Il fallait au Bojo 434 voix ; il n’en obtient que 299
Des élections anticipées pourraient avoir lieu au Royaume-Uni,
mais quand ?
Hier, le gouvernement conservateur de Boris Johnson ne
recueillait que 301 voix, ce jour, dans un premier temps, en seconde lecture d’un
projet de loi lui intimant de ne pas imposer le Brexit sans accord au 31 octobre,
il n’en obtenait plus que 300. Et ce 4 septembre, fort tard, sa proposition d’organiser
des élections anticipées le 15 octobre n’a recueilli que 298 suffrages. En fait, si, forts d’un
sondage récent, des indépendantistes écossais (du Scottish National Party) ont
sans doute voté avec les conservateurs (enfin, ce qu’il en reste), les
unionistes nord-irlandais, et quelques dissidents de l’opposition, les
travaillistes et d’autres se sont abstenus. 56 votes contre ont aussi été exprimés.
La loi imposant de fait un possible report de la date butoir
d’application de l’article 50 (avec ou sans accord entre le Royaume-Uni et l’Union
européenne) est cette nuit, et sans doute longuement, discutée par les pairs,
les Lords… Les Peers conservateurs ont reçu pour consigner de faire durer les
débats. Cela n’offrira qu’un sursis, Boris Johnson devra sans doute devoir la
présenter à la reine pour recueillir son assentiment. Ce n’est qu’alors qu’elle
sera promulguée…
S’il choisit de retarder l’échéance trop longtemps, il devra
sans doute affronter un tribunal. Après que la reine ait donné son accord, le
parti travailliste pourrait réviser sa position, soit consentir à affronter les
urnes.
Mais certains travaillistes peuvent être tentés de laisser
Boris Johnson mijoter, mariner dans son impuissance : il pourra, jusqu’aux
élections, gouverner, mais de fait, il n'a plus de mandat pour négocier à Bruxelles à sa guise… Et par un singulier retournement, le précédent plan négocié
de sortie de l’Union, celui de Theresa May, pourrait finir par être — possiblement
assorti d’aménagements mineurs — adopté. Son élément majeur, le backstop
irlandais, dont l’abrogation est la condition sine qua non que réclame Boris
Johnson, serait maintenu… Cela reste toutefois théorique.
L’un des seuls à rester confiant en la capacité du Bojo de
finalement l’emporter reste le Donald… « Il sait comment gagner, ne
vous inquiétez pas pour lui », a déclaré Donald Trump. Allister Heath,
le redchef du Sunday Telegraph, semble penser de même : Johnson se maintiendra,
empêchera l’électorat conservateur farouchement eurosceptique de déserter pour
rejoindre le Brexit Party. The Telegraph a pris de longue date nettement position pour le Brexit.
En attendant, le parti conservateur tangue… L’analyse du
dernier vote montre que seulement 284 députés conservateurs ont voté pour des
élections anticipées (ainsi que les dix unionistes du DUP nord-irlandais, et un
seul indépendant, et trois travaillistes). Cette érosion découle du fait que 21
conservateurs ont été expulsés du parti (privés du whip, cette
circulaire exposant les consignes de vote), et que cela n'a pas fait l'unanimité dans ses rangs (enfin, l'électorat serait majoritairement pour, les élus davantage divisés).
Or, parmi eux, il y a celles et ceux ne se représentant pas,
qui seraient donc remplacés par des candidat·e·s moins connues, d’autres qui
ont la possibilité d’être reconduits (car populaires dans leurs
circonscriptions, parmi l’électorat conservateur minoritaire encore opposé à
une sortie de l’UE sans accord, ou pouvant se rallier divers suffrages inattendus).
Ne pas les réintégrer à temps fragiliserait le parti Tory, estiment nombre de
ses plus éminents membres.
C’est l’opinion de la cheffe de file démissionnaire des
conservateurs écossais, Durth Davidson, partie sur la pointe des pieds, mais s’exprimant
à présent publiquement. D’autres piliers conservateurs ont exprimé leur
opposition au limogeage.
Une possibilité aurait pu être que Boris Johnson devienne l’un
des plus éphémères Premiers ministres du Royaume, et démissionne à court ou
moyen terme. Mais il s’accroche. Sa démission entraînerait pourtant sans doute un retour aux urnes. Avec sans doute pour conséquence une montée du Brexit Party (crédité jusqu'à présent de 12 % par les sondages).
Il reste qu’une élection anticipée peut encore intervenir le 15
octobre, comme le veut Johnson, si le Labour, ayant obtenu la garantie qu’une
sortie sans accord est désormais exclue, en décide (en accord sur ce point avec
le SNP). Mais s’il préfère attendre les lendemains du 31 octobre, et une érosion de la popularité des conservateurs, aucune date
précise ne se profile.
Et quoi que l’on puisse penser de tout cela, l’éventualité d’une
sortie sans accord du Royaume-Uni le 31 octobre subsiste.
Ce alors même qu'un très récent sondage YouGov
indique que 46 % des Britanniques (contre 41 %, plus les indécis)
seraient favorables à un second referendum.
Et que, selon Michel Barnier, s'adressant à des diplomates, les négociations sont au point mort: Boris Johnson n'avance pas de propositions autre que de retirer le backstop nord-irlandais du pré-accord précédent devenu caduc. Le Bojo refuse d'ailleurs de divulguer quelles sont ses pistes de négociation et Downing Street se borne à répéter que des mesures sont prises pour une sortie sans accord.
Le meilleur titre de presse francophone traitant de l'issue de cette seconde journée (désormais écoulée) au parlement britannique me semble être celui de la Libre Belgique : « (...) mais rien n'est réglé ».
Au passage, félicitations à la rédaction du Guardian qui fermé son fil « en direct » à trois minutes seulement de la seconde heure de ce jour (heure de Paris, 00:57, Londres). Trois des expulsés du parti conservateur ne se représenteront pas devant les électeurs, dont le petit-fils de Churchill, Nicholas Soames. Dix autres saisissent la justice et entendent aller aux urnes en tant que conservateurs. Les travaillistes, majoritairement, veulent affronter l'électorat après que Johnson soit revenu de Bruxelles (mains vides ou... avec quelques concessions mineures ?). Plaignons ces pauvres Lords dont certains sont venus en séance avec des trousses de toilette et des vêtements de rechange.
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