mardi 16 juillet 2019

Roger Vailland et son double : « Roger Vaillant »

« Vaillant », le plus fréquent des « pseudonymes » de  Roger Vailland...

N'exagérons rien, sous ses trois pseudonymes — Omer, Merpin, François —, Roger Vailland fit paraître peut-être plus de 3 000 articles. Mais dans la littérature, ce Roger Vaillant est beaucoup plus fréquent qu'un Jean-Baptiste Botul. À l'insu du plein gré de l'intéressé (et d'autres...).
On se souvient de Jean-Baptiste Botul, philosophe imaginaire créé en 1995 par Frédéric Pagès et consorts. Il doit autant sa célébrité à ses auteurs qu'à Bernard-Henri Lévy (BHL) et quand même quelques prédécesseurs n'ayant pas décelé que sa Métaphysique du mou évoquait quelque peu le Mouvement ondulatoire unifié de Pierre Dac. Mais il reste quand même moins célèbre qu'un certain Roger Vaillant. Faites une recherche Google, onglet « Livres », c'est assez édifiant...
Ouvre la liste Les Petites Malices du Général, de Jean-Michel Royer... Suivi d'un ouvrage mentionnant un « homonyme » (un réel Roger Vaillant, un Québécois), que talonne un Rog-Jarl, ange du Grand Jeu, d'Irène Pauline Bourlas. Sur les 30 entrées de la première page de cette recherche, on trouve un Gaston Vaillant, quelques autres Vaillant (dans un le même Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales), de nouveau le Québécois. Tous les autres sont bien des Vailland, Roger.
Il est difficile de certifier si, au bas de la douzième page, La Littérature à l'estomac de Julien Gracq clôture la très longue liste puisque Google n'affiche aucun aperçu de cet ouvrage. Mais si on fait une recherche tous résultats confondus, on retrouve divers sites citant ce Gracq et employant « Roger Vaillant ». Aucun doute n'est possible, puisqu'il est question aussi de René Daumal, de Céline, du prix Goncourt, &c.
Il serait vraiment ardu de procéder à un décompte fiable. Mais, page 10, si vous recherchez ce Vaillant-là dans Conques: les vitraux de Soulages (de Christian Heck et Jean-Dominique Fleury, pourtant contresigné par Pierre Soulages lui-même), il n'est pas exclu qu'un, des Vaillant se soient glissés entre de nombreux Vailland... J'en ai même débusqué un dans un livre portant principalement sur Vailland (un lapsus de saisie unique).
Et puis, Google, lorsque vous lancez une telle recherche sur ce « Roger Vaillant », vous remonte aussi nombre d'ouvrages où les Roger Vailland abondent. Ou d'autres dans lequel ils brillent par leur absence, comme ce Bon Pied, Bon Œil et 99 autres expressions autour du corps et de la Santé, de Marc Magro. Enfin, un Roger suivi d'une virgule de l'adjectif se glissent dans lot (« Roger, vaillant jeune homme... »).
Mais vous retrouverez des Roger Vaillant « non-équivoques » (soit des Vailland, Roger) dans des ouvrages d'éditions universitaires, des revues de très bonne tenue (La Quinzaine littéraire, Livres hebdo, Le Matricule des Anges, Esprit, La Nef...), et c'est quelque peu... gênant. 
D'une part, parce que cela se répercute... Par inadvertance (cela m'est survenu, comme à d'autres écrivant sur Vailland), ou méconnaissance.
Comment interpréter ce « L'un est Roger Vaillant, écrivain non pas oublié certes, mais dont, à vrai dire, on ne se souvient pas assez. » ? Comme, dans le Bulletin de l'association Guillaume Budé, l'autre est Drieu La Rochelle, les initiés auront rectifié d'eux-mêmes. D'autres... 
Quand je vois « Traduction par Saku Satö d'"Arthur Rimbaud ou guerre à l'homme" de Roger Vaillant... » (La Réception de Rimbaud au Japon, de Yataka Shibuya), pas trop de souci : le contexte, la nature de l'ouvrage, s'adressant à des spécialistes, dissipera une possible confusion.
Laquelle remonte à sans doute assez tôt puisque, dans Études de presse, vol. 1, de l'Institut français de presse, publié en 1946, on trouve trois Roger Vaillant. Qui sont bien sûr « le bon ».
