.
         L’interlocutrice de Vailland, présumée être l’ex-impératrice, n’est pas véritablement authentifiée. Vailland évoque une jeune fille l’accompagnant qui présente « dans son visage toute cette malice et tout cet esprit qu’on remarqua si vivement lorsqu’en 1910 la princesse Zita de Bourbon-Parme fit ses débuts. ». Du très grand art : jamais Vailland n’affirme avoir conversé avec l’ex-impératrice, mais le laisse très fortement imaginer.
         Voyez aussi cette photo légendée « L’ex-impératrice Zita (…) quitte les bords de l’Allier où elle a surveillé le bain de ses enfants ». Elle aurait pu être tapée n’importe où ou presque, mais elle crédibilise le compte-rendu de l’envoyé spécial.
         Le tout est « pissotant » (patois angevin ? terme détourné pour évoquer le rire sous cape), divertissant, bien mené, et procure un réel plaisir de lecture… On y est ! On voit l’ex-impératrice (fusse-t-elle une autre…). Cet article devrait être, à mon sens, détaillé au Cuej, au CFJ-CPJ, à Lille, ne serait-ce que pour arpenter le chemin parcouru. Quelle verve ! Lire et relire « Avecl’ex-impératrice Zita dans un château du Bourbonnais » face auquel Vailland resta devant les grilles…

dimanche 24 février 2019

Novembre 1932, Roger Vailland au Portugal


Sur les traces de Roger Vailland à… Azunamento

C’est une chose de lire des articles de presse d’un grand reporter (et par la suite écrivain) dans un recueil les réunissant, une autre de les consulter tels quels… Ceux de Vailland à Lisbonne pour Paris-Soir, en novembre 1932, réservent quelques surprises…

En novembre 1932, venant d’Espagne, Roger Vailland dicte ou envoie depuis Lisbonne quatre articles à Paris-Soir… J’ai pris plaisir à les retranscrire et en monter les visuels dans un fichier PDF que vous trouverez en ligne… Mais ils m’ont ménagé des interrogations…
         Je suis quasiment certain de pouvoir retrouver le terme technique désignant le pataques produit sur Linotype de la ligne qui suit :
« je me suis aperçu qu’on est davantage au courant, à Lisbonne, des mouvements littéraires ou artistiques français les p_sulerdcésdréd_nééyssrn_j_sdrétu_sdr (sic)
plus récents qu’on ne l’est à Lille ou à Bordeaux. » (voir le commentaire ci-dessous).
         J’ai eu beau me creuser la cervelle, imaginer qu’il s’agissait des plus… je ne saurais dire (marquants ?), mais ce n’est pas si important. Glissons, comme les doigts sur un clavier de Linotype qu’il suffit d’effleurer pour composer.
         En revanche, la mention de la localité d’Azunamento, cité andalouse, m’a causé quelques soucis – qui perdurent – et remémoré un épisode des plus ardus.
         La translittération, dont Serge Aslanoff est l’un des plus éminents spécialistes pour la langue russe, peut dérouter les traducteurs. J’avais dû traduire vers le français, pour Patek Philippe Magazine, un article de je ne sais plus quel auteur levantin, transcrit en anglais par une ou un collègue… Il traitait de la ligne de chemin de fer – confiée aux soins d’ingénieurs allemands – partant de la Turquie pour rejoindre Bagdad en Irak (la Bagdadbahn de 1903 et années suivantes) puis le Koweït. Je butais sur la mention d’une gare dans une localité d’Anatolie dont le nom me laissa perplexe… La littérature sur le sujet (thèses de géopolitique, de polémologie, &c., documents sur le génocide arménien, guides touristiques d’époque impossibles à retrouver) est abondante mais nulle carte du tracé exact de la ligne, rien permettant de retrouver le toponyme actuel… Finalement, depuis son université de Tel-Aviv, le fils de Serge Aslanoff me confirma mon hasardeuse intuition… Il s’agissait de l’ancienne appellation arménienne, fort mal translittérée (voire affublée d’une coquille).
         La, j’ai bien cherché, je n’ai pas retrouvé Azunamento (si ce n’est, en tant que nom commun, dans un document officiel brésilien mal numérisé). Aucune ville frontalière du Portugal, aucune ciudad comportant des minaretes et mezquitas et desservie par un bac dans la provincia de Huelva (qui compte, de Aroche à San Silvestre de Guzman, 11 localités frontalières, dont aucune n’aurait eu pour nom antérieur quelque chose d’approchant).
         En revanche l’avocat Manuel Paula Ventura a bel et bien existé ; il avait porté secours à des personnes ayant (mal) fabriqué des bombes, et il fut contraint de fuir en Espagne – avec son épouse, Francisca Alves – où il mourut, à Huelva, comme le rapporta ABC dans son édition du dimanche 4 août 1935, soit moins de trois ans après sa rencontre avec Roger Vailland. Une rue d’Olhão  (Portugal) porte son nom. Mais Huelva est assez distante d’Ayamonte, ville frontalière…
J’en suis à me demander si Vailland, ayant vu une large inscription Ayutamiento au fronton de la mairie de la ville en question, ne se serait pas mélangé les pinceaux, comme on dit… Il se peut que Vailland ait emprunté la partie andalouse de la ruta de al-Mutamid, mais Huelva (qui ne compta qu’une mosquée transformée en église) ne peut être cette Azunamento (« ville blanche et hérissée de minarets comme une cité maure »). Jusqu’à mieux informé (et toute suggestion est bienvenue), le mystère reste entier…

