lundi 16 novembre 2020

Islam : Mila l’imprécatrice, harcelée mais déterminée

 La liberté de blâmer appartient à tout le monde

Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo et de la jeune dessinatrice Mila, fait état des menaces incessantes dont est victime sa cliente. Puissent ces menaces au moins servir à localiser des islamistes meurtriers mais son affaire incite aussi à la circonspection.


Richard Malka, qui fut l’adversaire de Denis Robert et le copain d’un certain Philippe Val, ne m’est pas trop fortement sympathique. Mais je ne saurai lui reprocher de réclamer que sa cliente fasse l’objet de protections particulières.

Si Mila n’existait pas, une cellule anti-terroriste aurait gagné à l’inventer pour débusquer des candidats à la perpétuation d’attentats au nom de l’islam. Parce que dans l’invective, elle a fait fort et persiste. Après tout, c’est une attitude qui n’est pas condamnée par la loi. Mais cela étant, il y a quand même une différence entre l’invective frontale et l’expression argumentée d’un désaccord.

Je suis tenté de mettre toutes les religions dans le même sac, en tout cas celles se réclamant d’un dieu unique (contrairement à quelques croyances animistes dont les tenants sont au moins sensibles à l’environnement) peuvent donner lieu à toutes sortes d’interprétations fanatiques et coercitives, liberticides. On le conçoit en constatant ô combien l’évangélisme charismatique et le droit à n’importe qui d’être armé sont liés. Il n’y a pas un christianisme, mais des christianismes et les islams sont multiples, variés et même parfois antagonistes (histoire de soutenir qu’on est plus croyant que d’autres, qu’on soutient des fondamentaux qui vous arrangent, ce qui se vérifie en Tunisie avec les dispositions sur les héritages).

Bien, si c’est la volonté de la famille d’une ou d’un défunt de m’associer, en invité, à un service religieux, je ne me défile pas (après tout, si un rite les conforte et ma présence leur agrée, qui suis-je pour leur opposer ce qu’ils pourraient prendre pour un camouflet) ?

La différence entre les caricatures de Mahomet de Charlie et tout autre acte ou prise de position pouvant défroisser des musulmans, c’est qu’ils s’accompagnent d’une argumentation ouvrant à un éventuel (même si impossible) dialogue, et réflexion commune, à un partage de points de vues plurielles.

Mila, dont je viens de voir l’un des derniers dessins sur Twitter (d’ailleurs censuré car scatologique) est suivi d’un communiqué dans lequel elle affirme avoir « parlé de manière constructive et posée sans pourtant renoncer d’évoquer, y compris avec excès, les symboles d’une religion ». Sa mise au point ajoute qu’elle s’attaque « à cette conception extrémiste d’une religion et non pas à tous les croyants. ».

Elle relève, avec quelque raison, que la violence de ses représentions (pouvant être ressenties telles) n’est pas de même nature que des appels à la violence visant des personnes. Effectivement, un commentateur rétorque que des textes religieux « offensent l’intelligence des athées », ce qui ne les porte pas à se livrer à des assassinats, qu’ils soient ciblés soigneusement ou comme on disait, spontex et pouvant attenter à la vie de coreligionnaires (je n’évoque pas d’autres agnostiques ou athées, mais aussi d’autres musulmans, des gens indifférenciés, comme lors de l’attentat au camion, à Nice).

En fait, il s’agit d’une jeune femme de 16-17 ans, une jeune adulte (j’aime à rappeler que les jeunes tambours de la République, âgés de 13-14 ans, avaient alors un peu plus de ce qu’on appelait « du plomb dans la tête »). Peut-être conviendrait-t-il de rappeler à celles et ceux s’en prenant à elle que, peut-être, ayant vieilli, elles ou ils considéreront qu’ils en ont fait d’autres, peut-être des pires, au même âge.

Ce qui vaut d’ailleurs pour quelques estropié·e·s à vie ayant rejoint l’Irak ou la Syrie. Peut-on leur signifier que leur dieu ne leur rendra pas l’usage de leurs membres (ni de leur vivant, ni dans une non-vie ultérieure : je ne suis pas expert en théologie, mais je ne me souviens pas que la résurrection des corps garantit une intégrité physique sur terre ou dans un quelconque paradis). Et puis, faut-il remémorer à celles et ceux lui reprochant de rechercher du brouhaha autour de sa personne que le meilleur moyen d’y contribuer est de cesser de lui répondre, de la prendre à partie ? Ou de la menacer ?

Ok, boomer, dit-on à présent. Selon des sources disputées, Mahomet serait présumé mort à l’âge de soixante-trois ans. L’équivalent d’un Ok, boomer, il l’a dû l’entendre. Peut-être de la bouche d’Aisha, sa plus jeune épouse, allez savoir. Les hadiths largement postérieurs ne le mentionnent pas mais comment pouvoir formellement l’exclure ? Ni vous, ni moi, n’y étions. Ni d’ailleurs aucun de ceux qui lui ont prêté des déclarations. L’énoncer ainsi n’a rien de blasphématoire, sauf si, bien entendu, on se met à entendre des voix divines.

Bien, on va dire que ce qui précède m’a été inspiré par le réchauffement climatique qui risque de clore le débat prématurément. Et rendre dérisoire tout ce fatras sur les blasphèmes et la laïcité.

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