mercredi 16 octobre 2019

Brexit : et les peuples dans tout cela ?

L'Europe des minorités et d'une impossible démocratie participative

Litote : j'avais (très-très) fort présumé hier soir qu'un protocole d'accord sur le Brexit ne serait pas finalisé la nuit dernière à Bruxelles. Ce qui se vérifie. Mais pourquoi donc ? Ni à Trifouilles-les-Oies, ni à Dogpatch-upon-Tyne, ou encore à Llanfairpwll (Sainte-Marie-l'église & Saint-Tysiolo, &c.), on ne saurait dire pourquoi.
Vers environ 18 heures, hier, le Fig' titre « Paris espère l'annonce d'un accord "ce soir" ». Une heure plus tard, j'aurais pu titrer Bullshit, mais je me suis abstenu. Cela étant, évoquer La Vingt-Cinquième heure revient au même. Je savais pertinemment aussi qu'il était inutile d'attendre minuit en compagnie du Dr. Schweitzer (le texte de la pièce de Gilbert Cesbron). Extinction des feux à 00:15 (un quart d'heure après la fin de l'ultimatum bidon de Michel Barnier). Au cas fort improbable où j'aurais dû m'infliger un démenti, rectifier.
J'en aurais donné plus que mes ongles à couper. Là, mon pronostic est que Downing Street adressera une lettre à Bruxelles demandant une prolongation, un report de la date de sortie du Royaume-Uni de l'UE au-delà de la Toussaint. Assortie ou non d'une autre exposant que le Cabinet souhaite le contraire. Report jusqu'à la saint Glin-Glin ? Jusqu'aux lendemains d'élections générales, de la proclamation des résultats d'un second référendum (à deux ou trois questions) ? Là, j'ignore.
Toujours est-il que Downing Street « respectera la loi ». Soit la volonté de la majorité parlementaire (le Benn Act) et celle des tribunaux. Stephen Barclay, secrétaire d'État en charge du Brexit, l'a confirmé à Hilary Benn en séance, lors des questions au gouvernement.
Même à Pétaouchnok, charmant petit port fluvial de Syldavie, comme à Landerneau, on croit pouvoir comprendre pourquoi. Ou plutôt, on feint de croire. Samedi, si jamais un protocole était fixé, le Parlement l'approuvera ou non. Mais il n'est  pas sûr que la session s'ouvre. Si le gouvernement cède devant un diktat du DUP, le parti unioniste nord-irlandais, que donc le constat qu'un tel protocole soit impossible soit acté, alors, à quoi bon siéger ?
Admettons que, malgré tout, les parlementaires débattent du mystérieux « plan Bojo ». La dernière fois qu'il en fut question — sans d'ailleurs que l'on sache en quoi il consistait — 21 députés conservateurs ont fait défection. Allant rejoindre les libéraux-démocrates, Remainers à tout crin, ou les bancs des indépendants (là, c'est une image...). Samedi prochain, il se pourrait qu'outre les dix DUP, une bonne douzaine de conservateurs se voient exclue du parti Tory pour avoir voté contre le gouvernement. Les conservateurs sont déjà minoritaires, même avec l'apport du DUP... Et en face ? Confusion. Pour des raisons de convictions ou tactiques, l'opposition pourrait se diviser, s'abstenir ou voter contre le protocole. 
Par conviction et tactique, les Lib-Dem (entre 12 et 18 % des intentions de vote) voteraient pour si et seulement si la promesse d'un référendum (à quelle date ?) soit donnée avant le vote. Référendum à trois questions : pour/contre le plan Theresa May, le plan Johnson, la révocation de l'application de l'article 50 (maintien de l'UK dans l'EU).
Cela, tant à Bruxelles que dans les chancelleries des 28 (UK inclus), on en est très conscient. Chaque camp peut jouer la montre ou céder (mais quoi ?), en fonction que ce qui pourrait se dessiner. Je rappelle toutefois que si l'un des petits pays baltes décidait que ses importations et exportations avec le Royaume-Uni étaient négligeables et qu'il oppose un veto, tout tombe à l'eau. Excluons l'hypothèse.
Mais de quoi est-il donc réellement question ?
Et bien, les peuples n'en savent toujours rien réellement. Ils devinent, présument qu'il est question de deux frontières entre d'une part les deux Irlande, d'autre part entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni. Frontières plus ou moins « virtuelles », les contrôles douaniers étant plus ou moins déportés en aval et amont. Avec de fort risques de foul play, de fraudes...