vendredi 22 février 2019

Médialogie sauvagonne : Schneidermann et déformation pédagogique


Daniel Schneidermann sur Roger Vailland :
un discours approximatif

C’est l’écueil de l’oral, d’un enseignement du journalisme poussant à la synthèse en « contractant » l’analyse, de l’approximation pédagogique et de la tendance à se servir de références présumées « parler à tous ». Sur Roger Vailland, Daniel Schneidermann s’enferre en entretien, moins en écrivain. Mais ses excuses sont recevables.

Daniel Schneidermann résume : « En 1933, Vailland faisait un reportage sur le boycott des commerces juifs. Devant les devantures de boutiques, les choses avaient l’air de se passer plutôt tranquillement, les clients entrant dans les magasins malgré les piquets de garde des SA. Aveuglé par la scénette qu’il avait sous les yeux [un jeune nazi rougissant devant l'effronterie d'une jeune fille entrant dans un magasin], il a perdu de vue la dimension inouïe d’un boycott des commerces juifs systématique, encouragé par l’État. ». (Stratégies).

         Bon, on ne va pas lui ressortir La Face cachée de Reporters Sans Frontières (éds Aden, Bruxelles), de Maxime Vivas (prix Roger Vailland 1997), auteur déclarant à Le Grand Soir : « À Daniel Schneidermann de dire pourquoi il fait la sourde oreille aux multiples demandes qui lui ont été faites de me donner aussi la parole quand il traite du cas RSF. ». Ah ben, si, je viens de le faire… Mais aucune autre semi-perfidie dans ce qui va suivre, d’une part, et de l’autre, alors que les réseaux sociaux bruissent d’invectives, de développements s’appuyant sur des citations tronquées, &c., il conviendrait de vérifier si, depuis l’entretien de Maxime Vivas avec une personne du « Journal militant d’information alternative », Arrêt sur images n’a pas au moins mentionné ce livre…
         Il se trouve que le propos de Daniel Schneidermann s’adressant à Amaury de Rochegonde, de Stratégies, m’a fait bondir. Puis j’ai pris du recul… J’ai consulté ce qu’avait écrit Schneidermann dans Berlin 1933 (Le Seuil), dont le bandeau racoleur interpelle : « Pourquoi n’ont-ils rien dit ? ». D’une part, entre autres, un Xavier de Hauteclocque, pour Gringoire, avait su dénoncer la terreur nazie en octobre 1933, ce qui lui vaudra d’être liquidé en février 1935. Alors que, pourtant, Gringoire… J’en profite pour signaler l’album BD La Tragédie brune (de Thomas Cadène et Christophe Gaultier, Les Arènes BD éd.). D’autre part, si, traitant de Mussolini, puis d’Hitler, nombre des confrères disparus, dont Roger Vailland, n’ont guère fait preuve d’indignation immédiate (litote), il y a quelque désinvolture à prendre ainsi en otage l’envoyé spécial de Paris-Soir pour appuyer sa démonstration. On ne prête qu’aux riches, aux « pipeules », et à l’entendre, Schneidermann fait preuve de peu de scrupules… Berlin, 1933 est sous-titré : la presse internationale face à Hitler. Et il est juste d’estimer, après l’avoir lu, que, grosso modo, il n’a pas foncièrement tort, et même souvent abondamment raison. Sauf que, sur Vailland, en toute bonne foi, il s’égare quelque peu, tire la ficelle de la déformation pédagogique…
         À le lire, cependant, c’est différent. Largement plus nuancé. Je résume : « Si je suis honnête, je dois reconnaître que ce reportage de Vailland, j’aurais pu l’écrire ». J’abrège puisque le document « Médialogie sauvage :Roger Vailland et Daniel Schneidermann» fournit de quoi se faire une plus juste opinion.
