mardi 10 novembre 2020

Trump a dix semaines pour finir son mur

 Dix semaines de travail de sape pour Trump

Théoriquement, début janvier, Trump doit s’expulser de la Maison Blanche. En fait, il tente tout pour repousser l’échéance et entre temps, il exerce à plein son pouvoir de nuisance. Faute de pouvoir finir son mur frontalier, Trump se battra jusqu’au bout sur tous les fronts et sa famille vise déjà 2024, persuadée de sa légitimité.


Sans majorité au Sénat, la présidence Biden-Harris est d’ores et déjà paralysée.  Or il n’est pas du tout sûr que les deux siège en lice en Géorgie soient remportés par les démocrates Jon Ossoff et Raphael Warnock. En revanche, pendant encore dix semaines, voire davantage, Trump n’est pas du tout paralysé. Outre ses prérogatives, il peut compter sur l’ex-parti républicain et ses élus. Et sur une cour suprême à sa dévotion. Car la fiction du parti républicain a vécu, se distancier de Trump, c’est s’aliéner trop d’électeurs, manquer de fonds. Biden est présumé favoriser le consensus, soit obtenir des concessions d’élus républicains. À moins de se voir assurer une prébende ou un pantouflage juteux, plus aucun·e élu·e républicain·e ne peut se le permettre. Il ou elle serait catatalogué·e État profond, Rino (Republican in name only).

Pour le moment l’administration Trump bloque à l’équipe Biden-Harris tout accès à quoi que ce soit. Trump fait aussi le ménage en virant les tièdes, comme le ministre de la Défense. Quant au ministre de la Justice (le procureur général), il a carte blanche pour fonder toutes les accusations de fraudes électorales visant les démocrates, y compris les plus vénielles ou carrément ridicules, insignifiantes. D’ici à janvier, une cour suprême à la dévotion (ou menacée par Trump, ou indirectement rétribuée) peut détricoter l’Obamacare, la couverture sanitaire minimale.

Si Trump veut virer les directions de la CIA ou du FBI, il le peut, des ex-républicains protesteront faiblement ou plus véhémentement, peu importe, la Trumpland applaudira. Le mieux, comme le fait l’ex-vice-président Mike Pence, est de se taire, de se confiner loin de Washington, et attendre des propositions d’embauche. Ou hurler avec Trump en vue d’une réélection par la Trumpland.

D’ici début janvier, Biden peut toujours recommander aux gens de porter des masques, réunir une équipe de scientifiques, Trump n’a aucune raison d’en tenir compte.

En fait, le réel dilemme de Trump, c’est de décider s’il se représentera en 2024 ou s’il fera plébisciter sa fille par la Trumpland. Et dans cette perspective, plus il se montrera vindicatif au cours des dernières semaines de son bail, mieux il enflammera la Trumpland, minera la crédibilité de la presse et des médias ne lui étant pas favorables inconditionnellement.

Si Trump décidait de transformer les jardins de la Maison Blanche en bassins d’épuration d’eaux usées avant de rendre les clefs, la Trumpland applaudirait ou s’agenouillerait pour louer son prophète, l’élu du Très Haut, le Donald.

Comme l’a estimé l’ancien directeur de la CIA, John Brennan « vous pouvez faire une masse de dégâts en 70 jours (…) et malheureusement, les républicains siégeant au Congrès laisseront faire Trump. ».

L’une des toutes dernières de Trump est d’assurer que l’État profond (démocrates, institutions médicales, &c.) ont différé l’annonce de la découverte d’un vaccin (présumément, le vaccin occidental, non le russe ou le chinois) afin de lui faire perdre l’élection. Croyez-vous que la Trumpland en déduit qu’il concède avoir perdu l’élection ? Pas du tout. Breitbart News met en avant un sondage selon lequel 70% de l’électorat de Trump reste persuadé que l’élection a été trafiquée, faussée (voire que la volonté divine rétablira la vérité).

On a pu, provisoirement, se rassurer du fait que les milices armées pro-Trump n’ont pas déferlé partout. En fait, leurs membres rejoignent à présent le mouvement Loud Majority (censé transformer la majorité silencieuse pro-Trump en majorité tonitruante).

Dans un premier temps, on s’est conforté de l’idée que même la presse pro-Trump (Fox News, le New York Post) admettait la victoire du tandem Biden-Harris. À présent, c’est le retour à la propagande selon laquelle le président élu est l’otage des « communistes » et de l’ultra-gauche. OAN (One America News) met en doute les résultats en Pennsylvanie.

Trump continue à convaincre la Trumpland que l’élection a été truquée par l’État profond. Ainsi, il dénonce de nouveau Andew McCabe, l’ancien directeur adjoint du FBI, qu’il avait limogé deux jours avant qu’il puisse prétendre à une retraite complète.  Ses deux fils, Eric et Donald Junior, en rajoutent aussi sur le thème qu’une machination a confisqué la réélection de leur père. Et le compte Twitter @TrumpWarRoom et d’autres leur servent d’orchestre symphonique. Quoi qu’il advienne, le trumpisme se survivra. Aux États-Unis, mais aussi en France (écoutez donc Zemmour...) et ailleurs, hélas.

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