dimanche 28 juin 2020

Nestor Makhno et Joseph Kessel, quiproquo ou basse calomnie ?


Quand l’ego de Kessel le poussa à diaboliser Makhno

Ce n’est  pas une microscopique affaire Dreyfus bis, mais cela pourrait l’évoquer. Joseph Kessel (combattant confirmé, exceptionnel grand reporter, écrivain fécond, académicien, &c.) ne verra sans doute pas sa postérité ternie par la vilénie patente qui le poussa à faire de l’une des plus célèbres figures de l’autogestion et des conseils ouvriers une brute épaisse se livrant personnellement à des pogromes.  Il pouvait se rétracter, son ego s’y refusa. L’histoire a depuis tranché, mais pour la chronique de la presse, il convenait d’enfoncer le clou.
Vous trouverez  sous le titre « Quand, calomniant Nestor Makhno, Jef Kessel se fourvoyait», titre minimaliste car indulgent, — et qu’on veuille bien croire qu’il m’en coûte d’égratigner la colossale figure journalistique et littéraire de Joseph Kessel — un document développant les dénonciations de maints auteurs sérieux visant l’attitude de Kessel vis-à-vis de l’hetman cosaque zaporogue libertaire Nestor Makhno. Sur ce blogue-notes, je ne revendique pas de traiter sérieusement de sujets sérieux, en documents, c’est autre chose.  Mais cette fois, je me suis autorisé un certain laisser-aller. N’ayant pas le talent d’un Kessel, je n’ai pas tenté de le parodier mais l’envie m’en prit. Physiquement, Kessel était un géant, il fit de Makhno un nain sanguinaire, au faciès repoussant.  En forçant le trait sur la physionomie de Kessel, il n’aurait pas été trop ardu d’en faire une brute épaisse. Abaissons le débat ! Ce serait plus farce en mode pâtre répondant au berger, ou plutôt au Kessel bouvier, pasteur — ou porcher —vaticinant, monstre hideux d’aigreur et bavant son fiel, éructant, le menton baigné de vômi éthylique, ses imprécations. J’admets, c’est mauvais, mais j’ai survécu de nombreuses fois au ridicule. Histoire de ne pas m’y vautrer, changement de ton.
Cette histoire revêt une certaine importance par son exemplarité. Tant du point de vue des interrogations portant sur la liberté littéraire que sur la latitude journalistique.  Qui suit ce blogue se souvient de Roger Vailland se targuant d’avoir tenté d’éliminer physiquement Céline. Avancer que Kessel tenta d’influencer un sicaire, de se faire le distant commanditaire intellectuel d’un meurtre éliminant Makhno afin d’amplifier sa gloriole et vendre du papier, placer des piges, se faire rincer par Gallimard (qui ne s’est pas non plus vraiment grandi, ses successeurs y compris), c’est pisser de la copie pour Google. Ici, j’assume. Bien évidemment, j’en rabat dans ce document aux termes plus mesurés (mais, comme on dit dans la police, certains dérapages peuvent s’expliquer), qui soulève aussi la question de la nature d’une presse certaine d’une certaine époque (des heures les plus vénales de son histoire, comme pourrait l’écrire le Boris Souvarine de service).
Résumons : jamais je n’aurais imaginé rédiger un quasi-pamphlet visant Jef Kessel. Je ne fus pas saisi d’une ardente obligation, mais d’une sorte de poussée hémorroïdaire.  Kessel accusant Makhno d’anti-judaïsme, c’est un peu Yvonne de Gaulle en Madame Claude chorégraphiant des ballets violets (roses et bleus).
On va le prendre de manière plus mesurée : vous avez commis un récit à succès, qui a été réédité, et vous espérez peut-être une troisième édition. Vous buvez sec, vous montrez généreux avec des escorts (histoire d’avoir de belles gosses à votre bras et faire baver vos potes), et vous sentez déjà indéboulonnable. Allez-vous vous couvrir la tête de cendres et vous flageller publiquement ? Ou persévérer dans vos mensonges en estimant que personne n’aura le cran de vous loger des balles dans la colonne vertébrale ? Vous ne pensez même pas qu’avec votre carrure, il vous faudra un fauteuil roulant sur mesure. Et puis, la mort, vous l’avez frôlé tant de fois, vu tant et tant de cadavres, de victimes du typhus, de sabrés, de déchiquetés, que… bof !
J’eus, très tôt, une familiarité particulière avec les décès (d’enfants, jeune adultes, vieilles personnes). Au moment d’aller cracher sur la tombe de Kessel, j’aurais sans doute le scrupule exprimé par Makhno entendant le futur exécuteur de Petlioura : s’en prendre à des personnes ne mène guère loin. C’est parfois nécessaire, nonobstant. Et c’est pourquoi je peux concevoir que Kessel, s’en prenant à tort à Makhno, s’illusionna en pensant que cela servait à contrecarrer des principes, des pratiques. Mais qu’il ait pu persévérer en parfaite mauvaise foi porta un coup durable à la crédibilité des journalistes.  Ce n’est pas en s’enferrant dans le déni (suivez mon regard vers Beauvau, lisez sur mes lèvres) qu’on se réhabilite. Faire de Kessel un baveur hypocrite du fait d’une bavure ne me grandit pas. m’abstenir serait pire. De deux maux, en conscience, le moindre… Mais formez plutôt votre opinion sur pièces,  et votre esprit critique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire