jeudi 21 novembre 2019

Brexit : le plan Corbyn, renégociation puis référendum

Pour Jeremy Corbyn, le changement, c’est maintenant

Jeremy Corbyn a dévoilé son petit livre rouge, soit le manifeste du Parti travailliste qui prévoit la négociation d’un nouveau protocole avec l’UE, lequel serait soumis à nouveau référendum à plusieurs questions…
Je n’avais pas commenté le premier débat télévisé n’ayant opposé que Boris Johnson et Jeremy Corbin, soit sans la libérale-démocrate Jo Swinson.
Parce qu’il n’avait pratiquement rien apporté de neuf, si ce n’est marginalement et que son résultat ne fut guère décisif (ou inconclusive). Je me ralliais cependant à l’opinion majoritaire des commentateurs : très léger avantage pour Bojo.
Toutefois, depuis lors, un sondage portant sur les électeurs indécis inverse la donne. Ce serait, pour eux, 59 points pour Corbyn contre 41 pour Johnson. Cet électorat n’étant guère majoritaire, ni totalement susceptible de se rendre aux urnes, cela ne modifie globalement que fort peu le panorama.
Selon un récent sondage pour The Standard, les Tories conservent une avance de 16 points (d’autres sondages ne leur accordent que huit points).
Mais depuis, les travaillistes ont divulgué leur manifeste, intitulé, en lettres blanches sur fond rouge vif, “It’s Time for Real Change”. Soit une variante du slogan de la campagne de François Hollande : les temps sont mûrs pour le changement ou « Le changement, c’est maintenant ».
Très ambitieux programme social et écologique…
En voici les principaux points hors question du Brexit (qui sera le suivant infra).
Des millions pour la sécurité sociale (le ministère de la Santé et le système hospitalier, le NHS) ; salaire minimal à dix livres pour toutes et tous, mineurs ou majeurs ainsi que revalorisation des émoluments des fonctionnaires ; lourds investissements en Écosse ; le tout-fibre optique pour 2030 ; imposition accrue des plus fortunés et des entreprises ; plan de formation éducatif excluant les droits universitaires, réduction des effectifs des classes du primaire, gratuité des maternelles ; durée hebdomadaire ouvrée à 32 heures ; efforts environnementaux générant un million d’emplois ; HLM en veux-tu, en voilà.
Par HLM, il faut entendre logements sociaux associatifs et des collectivités (les Council Houses). 150 000 de mieux par an de council & social homes sur un lustre. Rien que cela…
Résumé de Corbyn, en substance, les riches vont détester, je et tu, ils et elles, allons nous régaler. Résumé de la presse pro-Tory : Corbyn met les « créateurs de richesses » à genoux et empruntera à tout-va.
Mais un autre point crucial pour la tournure du Brexit tient aux renationalisations : des services postaux & télécoms et ferroviaires & de dessertes routières, de distribution de l’eau (voire aussi d’électricité).
Je glisse sur la liberté de mouvement et l’immigration en provenance de l’Union européenne, dont les modalités dépendront du résultat d’un référendum (restrictions maintenues mais allégées en cas de nouvelle victoire du vote Leave). De même sur l’abaissement à 16 ans du droit de vote, l’enregistrement automatique sur les listes électorales de tous les résidents…
Cela implique quoi ? La négociation d’un nouveau protocole d’accord garantissant le maintien du libre-échange actuel, mais laissant une certaine autonomie au Royaume-Uni par rapport à diverses règles communautaires.
Ce protocole serait soumis à référendum mais la question de la révocation de l’article 50 (maintien dans l’UE) sera aussi posée.
Cela signifie quoi ? En gros, si le protocole était accepté par les 27, l’électorat devrait l’approuver, ou le rejeter, ou tirer un trait sur le résultat du référendum précédant. Toujours approximativement, si ce protocole était approuvé, un statut du Royaume-Uni proche de celui de la Norvège ou de la Suisse, « à peu de choses près » (ou à davantage, allez prévoir…).
Ce changement, c’est en quelque sorte une déclaration de guerre à la misère. Genre New Deal de Franklin Roosevelt.
Les conservateurs ont aussi beaucoup promis. Le point peu abordé est celui des retraites et de l’âge de la retraite (qu’un document gouvernemental laisse supposer que son report à 70 ans serait envisageable, alors que le Labour le maintiendrait à 66).
Boris Johnson martelait que Corbyn se refusait à dire s’il ferait campagne pour ou contre le Brexit, pour le Leave ou le Remain. On peut comprendre que, si la question n’est pas subsidiaire, les travaillistes mettront surtout l’accent sur leur programme économique, social et fiscal, proposeront un protocole beaucoup plus acceptable pour l’électorat libéral-démocrate ou écossais… Il est d’ailleurs sous-entendu que l’accord envisagé garantirait l’unité du Royaume-Uni, rendant inutile un nouveau référendum sur l’Écosse, mais que… si les Écossais le réclamaient très fort, il serait alors temps d’examiner son opportunité.
À part cela, les conservateurs ont lancé un site labourmanifesto.co.uk lançant une collecte de signatures pour « arrêter » Corbyn. Ce n’est pas encore le lock her up de Trump visant à envoyer directement Hillary Clinton en prison sans passer par la case départ des élections, mais cela risque de venir. C’est aussi une campagne de coup bas, de détournements de vidéos, &c.
Les conservateurs opposent aussi le protocole Johnson, connu, à celui, « inexistant » de Corbyn. Effectivement, on doit se contenter de deviner ses orientations.
Cela étant, si Brexit il y aura, il ne deviendra sans doute effectif qu'après une période de transition, en fait de statut quo et de négociation d'un traité de (moins) libre-échange, qui pourrait s'étendre, contrairement à ce que promet Boris Johnson, bien au-delà de la fin 2020. Aucun diplomate ne mise sur une si courte période d'un an seulement. C'est l'un des points cruciaux de la campagne du Brexit Party qui considère que le protocole Johnson équivaut au "Brino" (Brexit in name only).
Notez que le Lib Dem a aussi publié son manifeste intitulé Stop Brexit, Build a brighter future. Il ne manque pas non plus d'intérêt et les divers partis européens gagneraient, après la période de fact checking auquel se livrera la presse, à comparer les divers manifestes, en  dégager les idées nouvelles.
Vous vous souvenez du ministère du Temps Libre (période Mauroy) ? Les libdems souhaitent créer un ministère du bien-être doté d'un "wellbeing budget".
Il y a toujours quelques choses à prendre du côté de la plus vieille démocratie parlementaire, ou dont il conviendrait de s'inspirer... Et pourquoi pas, dans l'intitulé du ministère français de la Culture, remplacer communication par bien-faire & laisser dire ?
En tout cas, dans cette campagne électorale britannique, le laisser dire n'est pas de mise... Par exemple, Jo Swinson a été contrainte de démentir : non, elle ne cherche pas à blesser des écureuils avec un lance-pierres. C'était pourtant ce qu'un deepfake (montage vidéo), censé être repris par The Mirror, affirmait, en prêtant à la libdem des déclarations sadiques (genre : je ne vise pas la tête, leur mort serait trop douce). Trump et les siens ont fait école...


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