jeudi 5 septembre 2019

Brexit : poker menteur entre B. Johnson et J. Corbin

Élections anticipées : Boris Johnson prend Jeremy Corbin au mot près

La presse s’est empressée de faire toute une histoire de la démission du gouvernement et de son siège de député de Jo Johnson, frère du Premier ministre. En fait, c’était plutôt logique. Mais l’essentiel reste de savoir si Jeremy Corbin tiendra sa parole lundi prochain et consentira à des élections anticipées.
Normal. La presse britannique (en ligne) monte en tête de page d’accueil la sortie (peu fracassante) de Jo Johnson. Donc, la presse française, belge, suisse francophone, embraye.
Or, c’était assez logique… D’autres éminents conservateurs ont annoncé avoir renoncé à se représenter, histoire de ne pas laisser penser qu’ils œuvreraient contre leur ex-formation, d’autres (au moins dix) veulent se maintenir sous l’étiquette conservateur, mais pourraient se voir opposer d’autres candidats. Et c’est d’ailleurs peut-être ce que le Bojo a dit à son frère : soit tu t’alignes, soit à Orpington, ta circonscription, je te mets une pointure en face (un Tory, voire un membre populaire du Brexit Party). Selon The Sun, le Premier ministre aurait toutefois longuement bataillé en privé la nuit dernière pour que son frère renonce à sa décision.
Vous gaverai-je avec toutes ses contributions sur le Brexit ? En parenthèse, deux raisons : ce n’est peut-être pas aussi crucial que le réchauffement climatique, mais… ; la presse française fait assez bien son boulot, mais rate parfois le coche sur des détails qui n’en sont pas (ou n’en fait état qu’avec retard).
Or donc, bien sûr, ce qui est important, ce n’est pas en soi que Jo Johnson prenne le large, et si cela se trouvait, il l’a fait en concertation avec son frère. Ce qui prime, c’est l’effet d’entraînement des défections ou limogeages (bien plus d’une vingtaine, car l’épuration du parti, préconisée par l’éminence grise du 10, Downing Street, Dominic Cummings, a précédé les votes aux Commons).
Pour le moment, un seul député conservateur a rejoint les rangs des libéraux-démocrates. L’épuration peut se poursuivre, surtout si Nigel Farage, du Brexit Party, et le Bojo se partagent les rôles et les circonscriptions…
Bojo riposte
Finalement, les Lords conservateurs alignés sur Downing Street ont jeté l’éponge aux petites heures de ce jeudi… Ils avaient pour consigne initiale de faire durer les débats ad nauseam. Restait aussi à Boris Johnson, au risque de heurter partie de l’opinion, de retarder la demande d’assentiment de la reine. La loi le contraignant à ne pas déclencher l’article 50 et la sortie de l’UE sans accord sera promulguée.
Or Jeremy Corbin avait déclaré que, dans ces conditions, il ne s’opposerait pas à des élections anticipées. Le Bojo le prend au mot, sachant aussi que le Scottish National Party espère se renforcer à la faveur d’élections anticipées.
Donc, Boris-le-menteur, lundi prochain, va jouer à « je te tiens par la barbichette » avec Jeremy-le-velléitaire. Un coup tu dis oui, un coup non, c’est qui le plus menteur de nous deux ?
Les conservateurs sont divisés, les travaillistes aussi. Certains travaillistes souhaitent des élections rapidement, d’autres veulent que les Britanniques ressentent les effets d’un Brexit sans accord avant de retourner aux urnes. Soit repousser la date en novembre, plutôt vers la fin du mois. C'est ce qu'annonce John McDonnell (Labour) : bloquer la date jusqu'à novembre...
Les travaillistes vont donc jouer sur les mots. Certes, leur chef de file a déclaré que si la loi entrait en vigueur, il irait au combat, mais il fallait comprendre qu’en fait, il faut attendre que l’UE, saisie de la question d’un report, annonce une nouvelle date butoir (fin janvier 2020 ou au-delà). Mais il faut être deux pour le tango, et Boris Johnson clame qu’il ne sollicitera pas un report…
La date du 14 octobre avait été d’abord annoncée. Elle coïncide avec une fête israélite, donc, c’est désormais le 15… Voire le 16. En tout cas avant ou même le 17, date d’un sommet du Conseil européen avec le Brexit à l’ordre du jour.
En termes de campagne électorale, que des élections interviennent avant ou après ce sommet, cela donnera Bojo le séide de Donald Trump contre Jeremy la poule mouillée stipendiée par Donald Tusk (ou l’UE at large).
Auparavant, le Bojo donnera l’impression qu’il n’est pas près à tout concéder au Donald. Il a reçu aujourd’hui l'Américain Mike Pence, lui a dit qu’il n’était pas très chaud pour importer des poulets chlorés et qu’il fallait que le haggis écossais (la « panse de mouton farcie ») puisse être vendue librement aux États-Unis. On voit le niveau.
Les Commons comptent 650 députés. Les conservateurs sont réduits à 289 sièges, avec l’appoint de dix autres (les unionistes du DUP nord-irlandais). Ce bloc semble désormais à peu près soudé. La majorité des deux-tiers est de 434 voix. Si les travaillistes (247 sièges) se divisent… Mais dans quelle proportion ?
Selon les sondages, les conservateurs restent stables (33 % d’intentions de vote), mais le Brexit Party gagne deux points (de 12 à 14 %), les libéraux-démocrates (LibDeb) sont à 17, le Labour à 26. Restent tous les autres (huit formations).
Il est patent que la personnalité de Jeremy Corbin, très controversé, joue en défaveur du Labour.

D’ici au 9 prochain au matin, il est très difficile de présager ce qui peut se produire, et encore plus ce qu’il adviendra au soir. Mais si, par exemple, Michael Gove, l’alter ego de Boris Johnson lors de la campagne pour le Leave, laissait entendre que, tout compte fait, le gouvernement est mal préparé à une sortie sans accord, qu’il n’y a pas de plan alternatif crédible, &c., la démission de Jo Johnson et d’autres serait reléguée au rang d’épiphénomène. L’inattendu est presque plus qu’attendu… Gove, interrogé sur ce qu'il adviendra après une sortie sans accord a répondu que « je pense que l'avenir n'est connu que par le Tout Puissant » (the Almighty). Hilary Benn, en charge du comité sur le Brexit lui a rétorqué que ce tout puissant ne comparaîtrait pas devant le dit comité...

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