Quand Vailland rata de peu Violette Nozière (qu’il aurait pu lever rive gauche ; suivi d’oiseuses considérations…)
C’est un article de Roger Vailland qui, pour qui connaît sa
biographie, en dit plutôt long sur lui-même et ses fréquentations de la fin des
années 1920 (et suivantes) à Paris… Dans ce « En parcourant le Quartier
Latin et en parlant avec celles qui ont connu Violette Nozières », même
si, pour une fois, il se met peu en scène, Vailland aborde aussi des sujets qui
lui sont personnels…
Mais que laissèrent donc passer les titreurs de Paris-Soir ? Avaient-ils besoin de
gonfler ce titre pour équilibrer l’ensemble de la page ? Toujours est-il
qu’un « En
parcourant le Quartier Latin et en parlant avec celles qui ont connu Violette
Nozières» (accessible en ligne) vous ferait recaler aux concours d’entrée
des écoles de journalisme… « Au Quartier Latin avec des amies de Violette
Nozières » (quitte à puiser dans la casse des caractères de corps
supérieur, car s’il y avait des Linotype, les titreuses étaient plus rares),
voire le peu commode, à la rigueur : « Les Germanopratines se remémorent
Violette Nozières », voire… « la fleur des catacombes » (Breton,
André). Mieux, non ? J’admets, peu importe.
D’une part, il
est patent que cet article (le sien…) puise en des angles abordés
antérieurement (notamment en des articles rédigés en Espagne, au Portugal,
province…). D’autre part, Vailland, qui suivit une cure de désintoxication à
Clichy, et qui traîne encore, en noctambule, sait de quoi « causent »
Marie-Anne, Jane et Nosfera. Peut-être de même que, alors qu’en 1928 il
remportait quelques succès féminins auprès de grisettes, gigolettes, et autres
« filles du peuple », en 1933, il a noté que les étudiants lui
envient ses coups d’un soir de la sorte, lui qui est à présent beaucoup mieux
rétribué.
Marie-Anne,
Jane, Nosfera… Filles de… Vailland a pu aussi les connaître pour avoir
fréquenté leurs parents ou parce qu’il leur fut présenté par elles-mêmes. Trois
jeunes filles à la fois fictives (préserver leur anonymat oblige à brouiller
les pistes) et si réelles, si authentiques. Total genuine.
Comme le seront,
le furent, les personnages de ses romans. Sans doute composites (Vailland a pu
connaître un coureur cycliste amateur, un ouvrier sur presse ayant eu la main
écrasée, un désireux de sortir de sa condition, et n’en faire qu’un). Vailland
romancier est à rechercher dans le Vailland journaliste antérieur… Daniel
Rondeau, qui évoqua si bien Vailland, fut un établi (jeune intello bossant en
usine). Il lui en subsiste diverses sensibilités.
Nous avons à
présent, pour accéder à la profession, la voie royale : généralement
Sciences Po, une bonne école spécialisée ensuite, le carnet d’adresse (au sing.) des
parents. Devenue quasi-exclusive. Mais comment parler avec justesse des Gilets
jaunes, même si la précarité de la pige vous rapproche, sans les avoir jamais
côtoyés dans « la vraie vie » ?
Je me souviens
de ces OS aux mains cerclées de bracelets de cuir reliés à des chaînettes pour ramener
d’une saccade les bras en arrière et retirer les mains de l’emboutisseuse (les
hommes étaient affectés à d’autres presses) ; mes collègues des Forges de
Strasbourg que, ahuri, je découvris ô combien « à la chaîne ». Cela
étant, ce n’est pas ce qui fait naître le talent, le sens aigu de l’observation,
et nombre de consœurs et confrères n’étant jamais passés par là font mieux que
d’autres, pétris, talés, si ce n’est meurtris, d’expériences diverses. Nul
besoin non plus d’être passé par la composition froide, puis la chaude, pour produire
de fort belles pages.
C’est bête. Il
est fort possible que Vailland croisât Violette Nozière à Saint-Germain sans
lui prêter attention. Damned, quel titre :
« Ma nuit avec l’Ange noir ». Ce sera « Pierre-François, joueur
de jazz, nous conte son aventure avec Violette » (article de Marc
Roussel). En fait, non… Je ne le pressens pas concéder ainsi au sensationnel,
plutôt rédiger subtil en songeant que ce qu’il écrit influera sur le ressenti des
jurés de la cour d’assises.
Roger et Violette ; Michèle,
ma belle, « si bien ensemble »
(Lennon, McCartney) ? « Pourtant
les gens m’ont dit/De me méfier de toi/Car tu n’es pas ce que je crois »
(version Robert Demontigny). And I will write the only words I know
they’ll understand.
Ce fut Boule, et non Violette. Ni mieux, ni pis.
Je sais combien tout cela peut
paraître cryptique à d’aucunes et d’autres. Survient un temps ou seule l’envie
d’écrire pour une Élizabeth (non pas Lisana, défunte, une autre ; la trouver
sur roger-vailland.com), un
Philippe Lacoche, des inconnues, des anonymes – et soi-même, accessoirement –
subsiste. Comme le répétait la marionnette des Guignols de l’Info : « excusez-moi, je n’ai pu m’en empêcher ».
Cela tient presque du soliloque (ou remâchage sénil ?).
Michel Picard,
féru de Vailland, m’expliqua de vive voix comment la lecture du genre romanesque
fait ressurgir le passé et se projeter. Lire, relire Roger Vailland, c’est se
retrouver, s’envisager. Ce qu’il fit peut-être avec Suétone (meilleur romanceur que romancier). Jalonner,
baliser l’œuvre, sans suggérer des sentes de traverses, non pas en les fléchant,
juste en indiquant qu’elles sont multiples, serait vain. Je ne vous en propose
pas moins, à la manière d’un Éric Poindron, de muser sur le thème Vailland in bed with Nozières. Lui
confie-t-elle ses différends avec ses parents, l’incite-t-il à une meilleure
conciliation, lui fournit-il le poison (ou l’adresse d’un confidentiel herboriste-apothicaire
de douteuse réputation) ? Laissez flotter votre imaginaire...
Donner à lire, et à voir, les articles de Vailland me semble indispensable pour donner envie de le (re)lire. C’est pourquoi… Attendez-vous donc à savoir que le reportage de Vailland en Espagne sera le prochain volet à paraître ici. (À suivre).
Donner à lire, et à voir, les articles de Vailland me semble indispensable pour donner envie de le (re)lire. C’est pourquoi… Attendez-vous donc à savoir que le reportage de Vailland en Espagne sera le prochain volet à paraître ici. (À suivre).
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