mercredi 4 décembre 2019

Judéophobie et antisionisme (bis)

Un peu plus de flou dans le net

Comme, hier, alors que la résolution de Sylvain Maillard visant en quelque sorte à intégrer l’antisionisme dans la définition de la judéophobie, j’en faisais état, je me sens obligé d’y revenir un peu. Mais je ferais mieux d’attendre de consulter le Journal Officiel pour ne pas déblatérer dans le vide, enchaînant topiques usés et banalités… Tant pis, je me lance.
Or donc, dans les médias, il fut fait assez grand cas d’une tribune parue dans Le Monde (127 intellos se définissant Juifs et « antisionistes », sans doute à des degrés divers tant le terme est dévoyé ou recouvre des opinions divergentes), critiquant la résolution du « marcheur » Sylvain Maillard…
J’ai attendu, attendu, attendu de prendre connaissance du résultat du vote pour mettre en ligne. Soit (rappel) 154 pour, 72 contre et 43 abstentions.
Et ce lendemain, beaucoup de lecteurs de divers titres de presse (hors Le Parisien) imprimée, attendront encore. En revanche, voilà qu’on nous cause d’une proposition de loi pour encadrer les rémunérations des mineurs youtubeurs, e-sportifs ou influenceurs. Une proposition chasse une résolution, à la suivante ?
Je ne vais pas me lancer dans la médialogie à petit pied déchaussé, mais cela me semble valoir d’être relevé. Pour savoir comment fut débattu le texte de la résolution, dont il avait été fait grand cas, il faut se reporter vers des sites de médias audio-visuels (mais Le Parisien en fait aussi état, comme le site du Huffington). Je vous laisse retrouver.
Je remarque juste au passage que Marine Le Pen, dont le parti, Le Rassemblement national, comme son prédécesseur homonyme du « bon temps » des colonies (enfin, l’Algérie n’était pas, à proprement parler, une colonie), lorgne sur une partie du vote sioniste (pro-Netanyahou et consorts), s’est prononcée. Sur le fait que la résolution « puisse interdire de critiquer Israël ». On a encore les fessiers entre deux chaises, au Rassemblement national. Ce qui ne disqualifie pas cette remarque de Marine Le Pen.
Et puisque, hier, je faisais état du livre de F.-O. Giesbert, La Cuisinière d’Himmler (instructif et divertissant), je relève aussi des propos de l’auteur qui m’avaient échappé. Il aurait dit que l’antisémitisme « est un gros mot et que nous devons utiliser le terme antisioniste ». Et que titre i24News ? « “L’antisionisme, c’est de l’antisémitisme” (Ex-rédacteur en chef du Figaro) ». Euh, non, pas vraiment. L’équation ne se vérifie pas tout à fait, et nul besoin de recourir à Pour une linguistique de l'énonciation de Culioli pour calculer l’écart. D’autant que, en entretien, pour la même chaîne, Giesbert détaille : « Il y a la jonction entre antisionisme et antisémitisme, simplement Hitler est passé par là, il a sali le nom, c’est embêtant de se dire antisémite, donc aujourd’hui, les antisémites se disent antisionistes. ». Euh, des, et non les… Le sionisme, y compris version Netanyahou, n’est d’ailleurs pas que le fait de Juifs (évangélistes américains de loin, naturalisés israéliens exfiltrés des goulags et autres centres de détention des pays de l’ex-Urss au plus près, j’en passe…). Et puis, Giesbert n'a quand même pas proféré ou professé que les antisionistes s'apparentaient à des néo-nazis (mais allez savoir si on ne finira pas par le lui faire dire dans son dos).
Comme me le disait mon copain et colocataire, qui ne s’est découvert Juif que sur le tard (comme son père, ayant rejoint la Résistance, se retrouva catalogué Juif quasiment du jour au lendemain), et qui, devenu kibboutzim vaguement par hasard (du fait des tensions sur le marché du travail français), et donc sous-off de Tsahal, avec des ex-soviétiques sous ses ordres… Je ne me souviens plus du verbatim, mais il ne les portait pas dans son cœur,ses Ruskoffs, et éprouvait quelques difficultés à empêcher leurs exactions.
En tout cas, plutôt que de fouiller le site du JO, autant consulter celui de l’Assemblée nationale pour retrouver le débat sur la lutte contre l’antisémitisme, et c’est là. Les échanges entre Meyer Habib et Sabine Rubin sont assez édifiants. Meyer Habib évoquant l’extrême-gauche israélienne, c’est presque de l’Erdogan s’exprimant sur les Kurdes ou son opposition : « On glorifie les terroristes assassins d’enfants. » (citation extraite hors contexte, mais qui donne le ton). Et là, ce on généralise, à mon sens, sciemment... On, serait-ce aussi qui a voté contre la résolution ou s'est abstenu, et on refuserait de cautionner que des rabbins ultra-orthodoxes dénient aux jeunes femmes de porter l'uniforme, et ce serait bien la preuve d'un judéophobie dissimulée ? Allez, je ne prête absolument pas cette intention à Meyer Habib, mais de surinterprétation en surinterprétation, on, nous finissons par dire n'importe quoi et il n'y a plus de débat possible.
Question amalgames, Éric Ciotti n’est pas mal non plus. Non, tous les antisionistes (ou réticents quant à l’interprétation du sionisme par, en fait, des antisionistes israéliens, fort éloignés du sionisme de ses diverses origines), ne désirent pas la destruction de l’État d’Israël. Certes, c'est là aussi déformer ses propos, mais d'un poil seulement.
Bref, comme Jean Lassalle, pour qui j’eus comme un léger faible avant de découvrir ses liens avec qui mêlait de la viande de cheval à celle de bœuf (cherchez), je ne souhaite ni la disparition d’Israël, ni l’extension sans fin des colonies prétendument ethniquement juives. Mais allez voir, lire le compte-rendu de ce débat ponctué d'invectives, c’est instructif.
J’en viendrai presque à penser, comme ce fut exposé par ailleurs (sur Agoravox, de mémoire) qu’au moment où les gens s’inquiètent de leurs retraites, la judéophobie a bon dos pour servir de diversion. C’est exagéré. Je retire cette suggestion soupçonneuse.
Et justement, pour débattre, exagérer, outrer, sauf pour faire valoir l’absurdité d’un raisonnement, ne mène qu’à exacerber les émotions, les partis-pris. Et je plaide pour qu’on en revienne à l’ancienne « définition » (alambiquée) de l’antisémitisme, et qu’on nomme judéophobie la judéophobie. Bon, autant m’égosiller. Tant pis, pas au point de m’enrouer, nonobstant…

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