La liberté de blâmer appartient à tout le monde
Richard
Malka, avocat de Charlie Hebdo et de la jeune dessinatrice Mila, fait
état des menaces incessantes dont est victime sa cliente. Puissent ces menaces
au moins servir à localiser des islamistes meurtriers mais son affaire incite
aussi à la circonspection.
Richard Malka, qui fut l’adversaire de Denis Robert et le copain d’un certain Philippe Val, ne m’est pas trop fortement sympathique. Mais je ne saurai lui reprocher de réclamer que sa cliente fasse l’objet de protections particulières.
Si Mila n’existait
pas, une cellule anti-terroriste aurait gagné à l’inventer pour débusquer des candidats
à la perpétuation d’attentats au nom de l’islam. Parce que dans l’invective,
elle a fait fort et persiste. Après tout, c’est une attitude qui n’est pas
condamnée par la loi. Mais cela étant, il y a quand même une différence entre l’invective
frontale et l’expression argumentée d’un désaccord.
Je suis
tenté de mettre toutes les religions dans le même sac, en tout cas celles se
réclamant d’un dieu unique (contrairement à quelques croyances animistes dont
les tenants sont au moins sensibles à l’environnement) peuvent donner lieu à
toutes sortes d’interprétations fanatiques et coercitives, liberticides. On le
conçoit en constatant ô combien l’évangélisme charismatique et le droit à n’importe
qui d’être armé sont liés. Il n’y a pas un christianisme, mais des
christianismes et les islams sont multiples, variés et même parfois
antagonistes (histoire de soutenir qu’on est plus croyant que d’autres, qu’on
soutient des fondamentaux qui vous arrangent, ce qui se vérifie en Tunisie avec
les dispositions sur les héritages).
Bien, si c’est
la volonté de la famille d’une ou d’un défunt de m’associer, en invité, à un
service religieux, je ne me défile pas (après tout, si un rite les conforte et
ma présence leur agrée, qui suis-je pour leur opposer ce qu’ils pourraient
prendre pour un camouflet) ?
La
différence entre les caricatures de Mahomet de Charlie et tout autre acte ou
prise de position pouvant défroisser des musulmans, c’est qu’ils s’accompagnent
d’une argumentation ouvrant à un éventuel (même si impossible) dialogue, et
réflexion commune, à un partage de points de vues plurielles.
Mila, dont
je viens de voir l’un des derniers dessins sur Twitter (d’ailleurs censuré car
scatologique) est suivi d’un communiqué dans lequel elle affirme avoir « parlé
de manière constructive et posée sans pourtant renoncer d’évoquer, y compris
avec excès, les symboles d’une religion ». Sa mise au point ajoute qu’elle
s’attaque « à cette conception extrémiste d’une religion et non pas à
tous les croyants. ».
Elle
relève, avec quelque raison, que la violence de ses représentions (pouvant être
ressenties telles) n’est pas de même nature que des appels à la violence visant
des personnes. Effectivement, un commentateur rétorque que des textes religieux
« offensent l’intelligence des athées », ce qui ne les porte pas à se
livrer à des assassinats, qu’ils soient ciblés soigneusement ou comme on
disait, spontex et pouvant attenter à la vie de coreligionnaires (je n’évoque
pas d’autres agnostiques ou athées, mais aussi d’autres musulmans, des gens
indifférenciés, comme lors de l’attentat au camion, à Nice).
En fait,
il s’agit d’une jeune femme de 16-17 ans, une jeune adulte (j’aime à rappeler
que les jeunes tambours de la République, âgés de 13-14 ans, avaient alors un
peu plus de ce qu’on appelait « du plomb dans la tête »). Peut-être
conviendrait-t-il de rappeler à celles et ceux s’en prenant à elle que, peut-être,
ayant vieilli, elles ou ils considéreront qu’ils en ont fait d’autres, peut-être
des pires, au même âge.
Ce qui vaut
d’ailleurs pour quelques estropié·e·s à vie ayant rejoint l’Irak ou la Syrie.
Peut-on leur signifier que leur dieu ne leur rendra pas l’usage de leurs
membres (ni de leur vivant, ni dans une non-vie ultérieure : je ne suis
pas expert en théologie, mais je ne me souviens pas que la résurrection des
corps garantit une intégrité physique sur terre ou dans un quelconque paradis).
Et puis, faut-il remémorer à celles et ceux lui reprochant de rechercher du brouhaha
autour de sa personne que le meilleur moyen d’y contribuer est de cesser de lui répondre,
de la prendre à partie ? Ou de la menacer ?
Ok, boomer, dit-on à présent. Selon des
sources disputées, Mahomet serait présumé mort à l’âge de soixante-trois ans. L’équivalent
d’un Ok, boomer, il l’a dû l’entendre. Peut-être de la bouche d’Aisha, sa plus
jeune épouse, allez savoir. Les hadiths largement postérieurs ne le mentionnent
pas mais comment pouvoir formellement l’exclure ? Ni vous, ni moi, n’y
étions. Ni d’ailleurs aucun de ceux qui lui ont prêté des déclarations. L’énoncer
ainsi n’a rien de blasphématoire, sauf si, bien entendu, on se met à entendre
des voix divines.
Bien, on
va dire que ce qui précède m’a été inspiré par le réchauffement climatique qui
risque de clore le débat prématurément. Et rendre dérisoire tout ce fatras sur
les blasphèmes et la laïcité.
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