Et le presse mensuel siglé, il est où, hein ?
Faut-il
rappeler qu’en vacances, poser négligemment le Siné mensuel double « spécial
été » sur le sable ou l’herbe, préservé de l’envol au vent (et c’est pourquoi
je regrette une fois de plus que ne soit pas joint un presse-mensuel siglé à ce
numéro) par je ne sais quoi, est un gage de bon goût, d’aristocratique
distinction, et d’affable disponibilité ?
C’est un
marronnier, non point prématuré, mais précoce, voire prodige. Chaque printemps
finissant, Siné mensuel propose un numéro double « spécial été ».
Son mode d’emploi ne varie pas : feuilleter, laisser reposer bien évidence,
histoire de favoriser une drague discrète laissant venir à vous une ou un partenaire
sensible à ce gage d’ouverture… intellectuelle (et plus si affinités).
Bien sûr,
chaque été, je suggère d’adjoindre un gadget, soit un presse-mensuel siglé,
genre galet en platine. Invariablement on me répond que ce serait envisageable
si ce n’était trop lourd. Bon, alors, un maillot de corps pas-chat ou coup-de-boule,
une boîte de deux jeux de 54 cartes (disponibles sur la boutique du site du
mensuel) ? Eh bien non, elles restent inflexibles, veuve Sinet et fifille.
Chaque
année, il ne me reste plus qu’à me rabattre sur le sommaire. Soit pour ce nº 98
juillet-août, la petite rubrique de l’agony aunt sexologue (olfactive,
cette fois, de l’oncle Thierry Lodé), quelques échos d’une actualité forcément réchauffée,
quoique toujours prégnante, voire parturiante de prolongements. Des jeux, dont,
cette fois le « Quiz hallucinant » d’Étienne Liebig, qui semble avoir fumé
le drap de bain déchiné (découvert et chiné) l’an dernier à la Fête du chanvre de Montjean-sur-Loire,
plein de planches et de dessins, les billets des chroniqueurs habituels (Alévêque,
Delfeil de Ton montant sa mayonnaise et consorts).
Mais aussi
quatre nouvelles inédites, dont l’insolite traité de gérontotaxidermophiliie,
lecture naturalisante de Joffrine Donadieu. Un peu de petite histoire avec
Serge Quadrupani (millésime 1969), un survol panoramique de Jean-Marie
Laclavenine (dit l’Arthus-Bertrand des dessous des jupettes écossaisses et
autres). Et puis, sans doute une nouvelle portant sur les fruits de mer et les
encornets pulpeux de Jean-Bernard Pouy et Patrick Raynal, qui s’y sont essayés
à vingt doigts après avoir fait des exercices de dactylographie. Je pourrais
bien sûr tirer à la ligne, mais digressons.
L’an
dernier, il me fut reproché qu’afficher ostensiblement le spécial été antérieur
ratissait trop large. Que des blaireaux et des belettes un peu trop verbeuses
ou intello-prise-de-tête tentaient sans vergogne d’engager la conversation,
voire enchaînaient sur des propositions de promiscuité incongrue. L’an dernier,
j’étais démuni pour contrer ces objections moins honorables qu’il y paraîtrait.
À seconde vue, cette fois, je suggère la parade.
Bien
colorier (pour les virtuoses, avec un crayon de papier à plusieurs nuances de
gris), l’album d’El Rotringo, dit Jean-Jacques Tachdjian, Cortex Æsthégico.
Une production des éditions La Chienne. À peine plus cher, mais redoutablement
efficace. Si l’on vous adresse la parole, répondez (en retirant d’abord le presse-mensuel
modèle unique siglé que vous a livré Cartier ou Van Cleef & Arpel) que ce
Siné mensuel a été laissé abandonné, qu’on peut l’emporter, et ajoutez « d’ailleurs,
voyez, je ne sais ni lire, ni écrire, tout juste colorier ».
Imparable. Too much kink, pourrait-il m’être rétorqué. Que nenni, le
risque est minime. Mon sondage exclusif Ipsos/Yougov ayant porté sur l’intégralité
des estivant·e·s du camping Les Flots bleus est sans appel. À la question « vous
voyez quelqu’un ayant posé Siné mensuel en évidence, que faites-vous ? », les réponses unanimes cumulées furent « j’accours » ou « je
m’empresse » (toujours proposer une réponse alternative redondante,
règle d’or de la sociométrie). À marge d’erreur zéro, vu l’échantillonnage, on
obtient aussi des réponses du type « je m’accorde un temps de réflexion »,
« j’peux pas, j’ai piscine/pétanque/apéro » si le quelqu’un
colorie aussi Cortex Æesthético (on obtient 100 % de cohérence avec la
question subsidiaire : « je ne sais pas, je demande d’abord à mes
parents »). C’est aussi carré que cet album à colorier.
Autres
techniques de filtrage : un bouquin de Jean-Louis Costes , l’autre, pas le
maire de Fumel) ou Tropic of Capricorn (éd. Flamingo), d’Henry Miller (fastidieux
à la relecture). L’effet est garanti, surtout si vous savez enfiler des
chaussettes de tennis dans des Crocs™ (agrémentés d’un autocollant Monique Ranou,
« la tradition du goût, charcuterie depuis 1905 »).
Car Siné
mensuel et la distanciation, cela fait dirimant : par les temps qui
courent encore, prudence, adoptez les précautions d’usage.
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