samedi 29 juin 2019

Roger Vailland-Robert François au chevet de la chanteuse Eva Busch


Quand Vailland — une fois de plus — rajeunit une belle étrangère…

De Tania Visirova, Roger Vailland fit une éternelle « écolière », voire une « fillette ». Avec Eva Senta Elizabeth Zimmermann (Berlin - 22 mai 1909 ; Munich - juillet 2001), épouse Busch, son nom de scène, il se contente de la rajeunir de cinq ans. Ce à l’occasion d’une évocation de son escapade Outre-Atlantique en compagnie de l’escroc international Siegfried Wreszinsky (diverses orthographes dans la presse française).
La plupart des entrées ou contributions de ce blogue-notes relatives à Roger Vailland incluent des liens vers des documents PDF rédigés d’une manière un peu plus « sérieuse » ou s’efforçant de le paraître en regard de ce que que je consigne ici. Au passage, je ne serais pas fâché (je ne haïrais pas, litote, euphémisme, understatement, au choix…) que les chercheuses et chercheurs indépendants, voire des universitaires, s’intéressant à Roger Vailland, rapatrient ces documents dans leurs archives. Google ne renvoie plus « qu’environ 3 500 résultats » pour mon patronyme en cet été 2019. Ayant pratiqué l’Internet depuis 1992, puis sa version graphique (ouaibe-ouone-ziro, then two zero), c’est un millier de moins que circa… 2000 ? C’est dire que, même si l’étiage des mers et océans restait constant, je crains fort que tout cela parte en brumes (mes écrits de fumiste peuvent partir en fumée) et vapeurs évanescentes.
Mais revenons à notre Eva Busch voguant au-dessus des « blancs moutons » de l’Atlantique et de Charles Trenet. Elle fut autant, sinon davantage, célébrissime que Tania Visirova, et le resta surtout — largement— plus durablement. Vailland, en 1939, ne pouvait l’ignorer : elle avait été chanteuse récurrente pour Radio 37, avait déjà enregistré pour Columbia, &c. Bien sûr, il ne pouvait prévoir la suite, notamment qu’en 1947, elle sera la cible d’une manifestation d’épurateurs (elle vit déjà avec la consœur de Vailland, George — comme Sand — Sinclair, qui forma la Françoise Giroud et d’autres). Et il était où, le Vailland, qui avait siégé au comité d’épuration des intellos ? En 1947, peut-être prit-il fait et cause pour l’apatride Eva Busch, farouchement antinazie, ex-pensionnaire du camp de Gurs et de Ravensbrück, qui avait été forcée, après une libération obtenue à la (très) longue, de se produire devant les troupes de la Wehrmacht. Ce parce que Goebbels, alors qu’elle était internée, faisait diffuser ses chansons (en omettant de faire signaler que ses paroliers ou compositeurs étaient des Juifs). Son répertoire d’avant était d’inspiration plus libertaire que communiste, alors que son mari, communiste notoire, interprétait des chants révolutionnaires (il prit part aux Brigades internationales en Espagne). Il se peut que Vailland protesta en coulisses (ou par voie de presse, je chercherai ultérieurement).
Quant à Wreszinsky, c’était un anti-Maurice Joffo. Maurice faisait passer des gens en loucedé en zone libre, prenant de terribles risques. Wreszinsky, ashkénaze, promettait de faire sortir d’Allemagne des coreligionnaires contre de très fortes sommes, puis prenait la poudre d’escampette. J'ai un peu connu Maurice, vaguement aigrefin à la petite semaine à ses heures (encore que... c'était la thèse d'un certain jeune magistrat, Jean-Louis Debré, qui voulait se faire un nom : il y parvint très bien). Mais, s’il fut jamais indélicat, ce fut à mille lieues d’un Wreszinsky et la seule similitude les réunissant reste que Maurice Joffo fit dans la ferraille, comme peut-être Siegfried à Dantzig. Autre histoire (celle de Maurice, nègre de son cadet Joseph, pour le Sac de billes) que j’ai consignée et que les moteurs du Ouaibe ont peut-être fait s’évaporer. Siegfried mérite des diminutifs, Maurice, tout merlan qu'il fut, des superlatifs.
Je m’intéresse à Vailland, journaleux, en journaliste « honoraire » (totalement dédaigné de faire passer mon matricule, 47640, de mémoire, au stade de l’honorariat). Nous en sommes quelques « autres » : Lacoche, Rondeau… Mais ceux-ci (amicales salutations au passage), écrivains par ailleurs (et des meilleurs) ont parfois tendance à magnifier le défunt confrère (comme le regretté René Ballet). Mesquinement, je le replace dans un contexte. Je puise à sa gamelle en écornifleur indélicat. Pas au point de cracher dans ses gaspachos (voyez, sur ce blogue, ses reportages en Espagne républicaine), mais remettant diverses choses en place. Comparant à l’occasion les conceptions d’un Kessel avec ce que les écrits journalistiques de Vailland révèlent. Confronté à Kessel, Vailland-journaliste fut un temps plus faible (Prouvost et Lazareff trouvèrent en lui un plumitif plus docile, car davantage désinvolte, détaché, distancié, à mon humble avis).Cela évolua.
Mais cela, c’est de l’écume, bave de batracien n’atteignant pas les rémiges du falconidé aux mues multiples. Cependant, Vailland bidonna (moi pas, sauf une fois, à l’insu de mon plein gré, aiguillonné par des inspecteurs de police voulant la peau d’une connaissance d’Aïcha Lacheb, devenu écrivain reconnu à la suite de son abusivement longue détention).
Eh, je n’ai pas eu l’opportunité d’être embauché par un Lazareff… Je n’aurais peut-être pas tourné syndicaliste comme chez un Hersant... J’évoquais par ailleurs Morvan Lebesque passant de Je suis partout au Canard enchaîné (avec étapes intermédiaires). Vailland eut quelques faiblesses (à l’égard de « Jean-Fesse », le préfet Chiappe, peut-être aussi pour faciliter aux consœurs et confrères l’accès aux mains courantes de l’époque).
Bon, brisons-là. Goûtez plutôt la prose de Vailland traitant d’Eva Busch ; lisez « En marge des crédits gelés (…) Eva Bush a juré de mourir
». Promis, proféré, c’est beaucoup plus drôle que ce qui, ci-dessus, précède…