         Ce qui amène à s’interroger : « Schneiderman pratique la déformation pédagogique » est un titre plus incitatif que « pratique l’approximation pédagogique ». Ah, il déforme, il ment, l’infâme ? Que nenni, pas plus que ces profs énonçant que la planète est ronde (l’imparfaite rotondité de la Terre, l’emplacement du Pôle Nord, &c., seront abordés par la suite).
         Sauf que… Schneidermann, avec des scrupules qui l’honorent, se fourvoie quelque peu. Si, comme je le présume, il n’a lu l’article de Roger Vailland envoyé spécial à Francfort que dans une compilation de retranscriptions ultérieures, eh bien, moi aussi, sous les mêmes conditions, je pourrais reprendre à mon compte, honnêtement, que je dois reconnaître que ce qu’il en rédige, j’aurais pu tout aussi (mal) l’écrire.
         Ce « mal » n’a rien de polémique. L’interprétation de Schneidermann n’est pas si mauvaise. Simplement, il saisit au vol un texte sans trop se préoccuper du contexte. Dans les agences de presse, revenait parfois un débat : faut-il laisser se brûler un seul en poste dans un pays étranger, accepter qu’il offre le prétexte à se faire expulser (et ne pouvoir être remplacé), en dénonçant trop crûment une dictature (de nos jours, africaine ou asiatique principalement) ?
         Ensuite, et c’est le plus important, la correspondance téléphonique de Vailland depuis Francfort s’insère – au milieu en mise en pages de une puis de tourne – entre d’autres. Celles de Robert Lorette (depuis Berlin) et Jean Marèze (depuis la frontière ouest allemande). Qui connaît la presse de l’intérieur peut avancer qu’ils avaient reçu pour consigne de s’en tenir aux « choses vues », tout en se répartissant la tâche. À Vailland la couleur locale, à Marèze les entretiens avec les Juifs fuyant les nazis, à Lorette le soin d’évoquer les implications du boycott, notamment sur le plan international.
         C’est semble-t-il ce qui a pu échapper à Schneidermann et il serait outrancier de lui en tenir rigueur, de monter en épingle un grief déplacé. Le reproche d’avoir fait elliptique en entretien est un peu plus fondé. Mais ce n’est ici nullement une mise en accusation, une sommation de rendre des comptes, une (vaine) mise en demeure de rectifier adressée à son éditeur.
         Il importe nonobstant de tamponner cette petite tache sur le revers du col de Vailland journaliste. Non pas mû par une sorte de confraternité-grégarité posthume. Si on veut chercher des poux dans la tête de Vailland, on en trouvera dans la presse communiste de l’époque postérieure, celle d’après la Libération. Encore que… C’est là aussi une exagération : convaincu de la justesse de la ligne du Parti communiste, Vailland se révéla teigneux avec modération.
         Pas davantage qu’on ne doit placer sur le même plan la contribution de Vailland à la revue Le Grand Jeu (en ne se méprenant pas sur le titre « La bestialité de Montherlant ») et ses multiples articles dans la presse à fort tirage (L’Humanité incluse alors), il ne faut pas sombrer dans l’amalgame. Vailland représentatif d’une presse timorée, si ce n’est complaisante à l’égard des dictatures fascistes des années 1930 ? C’est aller trop vite en besogne, s’emparer de la réputation ultérieure de l’écrivain pour faire un exemple. Qu’on se rassure, Schneidermann n’a pas maltraité son otage, qu’il relâche rapidement… en lui concédant des excuses.
P.-S. – L’intégralité de l’article de Vailland dicté depuis Francfort se trouve en ligne, et Google Livres publie de larges extraits du livre Berlin, 1933. Très bonne lecture. Et sur Vailland et Schneidermann, la conclusion aurait pu être : « Say anything you want about me as long as you spell my name right… » (aurais-je laissé passer un « Vaillant » ? Ouf, non.).

