lundi 7 décembre 2020

François Asselineau, le Donald Trump français ?

 Asselineau et Philippot sèment le doute

Je ne vais pas vous bassiner avec les manigances du Donald Trump, c’est du réchauffé. Mais quand on voit Asselineau (dans une moindre mesure Florian Phillippot) embrayer derrière Trump, il faut peut-être remettre certaines choses en perspective. Déjà, en relevant que si Asselineau et Philippot doutent de la victoire de Trump, ils ont pris les pouls de leurs bases et ne vont surtout pas la contrarier.


Rien de vraiment nouveau du côté de Donald Trump qui veut faire exécuter (gazer ou fusiller) autant de condamnés à mort que possible avant de déserter la Maison-Blanche (mais ce n’est qu’une confirmation). En revanche, sans qu’il faille se l’exagérer, les trumpistes s’en prennent aux biens et aux personnes, et vice-versa car un pro-Trump a vu sa maison incendiée par des explosifs. Ce n’est toutefois pas généralisé.

Voici un moment que je m’inquiète, sans trop la monter en épingle, la contagion de la pandémie trumpiste en France. Ce qui semble certain, c’est que si Florian Philippot reste prudent sur les fraudes électorales aux États-Unis, François Asselineau se montre un peu plus incisif. Sans trop assumer nettement qu’il gobe tout ce que Trump peut dire. Mais leurs partisans s’en chargent.

La nuit dernière, je tombe sur un long plaidoyer pro-Trump d’un soutien de l’UPR (la formation d’Asselineau) sur Agoravox. Dérisoire, étayé surtout par des supputations, mais quand vous consultez les commentaires, vous constatez que le Comité Trump France, sur FB, n’est pas qu’un épiphénomène.

Alors, sans rentrer dans les détails, une mise en perspective des allégations de Trump sur l’élection mérite peut-être d’être remémorée.

Déjà, Trump n’en est pas à son coup d’essai. Avant même d’être le président, dès qu’un titre ou un avantage qu’il convoitait, en tant que bateleur télévisuel ou affairiste, il hurlait à la fraude, au préjudice (c’est parfaitement retraçable). Cela remonte à loin.

Ensuite, dès que les sondages lui ont semblé défavorable, il a prédit que sa réélection lui serait volée.

Il a mis systématiquement en cause les votes par correspondance mais a lui-même voté depuis la Floride.

Il savait parfaitement à l’avance que « le mirage rouge », son avance dans les urnes au soir du 3 novembre était prévisible.

Il a été battu essentiellement par une désaffection (fort marginale, mais significative, en dépit de l’accroissement global de ses suffrages) de trumpistes, femmes ou chrétiens pas trop pratiquants, notamment dans les banlieues les plus peuplées.

Mais surtout c’est le bond considérable de la participation globale (en présentiel ou par correspondance, des trumpistes ont aussi, comme lui, voté à distance) qui lui vaut sa défaite.

En fait, son seul argument, c’est qu’il drainait des foules denses de partisans ne portant pas de masques tandis que les apparitions publiques de Biden étaient beaucoup moins suivies, et que, effectivement, comme il avait appelé aussi à voter en personne, ses électeurs ont été beaucoup plus nombreux à se rendre aux urnes le 3 novembre. Et que les électeurs de Biden n’ont pas trop voulu, masqués, et sans casquette rouge Maga sur la tête, prendre place dans les files d’attente.

En France, il reste plausible d’aller seul dans un bureau de vote d’un secteur de droite en arborant une faucille et un marteau (ou je ne sais quoi), sans être pris à partie par la bonne bourgeoisie (mais des identitaires ne rateraient pas l’intrus). Aux États-Unis, les trumpistes (dont des miliciens, des fanatiques pro-life ou pro-armes) avaient été chauffés à blanc. Pour les démocrates, mieux valait prévenir que guérir à l'hôpital (crainte infondée, les incidents furent rares).

Le vote démocrate aurait été peut-être supérieur si des autorités républicaines ou le Postal Service n’avaient pas compliqué le vote par anticipation (avec des boîtes de dépôt des bulletins supprimées), des retards d’acheminement.

Je ne prends même pas en compte l’échec des poursuites judiciaires intentées par les trumpistes, rejetées pour des erreurs de débutants ou des incompétences, ou à base de on-dit et de témoignages parfois douteux, jamais sérieusement étayés. Les trumpistes pourront toujours dire que les magistrats sont des vendus à l’État profond, que les élus républicains qui ne hurlent pas de concert avec eux sont des corrompus (y compris ceux que Trump soutenait avec enthousiasme antérieurement).

L’alignement sur les méthodes et allégations de Trump de la part, en particulier, des opposants à l’Union européenne, n’est qu’un aspect des choses. Ce sont ses thèmes et méthodes qui inspirent beaucoup plus largement. En particulier la mise en cause des médias présumés d’emblée totalement alignés sur les thèses d’une oligarchie censée être incarnée, sans recul, par l’Élysée.

Et puis, il faut aller « à la halle », écouter des gens sympathiques, que vous estimez toujours sensés la plupart du temps, et qui, petit à petit, voient l’expression de leurs opinions emprunter à des arguments farfelus, à des théories sans nuances.

Prenez le site d’une revue d’assez bonne tenue, Front Populaire (Michel Onfray & co). Même si on n’est pas d’accord avec les articles — enfin, avec tous — les quelques dérapages  ne sont pas trop outranciers, même s’il en est de discutables (je lis, de la part d’un abonné qui n’a peut-être jamais mis les pieds dans un tribunal « une justice sensible à la fragilité si humaine des malfrats », ce qui est contesté et contestable, mais passe encore… on ne va pas s’alarmer de toute opinion mal étayée). Soit. En revanche, consultez donc les commentaires. Comme « les black blocs orchestrés par la gauche républicaine », « une violence orchestrée par une gauche incapable d’accepter le résultat des urnes ». J’ai lu à peu près la même chose côté trumpistes « les démocrates radicaux n’acceptant pas la défaite, et orchestrant les antifas ». Bien sûr, s’expriment encore des réactions divergentes. Mais vient un moment où il devient inutile de débattre, ce qui s'est produit aux États-unis, côté républicains. Quand des publications étasuniennes, conservatrices certes, mais restant sensibles aux réalités contradictoires, se sont vue submergées par un lectorat devenu homogène et encore plus conservateur, que croyez-vous qu’il se soit, ne serait-ce que pour des raisons financières, produit ?

À part cela, Trump a profité d’une seconde remise de décoration à un sportif pour redire qu’il avait gagné l’élection, et la vente des lainages bariolés de Noël avec pour thèmes Maga ou Trumpmas se porte fort bien. Mes préférés ont pour légendes « les médias disent que le Père Noël n’existe pas, fausses nouvelles » ou « Croyez-moi, c’est formidable, si vous dites quoi que ce soit d’autre, ce sont de fausses nouvelles ». Faut il y voir un présage, des vêtements labellisés Trump 2024 ou des boules de Noël font leur apparition sur le marché…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire