Élections anticipées : Boris Johnson prend Jeremy Corbin au mot près
La presse s’est empressée de faire toute une histoire de la
démission du gouvernement et de son siège de député de Jo Johnson, frère du
Premier ministre. En fait, c’était plutôt logique. Mais l’essentiel reste de
savoir si Jeremy Corbin tiendra sa parole lundi prochain et consentira à des
élections anticipées.
Normal. La presse britannique (en ligne) monte en tête de
page d’accueil la sortie (peu fracassante) de Jo Johnson. Donc, la presse
française, belge, suisse francophone, embraye.
Or, c’était assez logique… D’autres éminents conservateurs
ont annoncé avoir renoncé à se représenter, histoire de ne pas laisser penser
qu’ils œuvreraient contre leur ex-formation, d’autres (au moins dix) veulent se
maintenir sous l’étiquette conservateur, mais pourraient se voir opposer d’autres
candidats. Et c’est d’ailleurs peut-être ce que le Bojo a dit à son frère :
soit tu t’alignes, soit à Orpington, ta circonscription, je te mets une
pointure en face (un Tory, voire un membre populaire du Brexit Party). Selon The Sun, le Premier ministre aurait toutefois longuement bataillé en privé la nuit dernière pour que son frère renonce à sa décision.
Vous gaverai-je avec toutes ses contributions sur le Brexit ?
En parenthèse, deux raisons : ce n’est peut-être pas aussi crucial que le
réchauffement climatique, mais… ; la presse française fait assez bien son
boulot, mais rate parfois le coche sur des détails qui n’en sont pas (ou n’en
fait état qu’avec retard).
Or donc, bien sûr, ce qui est important, ce n’est pas en soi
que Jo Johnson prenne le large, et si cela se trouvait, il l’a fait en
concertation avec son frère. Ce qui prime, c’est l’effet d’entraînement des
défections ou limogeages (bien plus d’une vingtaine, car l’épuration du parti,
préconisée par l’éminence grise du 10, Downing Street, Dominic Cummings, a
précédé les votes aux Commons).
Pour le moment, un seul député conservateur a rejoint les
rangs des libéraux-démocrates. L’épuration peut se poursuivre, surtout si Nigel
Farage, du Brexit Party, et le Bojo se partagent les rôles et les circonscriptions…
Bojo riposte
Finalement, les Lords conservateurs alignés sur Downing
Street ont jeté l’éponge aux petites heures de ce jeudi… Ils avaient pour
consigne initiale de faire durer les débats ad nauseam. Restait aussi à
Boris Johnson, au risque de heurter partie de l’opinion, de retarder la demande
d’assentiment de la reine. La loi le contraignant à ne pas déclencher l’article 50 et la sortie de l’UE sans accord sera promulguée.
Or Jeremy Corbin avait déclaré que, dans ces conditions, il
ne s’opposerait pas à des élections anticipées. Le Bojo le prend au mot,
sachant aussi que le Scottish National Party espère se renforcer à la faveur d’élections
anticipées.
Donc, Boris-le-menteur, lundi prochain, va jouer à « je
te tiens par la barbichette » avec Jeremy-le-velléitaire. Un coup tu dis
oui, un coup non, c’est qui le plus menteur de nous deux ?
Les conservateurs sont divisés, les travaillistes aussi.
Certains travaillistes souhaitent des élections rapidement, d’autres veulent
que les Britanniques ressentent les effets d’un Brexit sans accord avant de
retourner aux urnes. Soit repousser la date en novembre, plutôt vers la fin du mois. C'est ce qu'annonce John McDonnell (Labour) : bloquer la date jusqu'à novembre...
Les travaillistes vont donc jouer sur les mots. Certes, leur
chef de file a déclaré que si la loi entrait en vigueur, il irait au combat,
mais il fallait comprendre qu’en fait, il faut attendre que l’UE, saisie de la
question d’un report, annonce une nouvelle date butoir (fin janvier 2020 ou
au-delà). Mais il faut être deux pour le tango, et Boris Johnson clame qu’il ne
sollicitera pas un report…
La date du 14 octobre avait été d’abord annoncée. Elle
coïncide avec une fête israélite, donc, c’est désormais le 15… Voire le 16. En
tout cas avant ou même le 17, date d’un sommet du Conseil européen avec le
Brexit à l’ordre du jour.
En termes de campagne électorale, que des élections
interviennent avant ou après ce sommet, cela donnera Bojo le séide de Donald
Trump contre Jeremy la poule mouillée stipendiée par Donald Tusk (ou l’UE at
large).
Auparavant, le Bojo donnera l’impression qu’il n’est pas
près à tout concéder au Donald. Il a reçu aujourd’hui l'Américain Mike Pence, lui a dit qu’il
n’était pas très chaud pour importer des poulets chlorés et qu’il fallait que
le haggis écossais (la « panse de mouton farcie ») puisse être vendue
librement aux États-Unis. On voit le niveau.
Les Commons comptent 650 députés. Les conservateurs sont
réduits à 289 sièges, avec l’appoint de dix autres (les unionistes du DUP
nord-irlandais). Ce bloc semble désormais à peu près soudé. La majorité des
deux-tiers est de 434 voix. Si les travaillistes (247 sièges) se divisent… Mais
dans quelle proportion ?
Selon les sondages, les conservateurs restent stables
(33 % d’intentions de vote), mais le Brexit Party gagne deux points (de 12
à 14 %), les libéraux-démocrates (LibDeb) sont à 17, le Labour à 26. Restent
tous les autres (huit formations).
Il est patent que la personnalité de Jeremy Corbin, très
controversé, joue en défaveur du Labour.
D’ici au 9 prochain au matin, il est très difficile de
présager ce qui peut se produire, et encore plus ce qu’il adviendra au soir.
Mais si, par exemple, Michael Gove, l’alter ego de Boris Johnson lors de la
campagne pour le Leave, laissait entendre que, tout compte fait, le
gouvernement est mal préparé à une sortie sans accord, qu’il n’y a pas de plan
alternatif crédible, &c., la démission de Jo Johnson et d’autres serait
reléguée au rang d’épiphénomène. L’inattendu est presque plus qu’attendu… Gove, interrogé sur ce qu'il adviendra après une sortie sans accord a répondu que « je pense que l'avenir n'est connu que par le Tout Puissant » (the Almighty). Hilary Benn, en charge du comité sur le Brexit lui a rétorqué que ce tout puissant ne comparaîtrait pas devant le dit comité...
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