Un exemple concret. Journaliste au chômage, je fus près d'un an pigiste occasionnel et transporteur à l'international. Un seul produit : des téléphones portables. En fait pratiquement un seul client, des Pakistanais siégeant dans une villa cossue du côté de Gatwick. Lesquels suivaient à la minute près les cours des mobiles. Et en fonction, faisaient transiter via le Luxembourg, faisaient livrer à Milan pour rapatrier en France ou au Royaume-Uni... Les Pakistanais ont fini en prison, moi et les collègues a l'ANPE (déjà Pôle Emploi). D'autres affaires de ce genre, à Bruxelles comme à Londres, on est parfaitement conscient... La fraude à la TVA, les détournements de subventions, c'est du quotidien.
C'est sûr que faire entrer dans ces « détails » la population de Trifouillis (même si, à Trifouillis comme à Bécon-les-granites, les petits producteurs et entrepreneurs sont plus ou moins au jus), cela ne s'impose guère. 
De plus, on ne négocie pas en catimini après avoir tout exposé sur la place publique. Admettons.
On peut aussi comprendre que des points cruciaux réglés du temps de Theresa May ne peuvent faire l'objet d'accords séparés. Ainsi du sort des quelque 5 millions de citoyens européens ou de Britanniques de part et d'autre. Sauf que, si San-Marino ou le Liechtenstein décidaient de vouloir négocier des exemptions de la sorte sur tout et n'importe quoi, l'Union ne saurait plus comment gérer sa bergerie.
N'empêche, nous voyons qu'une minorité (dont on ne sait plus si elle reste majoritaire ou non sur son territoire), soit les unionistes nord-irlandais, peut bloquer la machine. Et qu'hormis des consultations sur les fientes de pigeons à l'échelon local (votation pour/contre la stérilisation, l'érection d'un pigeonnier municipal, &c.), allez donc généraliser la démocratie participative et décider ainsi si oui ou non il faudrait dire stop ou encore, et jusqu'à quand...
Or le Brexit, ou plutôt une forme ou l'autre de Brexit, aura des répercussions sur pratiquement tout un chacun. Je ne vais pas vous la jouer Project Fear (les menées que les Leavers imputent au Remainers, soit, après que les Remainers aient promis la Lune, les Leavers annoncent la crue du Styx se mêlant aux eaux du Déluge). Mais mettons que Mme X, en EPHAD, ou Mrs Y, en Care Home du NHS, ne sont pas tout à fait à l'abri des éventuelles conséquences néfastes.
Rien que cela.
Le regretté François Cavanna, fils de Luigi de Bettola et de Marguerite Charvin de Sauvigny, nous expliquait la Bible. L'An 01 aussi. Il était Français dans la salle du film de Jean-Pierre Mocky. S'il était encore vivant, Rital de Llanfairpwll ou Brexpat de Fuengirola, saurait-il éclairer nos lanternes ?
Bien évidemment, lorsqu'on votait pour ou contre le traité de Maastricht, chacune et chacun n'avait pas consulté la masse des pages engageant 12 pays membres (nous en restons pour quelques jours ou mois ou pour la Brexeternity, à 28). Mais quand même, nous savions plus ou moins de quoi il en retournait. Là, figurez-vous que même des ministres ou des secrétaires d'État britanniques (les peu sûrs, les gorges profondes en puissance) restent dans le flou. Et vous, et vous, et vous ?
Pour mon compte, je ne sais même pas si le Parlement britannique siégera samedi ou non, ou si une fumée blanche pourra s'élever ou non jusqu'à Big Ben au-dessus de Westminster. Ni si des élections générales pourront intervenir avant le 13 décembre (après, les écoles qui abritent les bureaux de vote entament leurs séries de fêtes et distributions de bons-points de fin d'année).
D'un moment à l'autre, on se retrouve dans le creux ou au sommet d'une montagne russe (tout comme l'évolution du cours de la livre sterling) selon que l'une déclare ceci, qu'un autre proclame cela. Le tout risque d'amerrir en mer d'Irlande comme un avion sans ailes chargé de canards sans tête. Enfin, quand on tente par exemple d'interpréter les sondages britanniques, aux résultats contradictoires selon la nature des questions, on peut sans fin s'en poser d'autres. 
J'estimais sincèrement que nous serions fixés le 19 prochain au soir, je ne saurai plus me prononcer avant... le réveillon du Nouvel An ? Après 17 heures, ce soir, et une nouvelle déclaration de Michel Barnier ?
Une chose est sûre : on nous prend pour des dindes...
Ce qui semble se dégager, c'est qu'un protocole ne sera pas finalisé le 19. Et que même si c'était le cas, nul ne sait encore ce qu'il en adviendra.
Bon, là, cela valait la peine que je reste éveillé jusqu'à point d'heure (minuit, heure de Londres). Le DUP renâcle toujours. Donc... Ce jour (à présent jeudi), on nous dira que les négociations sont fructueuses mais... Je vais me coucher.


      

    
   

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