jeudi 18 juillet 2019

Roger Vaillant (Vailland) critique de la critique

Un article de Roger Vailland peu accessible car signé « Vaillant ».

Voici peu, après tant d'autres, je signalais que les recherches portant sur Roger Vailland, en bibliothèques ou en ligne, se heurtaient au fait que, très souvent, son patronyme était transcrit « Vaillant ». Exemple : cet article des Cahiers du Sud de mars 1930 signé Roger Vaillant.
Du temps du Grand Jeu, à Paris
Last and least, car tant d'autres m'ont précédé (et d'autres plus qualifiés encore suivront), j'ai remarqué que je me suis heurté à la coquille trop fréquente : (Roger) Vailland devenant Vaillant. C'est assez logique, et il m'est arrivé de la commettre. Prince Vaillant, Vaillant-Couturier, Michel Vaillant,  chaudières Vaillant, divers autres Vaillant (dont un Roger, syndicaliste) et bien sûr Édouard ou Auguste, Cœurs Vaillant (« rien d'impossible... » — aux Âmes vaillantes), Luc Le Vaillant (journaliste), &c. En revanche, hormis Guy, sommelier d'Anne de Bretagne, fort peu d'homonymes de Roger Vailland ont marqué l'Histoire, celle de nos provinces ou des arts et des sciences...
S'il fallait recenser les « Vaillant » désignant Roger Vailland, y compris dans les écrits des spécialistes de l'écrivain, on couvrirait des pages et des pages...
D'où l'intérêt de rechercher ces Vaillant-là... Tâche ardue... Qui permet de retrouver par exemple cet article des Cahiers du Sud de mars 1930.
Or, s'il ne couvre que trois pages d'un modeste format, il est loin d'être anodin. D'abord parce que ces Cahiers tiennent une place éminente dans l'histoire littéraire française du siècle dernier (de 1925 à 1966), aussi en raison de la manière dont Roger Vailland allude à divers courants de la critique littéraire et artistique des années 1920, traite des créateurs et du Créateur (son athéisme remonte à la fin de son adolescence), ensuite (car il conclut là-dessus, mais c'est peut-être l'élément primordial) car il marque son rejet des Phrères simplistes, du Grand Jeu. Dont il reste assurément nostalgique, tout en professant le contraire.
J'essaye tout d'abord d'établir (et à mon sens, j'y parviens) que ce Vaillant est bien Roger Vailland, en dépit d'un indice — apparemment — contraire. Mais je ne suis guère arrivé à déceler ce que les deux premières parties pourraient laisser supposer de l'état de la création littéraire et de sa réception à la fin des années 1920. C'est un article très travaillé, œuvré, mais assez peu chantourné (les contours de ce qui est exprimé ne sont pas si saillants)... Peut-être, justement, parce que Vailland s'est englué dans le journalisme grand public (Paris-Midi, Paris-Soir), qu'il a peut-être « perdu la main », et chercha trop à marquer la distance avec ce style d'immédiateté, qui vise à rendre accessible au plus grand nombre ce qui doit être aisément compris.
Cahiers du Sud, mars 1930,
chronique de Roger Vailland
Je me fourvoie peut-être totalement. L'expérience étant lanterne dans le dos n'éclairant que le chemin parcouru, lisant et relisant les deux premières parties de cet article, je me suis remémoré (vaguement) divers de mes – rares – écrits sortant du lot de ma prose journalistique quotidienne. Sollicité pour des critiques littéraires ou artistiques, dans des revues spécialisées, pour des catalogues d'exposition, je me suis parfois laissé contaminer par la prose de ces milieux gentdelettres. Entre divers « Auto contre vélo », « M. Untel, président de l'Amicale des boulistes », «  Les mariés du samedi » (meilleurs titres de mon cru : « Maintenant, on peut ! » et « Je l'ai voulu, je l'ai eu », en corps 72, c'était une pleine page), et quand même des reportages d'une autre tenue, j'ai dû suer pour m'en abstraire. Et là, Vailland, après la rupture d'avec les surréalistes, d'avec Le Grand Jeu, doit sans doute, surtout à ses propres yeux, démontrer qu'il a mûri. Je sais... Je (me) projette. Et je saurai faire amende honorable, et me mettre « au temps » (au temps pour moi).
En revanche, il me semble que la troisième partie, fin de non-recevoir adressée à ses ex-Phrères, à Reims, aux illusions perdues, est beaucoup plus essentielle et limpide. Elle tient du déni. Car elle laisse présager que Vailland indique qu'il n'était pas tout à fait comme ces autres « jeunes gens » (Daumal, Lecomte, Minet, Meyrat, et alii par la suite), qu'il faisait semblant d'adhérer à leurs postures, ici copieusement ridiculisées. Et qu'il n'en est définitivement plus, qu'il les voue à s'enliser dans un « gâtisme » prématuré, dans un ésotérisme de pacotille. Divers autres écrits (correspondances, journal...) corroborent ce qui précède, du moins en partie (Vailland ne renia pas tout... mais lorsque, sur le tard, il revient à Reims, l'indifférence l'emporte). 
Les rapports de Reims aux Phrères et des Phrères à Reims... Cela impliquerait d'autres développements. Ville plate, mais non pas de platitudes, y compris lorsque les Phrères s'en extrayaient. Mais ce sera... (À suivre).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire