dimanche 13 octobre 2019

Brexit : place à l'infotainment

Avec Priti Patel, le Royaume-Uni a sa Mona Lisa

Oh-la-la (in Eng.; as they say), Andrew Marr a vraiment pris un coup de vieux. Faux pas (id.), mais de qui ? Non, Priti Patel n'a pas souri quand Andrew Marr lui a listé les inconvénients du Brexit pour le Royaume-Uni. Si, elle prend tout cela à la légère... Jeux d'ombres.
Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent, disait Edgar Faure. Hier (ou avant-hier ?), je me, nous promettais de ne pas vous bassiner avec le Brexit avant quelques jours. C'est plus fort que moi, mais je vais tenter de vous entretenir — aussi — d'autre chose.
Attendez-vous à ne pas savoir réellement quelle sera l'issue avant... Même pas après qu'Angela Merkel ait fini de dîner avec Emmanuel Macron, ce soir, même pas demain, après que Donald Tusk ait estimé que Boris Johnson ne sollicitera « probablement pas » une extension de la date de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Report que, selon son entretien avec Kurier (Autriche), il, nous ne forcera, forcerons pas, pour répondre à la volonté de la majorité de Westminster (le Parlement), vu que, comme le pense, voire l'exprima en d'autres termes Emmanuel Macron, « comparé au parlement britannique, un sphinx égyptien est comme un livre ouvert. Donc, on doit attendre, et en raison de l'Angleterre, boire du thé. ». Tusk et le Sphinx. Priti et Mona Lisa. Keep calm and carry on. L'Angleterre... Non le Royaume-Uni. Ou désuni. Tusk a dit : « l'Angleterre ». Lapsus ? Je devrais aller vérifier si l'Angleterre est plus peuplée que l'Écosse et le Pays de Galles réunis...
Il fallait aussi consulter, ce dimanche, La Repubblica (It.), pour comprendre que le DUP (le parti unioniste nord-irlandais), n'allait approuver aucun compromis avancé par Boris Johnson... Quant à Nigel Farage (Brexit Party), il a exclu que Bruxelles concède l'essentiel à Boris Johnson, lequel ne parviendra pas à un Brexit done le 31 octobre prochain. Spéculations.
Ce qui est plus amusant, c'est de voir une partie de la presse britannique monter en épingle la question de savoir si Andrew Marr, interrogeant la ministre de l'Intérieur Priti Patel, a eu raison ou non d'estimer qu'elle souriait en non-réponse à ses questions sur les conséquences du Brexit pour l'industrie britannique.
J'ai maintes fois croisé Andrew Marr dans les locaux de la rédaction de l'Independent que j'étais, par deux fois, en stage d'observation afin de préparer mon mémoire de maîtrise (The Independent. Is it?). Nous avions échangé quelques mots. Je n'imaginais alors pas qu'il deviendrait le plus important chroniqueur de la BBC. Boudiou... Les ans l'ont marqué.
Je n'ai jamais été tenté par la presse audiovisuelle. Pas du tout, du tout, envie de me demander si je posais bien la voix, présentais le plus possible mon meilleur profil. Ce doit être usant. Mais se retrouver dans la presse écrite, obligé de tirer à la ligne pour éclaircir la question de savoir si Priti Patel a souri, ou non, si sa mimique était du genre "tongue in cheek" ou non, ou si c'est l'une de ses expressions faciales habituelles (Coco, tu me sors les photos de Priti depuis, allez, 2005, ça urge...), My goodness! Et on embraye sur ses origines (parents venus du Gujarat puis d'Ouganda, comment ils  ou elles sourient au Gujarat et en Ouganda ?), sur je ne sais quoi... En fait, elle serre les dents, ou quoi ?
Tout cela pour générer, sur les divers sites, des réactions enflammées de lecteurs, pour l'une, ou l'autre. Marr, démission. Rien que cela... Ouf, pas de Priti, rentre chez toi...
Les hommes et femmes politiques issus de ce que l'on nomme ici « la diversité » sont beaucoup plus nombreux à des postes de premier plan au Royaume-Uni (j'avais antérieurement abordé cette question sur ce blogue) et un Zemmour ricanant sur la distinction, douteuse à ses yeux, de telle ou telle se verrait relégué à faire des piges pour d'obscures web-tv à peu près confidentielles.
On a eu certes un "Old Red Andy" (Marr), sur le mode Dany-le-rouge (Cohn Bendit), car à Cambridge, étudiant, il s'était vu attribuer ce sobriquet. Mais depuis 1981 (journaliste pour le Scotsman, puis l'Independent, puis l'Economist), il a notablement évolué. Bref, des chamailleries.
Et ouf, en une demi-heure, cet épisode mineur n'a suscité que quatre commentaires sur le site de l'Independent... Much ado about nothing, a considéré une large majorité de lecteurs tandis que des parlementaires twittaient encore sur ce non-sujet. 
Plus important : le SNP (nationalistes écossais) veut un second référendum sur l'indépendance de l'Écosse. On s'en doutait, rien de nouveau. Sauf que... Cela aurait pu attendre un peu. Or, le SNP veut hâter les choses. Soit qu'il est estimé qu'un accord sur le Brexit ne pourra aboutir, soit qu'il est parié qu'il sera si bancal que les conséquences pèseront sur les choix électoraux des Écossais. Nicola Sturgeon, la Première ministre écossaise, n'a pas exclu, en fonction des futures relations entre l'UE et le Royaume-Uni, qu'une frontière entre l'Écosse et l'Angleterre soit instaurée. Bien évidemment, elle désirerait l'éviter. Mais cela revient à laisser entendre que, si Boris Johnson se montrait trop gourmand, n'obtenait pas un accord satisfaisant avec Bruxelles, il devra en porter la responsabilité.
Pour le Sunday Times, le Bojo adressera rapidement un ultimatum à l'UE : "Sign this deal or let us go now, Boris tells EU". Oui, bon, demain (après le discours de la reine devant le Parlement) ou mardi, il pourrait (ou non) se montrer plus conciliant.
Mais samedi prochain, réunis un tel jour depuis 1956 (Suez) et 1982 (Malouines), les députés devront se prononcer sur le projet d'accord que Boris Johnson se fait toujours fort d'obtenir. Et là, avancer un pronostic semble fort présomptueux. 
De ce côté, celui des 27, finalement, le dilemme est le suivant : claquer la porte au nez du Bojo ou lui sauver la mise... En ne sachant pas trop ce que cela impliquerait à court (élections britanniques anticipées), moyen (éventuel référendum écossais) ou long terme (tout ce qui semble imaginable ou inimaginable, genre la Californie faisant sécession, l'Angleterre rejoignant les États-Unis d'Amérique). Je plaisante ? À peine. C'est aussi simple que de décrypter le (non-) sourire de Priti Patel, la Mona Lisa britannique.
P.-S. — le saviez-vous ?
« En français dans le texte » n'est pas traduisible en anglais. Enfin, si, mais pratiquement jamais employé. En fait, c'est le plus souvent inutile (les titres de la gutter press ou de la presse populaire s'abstiennent d'employer des vocables ou expressions étrangères, hormis peut-être « Mademoiselle d'Armentières », le lectorat de la quality press est censé reconnaître ce qui est en latin, français, italien, espagnol, allemand... et en comprendre le sens).







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