samedi 21 septembre 2019

Iris Picardie, de Jean-Charles Fauque, théâtre d'ombres

Deux romans gris pour le prix d'un...

Polar ou roman noir ? Le Jean-Charles Fauque, Iris Picardie, embrouilles à perte de vue, des éditions Wartberg (col. Zones noires), tient des deux fois deux. J'explique...
Livre attachant... Ancien de 813 (association d'auteur·e·s, critiques, grand·e·s amateuristes) je penche pour le roman noir. Polar, policier, prédominance whodunit. Intrigue policière. Noir, noirceur, l'ambiance glauque parfois, prime. Voyez côté Hugues Pagan. Ce n'est pas que l'intrigue ne soit pas essentielle, total secondaire, mais elle reste, quoique non-accessoire, finalement prétexte. 
Je ne vais pas divulgâcher ce bouquin. Déjà, d'accord, il y a un (ou deux) assassinats. Mais bon. Il y a surtout du métier (Jean-Charles Fauque est auteur de la Série Noire et d'Engrenage). 
Intrigue. Vous allez sur le site des éditions Wartberg, vous consultez la liste des auteurs, pas de Fauque. Pas d'Iris en recherche générale. Intéressante, cette maison germaine — germanique, plutôt — qui a commencé en France (fin 2010) avec une collection « Nous les enfants de... ». Devenue en partie Zones noires (exemple : Françoise Bachmann, Le Grand Ange de Strasbourg). Charly, Charles Duchêne éditeur, s'y était essayé avec un polar lillois, sans suite. Danièle Vaudrey et d'autres font dans les histoires criminelles repêchées dans les archives départementales (pour elle, bretonnes, Les Mystères des Côtes-d'Armor, en réalité, des Côtes-du-Nord, du temps de la Loire-Inférieure, Les Grandes Affaires criminelles de Bretagne). Bon filon. Bien exploité, élégamment (c'est une consœur honoraire, mais non du copinage).
Étonnement. Jean-Charles Fauque est un Lyonnais. Puis parisien. Claude Mesplède (salué amicalement au passage) n'a pas mis sa page (à lui, J.-C. F.) Wikipedia à jour. Aucune Iris. Laquelle n'est pas une Picarde. Elle vient de nulle part, ne va pas jusqu'à la Grande Pomme.
Mais Fauque connaît la Picardie. Pas la Thiérache, pas le triangle des Bermudes axonaises (Chauny-Tergnier-La Fère), enfin, pas comme Philippe Lacoche (Mise au vert, sur ce même blogue-notes). Lui, Fauque, ce serait sans doute Senlis-Compiègne. Pas du tout la même Aisne, ni les mêmes haines.
J'ai acquis ce bouquin en vente-don à la sauvette. Don genre petite arnaque à la Rostov. Vente à l'instinct. Le Marocain m'accroche face à (moi, dos à) la gare Montparnasse. Il a des bouquins de la collection dans la main. Il les offre. Bon, Marocain, ou Maghrébin, c'est un peu comme Iris. Je lui cause Maroc, le voilà Marocain. C'est pour populariser de jeunes (Fauque, jeune ? ni d'âge, ni de métier, car pas vraiment arpette, loin de là) auteur·e·s. C'est gratis. Mais une petite contribution à la cause... Bon, si Marocain, j'ai marchandé. D'un, le Maroc, cela me connaît, de deux, auteur itou, je connais les prix de fabrication.
Deux... Oui, deux noirs imbriqués. Ce qui fait à peu près deux fois 80 pages. Un en connaisseur des États-Unis, à la Philippe Labro, l'autre en faux bouseux picard, en vieux bobo d'avant l'appellation, travailleur indépendant « déporté » volontaire. À moins que ce soit sa défunte épouse (dans le roman) qui fut Picarde. Le genre de type (le narrateur) toutou domestique des femelles (un chien domestique, c'est autre chose : un clebs qui a une femme ou un homme pour domestique). J'dis cela, vu que, dans le genre macho mol, le narrateur se défend pas mal. Quant à l'auteur, eh bien, je n'en sais strictement rien.
