vendredi 3 avril 2020

Confinement : le bêtisier des verbalisations

De la non-essentialité du discernement

Les contrôles de police et de gendarmerie, a dit le Premier ministre dans l’étrange lucarne, à destination des verbalisés, doivent être effectués « avec discernement ». Mais comme aucune circulaire n’a été communiquée aux troupes, les syndicats de police ont judicieusement fait remarquer : « la dotation en discernement ne nous est pas arrivée ; c’est tout juste si on a suffisamment de masques ».
C’est sur le site du Parisien-Aujourd’hui en France que j’ai relevé le lien vers le site d’un certain Éric qui, sous le titre « Verbalisés (parce que) », recense des cas de verbalisations étranges (ne dites pas abusives, les supérieurs des policiers peuvrent le dire, tout autre le proférant se rend coupable d’outrage, question d'appréciation).
Ce recensement, source d’inspiration pour celles et ceux qui verbalisent, vaut bien le manuel de formation du conscrit cher à Fernand Raynaud (sketch Le fût du canon).
L’article du Parisien « jusqu’où peuvent aller les force de l’ordre lors d’un contrôle ? » ne manque pas non plus de sel. La source principale de Renan Trésorière, son auteure, c’st prinicipalement « le service de communication de la policde nationale ». Lequel service semble fort peu communiquer avec les autres services.
Quant au Premier ministre, qui veut faire accompagner les fonctionnaires par le dit Cernement, il a oublié de le faire affecter en nombre suffisant dans les brigades : « moi, mon surnom, c’est Jojo, et le brigadier, c’est Bébert, vous voyez bien que nous sommes en sous-effectif… Le dénommé Cernement ne fait pas partie de notre unité. ».
Discernement (n. m.) est un mot figurant (art. 66) dans le Code de procédure pénale, mais il n’est pas qualifié, clairement défini. Et comme le disait La Bruyère dans ses Caractères « après l’esprit de discernement, ce qu’il y a au monde de plus rare, ce sont les diamants et les perles ». Et pourtant, le site d’Éric (n.survol.fr) abonde en perles… de culture. Je un trouve même un diamant noir dans Le Parisien (article « ces PV contesté par les Français »), avec le cas d’une propriétaire de chevaux menant à l’abreuvoir. Verbalisée au motif que « les chats, les llapins et autres animaux de compagnie qui peuvent utiliser une litière, ne sont pas concernés par l’autorisation de sortie ». Une autre s’est vue rétorquer que l’eau, pour des chevaux : « ce n’est pas vital ».  Des titres de presse régionale l'ont rapporté, mais sans vérifier auprès des services de police (et l'absence de démenti n'a jamais été probant).
Il est vrai que le discernement, c’est une question d’appréciation. Or chacun sait que, pour la distance, un brigadier de gendarmerie, capable de distinguer en vol un hélicoptère mâle d’une femelle, sait apprécier celle entre un lieu-dit et un hameau. Récemment, m’indique un correspondant de Pornic, à 200m près. À cent, il aurait été susceptible d’indulgence, mais la vieille dame avait outrepassé les bornes, et au-delà, chacun le sait « il n’y a plus de limite ». N'ayant pas, moi non plus, vérifié auprès de la préfecture de Loire-Inférieure (j'ai certes tenté une recherche : préfecture de Loire-Inférieure, en vain), j'dis cela, j'dis rien.
C’est un peu comme le confinement et le bout du tunnel. En 1975, puis en 1986, Jacques Chirac l’avait entr’aperçu. Ce fameux bout, toujours à portée… demain, ou après-demain. En 2005, Jean-Pierre Raffarin l’avait vu s’éloigner alors qu’il s’agissait bien du même (celui du marasme économique). En mars 2017, Stéphane le Foll en discernait un autre : celui de la grippe aviaire.Ce bout du tunnel, c’est comme le canard de Robet Lamoureux, qui était encore vivant, alors qu’entre janvier et mars 2017, on en avait abattu pas moins de 2,3 millions. Et que cela continuait à Chalosse, dans les Landes. Mais tous les espoirs étaient permis « si la situation continue à évoluer favorablement », considérait le ministre de l’Agriculture. D'autres canetons que ceux du lectorat du Canard enchaîné ont cependant survécu. Restons confinés et optimistes.
Ne mélangeons pas choux et carottes, canards et poulets. Le tunnel Lyon-Turin avec celui (métaphorique) du viaduc de la Scie (devant, un jour, relier Arques à Dieppe).
Ne pas non plus mélanger les torchons des Internautes et les serviettes de la communication gouvernementale. Je vous incite à faire preuve de discernement afin d’établir la distinction. Ainsi, nos édiles, officiers de police, ne verbalisent plus les policiers au titre de la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010. Enfin, sauf erreur d'appréciation.
Selon Marianne, au 1er avril, plus de 359 000 procès-verbaux de contravention de quatrième catégorie (puis délit en cas de récidive), du fait du non-respect du décret de confinement, auraient été dressés. Quand « le plateau » sera-t-il atteint ? Me Akorri rappelle qu’en matière contreventionnelle : « payer l’amende, c’est reconnaître son infraction ».
Cela étant, rassurons-nous : depuis la fin mars, les cas de verbalisations non pas « abusives », mais insolites, nuance, se sont raréfiés. En revanche, ceux de récidive sont plus fréquents. Pour le moment, aucune plainte de récidiviste emmené en détention à plus d’un kilomètre de son domicile n’a été consignée.
En revanche, sont aussi en augmentation les cas de délation : n’encombrez pas les standards des forces de l’ordre ;ils ont déjà assez de mal à répondre aux questions idiotes portant sur les modalités du confinement. Le bêtisier des justiciables sera sans doute des plus fournis à l’issue du confinement.
Quant aux exceptions dérogatoires : ne vous fiez pas trop à ce qu’écrivent les journaux se fondant sur les réponses du service de communication du ministère de l’Intérieur. Faites preuve de discernement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire