samedi 21 septembre 2019

Brexit : Downing Street joue aussi la montre...

Épais brouillard sur Muir Éireann, l'Ulster isolée

Le fameux commentaire britannique « le continent isolé » est peut-être apocryphe mais, avec le Brexit, on pourrait l'adapter : alors que l'opposition au gouvernement britannique exige de Boris Johnson qu'il sollicite le report de la date du Brexit jusqu'à fin janvier ou plus tard, voici que Downing Street (The Cabinet) voudrait obtenir de l'Union européenne un report d'application d'un an au moins, pour l'Irlande du Nord seule, voire pour le Royaume-Uni...
Le gong a (très faiblement) sonné. Angela Merkel avait suggéré à Boris Johnson qu'il présente un plan alternatif à celui de Theresa May sous trente jours. L'échéance, c'était hier. La presse française s'en contrefiche, elle n'a pas si tort, c'est quasiment un non-événement...
La presse britannique le mentionne incidemment mais s'intéresse davantage aux suites des bisbilles parlementaires et à celle agitant les travaillistes.
Ainsi qu'à cette annonce qui vaut aveu de la part du gouvernement s'exprimant par la voix du ministre chargé du Brexit (Stephen Barclay, le Brexit secretary) : le Royaume-Uni a besoin d'un délai d'un an pour trouver une solution à l'instauration d'une frontière « physique » entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord (soit la partie britannique de l'Ulster ; mais en cas de brouillard, on peut employer cette dénomination, par laxisme).
Ce qui laisse présager qu'en fait, quoi qu'il advienne, Boris Johnson n'aura rien de sérieux à proposer au Conseil européen. Tout indique qu'il prépare le Royaume-Désuni à un Brexit très dur (ou sans accord, ce qui revient à peu près au même).
Et pour mieux y parvenir il serait même disposé à redemander à la reine de suspendre de nouveau le parlement si la Cour suprême lui intime de renoncer à prolonger sa mise en congé. Sous son long règne, Élizabeth (sauf erreur de mémoire) ne s'est jamais rebiffée quand un Premier ministre sollicitait son assentiment royal. Elle s'offusque même quand un David Cameron se targue d'avoir obtenu qu'elle ait pris position sur l'indépendance écossaise (peu avant le référendum en Écosse, elle avait espérer que les Écossais réfléchir « avec prudence à leur avenir »). Cameron s'est vu exprimer  voici peu le déplaisir et la contrariété de Sa Majesté... Laquelle onc n'intervient — j-a-m-a-i-s de chez Never — dans le débat politique même si, à chaque début de session parlementaire, elle lit sans broncher le discours que lui communique le Premier ministre.
Bonne princesse, l'Union européenne a pardonné le (léger) camouflet infligé à Angela Merkel. Hier, c'était hier, l'échéance pour éviter le « tilt » est reportée au 30 septembre. Tic-tac-tic-tac, c'est dans neuf jours.
Restons circonspects, cet ultimatum pourrait encore voir son application différée, à la date de la réunion du Conseil européen, si ce n'est jusqu'à la veille d'Halloween (le 31 octobre, mais c'est fort improbable). Emmanuel Macron et Antti Rinne (président du Conseil européen, accessoirement en l'espèce Premier ministre finlandais) considèrent que le Bojo fait lanterner l'UE, la mène en bateau, l'emberlificote, bref que la bourrique se lasse de tourner en rond dans les orties du ''garden path" britannique. Cela fait un moment qu'elle n'est plus sa dupe et que la carotte qu'il prétend pouvoir brandir est une roupie de sansonnet alors qu'elle détient le bâton. Bon, je reprends à mon compte ce que disait David Cameron à la BBC : « des gens doivent penser que j'en dis trop » (sur la reine pour lui). Mais je ne fais que paraphraser.
Plus significatif pour la presse d'outre-Manche, l'incident marquant la conférence du Labour. Les travaillistes sont fortement divisés par la perspective d'un Brexit dur, mollet, avec ou sans un accord qui conviendrait à la majorité d'entre eux.
Sauf surprise, les opposants à Boris Johnson n'obtiendraient pas une majorité en cas d'élections anticipées. Les conservateurs devraient rester en tête, leurs alliés unionistes nord-irlandais seraient reconduits, et la quatrième ou cinquième force politique parlementaire serait le Brexit Party.
Mais il ne peut être exclu que le Labour et le Lib-Dem l'emportent (les libéraux-démocrates faisant jeu égal avec Farage et son Brexit Party). Avec l'assentiment du SNP (nationaliste écossais) et des figurants d'autres composantes, il pourraient former un gouvernement transitoire de coalition.