On voit bien le personnage suivre sa maîtresse où elle le désire.
C'est même plus que patent avec Iris, que Mylène Juste ne désavouerait pas. Mylène, c'est juste pour vous mettre sur la piste (reniflez sur la Toile, sur Facebook). Pas du tout strass, mais diams, Iris.
Bref, le principal protagoniste va en prendre plein la tronche, aux deux sens. Trois catégories de harceleurs. Et lui, bonace, résigné, qui veut y croire, à la rédemption, à l'épiphanie d'une Iris-Félicie. Mais l'aramon en pichet ne tourne jamais la tête d'Iris.
Faudrait pas vieillir. Pas comme cela. Il le renifle, soupèse... Mais l'espoir. L'espérance, c'est fou, et ne vous quitte guère avant d'en avoir total marre (fugace tentation d’autolyse). Se retrouver assis sur un magot ne change pas grand' chose à l'affaire.
Ce que j'ai aimé le mieux, ce sont « les voisins ». Picards. Sudistes. Pas si différents des autres voisins nordistes pour certains.
Un roman, c'est se revivre et se projeter. Jeunes gens, lisez Fauque, cela pourrait vous advenir, surtout si devenus veufs. Vieilles gens, vous êtes peut-être passés par là (surtout si mal accompagnés). Fumeurs et pochtrons à l'occasion, aussi. Pétroleuses embobineuses idem. J'en ai trop dit. Stop...
Mais c'est plus fort que moi, je ne peux m'empêcher de poursuivre. Une écriture efficace, avec des trucs d'écrivain grosses ficelles mais plaisants (genre fumeur de gitanes, à la Gainsbarre). J'ai lu en plusieurs longues plages (je constipe : mais pas toujours, et j'ai prolongé). Je ne sais si vous avez déjà consulté le compte-rendu non pas d'un critique, mais d'un chroniqueur de bouquins, qui ne s'abstient pas de signaler qu'il n'a pas tout lu d'un trait. Bon, même des Dard supportent l'interlude.
Donc, pas haletant, haleté. Le récit. Avec de vraies trouvailles. Lisez, vous dénicherez.
Vous avez des types qui écrivent dans la presse sur des livres qu'ils ont seulement survolés. Glisser une citation sauve leur mise. J'ai tout lu (et relirai peut-être). Un truc m'a interpellé, page 70. Fauque écrit « ''le passé est une lanterne qui éclaire l'avenir", dit le proverbe chinois (...). Je me demande même si elle ne projette pas des ombres style caverne de Platon... » (suite page 71). 
En fait, le proverbe, c'est plutôt une lanterne dans le dos qui n'éclaire que le chemin parcouru. N'empêche, une version sino-hellène serait bienvenue. Si vous avez des propositions...
Tu sens quand même qu'il ne sait plus trop départir réalité de fiction.
Un autre truc que j'ai trouvé assez génial : bien marquer la nature imaginaire du récit. Dire, je vous ai mené partiellement en bateau (avec ce détail d'une beuverie tournant mal transformée en épisode d'autre nature ; « faute » avouée, aisément pardonnée : bravo l'artiste).
Lacoche est un fêlé, au sens que je partage avec lui, de Roger Vailland. Il y a du poisson, du salmonidé mâle, chez Fauque. Fario ou ferox en alternance. Il y a deux questionnaires sur le sujet en ligne. Celui de Szramowo sur Babelio (« est-ce de la ..., de la carpe ou du saumon »). Un autre, encore plus sioux, que je n'arrive hélas à retrouver. Flairez, débusquez. Un troisième aussi, mais trop fastoche (sur http://quizz-biz). Bien, je m'égare (pas si sûr, je prends les paris, Fauque fut, reste lecteur de Vailland). Alors, fin. Chute gros sel.


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