mercredi 1 juillet 2020

Siné mensuel été double, sans gadget


Et le presse mensuel siglé, il est où, hein ?

Faut-il rappeler qu’en vacances, poser négligemment le Siné mensuel double « spécial été » sur le sable ou l’herbe, préservé de l’envol au vent (et c’est pourquoi je regrette une fois de plus que ne soit pas joint un presse-mensuel siglé à ce numéro) par je ne sais quoi, est un gage de bon goût, d’aristocratique distinction, et d’affable disponibilité ?
C’est un marronnier, non point prématuré, mais précoce, voire prodige. Chaque printemps finissant, Siné mensuel propose un numéro double « spécial été ». Son mode d’emploi ne varie pas : feuilleter, laisser reposer bien évidence, histoire de favoriser une drague discrète laissant venir à vous une ou un partenaire sensible à ce gage d’ouverture… intellectuelle (et plus si affinités).
Bien sûr, chaque été, je suggère d’adjoindre un gadget, soit un presse-mensuel siglé, genre galet en platine. Invariablement on me répond que ce serait envisageable si ce n’était trop lourd. Bon, alors, un maillot de corps pas-chat ou coup-de-boule, une boîte de deux jeux de 54 cartes (disponibles sur la boutique du site du mensuel) ? Eh bien non, elles restent inflexibles, veuve Sinet et fifille.
Chaque année, il ne me reste plus qu’à me rabattre sur le sommaire. Soit pour ce nº 98 juillet-août, la petite rubrique de l’agony aunt sexologue (olfactive, cette fois, de l’oncle Thierry Lodé), quelques échos d’une actualité forcément réchauffée, quoique toujours prégnante, voire parturiante de prolongements. Des jeux, dont, cette fois le « Quiz hallucinant » d’Étienne Liebig, qui semble avoir fumé le drap de bain déchiné (découvert et chiné) l’an dernier à la Fête du chanvre de Montjean-sur-Loire, plein de planches et de dessins, les billets des chroniqueurs habituels (Alévêque, Delfeil de Ton montant sa mayonnaise et consorts).
Mais aussi quatre nouvelles inédites, dont l’insolite traité de gérontotaxidermophiliie, lecture naturalisante de Joffrine Donadieu. Un peu de petite histoire avec Serge Quadrupani (millésime 1969), un survol panoramique de Jean-Marie Laclavenine (dit l’Arthus-Bertrand des dessous des jupettes écossaisses et autres). Et puis, sans doute une nouvelle portant sur les fruits de mer et les encornets pulpeux de Jean-Bernard Pouy et Patrick Raynal, qui s’y sont essayés à vingt doigts après avoir fait des exercices de dactylographie. Je pourrais bien sûr tirer à  la ligne, mais digressons.
L’an dernier, il me fut reproché qu’afficher ostensiblement le spécial été antérieur ratissait trop large. Que des blaireaux et des belettes un peu trop verbeuses ou intello-prise-de-tête tentaient sans vergogne d’engager la conversation, voire enchaînaient sur des propositions de promiscuité incongrue. L’an dernier, j’étais démuni pour contrer ces objections moins honorables qu’il y paraîtrait. À seconde vue, cette fois, je suggère la parade.
Bien colorier (pour les virtuoses, avec un crayon de papier à plusieurs nuances de gris), l’album d’El Rotringo, dit Jean-Jacques Tachdjian, Cortex Æsthégico. Une production des éditions La Chienne. À peine plus cher, mais redoutablement efficace. Si l’on vous adresse la parole, répondez (en retirant d’abord le presse-mensuel modèle unique siglé que vous a livré Cartier ou Van Cleef & Arpel) que ce Siné mensuel a été laissé abandonné, qu’on peut l’emporter, et ajoutez « d’ailleurs, voyez, je ne sais ni lire, ni écrire, tout juste colorier ». Imparable. Too much kink, pourrait-il m’être rétorqué. Que nenni, le risque est minime. Mon sondage exclusif Ipsos/Yougov ayant porté sur l’intégralité des estivant·e·s du camping Les Flots bleus est sans appel. À la question « vous voyez quelqu’un ayant posé Siné mensuel en évidence, que faites-vous ? », les réponses unanimes cumulées furent « j’accours » ou « je m’empresse » (toujours proposer une réponse alternative redondante, règle d’or de la sociométrie). À marge d’erreur zéro, vu l’échantillonnage, on obtient aussi des réponses du type « je m’accorde un temps de réflexion », « j’peux pas, j’ai piscine/pétanque/apéro » si le quelqu’un colorie aussi Cortex Æesthético (on obtient 100 % de cohérence avec la question subsidiaire : « je ne sais pas, je demande d’abord à mes parents »). C’est aussi carré que cet album à colorier.
Autres techniques de filtrage : un bouquin de Jean-Louis Costes , l’autre, pas le maire de Fumel) ou Tropic of Capricorn (éd. Flamingo), d’Henry Miller (fastidieux à la relecture). L’effet est garanti, surtout si vous savez enfiler des chaussettes de tennis dans des Crocs™ (agrémentés d’un autocollant Monique Ranou, « la tradition du goût, charcuterie depuis 1905 »).
Car Siné mensuel et la distanciation, cela fait dirimant : par les temps qui courent encore, prudence, adoptez les précautions d’usage.

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