jeudi 21 février 2019

Quand le Grand Jeu (Roger Vailland et alii) pensaient percer…

Le Grand Jeu, « fanzine » d’hier devenu revue culte ?

Avec le numéro deux de la revue Le Grand Jeu, les « phrères simplistes » espéraient une renommée internationale. Rien de moins. Il leur fallait donc sortir un numéro de bonne tenue, et soutenue par les moyens classiques de l’édition…
En témoigne cette publicité pleine page parue dans la revue Les Cahiers du Sud, qui avait alors une large diffusion. Mais le coup manqua, faute à – peut-être – la concurrence d’autres revues éphémères, lancées aussi par de très jeunes auteurs, toutes aussi « révolutionnaires » et « innovantes » (disait-on plutôt novatrices à l’époque, 1929 ?) se disputant le même public, lequel s’en lassa ?
         Tout littéraire féru de ce qui marqua le siècle dernier n’ignore rien, ou peu, du Grand Jeu. Sa postérité a sans doute fortement dépassé sa renommée dans les années 1930. Laquelle fut forte… dans le cénacle de diverses chapelles, dont celle(s) des (ex-)surréalistes. Mais jamais au point de se faire une vraie place au soleil, et si, tardivement, un troisième numéro parut, les textes du quatrième restèrent dans des cartons.
Je ne peux m’empêcher de songer à l’actuel graphzine Couverture, porté par Jean-Jacques Tachdjian, lequel, pourtant, par le relais des réseaux sociaux, bénéficie sans doute d’une notoriété supérieure à celle du Grand Jeu d’alors (quoique la « grande presse » en fit au moins état, ce qui n’est guère le lot de Couverture). Les deux « supports » ne sont guère comparables : l’un (Grand Jeu) comportant des tirages de tête adressés à des « personnalités », l’autre (Couverture) se voulant au plus proche du prix coûtant et ayant renoncé par avance à séduire celles et ceux « qui font l’opinion » (et bien sûr le premier donnant la primeur aux textes, le second à l’illustration).
         Avantage pour le dernier en date (cinquième numéro, contre trois), mais dans les ventes aux enchères, le prédécesseur atteint des cotes que les détenteurs d’un numéro de Couverture ne peuvent espérer de sitôt (mes oreilles sifflent : Tachdjian est total rétif devant l’art spéculatif).
         Les archives de Michel Random ont fini dispersées par Artcurial. Des dessins de Vailland ont trouvé preneur à l’Hôtel Drouot. Peut-être pour finir dans des coffres. Denis Moscovici (qui fait dans la finance) est l’un des collectionneurs bibliophiles amateurs du Grand Jeu depuis 1992 et il se plaint de l’inflation des prix des documents, autographes et autres, des membres du mouvement.
         J’espère que « Jiji » Tachdjian trouvera sa Madame Firmat, tenancière d’un modeste café du 19, rue Bardinet (xive arr. de Paris) qui recueillit Roger Gilbert-Lecomte en 1943. Je ne sais trop pourquoi, à Avrillé, près d’Angers, dans le quartier de l’Adézière, se trouve depuis 1982 une rue René Daumal, qui finit en impasse. Je ne serais pas étonné qu’une rue Jean-Jacques Tachdjian l’honore un jour, à Lille ou dans une localité périphérique.
         Mais risquer de tels hasardeux rapprochements n’a guère de sens. D’autant que les différences sont flagrantes entre qui n’a jamais vraiment été tenté par Paris ni recherché à se faire connaître, sinon du grand public, du moins de celui censé « compter », et ces « phrères » et consorts très insérés en divers milieux parisiens et pour certains d’entre eux soucieux d’asseoir leur réputation. Dans des lettres, Gilbert-Lecomte reproche à Daumal de ne pas savoir assurer efficacement la notoriété de la revue, assure que, s’il n’était pas retenu à l’étranger, il ferait plus et mieux en matière de publicité.
         Il est impossible d’estimer (sauf à se plonger dans des archives comptables sans doute disparues) si l’encart pour Le Grand Jeu dans Les Cahiers du Sud bénéficia d’une très forte ristourne. Antan et naguère comme à présent, des magazines, des publications, cassent les prix à l’approche du bouclage : mieux vaut un ou deux placards bradés que laisser entrevoir que les annonceurs ne se pressent guère à passer des ordres. Cela ne semble pas le cas des Cahiers du Sud qui bénéficient de clients d’un tout autre niveau (automobiles Voisin, maisons d’édition parisiennes ayant pignon sur rue, revues longuement établies).
