The Donald félicite un « enfant soldat »
Les dernières gaffes langagières de Donald Trump laissent
entrevoir qu’il léguera un florilège de néologismes.
Avant-dernier exemple en date de l’inventivité sémantique de
la famille Trump : Ivanka Trump saluant Bojo devenu Premier ministre de “The
United Kingston” (dont le dauphin, selon son père est « le prince
des Baleines », “of Whales”.
Mais on avait eu droit aussi aux « bourreaux
légistes » (“lawmurkers” au lieu de “lawmakers”, soit législateurs).
La dernière gaffe en date, c’est le tout aussi insolite “infantroopen”.
Le Donald saluait les mérites militaires de Mark Esper, son
ministre de la Défense. Médaille de bronze et citation pour ses services dans
le corps des enfants soldats à pied.
Le petit-fils d’Elisabeth Christ et Frederick Trump, tous
deux natifs de Kallstadt en Bavière, semble avoir préservé des connaissances approximatives
de la langue de Goethe. Laquelle emploie Infanterie pour désigner l’infanterie,
mais aussi, plus rarement, dans des livres d’histoire, Fußtruppen. Ce
qui reste usité en français dans le cadre d’un défilé (des troupes à pied et
motorisées ; avec en tête, le 14 juillet, les polytechnicien·ne·s).
Voici donc Mark Esper ancien « bébé soldat » (et non
cadet ou puîné d’un royaume ibère, à moins que le Donald se soit mis au
castillan mexicanisé).
C’est quand même gênant, notamment pour discuter avec The
Queen ou des chefs d’États anglophones sans avoir à recourir à une traductrice
(même la traduction automatique resterait inopérante).
Ou c’est pire : qu’Ivanka Trump ait pu commettre un lapsus
de saisie en tweetant, passe encore.
Mais là, Donald Trump s’exprimait oralement. Que les mots
lui manquent, c’est patent. Son vocabulaire courant, hors domaine économique,
est celui d’un gamin consanguin des sommets des Appalaches, un Hillbilly
(vague « équivalent » : crétin des Alpes). Mais le fait qu’il ne
domine pas le corpus restreint d’un Hillbilly laisse présumer qu’il n’ait
plus toute sa tête. Ce n’est pas sa langue qui fourche, c’est son cerveau qui
disjoncte.
Son niveau de langage a été estimé statistiquement par des
linguistes : c’est celui d’un écolier de huit ans redoublant son
Fourth-Grade et privilégiant les mots les plus courts (hell, ass,
crap, win, sad…, et au-delà de quatre lettres, on peut s’attendre à
tout).
C’est tout un champ d’investigation qui s’ouvre à la suite
de l’ouvrage de Jennifer Sclafani, Talking Donald Trump: A Sociolinguistic
Study of Style, Metadiscourse, and Political Identity.
Il semble qu’il n’y ait que l’intéressé à ne pas trop s’en
rendre compte. Lors d’une allocution en Caroline du Sud, en 2015, il s’était auto-congratulé :
« je connais les mots, j’ai les meilleurs mots ». À l’écrit,
quand un mot dépasse quatre lettres, il en rajoute, comme avec ce fameux forrest
(forest, forêt) ou en élide et brasse (peach pour speech).
Ou il s’embrouille (agreemnet pour agreement).
Et selon les observateurs qualifiés, cela empire avec le
temps. Les origines deviennent des oranges (si, il l'a fait). Il y a la sémantique, mais aussi la
syntaxe. Elle était à peu près correcte jusqu’à la fin des années 1990. Depuis shlong
(yiddish pour chibre) est devenu un verbe. J'te shlong, abruti.
Ses exploits recouvrent press covfefe (coverage,
couverture de la presse). Il y a eu aussi my military (mon armée, mais
sur le mode du « mon légionnaire » d’Édith Piaf). Quant aux
toponymes ou noms de pays, on eut droit à la Nambie (Namibie) et à quelques
autres.
Mais il dispose d’un truc qui lui permet de penser à la
suite des propos qu’il improvise… Il prolonge la prononciation de la première
voyelle d’un mot (looooser, moooron, Chiiiina). En
revanche, son mot favori étant Trump après « je », il l’avale pour le
placer le plus souvent possible.
L’ennui, c’est qu’à la longue, le cancre fait école… Et qu’une
large partie de l’électorat étasunien votera pour celle ou celui « ki coz
com nouzôt’ ». Du coup, l’opposition risque de se mettre à l’imiter… Et
que cela s’étendra peut-être au monde entier. J’explique.
Lorsque les premiers films parlants américains furent
diffusés au Royaume-Uni, les Britanniques ne comprenaient que peu (voire rien)
des dialogues du fait du fort accent des acteurs ou doubleuses. Puis ils ont
fini par adopter nombre d’américanismes. Imaginez l’effet boule de neige…
Bon, Bojo, issu d’Oxbridge, n’est pas déjà trop contaminé et
son anglais reste compris à Bruxelles (la réciprocité n’est pas garantie :
Boris Johnson comprend surtout ce qui lui convient). Mais imaginez la suite…
Bah, de toute façon, avec le réchauffement climatique, nous deviendrons
toutes et tous avares de mots. Trop fatigant de s’étendre sur un sujet sauf
dans un environnement climatisé… lequel contribue à l’effet, euh, non, pas
boule de neige, mais bouffée étouffante.
Même « parler avec les mains » exigera des
efforts. Bon, le vocabulaire s’appauvrissant, cela pourra durer un certain
temps. Merci la famille Trump…
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