Ou des colis de Bretagne à Paris (l’USPS à la Framçaise)
Pandémie
de covid et troubles psychiatriques. La presse développe le thème d’une « deuxième
vague psychiatrique » post-déconfinement, je ne développe pas cette généralité.
Mais entrons dans les détails : cette nouvelle vague affecterait-elle plus
particulièrement les postières et les postiers ? Réponse par l’exemple.
Il me
semble vous avoir déjà entretenu de mes expéditions d’attestations pré-remplies
(imprimées avec patronyme, &c.) de circulation lors du confinement.
Rappelons les : même jour, même heure, deux enveloppes déposées dans une
boîte jaune. L’une à destination d’un patelin de l’Aisne, qui parvint à peine
plus de trois semaines plus tard à destination ; l’autre expédiée à un ami
du même arrondissement (qui ne fut reçue, décachetée et vide, que plus d’un
mois plus tard).
Depuis, le
sort s’est acharné sur ce même ami, écrivain, membre de sociétés dites savantes
publiant des bulletins, livres, documents. Son nom importe peu (on le
retrouvera aisément dans mes précédents billets).
Voici donc
que, de Morlaix (Bretagne) lui furent adressés trois exemplaires des derniers Cahiers
(de la Société Octave Mirbeau pour ne pas la nommer). L’expéditeur commet
une coquille par omission dans l’adresse du destinataire, (il saute l’avant-dernière
lettre du nom de la voie).
Pour la
démonstration, admettons que ce destinataire résiderait 51, rue de Montmorency,
troisième arrondissement (adresse réelle, mais qui n’est pas celle de notre
écrivain).
L’expéditeur
libelle Monsieur Unte ; 51, rue de Montmoreny, 75003 Paris (manque donc
une lettre cruciale, le c, mais pas la m capitale et les suivantes, sauf l’avant-dernière…
glissons).
Le paquet
fut donc — une première fois — retourné à l’expéditeur. Lequel, renouvelant l’expédition,
prit bien soin de ne pas récidiver dans l’erreur, relut et, confiant, posta.
Je ne sais
si, à Morlaix, les bureaux de poste restent accessibles chaque jour ouvrable.
Mais dans l’Aisne, comme dans certains secteurs parisiens, il convient de se
renseigner à l’avance. Beaucoup ont fermé définitivement, d’autres n’ouvrent
que deux-trois demies-journées hebdomadaires. À Paris, la Poste réalise des opérations
immobilières, dans l’Aisne, il serait vain de l’espérer.
Toujours
est-il que, cette fois, le colis lui revint avec la mention « n’habite
pas à l’adresse indiquée ». Ni pas, ni plus, n i moins, depuis plus d’un quart de
siècle, le destinataire reste fidèle à son domicile, et hormis ce colis, d’autres
plis ou lettres ou paquets (tous les auteurs savent à quel point leur courrier
est abondant) sont fréquemment déposés à cette adresse correctement libellée.
Nous en
serons bientôt à la troisième tentative, cette fois en colis suivi, voire sous
forme de trois lettres d’une épaisseur inférieure à trois centimètres (la
question étant débattue). Bien sûr, c’est plus onéreux. Mais sachant que l’investissement
préalable approche à présent les 20 euros, passé un certain stade, on ne compte
plus.
Je ne sais
pas si vous suivez l’actualité internationale et les discussions au Congrès de
Washington DC pour tenter de revitaliser ou saborder l’USPS, le Postal Service
des États-Unis d’Amérique. L’USPS sera en faillite l’an prochain, et d’aucuns
peuvent penser que tout fut organisé pour qu’il en soit ainsi. Le secteur privé
est bien évidemment tout disposé à prendre la relève.
Arguer,
pour La Poste, que la « deuxième vague psychiatrique » d’après covid ait
lourdement affecté un peu tout le monde (employés de La Poste, usagers) pourrait
préparer les esprits. Mais il serait encore plus convaincant de persuader les
usagers qu’ils ont perdu la boule. Regardez : ils ne savent plus
correctement orthographier les adresses, voyez, ils ne savent plus tout à fait
où ils habitent…
L’opération
a bien réussi avec l’ANTS (l’Agence national des titres sécurisés) pour les
cartes grises, et la pression est soigneusement mise sur les demandeurs du
document de permis de conduire. Encore quelques efforts, et La Poste parviendra
à faire valoir que mieux vaut s’adresser à la concurrence (plus chère, mais
plus sûre).
Tenez, quand
tout le monde aura compris que pour faire aboutir une démarche, faire parvenir
un document, il faudra avoir recours à un huissier certifiant que toutes les
pièces sont bien réunies, que l’adresse est valide et conforme, lequel huissier
se rendra au service destinataire ou à l’adresse vérifiée soigneusement, toute
solution alternative moins longue et moins coûteuse semblera préférable. Cela
créera des emplois dans le secteur privé, rapportera de la TVA, de l’impôt sur
les sociétés.
Selon 60 millions de consommateurs, depuis janvier dernier, La Poste a déjà affaibli
les modalités régissant les « lettres suivies » ; désormais, la surtaxe
ne garantit plus que de connaître la date de distribution ou « le motif
de non-distribution ». Motif
laissé à l’imagination de qui en décidera ?
Pour les
colis, c’est désormais une filiale ViaPost, qui s’en chargera, avec des
sous-traitants pour sous-traiter les colis confiés en sous-traitance par des entreprises privées ?
Vous vous perdez, sur le site de l’entreprise La Poste, dans sa tarification ? Pas
grave, il y a l’application (payante) Timbré pour vous simplifier la recherche.
Plus de bureau près de chez vous ? Pas grave, le plus proche Auchan ou
Carrefour vous dépannera pour les opérations les plus courantes. En revanche,
la Caisse des Dépots favorise l’association de Ma French Bank (Banque postale) avec
Orange Bank afin de proposer une offre bancaire digitale aux 7-17 ans. Histoire de les abreuver de publicités et de
les inciter à consommer ? Pour leur vendre le timbre commémoratif Luis
Mariano, à 1,16 euros (sans le prochain tarif pour les timbres courants, autant habituer les esprits), il faudra savoir se montrer persuasif.
En
attendant, il paraîtrait que le coup de l’ « adresse invalide »,
soit devenu le procédé commode pour la ou le CDD lâché sur un secteur au petit
bonheur afin d’éviter les heures supplémentaires non-rétribuées pour tenter d’achever
une tournée. Comme ils ou elles craquent vite, c’est « au suivant, au
suivant ».
Il reste
bien sûr les courriels. Désormais La Poste Mobile est devenue une
sous-traitante de SFR (qui détenait déjà 49 % de cette filiale).
Quant à l’épilogue de l’anecdote du colis de
livres (re)parti — ter — de Morlaix, je vous donne rendez-vous fin décembre.
Cette fois affranchi avec des timbres Luis Mariano, il parviendra peut-être via
la cheminée, aux bons soins d’un petit papa Noël…
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