Plus de monnaie rendue, plus de calcul élémentaire
Je me glorifie (je devrais m’en désoler) de mon 0,5 au bac,
coef. quatre, en maths (pas besoin de calculer : 2 sur 80, je m'en souviens). Et je lance Google pour faire une règle de trois. Mais
quand même, je sais quand même encore faire une simple addition ou
soustraction. Jusqu’à ce que j’adopte le paiement sans contact ?
À l’oral de maths, au bac, le prof finit par me demander d’effectuer
une division. D’un nombre à vingt-trente chiffres ou plus par un autre à une
bonne dizaine, assorti d’une virgule… Stylo mâchouillé, puis reposé. Marooned.
Bon, il a doublé ma note, et cela n’a pas
changé grand’ chose (reçu sans problème). Ce qui me qualifie fort mal pour
déplorer que, présumément, l’extension du paiement sans contact s’accompagne d’une
régression de la capacité d’effectuer de simples opérations (d’ac’ les XPonts résistent
peut-être).
Depuis quelques mois et semaines, prenant une noisette à la
terrasse de cafés, et payant en espèces, soit je fais le compte assorti ou non
d’un pourboire, et tout va bien, soit je tends un billet.
Pour m’entendre plus fréquemment répondre :
— « désolé,
je n’ai pas de monnaie, vous auriez une carte ? ».
Initialement, j’ai imaginé que le jeune garçon ou la jeune
serveuse (bref des moins de trente ans ne semblant pas sortir de l’école de Lausanne
ou du bureau de placement) rechignait à retourner à la caisse. Finalement, je
me suis rendu compte qu’elle ou il était embarrassé d’avoir à rendre de la
monnaie sur dix ou vingt euros…
Le summum, ce fut une jeune fille. Nous étions deux, prenant
chacun une noisette à 2,60 euros. Sur 20 euros, elle rend je ne sais plus quoi…
Mais pas 14,80 € (j’ai bon, là ?). On le lui fait remarquer. Nouvelle
tentative, nouvelle erreur. À la troisième, nous restons coite et coi (cois, quoi !).
Et même comme deux ronds de flan (de monnaie ou de dariole, comme vous
voudrez). Elle aligne 17,40 €. Soit qu’elle nous offre une consommation
sur deux.
Ma sympathie pour tout être encore moins doué pour le calcul
mental qu’un chien de cirque ou une pieuvre sachant au moins recenser ses
tentacules valut que, après un temps de latence, je la rejoigne pour lui tendre
2,60 € (en fouillant dans nos poches, nous trouvâmes 20 centimes). Étonnement
non feint de la demoiselle.
Je tente d’expliquer :
—
« Ah bon, ben… »
La logique arithmétique (je n’ose dire mathématique) me faisant
défaut, je ne peux affirmer que trois-quatre exemples de ce type, plus un
sensiblement différent, établit « l’équation » que payer sans contact
(à partir d’un euro dans la supérette proche de chez moi) conduit à ne plus
savoir compter mentalement.
N’empêche, je ne dois pas être le seul à m’interroger sur
les répercussions de cette envahissante habitude. En témoigne ce visuel de la
revue Private Eye…
Légende : « du cash… Qu’est-ce que je
peux bien en faire ? Je ne paye que sans contact. ».
Pas si grave. Quand l’intelligence artificielle permettra de
nous implanter une puce, que la reconnaissance vocale ou de mouvement (pour
2,60 : ouvrir deux doigts, refermer la main, la rouvrir et lever le pouce
de l’autre) sera devenue plus performante, le calcul mental aura disparu des
émissions de jeux télévisés (l’émission « Des chiffres et des lettres »
de Max Favalelli n’est plus mais « Le Compte est bon » subsiste… ou
se survit). J’admets, pour qu’une ou un vocalement handicapé puisse diviser une
fraction par une autre (ce dont je suis bien incapable), il faudra adopter des
conventions gestuelles (peut-être enseignées en première année de Polytechnique,
plus précocement en instituts spécialisés).
Pour le moment, même en cherchant bien, via Google, je
ne parviens pas à savoir de combien le niveau de l’eau dans une cuvette
cylindrique d’un diamètre d, contenant x litres, monte si on plonge
un train miniature de poids p. Le site mathématiquesfaciles propose
encore des problèmes de trains (pour ceux de baignoire, préférez peut-être lesplusbellesmaths),
mais pour mon train miniature, je ne trouve pas la formule (que je pourrai
contempler longuement sans trop comprendre ; fort euphémisme). Mais j’ai
confiance en la technologie et chéris les vertus du progrès. Même plus la peine
d’apprendre des formules « en dormant » (avec un micro haut-parleur ou un téléphone portable sous l’oreiller), un implant fera de moi un docteur Cosinus… Ce qui me fera une
belle jambe et le teint rose avant de diriger le robot sèche-cheveux sur mon
train miniature…