         Sur cet encart, un détail retient l’attention : le prix du numéro est identique pour la France, la Belgique et le Luxembourg (passe encore), mais aussi pour la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, la Pologne et la Tchécoslovaquie… C’est deux francs de plus pour tous les autres pays… C’est à croire qu’il est fait une fleur aux amis d’amis et connaissances de certains collaborateurs ou proches de la revue (voire à leur parentèle…). Solomon Bouli (Monny de Boully) est Serbe ainsi que Dida de Mayo, Sima Tchèque, Nezval (Vitezslav Nezval) de même, Antoine Mayo de père grec, des proches (Claude Sernet et Benjamin Fondane) sont roumains. Certes, ces pays sont francophiles et la revue tchèque ReD a porté attention au premier numéro du Grand Jeu. Soutient de la revue, Léon Pierre-Quint est très lié à La Revue européenne, et il a sans doute des contacts cosmopolites. Mais sans doute autant en Espagne ou Italie que dans les pays d’Europe centrale.
         Consacrer l’essentiel de ce numéro à Rimbaud ne constitue plus guère une forte audace. Paul Claudel a préfacé un recueil de poèmes pour le Mercure de France en 1912, les surréalistes s’y réfèrent dans la revue Littérature (mai 1922, juin 1924). Alfred Jarry, Antonin Artaud en ont fait l’éloge. On peut donc supputer que ce choix n’ait pas tout à fait été exempt d’opportunité commerciale. Il se peut aussi qu’il ait été estimé que l’étude d’André Rolland de Renéville, Rimbaud le Voyant, publié par l’éditeur Au sans pareil en avril, ait fourni l’ossature de ce dossier central. Et ce peut-être dans la perspective d’un renfort mutuel (la revue popularisant l’auteur et le livre, le livre contribuant à susciter l’intérêt pour la revue).
         Bref, outre le fait qu’il ne s’agit pas d’une publication ronéotypée, il ne faut pas assimiler la revue à ce qu’on appelle communément aujourd’hui, depuis la fin du siècle dernier, un fanzine… Léon Pierre-Quint, conseiller occulte des jeunes fondateurs, n’était pas tout à fait un éditeur « alternatif », et l’ambition était bien de se faire connaître au-delà d’un cercle restreint. L’assimilation abusive tient surtout au ton du premier numéro, au fait que la parution fut rare et éphémère, à l’addiction aux drogues de nombre de protagonistes, à leur jeunesse… Aussi sans doute à l’intérêt porté aux sagesses orientales un demi-siècle avant l’émergence du mouvement hippy.
         Comme l’a relevé Anne-Marie Havard (« Le Grand Jeu, entre illusio et lucidité », Contextes nº 9, 2011), les jeunes membres du mouvement sont conscients de leur capacité d’intégration dans le champ littéraire. En 1929, Gilbert-Lecomte publie d’ailleurs à Bruxelles le texte de l’une de ses conférences, « Les chapelles littéraires modernes ». Anne-Marie Havard estime que « les Rémois (…) jouent donc, sur-jouent même, à la fin des années 1ç20, les règles du jeu littéraire. ». Même s’ils ne les jouent pas « jusqu’au bout ». Vailland s’étant éloigné, ne se consacrant plus qu’au journalisme, Gilbert-Lecomte ne prend pas sur lui : il cède trop à son naturel indolent pour redresser la barre, fédérer. Quant à Daumal, il déserte, se replie sur lui-même, en quête de spiritualité.
         Même si ce second numéro avait été véritable succès commercial, les liens distendus entre les trois fondateurs ne leur auraient sans doute pas permis de recréer une sorte de ligne éditoriale cohérente. Dans une contribution (« Aux frontières du surréalisme : le Grand Jeu », Mélusine, nº 3, « Marges non-frontières », L'Âge d’Homme éd.), Viviane Couillard estime que « le Grand Jeu dans toute son exigence et sa pureté (…) ne s’est vraiment joué qu’à l’époque du Simplisme. ». C’est aussi l’un des éléments contribuant à la perception postérieure de la revue : près de 80 ans plus tard, les mouvements simpliste et du Grand Jeu se sont amalgamés dans les mémoires de qui ne s’y est pas intéressé de près. Les jeunes adultes parisiens restent perçus tels les adolescents rémois qu’ils ne sont plus.
P.-S. – pour qui s’intéresserait davantage à ce numéro, le document PDF « Le Grand Jeu, revue internationale et « luxueuse », fournit des indications complémentaires…

