11 millions contre 100 d'impôt pour Tapie : merci qui ? Le cavalier Woerth
Or donc, selon « une source proche du dossier » dont fait état la presse (Le Parisien, Le Figaro...), Bernard Tapie a pu économiser près de 90 millions (et les faire perdre aux contribuables) d'impôt quand Éric Woerth était à Bercy...
90 millions... De quoi s'offrir un champ de courses avec hippodrome annexe, club d'équitation, &c., immeubles et terrains connexes du côté du fief d'Éric Woerth. Oui, mais Éric Woerth, un moment pressenti pour remplacer Wauquier chez LR, et on ne sait au gouvernement, n'eut pas qu'un Tapie à contenter...
D'un côté, Tapie empocha 403 millions à la suite d'une affaire se soldant différemment devant diverses juridictions. Net d'impôt ? Pas vraiment... L'argent ne va pas direct dans les poches de Nanard mais sur les comptes de son groupe. Qui est une société. Donc taux de 33,3 %. Le tiers de 403, ce ne serait pas 134,33 ? Bon, mettons cent. Au final, ce n'est pas le prix d'une 204, d'une 104, voire d'un vélo Peugeot, mais 11,2 millions d'euros. Taux de réduction ? Mieux que le meilleur de celui des cartes Avantage de la SNCF (dont je vous entretiens par ailleurs).
Car les services d'Éric Woerth (c'est sûr : à l'insu du plein gré de l'intéressé, padamalgam') ont fini par considérer qu'un taux de 1,67 s'appliquait aux deux-tiers de ces 403 millions si justement accordés... Tu vas chez Félix Potin acheter un pack de lait ou de bière... Tu as la carte d'affidé, pardon, de fidélité, et le caissier te fais une réduc' de x sur deux bouteilles, de y sur les deux suivantes, et de z pour les restantes. Et comme tu as une bonne tête, allez, zou, tu ne paieras que deux bouteilles au prix affiché, les autres étant copieusement bradées.
L'affaire remonte au 2 avril 2009. Enfin, celle-là... En fait, l'affaire Adidas-Crédit Lyonnais, c'est 1993. Rebondissement. Citez-moi une série télévisée remontant à quatre décennies ou presque. Encore un effort pour atteindre la longévité du jeu radiophonique d'Henri Kubnick (ou de celui des mille bornes, celles qui, quand dépassées, il n'y a plus de limites).
La justice est diligente. Pas trop pour communiquer... L'enquête de la Cour de justice de la République aurait été initiée voici environ un mois. Après que le parquet de Paris se soit, en mars 2016, inquiété d'un soupçon de « concussion, complicité et recel » (en tenant compte d'un rapport de novembre 2015). Cela valait combien, environ 90 millions 2009 par rapport aux mêmes de 2019 ? C'était quoi déjà, le taux d'emprunt de la France voici dix ans, celui qui alors alourdissait la dette publique ?
C'est, quoi déjà, le temps entre l'infraction et la comparution immédiate devant le tribunal des flagrants délires ?
Au moins, avec la CJR, pas de dépaysement à Compiègne... Mais cela sent quand même le crottin, cette histoire.
Pour le moment, Le Courrier picard se contente de résumer la dépêche AFP. Mais Woerth l'Oiseux (incidemment aussi président de la commission des Finances à l'Assemblée, après Cahuzac, serait-ce le changement dans la continuité ?), qui voit dans toute remise en question de la taxation des sociétés « un coup de griffe à la compétitivité des entreprises » (parce qu'un coup de massue, faut pas rêver...), ne perd sans doute rien pour attendre. La France « est épuisée budgétairement », dit-il. L'une des solutions serait, selon lui, de repousser l'âge de la retraite à 65 ans (pour que les salariés continuent à payer des impôts plus longtemps, pour que les charges sociales des patrons restent plus longtemps rémunératrices ?).
Après l'affaire Bettencourt, il y eut celle des enveloppes en liquide versés à des militants méritants, l'argent provenant selon lui de « dons anonymes » déposés au siège de l'UMP (devenue depuis LR). Sauf qu'un personnel de l'UMP chargé du courrier ne se souvient pas non plus d'enveloppes déposées ou postées contenant des billets Cela faisait suite à un rapport de l'Office central de la lutte contre la corruption et la fraude fiscale de septembre 2017. Et puis, la Libye est revenue dans l'actualité. De l'eau a passé sous les ponts, ceux de la Seine devant les murs de la Monnaie de Paris (affaire du terrain de l'Institut de France et de l'auditorium André Bettencourt). Pendant ce temps, Woerth courait toujours...
Il faudrait rechercher certaines déclarations d'Éric Woerth, par exemple sur le plafonnement des indemnités versées par les prud'hommes (Florence Woerth réclamait un million d'euros pour sa démission provoquée fin juin 2010 : son avocate considérant que « dans le milieu de la finance, le nom de Woerth lui ferme toutes les portes »). Un nom qui n'a l'a pas empêchée depuis de siéger un temps au conseil de surveillance de la maison Hermès (le sellier équin). Je ne sais s'il s'agit de la même Florence que la Fédération internationale de l'Automobile (dont la commission Constructeurs est présidée par François Fillon, par ailleurs associé de Tikehau Capital) rémunère.
Comme l'explique Éric Woerth au Point : « la droite devrait être le parti de l'égalité des chances ». Devant le fisc ? Pour les coups de pouce à l'embauche ?
Pour l'instant, sur la suppression de niches fiscales, Éric Woerth ne s'est pas clairement prononcé de nouveau. Cela pourrait tarder. En février dernier, il proclamait « quand vous supprimez une niche fiscale, vous augmentez les impôts ».
Ah, Compiègne... Sébastien Proto, ex-directeur de cabinet de Woerth, Cédric de Lestrange, ex-conseiller du dit, et la Société des courses de Compiègne ont fait l'objet, en juillet 2017, d'une mise en examen... Dans cette affaire Tapie-bis, l'avocat de Woerth plaide l'incompétence de son client, c'était trop compliqué pour lui, ce sont des « techniciens » qui ont décidé. Pour la vente de l'hippodrome, il en était donc de même, et toute cette affaire lui était passée au-dessus de la tête, qu'il a redressée après avoir été relaxé par la cour de justice... Si jamais il recomparaissait, la composition de la cour ne serait plus tout à fait la même (certains des six députés et six sénateurs ont été renouvelés, leurs suppléants aussi). Allez, une dispense de peine (Christine Lagarde), ou alors une peine mixte (faible amende, petite contravention, le tiers de ce que réclameraient les requérants), semble envisageable...
Ah, selon Le Journal du dimanche, Woerth aurait été pressenti pour être ministre d'Édouard Philippe. Le changement dans la continuité. Il aurait refusé : c'est effectivement un président de la commission des finances de « rupture ». Pas d'anévrisme en tout cas. Quel sang-froid, quel aplomb... Exemplaire. Même pas rose avec la honte de son incompétence. Rouge comme... un homard à la table de de Rugy, jamais. Impavide. Bien faire affaire, laisser dire.
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