mercredi 26 juin 2019

La Loi de Roger Vailland, roman d’un « écrivain libre »


Avec La Loi, prix Goncourt 1957, Vailland a-t-il rompu avec Vailland ?

Vaste question, à laquelle de multiples réponses ont déjà été apportées… Elle sera donc ci-dessous esquivée… Mais la critique d’Émile Biollay dans Le Nouvelliste valaisan du 13 janvier 1958 me l’a remémorée et il m’a semblé, par ce temps de canicule, judicieux de tenter de m’en entretenir.
Autant l’avouer : ce qui suit doit tout à ma paresse aggravée par la température quasi sub-saharienne qui engloutit Paris. Je me devais (ainsi qu’à d’autres…) de reprendre le document « Les lieux de Vailland » – enfin, celui portant sur les principaux que fréquenta Roger Vailland – mais la tâche m’a semblé trop fastidieuse. D'où cet énième écart qui fait qu’au lieu de chercher à préciser où fut écrit La Loi (certainement près de Gargano, dans les Pouilles, ce qu’Élisabeth Vailland indiqua à Daniel Rondeau), je remonte à la relative fraîcheur de Sion et de son Nouvelliste (1903-1960, depuis 1968 Le Nouvelliste & Feuille d’avis du Vailais).
Cela parce que je venais de redécouvrir un avis de Morvan Lebesque portant sur Un jeune homme seul, dans Climats (« hebdomadaire de la communauté française » ; « grand hebdomadaire colonial », créé par Maurice Chevance, dit « Bertin » en 1945) : « Quel écrivain pourrait être M. Roger Vailland si seulement il était un écrivain libre… Je sais bien que ce livre est destiné à me convaincre, à me démontrer la supériorité d’une idéologie sur les autres… Mais, enfin, je voudrais bien qu’un jour M. Vailland écrivît selon son cœur, et rien de plus. ». C’est l’époque à laquelle Vailland recommence à faire de l’entrisme pour adhérer au PCF (ce qu’il obtient l’année suivante).
Survient le rapport Khrouchtchev puis l’écriture de La Loi, roman qui fut dit formaté pour remporter un prix littéraire. Le vœu de Lebesque est partiellement exaucé comme en témoigne cet article d’Émile Biollay : Vailland « s’est refusé à l’engagement ». D’autres, qui ne s’y étaient pas refusés, suivront, comme Lenù Greco, l’héroïne d’Helena Ferrante (la saga napolitaine L’Amie prodigieuse). Or Vailland n’a jamais cessé d’être engagé et l’année – 1964 – où Vailland publie son « Éloge de la politique » dans Le Nouvel Observateur, il promet à Lucien Bodard son soutien alors que ce dernier est vivement critiqué en raison de son livre La Chine du cauchemar (1961) et des articles qu’il publie sur Mao et le maoïsme… Bodard et lui se retrouvent au bar du Port-Royal et… Zut, encore un lieu revenant à la surface.
Le lieu de La Loi, c’est Porto-Manacore… Proche du golfe de Manfredonia… Et peut-être, mentalement, ce Gargano isolé, inspire cette appellation qui évoque, à une voyelle près, le monachorum (des moines et moniales) : exposant l’élaboration de La Loi avec Madeleine Chapsal, de L’Express (12 juillet 1957), Vailland insiste sur l’ascèse du temps de l’écriture ; pas d’alcool, juste du café, pas de distractions, et retour à la fréquentation des autres « quand le roman est fini ». En fait, j’extrapole car un lieu-dit Baia di Mancore se situe à proximité de Peschici (et est devenu Manacore del Gargano).
Émile Biollay (qui signait parfois Paul Herbriggen) est un ancien professeur d’université au Caire devenu enseignant au lycée cantonal de Sion, historien et chroniqueur. C’est un écrivain « progressiste », proche d’Albert Béguin (des Cahiers du Rhône puis successeur d’Emmanuel Mounier à la tête de la revue Esprit en 1950) et de son épouse, Raymonde Vincent.
La Loi (et sa traduction La Legge, sa transposition à l’écran, qui irrita les censeurs italiens) a suscité d’innombrables commentaires. Je tiens celui d’Émile Biollay pour l’un des meilleurs, en dépit d’une conclusion sévère et que j’estime erronée. Peut-être parce que divers personnages féminins me font penser à Lina Cerullo, l’alter ego de la Lenü Greco de Ferrante : ces femmes se mobilisent dans leur village comme elle, Lila, pour son quartier, pour les siennes et les siens.
Vailland ne cotisa plus au PCF mais il resta proche des militantes et militants de son entourage. Et puis, j’en viens à me demander si, sans La Legge, les Lenù-Lila de Ferrante seraient devenues ce qu’elle en fit. Et quand je lis dans la presse italienne que Vailland et ses œuvres seraient à présent “quasi dimenticati” (oubliés, délaissés), je me dis que c’est fallacieux mais aussi que cette approximation outrancière est toute provisoire. Le temps est propice à lire ou relire La Loi dans la fraîcheur d’un trullo de l’Aia Piccolla d’Alberobello. En attendant de vous y rendre, consultez peut-être l’article d’Émile Biollay dans Le Nouvelliste valaisan