lundi 18 février 2019

Macron Lajoie, le tout, tout, tout dernier livre de Charly


Emmanuel Macron dévêtu pour quatre saisons par Charly (Charles Duchêne)

Surprise ! Parti ! Après ce Macron Lajoie (JBDiffusion éd.), vingtième essai-pamphlet politique de Charly, le voilà qu’il nous jure ses grands dieux qu’on ne l’y reprendra plus…

Ce serait donc le tout, tout, tout dernier opus de Charly. Là, on a envie de se teindre en blond·e pour rejoindre le chœur scandant « laissez-lui une chance, laissez-lui une chance ! » (retrouvez la blague sur divers sites humoristiques…). Perso, je n’en crois pas un mot : ce sera plus fort que lui, il récidivera (finaude allusion subreptice à son Il présidera, sorti en 2005, premier de la série). Avant de parvenir au grand âge atteint par Aznavour, il nous réitérera ses adieux. Cabotin, va, chemine, trottine, et pêche et repèche encore !
         Quand même, ils sont forts, Charly et Delambre, le dessinateur du Canard enchaîné. Après la première de couverture, dès le bas de la page 12, on trouve cet aphorisme de Confucius : « Le bonheur ne se trouve pas au sommet de la montagne, mais dans la façon de la gravir. ». Rassurez-vous, la langue de Charly n’est pas celle de Lao Tseu et consorts. C’est sur le mode conversationnel, entrecoupé de brèves de comptoir, que Charly nous démolit Emmanuel Macron. Comme toujours avec lui, c’est soigneusement documenté, ciselé (hormis un « j’entends les cris de vierge effaroucgée (sic) de l’Élysée ; la coquille ayant été corrigée à la main sur mon exemplaire, ce qui est dommage, car ce sibyllin néologisme est savoureux).
         Mais commençons par le milieu, situé aux trois-quarts (vers la page 120). L’un des tics sympathiques de Charly est que son grand (nerf trisplanchnique, qui se titille via les narines, ce pour éviter la répétition) a le chic pour dénicher de bonnes adresses de restaurants. Donc, se glisse dans chaque bouquin un chapitre consacré à la bagnole (radars, limitations de vitesse, macroéconomie de l’automobile…) et aux étapes casse-graine. Celles qui proposent des plats du jour goûteux, copieux, à 8-11 euros. Là, mentionnons La Renaissance des Halles (Saint-Quentin), La Cigale (Nantes), L’Ardoise (Abbeville), La Graineterie (Amiens), &c. Cela vous indique aussi « d’où cause » le Charly sillonnant la France pour rejoindre de petits salons du Livre depuis l’ancienne gare où il réside et élève des poules améliorant le chiche ordinaire. Ex-habitué des très bonnes tables, tombé dans la dèche, récent retraité limite impécunieux, s’il traite des Gilets jaunes, ce n’est guère de plus haut que celles et ceux auxquels il ne reste qu’entre plus ou moins vingt euros à la fin du mois. Je glisse au passage qu’avec mes potes à la ramasse financière, obligés de résider à l’étranger ou en caravane délabrée, les autres, qui manifestent en jeans Diesel, veulent pouvoir acquérir une télé et une tire plus spacieuses que celles du voisin, nous gonflent quelque peu. Quand Charly en traite loyalement, ce n’est pas de celles et ceux-ci dont il se soucie…
