Baron Cohen, merci !
Dans un très long entretien avec Sacha Baron Cohen (Borat,
&c.), Catherine Shoard met en relief, pour The Guardian, les convictions
activistes de l’acteur. Auquel son engagement contre Trump (avec Borat
Subsequent Moviefilm) l’a exposé à risquer son intégrité physique. Ni le film,
ni l’acteur, ne sont anodins.
Non seulement il me semble inutile et barbant de rabâcher ce qui est présumé connu (la teneur du film Borat Subsequent), mais je répugne aussi à pomper le travail des autres (à savoir celui de Catherine Shoard). Je fais exception cette fois pour deux raisons. D’une part, cet entretien finira bien par être exploité par la recherche en sciences sociales (donc, je prends juste une légère avance), et d’autre part, je trouve utile de répercuter la mise en garde de Baron Cohen.
S’il m’avait bien effleuré que Cohen n’est pas tout à fait
un patronyme scandinave ou aborigène austral, la judaïté (au sens de sentiment
d’appartenance à une communauté, de pensée notamment) de l’acteur m’indifférait
totalement. Si le premier Borat peut faire penser à certains films de jeunesse
de Woody Allen, l’idée de le cataloguer dans une veine humoristique juive ne m’a
pas semblé pertinente.
Il se trouve que dans son entretien avec Catherine Shoard,
Baron Cohen laisse entendre qu’il a bien pressenti les correspondances entre
le trumpisme et l’essor du nazisme en Allemagne dans les années 1930, et qu’il
a bien ressenti l’urgence et la nécessité de le manifester.
Ce Borat Subsequent, pour résumer, est davantage un
documentaire en immersion dans les rangs trumpistes et complotistes qu’une
comédie foldingue. Il n’est pas tout à fait outrancier d’estimer que l’acteur a
pris des risques similaires de ceux encourus par le journaliste Daniel Pearl au
Pakistan. En ce sens que si ses impostures avaient été percées, je crains que
les bon chrétiens trumpistes se seraient déchaînés, car l’effet de foule porte
à l’extrême, surtout lorsque la foule est lourdement armée et sûre de la pureté
morale de ses détestables convictions.
Je partage avec Baron Cohen l’appréhension que le trumpisme
puisse déborder, voire déferler sur l’Europe. C’est déjà le cas et les propos
de Marjorie Taylor Greene, applaudie par des élus républicains après avoir
évoqué George Soros et la famille Rothschild trouvent déjà un large écho en
Europe.
Sacha Baron relève à juste titre que « Trump a
recueilli dix millions de votes de plus qu’en 2016 » et que cela peut
représenter un grave danger.
Sacha Baron est fortement impliqué dans la coalition Stop Hate for Profit qui vise à
ce que les réseaux sociaux cessent de répercuter des messages complotistes et des
appels à la violence.
À fort juste titre, l’acteur relève aussi que « les gens
croyant à des conspirations ne sont pas nécessairement de mauvaises personnes.
Le problème avec les réseaux sociaux est qu’il est impossible de distinguer les
faits de la fiction. Si vous aviez cru en 2016 que Trump appartenait à une
secte cannibale pédophile (…) je crois que de très nombreux libéraux et
démocrates (…) auraient marché sur le Capitole. ».
En parallèle du trumpisme, la propagande suprématiste s’est
accrue et répandue à travers tous les États fédéraux. L’un des groupes les plus
actifs est le Front patriotique (Patriot Front), dont les porte-parole sont
certes poursuivis mais restent introuvables, mais s’expriment toujours sur des
réseaux de moindre ampleur que les plus connus. Il se trouve toujours des
fournisseurs d’accès comme DLive (depuis liquidé), ou Trovo, BitChute, Entropy.
Ils en appellent à des dons en bitcoins. De manière plus policée, des sites
comme Revolver News ou Summit News répercutent leurs allégations ou thèmes de
prédilection. L’un de ces thèmes est que l’Amérique Maga de Trump devient peu à
peu une Weimerica (néologisme inspiré de la République de Weimar), avec les
démocrates et la gauche remplaçant les nazis et instaurant une police politique
de la pensée.
On veut croire que, Trump défait, une page est tournée. Ce n’est
pas le sentiment de Baron Cohen et l’actualité semble lui donner raison :
Trump place ses pions dans tous les États.
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