Lequel Vailland n'est pas le Roger Vaillant du Club Léo Lagrange fondé par Pierre Mauroy en 1951, puisque ce Roger était un délégué syndical Force ouvrière, membre de la SFIO (alors qu'un Raymond Vaillant était aussi proche de Mauroy et de la Fédération Léo Lagrange). Lequel Vaillant se retrouve parfois dénommé (nommédé en verlan) tel l'écrivain. Cela va jusqu'aux voies (rues, places, cheminements...) Vaillant ou Vailland, qui, parfois, échangent les deux lettres (pas sur les plaques, espérons-le ; anecdote : sur une plaque de Vitré, Bretagne, le nom d'un certain sergent du temps des guerres de religions est orthographié deux fois... différemment).
Ces faux jumeaux (qui remémorent les DuponT-DuponD des Tintin d'Hergé) se retrouvent aussi sur le site de la BnF, Gallica... On trouvera l'un au-dessus de l'autre un « Roger Vaillant, édité aux éditions Gallimard » et une « Mme Roger Vaillant » (mère d'une Jacqueline », &c.
S'il est assez facile de départager le Roger Vaillant (« fils d'un homme dégradé de noblesse ») et celui contribuant à La Revue du cerf-volant, de ce Roger Vaillant qui « sera un don Juan de notre temps », parfois, il faut vraiment être féru de Vailland pour déterminer que le « Roger Vaillant » qui collaborera avec la maison d'édition tchèque Aventinum (et la revue homonyme) est bien le seul, l'authentique (mentionné dans Les Nouvelles littéraires du 4 février 1928).
Je tente de finaliser, procrastinant jour après jour, un document « Les lieux de Vailland », et si je n'avais pas mené une recherche sur un certain Roger Vaillant, je n'aurais jamais trouvé cet extrait : « Crevel, Malkine, Artaud, Rigaud, Roger Vaillant se ravitaillaient facilement en coco et héroïne aurpès des dames des toilettes du Dôme et de La Jungle » (La Vie quotidienne à Montparnasse, de Jean-Paul Crespelle). Pour les toilettes, peu (ou moins) importe. Mais pour Gaston Bonheur qui précise que Jean Prouvost assurait à Vailland, à lui-même et d'autres, « un demi-salaire » lorsque Paris-Soir se replia en zone sud (dans L'Ardoise et la craie, éds La Table Ronde), c'est autre chose. 
« Vaillant » renseigne aussi sur la postérité de Vailland (encore forte dans les années 1980-1990, fléchissant dans les 2000 et suivantes, jusqu'à possible résurgence).
Et puis, ce même Vaillant repéré grâce à Google dans les Études de presse d'avril-mai 1946 se retrouve entièrement numérisé sur Gallica (sur Vailland, voir pp. 429-431), ce qui permet donc de retrouver ce passage : « c'est un article de Roger Vaillant (sic) dans Privilèges des femmes du 6 décembre 1945 qui contient le plus de détails sur la presse pourrie d'entre les deux guerres. ». Restera à retrouver l'article et une collection de l'hebdomadaire fondé par Lucie Aubrac avec l'appui de Marcel Bleustein-Blanchet (sept numéros, d'octobre à décembre 1945, seraient à la BnF ; Lucie Aubrac en évoquera 13 dans Clio, n⁰1, 1995).
Mais quelques-uns des plus « beaux » Roger Vaillant-Vailland que j'ai pu dénicher se trouvaient dans des (rares) numéros de Paris-Soir. Dont au bas de ce « Chimène saura-t-elle se servir de son bulletin de vote ? » (article en ligne sur ce même blogue-notes, jtombeur.blogspot.com). L'article est bien signé Roger Vailland, mais la mention « Copyright Roger Vaillant et Paris-Soir 1932 » se trouve juste en-dessous...




1 commentaire:

  1. De peur qu'elle ne s'oublie, j'aimerai consigner ici cette histoire de coquille que Jean-Claude Lamy consigna dans son Pierre Lazaref à la une... Fortunat Strawsky, de l'Institut, vante « l'infini talent » de Mlle Nizan, du Français dans Paris-Midi. Ce talent infini devient infime, puis infâme, et intime dans les errata successifs. Cet « intime talent » fit renoncer à un quatrième rectificatif.

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