dimanche 24 novembre 2019

Brexit : et voici le Bojo manifesto nouveau

Love Boris and get Brexit done

Je ne suis pas tenu ici à l’impartialité, et si j’avais quelque peu détaillé le programme des travaillistes, je me contente de survoler celui des conservateurs.
Déjà, alors que le « petit livre rouge » des travaillistes met fort peu en avant Jeremy Corbin, celui des conservateurs, sous-titré “The Conservative and Unionist Party Manifesto 2019", c’est un peu, toutes proportions gardées, « ma bobine partout ».
Soixante pages, avec une quatrième de couv’ montrant des travailleurs du BTP casqués montrant une pancarte “We Love Boris”, et sept photos grand format de Boris Johnson.
Bien sûr, les programmes du Front National de J.-M. Le Pen faisaient beaucoup mieux. Mais nous sommes au Royaume-Uni où, hormis les photos des membres de la famille royale, il n’est pas commun de mettre autant en avant le portrait d’un·e chef·fe de file politique.
Pour qui connaîtrait peu la vie politique britannique, je signale que, depuis Theresa May, le terme « unioniste », dérivé de la fusion entre les Tories et les libéraux unionistes (en 1912) a été fortement mis en valeur : la dénomination officielle est bien Conservative and Unionist. Ne pas y voir la subsistance de l’alliance entre conservateurs et unionistes nord-irlandais du DUP.
Le mot d’ordre est donc “Get Brexit DoneUnleash Britain’s Potential“. Britain n’est pas ici ambigu, il s’agit bien du Royaume-Uni et non de sa seule Grande-Bretagne. Le programme met aussi l'accent sur les identités écossaise, galloise et anglaise. La langue galloise, formidable ; les parlers écossais, magnifiques... Tous ensemble, tous ensemble, air connu.
Or donc, hors Brexit, les principaux points sont plus de personnel infirmier, médical et policier. Effort éducatif, environnement (le net zero, plus aucune émission néfaste en 2050), pas de nouveaux impôts ou taxes, et relèvement du plafond pour bénéficier d’une couverture sociale.
Et le Brexit ? Rupture d’avec l’Union européenne dès début janvier, d’avec la Cour de Justice, restauration du contrôle total des droits de pêche, instauration d’un système de contrôle de l’immigration à l’Australienne (dit par points). Et une promesse fortement réitérée : ne pas prolonger les négociations d’un traité commercial au-delà de la fin 2020. Ce qui semble utopiste (« même pas en rêve », commente-t-on à Bruxelles ou Strasbourg) et laisse entendre qu’à l’issue de la période de transition, ce sera une sortie sans accord (et des tractations s’éternisant ensuite, tandis que le Royaume-Uni aura instauré les tarifs douaniers de son choix, à rediscuter un par un).
Cela revient à couper l’herbe sous le pied de Farage et du Brexit Party et fédérer le camp du Leave.
Rien de bien original dans ce programme si ce n’est de consacrer des millions pour combler les potholes, les nids de poule, dont les photos s’étalent fréquemment dans les pages de la presse populaire. Aussi, la révocation de la loi (Fixed Term Parliaments Act) voulant que le gouvernement change tous les cinq ans (remaniement automatique). Sinon, c’est assez flou et pas vraiment chiffré. Ou sujet à interprétation (comme sur l’abolition de la redevance télévisuelle pour les plus de 75 ans).
Réplique de Corbyn : « c’est le manifeste des milliardaires (...) On ne peut faire confiance à Boris Johnson » (sous-entendu : le hâbleur). Convenu, déjà dit et redit. Plus gênant, l’Institut pour les études fiscales (IFS) considère ce programme plutôt raplapla et difficile à financer sans sacrifier des services publics.
Cela étant, la moyenne des sondages donne encore les Tories en tête (à 43 %, 13 points devant les travaillistes, avec les Lib-Dem à 15, le Brexit Party fléchissant à 4). L’un des derniers sondages n’accorde aux conservateurs qu’une avance de dix points, mais cela leur assurerait cependant une confortable majorité au Parlement.
Le Sunday Express met en avant les nombreux jeux de mots et blagues du Bojo et appuie surtout sur la menace pesant sur les pêcheries britanniques si Emmanuel Macron obtient de Bruxelles ce qu'il souhaite pour les pêcheurs français. The Sun titre sur la fin de l'austérité pour les familles travaillant dur (cela restera à concrétiser, et on ne voit pas trop comment). The Mirror (resté pro-Labour) considère que beaucoup de chiffres avancés sont truqués. The Independent (pro-Remain) estime que ce programme sera bien accueilli par les entrepreneurs et les milieux d'affaires mais relève surtout que négocier en parallèle avec les États-Unis, l'Australie, le Japon et l'Union européenne relève de la mission impossible : chaque accord influe sur l'autre... implique un va-et-vient incessant.
En fait, hormis le camp Remain, plus ou moins bien rassemblé et solide (Plaid Cymru, SNP, Verts, Lib-Dem), mais n'ayant que fort peu de chances de l'emporter, personne, côté travailliste et conservateur, ne peut donner de garanties solides sur ce qu'il adviendra des relations du Royaume-Uni et de l'Union européenne. Quant à savoir quand les choses clarifieront réellement, autant consulter une boule de cristal (si possible reliée à une imprimante ou à un logiciel de reconnaissance vocale). 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire