vendredi 19 février 2021

Borat, loin de n’être qu’un amuseur loufoque

 Baron Cohen, merci !

Dans un très long entretien avec Sacha Baron Cohen (Borat, &c.), Catherine Shoard met en relief, pour The Guardian, les convictions activistes de l’acteur. Auquel son engagement contre Trump (avec Borat Subsequent Moviefilm) l’a exposé à risquer son intégrité physique. Ni le film, ni l’acteur, ne sont anodins.


Non seulement il me semble inutile et barbant de rabâcher ce qui est présumé connu (la teneur du film Borat Subsequent), mais je répugne aussi à pomper le travail des autres (à savoir celui de Catherine Shoard). Je fais exception cette fois pour deux raisons. D’une part, cet entretien finira bien par être exploité par la recherche en sciences sociales (donc, je prends juste une légère avance), et d’autre part, je trouve utile de répercuter la mise en garde de Baron Cohen.

S’il m’avait bien effleuré que Cohen n’est pas tout à fait un patronyme scandinave ou aborigène austral, la judaïté (au sens de sentiment d’appartenance à une communauté, de pensée notamment) de l’acteur m’indifférait totalement. Si le premier Borat peut faire penser à certains films de jeunesse de Woody Allen, l’idée de le cataloguer dans une veine humoristique juive ne m’a pas semblé pertinente.

Il se trouve que dans son entretien avec Catherine Shoard, Baron Cohen laisse entendre qu’il a bien pressenti les correspondances entre le trumpisme et l’essor du nazisme en Allemagne dans les années 1930, et qu’il a bien ressenti l’urgence et la nécessité de le manifester.

Ce Borat Subsequent, pour résumer, est davantage un documentaire en immersion dans les rangs trumpistes et complotistes qu’une comédie foldingue. Il n’est pas tout à fait outrancier d’estimer que l’acteur a pris des risques similaires de ceux encourus par le journaliste Daniel Pearl au Pakistan. En ce sens que si ses impostures avaient été percées, je crains que les bon chrétiens trumpistes se seraient déchaînés, car l’effet de foule porte à l’extrême, surtout lorsque la foule est lourdement armée et sûre de la pureté morale de ses détestables convictions.

Je partage avec Baron Cohen l’appréhension que le trumpisme puisse déborder, voire déferler sur l’Europe. C’est déjà le cas et les propos de Marjorie Taylor Greene, applaudie par des élus républicains après avoir évoqué George Soros et la famille Rothschild trouvent déjà un large écho en Europe.

Sacha Baron relève à juste titre que « Trump a recueilli dix millions de votes de plus qu’en 2016 » et que cela peut représenter un grave danger.

Sacha Baron est fortement impliqué dans la coalition Stop Hate for Profit qui vise à ce que les réseaux sociaux cessent de répercuter des messages complotistes et des appels à la violence.

À fort juste titre, l’acteur relève aussi que « les gens croyant à des conspirations ne sont pas nécessairement de mauvaises personnes. Le problème avec les réseaux sociaux est qu’il est impossible de distinguer les faits de la fiction. Si vous aviez cru en 2016 que Trump appartenait à une secte cannibale pédophile (…) je crois que de très nombreux libéraux et démocrates (…) auraient marché sur le Capitole. ».

En parallèle du trumpisme, la propagande suprématiste s’est accrue et répandue à travers tous les États fédéraux. L’un des groupes les plus actifs est le Front patriotique (Patriot Front), dont les porte-parole sont certes poursuivis mais restent introuvables, mais s’expriment toujours sur des réseaux de moindre ampleur que les plus connus. Il se trouve toujours des fournisseurs d’accès comme DLive (depuis liquidé), ou Trovo, BitChute, Entropy. Ils en appellent à des dons en bitcoins. De manière plus policée, des sites comme Revolver News ou Summit News répercutent leurs allégations ou thèmes de prédilection. L’un de ces thèmes est que l’Amérique Maga de Trump devient peu à peu une Weimerica (néologisme inspiré de la République de Weimar), avec les démocrates et la gauche remplaçant les nazis et instaurant une police politique de la pensée.

On veut croire que, Trump défait, une page est tournée. Ce n’est pas le sentiment de Baron Cohen et l’actualité semble lui donner raison : Trump place ses pions dans tous les États.

Cela étant, les meilleurs arguments alimentant le discours d’extrême-droite sont aussi fournis par le camp d’en face. Un groupe bien intentionné de professeurs veut ainsi rendre les maths mieux accessibles aux élèves d’origines ou couleurs de peaux diverses, fort bien. Bien des élèves All American (blancs de parents tous deux blancs, patriotes, évangélistes, &c.) pourraient sans doute en bénéficier aussi. On peut comprendre que présenter ce programme pédagogique en tant que méthode de faire reculer le racisme puisse motiver des profs. Bien, j’ai connu des matheux qui étaient aussi de fort bons littéraires et je m’en voudrais de développer un discours anti-matheux (quoique… parfois, j’admets non pas nourrir, mais me laisser aller à quelques préjugés déplacés, ce doit être de l’humour breton un peu c**…). En revanche, il paraît que la Fondation Bill Gates finance l’initiative (parmi tant d’autres). J’en veux assez fort à Bill Gates en raison des écrans bleus obligeant à réinitialiser en boucle. Pas au point d’en faire un stalino-fasciste. Ce qui serait financièrement plus rémunérateur. Eh Bill, « t’aurais pas cent balles » ? Ce n’est pas le propos, je veux juste exposer qu’en Salman Rushdie ou Baron Cohen, je crois reconnaître des gens ayant du cran. Baron Cohen personnage inspirant Tom Corraghessan Boyle ? J’aimerais retrouver une autre route vers une autre Road to Wellville, différente, mais je crains qu’on n’en trouve pas le chemin. De sitôt, en tout cas.

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