lundi 24 août 2020

La Turquie veut se doter de porte-avions

 Un expansionnisme ottoman illimité

La Turquie veut se doter d’au moins trois porte-avions a déclaré Recep Erdogan. Pas uniquement pour affronter la Grèce en méditerranée, comme le laisse présager l’ex-vice-amiral Cem Gürdenizg. L’expansion militaire et idéologique ottomane ne fait plus guère de doute.

Consulter le site Hüriyet Daily News (en ang. comme son intiulé l’indique) est chaque jour plus instructif et corrobore parfaitement le point de vue d’Oliver Delorme dans Marianne (article en accès libre donnant une vue d’ensemble de la situation).

Je passe peut-être du coq à l’âne en présumant que la décision de Darmanin d’expulser une famille bosniaque pour avoir tondu et molesté une jeune fille à Besançon sera interprétée comme une nouvelle provocation française en Turquie. Pays qui se vante de posséder divers sites gréco-romains classés par l’Unesco mais semble vouloir s’empresser, comme les fondamentalistes musulmans afghans, de les faire disparaître. Que ce soit en Bosnie ou ailleurs (en d’ex-régions restées peu ou prou turcophones ou ayant été sous domination de la Grande porte puis de l’empire ottoman), la propagande fondamentaliste est à l’œuvre depuis des décennies. Et qu’importe qu’un pays, comme l’Allemagne –(enfin, ses anciennes composantes) ne fut que très partiellement touchée par les conquêtes de Soliman et ses descendants.

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’aux yeux d’une partie des musulmans, là où se dresse une mosquée, la contrée l’entourant devient terre musulmane pour l’éternité. Qu’importe d’ailleurs qu’elle ait été transformée en église (orthodoxe pour la plupart d’entre elles).

C’est cette mentalité que veut propager Erdogan dont la transformation des deux églises à Istanbul (Sainte-Sophie, Saint-Sauveur-in-Chora pour le moment, sans compter Saint-Haoutioun l’arménienne d’Ergan, détruite) vise à se poser en défenseur des croyants. À Haga Sophia (Ayasofya, ex-Sainte-Sophie), les sermons sont à présent prononcé sabre à la main « le symbole de la conquête », indique le prêcheur Ali Erbas.

Jusqu’à nouvel ordre, la mission de l’Oruç Reis, le navire de prospection turc, n’est prolongée que jusqu’au 27 août. Prônant un renforcement de l’industrie militaire turque autonome, Erdogan a assorti son allocution d’une mise en garde : « ceux qui sont gênés par l’influence (…) de notre pays font leur possible pour condamner la Turquie à l’instabilité » (sous-entendu : avec pour relais l’opposition intérieure), rapporte TNT. Quant au porte-parole de l’AKP, vantant le peuple turc, il a déclaré que « son bonheur et ses aspirations sont pour toute l’humanité ». Quant au ministre des Affaires étrangères, il confond aide humanitaire (« depuis la Syrie jusqu’à la Libye en passant par la Méditerranée orientale, la mer Noire, les Balkans et le Caucase ») et intervention militaire et propagande religieuse (même s’il est patent que l’aide sanitaire turque n’a pas été négligeable).

Quant au vice-amiral Cem Gürdeniz, il déclare franchement que la puissance navale turque doit s’exercer en mer Rouge, d’Oman, et en Atlantique.

Sur le plan intérieur, depuis fin juillet, l’Internet est désormais muselé en Turquie, la censure s’est généralisée. Si Lovier Demorme, dans Marianne, n’a pas tort de souligner que les coups de menton d’Erdogan visent aussi à se rallier une opinion intérieure islamiste et ultra-nationaliste, il n’en reste pas moins que le concept de « Patrie bleue », élaboré par le vice-amiral Gürdeniz (de souveraineté maritime, pour résumer) est aussi un objectif expansionniste beaucoup plus large. Si on peut comprendre qu’à court terme l’Allemagne n’ait guère envie de le contrecarrer (plus de trois millions de turcophones, un excédent commercial, la crainte d’un renforcement de l’immigration), elle devrait aussi réaliser que la Turquie ne se contentera pas d’annexer l’île grecque deKastellorizo. Et que le sultan omnipotent d’Ankara n’est pas loin de considérer l’Allemagne tel un pays vassal.

En sus, si, tel le Belarus Alexandre Louckacheno, Erdogan se sentait progressivement déstabilisé ou désavoué, que lui resterait-il d’autre pour se maintenir si ce ne sont de nouvelles provocations contre les « occidentaux » ? Et en Allemagne, il peut compter sur une base arrière bien endoctrinée.

Pour le moment, la propagande turque ne s’en prend qu’à la France, pays soutenant des organisations terroristes (le Lybien Khalifa Haftar, l’YPG/PKK kurde), allié des Émirats (traitres à l’islam en normalisant leurs relations avec Israël), xdlon une tribune d’un universitaire que vient de publier l’agence Anadolu. Ce texte explique la position française en Méditerranée par une volonté d’Emmanuel Macron de réduire l’influence de Marine Le Pen et de se placer en chef de file de l’Union européenne. La politique poursuivie serait aussi de favoriser Total face à l’Italien ENI. C’est parce que la France serait en passe d’échouer en Lybie qu’elle s’en prend agressivement à la Turquie. Anadolu insiste aussi sur les iniques traités de Sèvres (de 1920) et Lausanne (1923) en mettant en valeur les fortes paroles d’Erdogan selon lequels la Turquie ne pliera pas devant les « pouvoirs colonialistes » (soit la France et ses alliés, Grèce et Égypte). En gros, le temps de la revanche est venu pour l’empire ottoman islamique (et plus largement pour les pays musulmans).

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