         Il y parvient – à s’en préoccuper – sans chuter dans les pires égarements des ras-du-front (padamalgam’ ici) désinformateurs qui se comptent hélas un peu trop en leurs rangs. Mettons que, sur les journalistes, par exemple, il sait (aussi un peu de l’intérieur, il fut pigiste à l’occasion antan), en honnête homme lucide, faire la part du grain et de l’i-vrai(e) – avec un i privatif. Cependant, sur Macron, oh-là-là, c’est volées de bois verts (au pluriel) sur râclées de verges humides (sans jeu de mot déplacé sur les prétendues tendances du président, jusqu’à nouvel ordre infondées). Imprécateur, soit, avec quelques mots plus hauts que l’autre (René-Victor Pilhes), mais précis, pertinent, multiples exemples scrupuleusement vérifiés à l’appui. « J’ai bien vu, bien relu. J’ai bien cherché, je n’ai vu… [diverses promesses électorales se concrétiser] ». C’est San Tommaso mettant les doigts dans les plaies du nouveau quinquennat avec la gouaille d’un San Antonio, dare-dare. De quoi dessiller les mirettes des incrédules, rendre la vue au laser aux mal-voyants encore abusés par le capillaire (sanguin) « social » d’un président qui ne pulse que fortement pincé au forceps (c’est une image ; mieux vaut avoir recours à d’autre instrument).
         En connaisseur de la langue française et un peu d’autres, glissant çà et là une locution latine qu’il explicite, Charly résume : la macronnie ambitionne « de nous convertir au grec. ». Nous z’autres ; quant « à eux, à eux, à eux » (chanson communarde ?), entonnant « le youppie tralalère des traders », ils multiplient les grosses astuces que Charly dénonce savamment. Cela, avec une verve désabusée qui me remémore le Jean Yanne, complice de Siné, au micro d’Europe 1, du temps, je crois de Les Routiers sont sympa (de Max Meunier, sur RTL). Mais en plus désincaustiqué (ou moins incaustiqué, selon les chapitres ou les pages).
        
N’empêche, si je ne crois absolument pas que ce Macron Lajoie sera l’ultime de Charly, je lui trouve comme une tonalité testamentaire. Car il aborde un peu tout les sujets (laïcité, technologie envahissante, écologie poudre au yeux, fuite du temps…) comme s’il n’allait plus les prolonger.
         Un sur lequel il ne reviendra pas, c’est Méluche. Un Mélanchon qui, « en matière d’Europe, danse la samba » (un en avant, l’autre en arrière, sur l’air du sans-pas de Gotainer). Il lui suggère de passer élégamment la main… Ce ne sera pas, pour Charly, afin de palper d’autres fesses de sitôt… S’il pressent bien quelques émergeants, c’est sans trop d’enthousiasme…
         Bon, ce n’est pas tout cela, mais je dois filer écouter Bruno Daraquy évoquer Gaston Couté (trop tard pour vous en faire part avec une avance raisonnable, mais Daraguy remettra cela : cherchez). Ah si, j’allais oublier.
Comme précédemment, Delambre cloute ces 180 pages de ses caricatures (une douzaine de respirations), et Tym, autre dessinateur, ponctue par deux fois. Et c’est au prix de dix euros le tout. Et attention, tout cela muni d’un ISBN (979-10-93509-07-6) à 13 chiffres à la douzaine, frais comme chez le marchand de primeurs…

