vendredi 26 juillet 2019

Roger Vailland et les « bals nègres »

Roger Vailland pas si disert que prévu sur les « bals nègres »

Je savais que Vailland avait fréquenté le Bal Blomet (de la rue où logeait Desnos), pensait qu'il l'avait évoqué dans « des » articles... et aussi les « bals nègres » en général. Bon, la chasse fut maigre : un billet davantage qu'un article... Je repartirai à l'affût. Mais j'ai quand même ramené dans ma besace un reportage de l'un de ses confrères (de L'Intransigeant) en trois volets.

L'ex-Bal Colonial (devenu « Bal nègre ») de la rue Blomet, et d'autres du même genre, recevaient certes la clientèle de Vailland. Mais à consulter des ouvrages et des sites, je m'étais formé l'impression qu'il en dissertait abondamment. Notamment, un extrait de l'un de ses articles est souvent repris par divers sites traitant du sujet : le jazz, les musiques afro-américaines, des Caraïbes, des Antilles... ; ainsi que de troupes de danseurs et danseuses. Le Swinging Paris des années 1920-1930.
J'ai bien retrouvé l'extrait en question « dans son jus » (un billet de Georges Omer, alias Vailland, signé des initiales G. O.) mais pas de quoi le poser en gentil organisateur des virées nocturnes qu'il semblait avoir été censé copieusement décrire.
La visite (la lecture du dit papier) vaut quand même de s'y attarder un peu. 
Mais j'avoue que restant sur ma faim, j'ai voulu en savoir davantage, et que ma curiosité a été surtout satisfaite par un reportage de Raymond Thoumazeau, de L'Intransigeant. Une fois n'est pas coutume, vous le trouverez à la suite de ce « Deux nouveaux bals nègres se sont installés à Paris ».
On ne peut juger de la prose journalistique de Roger Vailland avant-guerre (1928-1944) sans voir ce que publiaient Paris-Midi et Paris-Soir et les titres de la concurrence. Comparaison n'est toutefois pas raison (en gros, en qualité stylistique, Vailland l'emporte peut-être d'une courte tête sur Thoumazeau ; sinon, on reste sur sa faim, c'est mignardise contre plat de résistance).
Le sujet reste sensible : un bar lyonnais qui voulait ouvrir à l'enseigne de La Plantation coloniale s'est vu récemment contraint de renoncer. Vais-je devoir surveiller si mes thés de La Compagnie coloniale (une adresse pour en trouver en vrac du côté du bout de la rue de Rennes, vers Montparnasse ; sinon, il faut commander en ligne) changeront d'appellation après 170 ans de loyaux services ?
Je fus « nègre », me voici désormais « prête-plume » (retraité, mais actif bénévole). Si, c'est officiel... On retouche déjà les films et les photos pour que n'apparaissent plus de pipe, cigare ou cigarette (va-t-on faire numériquement mâchouiller des Malabars au commissaire Maigret ?), devra-t-on retoucher des textes pour faire apparaître « n...* » (l'astérisque renvoyant à « prête-plume », ce qui aura l'avantage de plaire peut-être à nos consœurs hésitant à employer « négresse » comme Senghor). Pour l'infanterie et l'artillerie coloniales, j'ai admis (cela devenait tartignole), pour le reste, eh bien, j'aviserai. Au fur ou à mesure. Dommage, avec des « Afro » de rencontre, je pouvais lancer un « mais j'en suis un autre. ».  
Je ne sais quand on a cessé d'employer « bal nègre ». Pas déjà en 1940 en tout cas (voir la lettre de Sartre à Wanda Kosakiewicz : « samedi soir, jour de bal nègre (...) je pensais que tu étais en train de danser la rumba avec les nègres, que tu étais dans ton monde nègre, ce monde rougeoyant et sensuel... »). Il doit certes en subsister sous d'autres appellations actuelles mais je me demande quand, a l'occasion de la fermeture (ou de l'ouverture pour un dernier en date) d'un établissement, on employa pour la dernière fois « bal nègre ». Vers les années 1950 ?
J'imagine (ce n'est plus tout à fait de mon âge de faire le tour des boîtes, ou plutôt, cela ne m'amuserait plus guère) que les « boîtes de nuit afro » (ou afro-antillaises) peuvent s'apparenter à ces établissements (sauf que, souvent, il s'agissait de bars-restaurants où l'on dansait). Et puis, la « musique du monde » a un peu tout envahi. Les temps ont sérieusement varié.
En témoigne aussi ce petit écho, non signé, de Paris-Soir, sur la rue de Lappe, où, en avril 1931, la java et la biguine, adoptées par « les gens du monde » ont aussi obtenu « la faveur des gens du milieu ». Entendez, des apaches et leurs compagnes du moment. À présent, je nourris la confuse impression, pas vraiment fondée sur une mise à jour récente, que ce serait plutôt ambiance « branchouille ». Le temps est révolu où, en arrière-cour de la rue de Lappe, on pouvait manger pas cher du tô et du mafé en s'asseyant sur des bancs. Sans avoir l'air de débarquer de la planète Mars... Je ne sais si c'est encore possible du côté de Château-Rouge sans avoir montré « patte blanche » (avoir fréquenté un temps le quartier, être un visage pâle vaguement déjà repéré).
For the times, they are a-changin', qu'il chantait Bob Dylan.
Cela étant, comme je ne me suis pas rendu sur place pour vérifier, ne prenez pas ces propos pour argent comptant. 


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