Transitoire car libéraux et travaillistes s'opposent sur le Brexit. Les premiers ne veulent pas que l'article 50 s'applique, les seconds tenteront de ménager la chèvre et le chou, soit d'obtenir un Brexit plus mou que... allez savoir au juste.
Or donc, des travaillistes voulaient débarquer leur vice-président, Tom Watson, que Jeremy Corbyn porte tiédasse en son cœur. Watson pousse à administrer son remède, soit un second référendum qu'il espère voir annuler le résultat précédent. Corbyn n'est pas d'accord, l'a dit publiquement, mais il a consenti à une voie médiane. Watson reste dans son cabinet de consultation (le « gouvernement fantôme », le plus fort parti d'opposition nommant des « contre-ministres » chargés de coller aux bottes et mordre la cheville de leurs homologues du Cabinet). Mais ses attributions seront révisées (ou revissées à bloc, comme on voudra, ou ce n'est en fait que du blabla : Watson redira ou non que des élections anticipées sont périlleuses, qu'un référendum devrait les précéder afin de ne pas avoir à composer avec les libéraux-démocrates). En réalité, le Lib-Dem a le vent en poupe, tout comme le SNP : les conservateurs écossais risquent de se retrouver sans parlementaires, les libéraux-démocrates peuvent espérer progresser d'un tiers de sièges.
Pour Corbyn, la priorité c'est d'éviter une sortie sans accord, puis de virer le Bojo lors d'élections... peut-être vers février-mars... ou novembre-décembre. Ou de voir Bojo et Farage s'acoquiner au risque pour les conservateurs de voir des têtes d'affiche les déserter, passer sur les bancs des indépendants ou du Lib-Dem. Rebelote dans ce cas : nouveau gouvernement minoritaire. 
En fait, le Labour, majoritairement, veut tourner les pages Blair et Miliband et revenir à un socialisme à la... Mauroy ? Aubry ? Chevènement ? Mélenchon ? Gilets Oranges ? Sauf que, pour ce faire, les règlements de l'Union européenne resteraient de fortes contraintes. Corbyn ne se fait pas d'illusions, une Europe beaucoup plus sociale n'est pas tout à fait pour demain ou après-demain.
Il reste que Boris Johnson a — enfin — communiqué aux chefs des 27 États des propositions préliminaires. Trop floues a-t-il été estimé. Il veut remettre cela à New-York où il entend converser en coulisses avec Macron, Merkel et le Premier ministre irlandais, Leo Vardkar (le Taoiseach), demain dimanche ou lundi, voire mardi. Donald Tusk sera aussi de la partie puisqu'il se rend de même à l'AG de l'Onu. Le Bojo se fera aussi photographier en compagnie du Donald (Trump), de Modi (Inde), Erdogan et Ardern (Nouvelle-Zélande).
S'il ne ressort de sa poche que ce qu'il a envoyé jeudi dernier à Bruxelles, ce sera un nouveau four mais il prétendra nonobstant qu'il avance...
« On avance, on avance, on avance (...)
On a pas assez d'essence
Pour faire la route dans l'autre sens (...)
Tu vois pas tout ce qu'on dépense. On avance. »
Sauf qu'Alain Souchon et Boris Johnson ne vocalisent vraiment pas pareil...
D'ici là, les travaillistes vont batailler dur. Certains considèrent même qu'il ne faut pas bloquer le Bojo. Ils parient sur une sortie l'UE sans accord et donc chaotique, qui sèmera la zizanie dans les rangs conservateurs, montera l'opinion contre le « bunker » de Downing Street (Johnson-Cummings-divers ministres ou secrétaires d'État pro-Brexit dur, et non tous).
L'idéal pour les travaillistes serait un statut « Norvège-minus » ou « Suisse-moins », en quelque sorte. Union douanière, quelques sièges dans des comités. Mains libres sur le plan social, voire des renationalisations (chemins de fer). Dans l'immédiat, ils voudraient abolir l'exemption fiscale bénéficiant à quelque 80 000 personnes étrangères résidant au Royaume-Uni mais étant nées ailleurs  (eh, si étrangères... mais un Brit peut naître où sa mère accouche) ou issus de parents étrangers. Mais en attendant, les Remainers veulent que Corbyn se prononce pour un maintien dans l'Union. Et pour John Rentoul, de l'Independent, le Labour est entré en « guerre civile » (carrément). Cromwell-Corbyn contre les légitimistes européens.
Ah, j'oubliais, le Bojo va aussi converser avec Zelensky l'Ukrainien. Nul besoin de lui demander, tel un Donald, d'activer ses services pour trouver des poux dans la tête de Corbyn. Nombre de travaillistes s'y emploient...



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