lundi 18 février 2019

Macron Lajoie, le tout, tout, tout dernier livre de Charly


Emmanuel Macron dévêtu pour quatre saisons par Charly (Charles Duchêne)

Surprise ! Parti ! Après ce Macron Lajoie (JBDiffusion éd.), vingtième essai-pamphlet politique de Charly, le voilà qu’il nous jure ses grands dieux qu’on ne l’y reprendra plus…

Ce serait donc le tout, tout, tout dernier opus de Charly. Là, on a envie de se teindre en blond·e pour rejoindre le chœur scandant « laissez-lui une chance, laissez-lui une chance ! » (retrouvez la blague sur divers sites humoristiques…). Perso, je n’en crois pas un mot : ce sera plus fort que lui, il récidivera (finaude allusion subreptice à son Il présidera, sorti en 2005, premier de la série). Avant de parvenir au grand âge atteint par Aznavour, il nous réitérera ses adieux. Cabotin, va, chemine, trottine, et pêche et repèche encore !
         Quand même, ils sont forts, Charly et Delambre, le dessinateur du Canard enchaîné. Après la première de couverture, dès le bas de la page 12, on trouve cet aphorisme de Confucius : « Le bonheur ne se trouve pas au sommet de la montagne, mais dans la façon de la gravir. ». Rassurez-vous, la langue de Charly n’est pas celle de Lao Tseu et consorts. C’est sur le mode conversationnel, entrecoupé de brèves de comptoir, que Charly nous démolit Emmanuel Macron. Comme toujours avec lui, c’est soigneusement documenté, ciselé (hormis un « j’entends les cris de vierge effaroucgée (sic) de l’Élysée ; la coquille ayant été corrigée à la main sur mon exemplaire, ce qui est dommage, car ce sibyllin néologisme est savoureux).
         Mais commençons par le milieu, situé aux trois-quarts (vers la page 120). L’un des tics sympathiques de Charly est que son grand (nerf trisplanchnique, qui se titille via les narines, ce pour éviter la répétition) a le chic pour dénicher de bonnes adresses de restaurants. Donc, se glisse dans chaque bouquin un chapitre consacré à la bagnole (radars, limitations de vitesse, macroéconomie de l’automobile…) et aux étapes casse-graine. Celles qui proposent des plats du jour goûteux, copieux, à 8-11 euros. Là, mentionnons La Renaissance des Halles (Saint-Quentin), La Cigale (Nantes), L’Ardoise (Abbeville), La Graineterie (Amiens), &c. Cela vous indique aussi « d’où cause » le Charly sillonnant la France pour rejoindre de petits salons du Livre depuis l’ancienne gare où il réside et élève des poules améliorant le chiche ordinaire. Ex-habitué des très bonnes tables, tombé dans la dèche, récent retraité limite impécunieux, s’il traite des Gilets jaunes, ce n’est guère de plus haut que celles et ceux auxquels il ne reste qu’entre plus ou moins vingt euros à la fin du mois. Je glisse au passage qu’avec mes potes à la ramasse financière, obligés de résider à l’étranger ou en caravane délabrée, les autres, qui manifestent en jeans Diesel, veulent pouvoir acquérir une télé et une tire plus spacieuses que celles du voisin, nous gonflent quelque peu. Quand Charly en traite loyalement, ce n’est pas de celles et ceux-ci dont il se soucie…
         Il y parvient – à s’en préoccuper – sans chuter dans les pires égarements des ras-du-front (padamalgam’ ici) désinformateurs qui se comptent hélas un peu trop en leurs rangs. Mettons que, sur les journalistes, par exemple, il sait (aussi un peu de l’intérieur, il fut pigiste à l’occasion antan), en honnête homme lucide, faire la part du grain et de l’i-vrai(e) – avec un i privatif. Cependant, sur Macron, oh-là-là, c’est volées de bois verts (au pluriel) sur râclées de verges humides (sans jeu de mot déplacé sur les prétendues tendances du président, jusqu’à nouvel ordre infondées). Imprécateur, soit, avec quelques mots plus hauts que l’autre (René-Victor Pilhes), mais précis, pertinent, multiples exemples scrupuleusement vérifiés à l’appui. « J’ai bien vu, bien relu. J’ai bien cherché, je n’ai vu… [diverses promesses électorales se concrétiser] ». C’est San Tommaso mettant les doigts dans les plaies du nouveau quinquennat avec la gouaille d’un San Antonio, dare-dare. De quoi dessiller les mirettes des incrédules, rendre la vue au laser aux mal-voyants encore abusés par le capillaire (sanguin) « social » d’un président qui ne pulse que fortement pincé au forceps (c’est une image ; mieux vaut avoir recours à d’autre instrument).
         En connaisseur de la langue française et un peu d’autres, glissant çà et là une locution latine qu’il explicite, Charly résume : la macronnie ambitionne « de nous convertir au grec. ». Nous z’autres ; quant « à eux, à eux, à eux » (chanson communarde ?), entonnant « le youppie tralalère des traders », ils multiplient les grosses astuces que Charly dénonce savamment. Cela, avec une verve désabusée qui me remémore le Jean Yanne, complice de Siné, au micro d’Europe 1, du temps, je crois de Les Routiers sont sympa (de Max Meunier, sur RTL). Mais en plus désincaustiqué (ou moins incaustiqué, selon les chapitres ou les pages).
        
N’empêche, si je ne crois absolument pas que ce Macron Lajoie sera l’ultime de Charly, je lui trouve comme une tonalité testamentaire. Car il aborde un peu tout les sujets (laïcité, technologie envahissante, écologie poudre au yeux, fuite du temps…) comme s’il n’allait plus les prolonger.
         Un sur lequel il ne reviendra pas, c’est Méluche. Un Mélanchon qui, « en matière d’Europe, danse la samba » (un en avant, l’autre en arrière, sur l’air du sans-pas de Gotainer). Il lui suggère de passer élégamment la main… Ce ne sera pas, pour Charly, afin de palper d’autres fesses de sitôt… S’il pressent bien quelques émergeants, c’est sans trop d’enthousiasme…
         Bon, ce n’est pas tout cela, mais je dois filer écouter Bruno Daraquy évoquer Gaston Couté (trop tard pour vous en faire part avec une avance raisonnable, mais Daraguy remettra cela : cherchez). Ah si, j’allais oublier.
Comme précédemment, Delambre cloute ces 180 pages de ses caricatures (une douzaine de respirations), et Tym, autre dessinateur, ponctue par deux fois. Et c’est au prix de dix euros le tout. Et attention, tout cela muni d’un ISBN (979-10-93509-07-6) à 13 chiffres à la douzaine, frais comme chez le marchand de primeurs…

1 commentaire:

  1. Cochon qui s'en dédit ! Testament est quand même un peu tôt, sauf sur le plan littéraire ! Petite précision au puriste, je l'ai déjà remarqué... MélEnchon, pas MélAnchon, surtout si l'on ne se mélAnge plus ! ;-)

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