Un expansionnisme ottoman illimité
La Turquie
veut se doter d’au moins trois porte-avions a déclaré Recep Erdogan. Pas
uniquement pour affronter la Grèce en méditerranée, comme le laisse présager l’ex-vice-amiral
Cem Gürdenizg. L’expansion militaire et idéologique ottomane ne fait plus guère
de doute.
Consulter le site Hüriyet Daily News (en ang. comme son intiulé l’indique) est chaque jour plus instructif et corrobore parfaitement le point de vue d’Oliver Delorme dans Marianne (article en accès libre donnant une vue d’ensemble de la situation).
Je passe
peut-être du coq à l’âne en présumant que la décision de Darmanin d’expulser
une famille bosniaque pour avoir tondu et molesté une jeune fille à Besançon
sera interprétée comme une nouvelle provocation française en Turquie. Pays qui
se vante de posséder divers sites gréco-romains classés par l’Unesco mais
semble vouloir s’empresser, comme les fondamentalistes musulmans afghans, de
les faire disparaître. Que ce soit en Bosnie ou ailleurs (en d’ex-régions
restées peu ou prou turcophones ou ayant été sous domination de la Grande porte
puis de l’empire ottoman), la propagande fondamentaliste est à l’œuvre depuis des
décennies. Et qu’importe qu’un pays, comme l’Allemagne –(enfin, ses anciennes
composantes) ne fut que très partiellement touchée par les conquêtes de Soliman
et ses descendants.
Ce qu’il
faut comprendre, c’est qu’aux yeux d’une partie des musulmans, là où se dresse
une mosquée, la contrée l’entourant devient terre musulmane pour l’éternité. Qu’importe
d’ailleurs qu’elle ait été transformée en église (orthodoxe pour la plupart d’entre
elles).
C’est
cette mentalité que veut propager Erdogan dont la transformation des deux
églises à Istanbul (Sainte-Sophie, Saint-Sauveur-in-Chora pour le moment, sans
compter Saint-Haoutioun l’arménienne d’Ergan, détruite) vise à se poser en
défenseur des croyants. À Haga Sophia (Ayasofya, ex-Sainte-Sophie), les sermons
sont à présent prononcé sabre à la main « le symbole de la conquête »,
indique le prêcheur Ali Erbas.
Jusqu’à
nouvel ordre, la mission de l’Oruç Reis, le navire de prospection turc, n’est
prolongée que jusqu’au 27 août. Prônant un renforcement de l’industrie
militaire turque autonome, Erdogan a assorti son allocution d’une mise en garde :
« ceux qui sont gênés par l’influence (…) de notre pays font leur possible
pour condamner la Turquie à l’instabilité » (sous-entendu : avec pour
relais l’opposition intérieure), rapporte TNT. Quant au porte-parole de l’AKP,
vantant le peuple turc, il a déclaré que « son bonheur et ses
aspirations sont pour toute l’humanité ». Quant au ministre des Affaires
étrangères, il confond aide humanitaire (« depuis la Syrie jusqu’à la
Libye en passant par la Méditerranée orientale, la mer Noire, les Balkans et
le Caucase ») et intervention militaire et propagande religieuse (même s’il
est patent que l’aide sanitaire turque n’a pas été négligeable).
Quant au
vice-amiral Cem Gürdeniz, il déclare franchement que la puissance navale turque
doit s’exercer en mer Rouge, d’Oman, et en Atlantique.
Sur le
plan intérieur, depuis fin juillet, l’Internet est désormais muselé en Turquie,
la censure s’est généralisée. Si Lovier Demorme, dans Marianne, n’a pas tort de
souligner que les coups de menton d’Erdogan visent aussi à se rallier une opinion
intérieure islamiste et ultra-nationaliste, il n’en reste pas moins que le
concept de « Patrie bleue », élaboré par le vice-amiral Gürdeniz (de
souveraineté maritime, pour résumer) est aussi un objectif expansionniste
beaucoup plus large. Si on peut comprendre qu’à court terme l’Allemagne n’ait
guère envie de le contrecarrer (plus de trois millions de turcophones, un
excédent commercial, la crainte d’un renforcement de l’immigration), elle devrait
aussi réaliser que la Turquie ne se contentera pas d’annexer l’île grecque deKastellorizo.
Et que le sultan omnipotent d’Ankara n’est pas loin de considérer l’Allemagne tel
un pays vassal.
En sus, si,
tel le Belarus Alexandre Louckacheno, Erdogan se sentait progressivement déstabilisé
ou désavoué, que lui resterait-il d’autre pour se maintenir si ce ne sont de
nouvelles provocations contre les « occidentaux » ? Et en Allemagne,
il peut compter sur une base arrière bien endoctrinée.