Hulk le nain camouflé sur le continent
Préambule : je peux trouver que Mimi Mathy gagnerait à
se déguiser en Hulk avec la tignasse de Boris Johnson sans pour autant être
irrespectueux à l’endroit des personnes de petite taille auxquelles j’adresse
tous mes égards.
Autre préliminaire, je ne confonds pas camoufler et
camouflet(-ter)… Bon, Boris Johnson, qui la fin de semaine dernière se prenait
pour Hulk brisant les chaînes européennes s’est dissimulé derrière des
déclarations creuses pour faire oublier la nasarde que lui a infligé Xavier
Bettel, Premier ministre luxembourgeois.
En guise de prodrome, un clin d’œil à Andrew Sparrow, du Guardian,
qui a présenté en continu ses plates excuses à son lectorat en ligne et
rectifié : non, le Luxembourg n’est pas le plus petit pays de l’UE, c’est
Malte, a-t-il écrit. Et Andorre, elle sent le pâté ? Et San Marino (qui
siège à l’Onu), c’est une non-entité ? Et le Liechtenstein, il compte pour
du beurre ? Et c’est sans compter quelques îles britanniques…
En lieu et place de… D’ac’, le Boris Johnson est un bouffon,
un jester, mais cela ne doit pas me porter à pousser le bouchon trop
loin.
Entrons dans le vif du sujet : c’est le point mort
entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Quoi qu'en puisse dire le Bojo.
À Luxembourg, il a refait son Donald (Trump). Tout va très
bien, Madame la marquise, j’ai le Macron et la Merkel dans la poche, j’obtiendrai
un (comprenez « mon ») accord avant même le Conseil européen des 17
et 18 octobre, et le Royaume-Uni filera à l’anglaise et fera éclater le carcan européen
avant le 31. Cause toujours…
Oui, Luxembourg est une petite capitale européenne et de ce
fait, n’aurait pas de salle assez volumineuse pour abriter les pressers et les
journos (mes honorables consœurs et confrères, les journaleux) ainsi que
Xavier Bettel et Boris Johnson. Le premier a donc maintenu une conférence de
presse à ciel ouvert (avec deux extrades et pupitres pour lui et son homologue
britannique) et le Bojo, qui n’a aucune envie d’affronter la presse, a préféré
arguer qu’il aurait mal à ses petites oreilles (eh, t’es le Hulk insulaire, ou
quoi ?) en raison du chaos sonore prévisible et de protestataires lui scandant « English, go home » de loin, à l'écart. Du coup, Xavier Bettel a
désigné éloquemment du geste la « chaise vide », le pupitre déserté
par le Bojo préférant pérorer face à de complaisant micros (de Sky News,
d’autres). Il préfère s’adresse directement à « son » peuple, en Maximum
Leader aux commandes symboliques d’un avion (Air Force Cam, un Airbus 330 Voyager,
surnommé Bo Force One ?) censé fendre l’air loin du continent. C’est un
peu comme le président Mao « locomotive rouge lancée à toute vapeur sur
les rails du socialisme », mais avec des réacteurs Rolls-Royce et le cap du libéralisme à la Trump.
Xavier Bettel a insisté sur le fait que les citoyens
européens vivant au Royaume-Uni vivent « un cauchemar » et que
le bla-bla du Bojo ne vaut pas un dossier argumenté, déposé à Bruxelles. Depuis
l’accord négocié avec Theresa May, et rejeté par le Parlement britannique, tout le monde attend en vain. Il n’a pas mâché
ses mots, Bettel : le parti conservateur a décidé de plonger le Royaume-Uni dans
le chaos, à lui de l’en sortir. En clair : Bojo, ne tente pas de nous
refiler le bâton breneux.
Il a juste donné raison à Boris Johnson sur un seul point :
à rien ne sert de différer (au-delà d’Halloween), ce que veulent les Brexpats et
les Européens vivant au Royaume-Uni, ce sont des certitudes, du noir sur blanc,
pas des paroles en l’air…
Il n’a pas utilisé l’expression « Boris le menteur »,
mais clairement indiqué que la campagne du camp Leave pour le referendum fut de
l’esbrouffe
Pour Boris Johnson, un accord resterait « faisable ».
Ah bon ?
Ian Blackford, du SNP (nationaliste écossais) a résumé, lapidaire : “Not so much Hulk as sulk”. Soit moins Hulk que
gamin boudeur tapant du pied et se roulant par terre. Le Bojo, pour l’Independent,
est devenu The Incredible Sulk. Guy Verhofstadt s'est empressé d'embrayer...
Après s’être gargarisé des progrès obtenus, Boris Johnson a
fini par admettre qu’il était « un petit peu, mais pas beaucoup »
plus optimiste quant à l’éventualité d’un accord convenant aux conservateurs et
aux unionistes nord-irlandais.
Comme si la coupe n’était pas assez pleine de fiel, David
Cameron lui en a remis une dose : le Bojo était sûr que le referendum n’avait
pas la moindre chance d’accoucher du Brexit, ce qu’il espérait en privé, mais
que, pour sa gloriole, et la possibilité de se poser en négociateur musclé, en
futur chef de file des conservateurs, il avait fait campagne pour ce qu’il
estimait perdu d’avance.
C’est au pied du mur qu’on voit le maçon : Boris
Johnson est à présent sommé par l’opposition de jouer cartes sur table, de
publier ses propositions de négociation, sous quatre jours.
Il va derechef répéter qu’il ne peut négocier utilement à
Bruxelles s’il dévoile à l’avance ses arguments devant l’opinion britannique.
Mais quand on est de mauvaise foi, la méthode Coué ne suffit
pas à soulever une montagne.
Et si le Bojo passe désormais, aux yeux des électeurs
conservateurs prêts à voter Brexit Party, pour une girouette, il pourra
toujours arguer, comme Edgar Faure, que le vent a tourné, cela ne suffira pas.
Et là, après avoir traité Jeremy Corbin d’être un poulet, un ventre jaune, un
plumé blanc (la plume blanche était remise à qui ne s’engageait pas en 1914),
il risque de passer pour un pleutre. Un couard sans réelle conviction autre que
de croire à sa bonne étoile.
Dominic Cummings, son Steve Bannon, aura les plus grandes
peines à lui sauver la mise.
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