dimanche 17 février 2019

Le regard froid de Roger Vailland vu par Thérive et Bertherat


Roger Vailland « libertin » ? C’est à (re)voir…

Trioliste, certes… Libertin, c’est moins sûr, quoi qu’il ait pu en dire et écrire, si ce n’est au sens philosophique du terme… N’en déplaise à divers auteurs qui qualifieront d’inepties ce qui suit, Roger Vailland fut aussi un « aligné », ne dénonçant jamais frontalement, si ce n’est de manière ô combien précautionneuse et détournée, contournée, les Jeannette Vermeersch et autres thuriféraires de la morale bourgeoise du Parti communiste.

En revanche, oui, il tenta de rester un esprit libre… Mais on le vit de même décalquer la ligne officielle du Parti communiste à propos de Pierre-Mendès France, et d’autres sujets.
      Comme un pétri de catholicisme, ce qu’il fut sans doute comme tant d’autres au temps de sa prime jeunesse, Roger Vailland avait sans doute intégré une notion du « respect humain » qu’il interprétait à sa manière changeante. Peut-être jouait-il en son for intérieur un complexe double jeu. Certes, dès Drôle de jeu, comme le relève Jean-Pierre Tusseau dans son Roger Vailland : un écrivain au service du peuple, le personnage de Rodrigue, « le pur, le petit jésuite du communisme, enfermé dans ses certitudes par peur de la vie, nous est dépeint sans tendresse. ». De Rodrigue, Vailland-Marat dit : « Je n’aime pas qu’on entre dans le communisme comme on entre dans les ordres. ». S’il vécut tôt et finit en libre penseur (sa mise en terre en témoigna), et désabusé par les crimes staliniens (mais en revanche, il s’exprima bien peu sur les exactions de prétendus FTP de l’ultime seconde[1], adhérents du PCF, contre les femmes, les adolescents et les enfants en bas-âge liquidés, tout comme les Résistants opposants à la ligne du parti ou les anarchistes espagnols non conformes), Roger Vailland n’en resta pas moins pour une longue période l’un des plus ardents laudateurs du stalinisme. Ce que résume ainsi Jean-Pierre Tusseau : le bolchevik triompha du libertin ; avant que le naturel, ou plutôt une introspection rétrospective, ne reprenne le dessus.
En 1963, quand André Thérive présente Le Regard froid dans La Revue des deux mondes, il conclut « Tout ceci est littérature ». Soit en quelque sorte, une pose, une posture, voire une autojustification. Thérive voit en Vailland davantage un jouisseur « immoraliste » (« terme mis à la mode par André Gide il y a plus de cinquante ans »). C’est bien sûr ce « mis à la mode » qui retient l’attention. De Vailland « écrivain très distingué et romancier de grand mérite », il décèle principalement, dans ce Regard froid, l’expression d’un « amour-propre ».
      C’est fort discutable, vaut d’être disputé, et dans la revue Esprit il est relevé que s’il se constate en littérature et dans le cinéma de l’époque « un engouement pour le libertinage », Vailland « veut déboucher sur d’autres perspectives et peut-être n’est-il que le cheval de Troie d’un auteur désireux de nous faire entendre une musique beaucoup plus radicale. ». Yves Bertherat voit dans ce recueil d’essai l’expression d’un « idéal du moi que nous portons tous ».
Ces deux textes, réunis en un document PDF, et rapidement commentés, sont consultables en ligne. Ils témoignent d’une partie de la réception par la critique d’un Regard froid lors de sa parution.
(visuels : en h. à d., André Thérive ; et ci-dessus, Yves Bertherat)




[1] Sur la question, un exemple plus que probant, L’Honneur perdu d’un résistant – un épisode trouble de l'épuration, de Jean-Pierre Perrin et Rémy Lainé, sur Maurice Giboulet (en accès libre sur Gallica), et bien sûr, les livres de Philippe Gourdrel, La Grande Débâcle de la collaboration (Cherche-Midi éd.), et L’Épuration sauvage (éds Perrin).