dimanche 16 juin 2019

La controverse Céline-Vailland, au « format à l'italienne »


Céline-1 ; Vailland-double zéro dans la presse italienne

Billet d'humeur, coup de sang... Une partie de la presse italienne, rendant compte du livre d'Andrea Lombardi, Céline contro Vailland, laisse penser que ce dernier n'existe plus dans les mémoires qu'en raison du premier. Il faudrait lire l'ouvrage pour estimer si c'est l'opinion de son auteur. Mais quand même...
Ai-je lu un, des, du Céline ? Probablement… Du, assurément. Je ne m’en souviens guère. Des Vailland ? Indubitablement. Lesquels ? peu de souvenirs. Ou alors, très fumeux. Des articles, des feuilletons de Vailland, eh, c’est mon dada du moment. Ce qui fait que, de la polémique entre Céline et Vailland, je croyais tout savoir. Moins qu’Andrea Lombardi, qui consacre tout un ouvrage, Céline contro Vailland (Due scrittori, una querelle, un palazza di una via di Montmartre sotto l’Occupazione tedesca), aux joutes entre les deux hommes…
Je vais bien sûr relire, lire, « tout » Vailland. Cela ou autre chose… Blair (à moins qu’un ouvrage oublié resurgisse, c’est fait), Tom Coraghessan Boyle, je suis à peu près à jour. Céline, peut-être (quoique, pour les dîners en terrasses printanières, si le feu de la conversation vient à vaciller, un coup de Céline, et cela repart ; du moins entre vieilles et vieux schnocks). Ce qui me gave grave, c’est que, encore à présent, l’équipe du Clairon de Céline l’emporte quasi toujours sur celle de l’Espoir de Vailland. Les deux clubs voudraient s’ignorer, mais voilà que, récurremment, la clique Céline claironne qu’elle a infligé la pâtée aux majorettes de Vailland. D’accord, cette contre-publicité remémore Vailland, mais en faire-valoir de Céline. En utilité, le Vailland.
Les faits ont été ressassés. Les Champfleury (eux-mêmes, la belle-mère, la veuve du galonné ?) logent à la villa Machin, à Montmêrtre (le Ménilmuche occidental). Selon les sources, c’est au troisième ou quatrième étage du 4, rue Girardon. J’évoque de mémoire, sans consulter mes archives. Ce qui est constant (non contesté par les parties), c’est que Céline loge dans la maisonnette. Que Vailland envisageât soit de faire la peau à ses invités (ceux de Céline), mais en l’épargnant, soit…. Où cela ? Pas à la Bastille, mais plutôt dans les parages. Si ce ne fut à l’étage… sur le seuil.
Bref, des années plus tard, Céline étant du côté d’Elseneur, où je ne sais plus où (j’avais trouvé, vous retrouverez), Vailland écrit qu’il regrettait de ne point l’avoir homicidé, comme dirait l’ami Hugues Pagan. Céline réplique par voie de presse sur le mode « cé cuikildi kyé ».
En fait, Robert Champfleury (Eugène Gohin, non point comme les poêles, avec une h et non une d), savait bien que Céline savait que… Et qu’il la ferma sur les accointances résistantes du dit Champfleury/Gohin. Mieux, ou pire, Jacques-François Rolland, acolyte de Vailland dans la Résistance, traite ce dernier de hâbleur, galéjeur, et corrobore la version de Céline (qui pouvait faire envoyer tout le monde de l’étage supérieur au poteau d’exécution et s’abstint).
Je n’ai plus guère d’illusion (subsistante, car je le pris longuement pour argent comptant ; eh, grand reporter, Résistant…) sur Vailland. Mais Céline… Rapiat, prêt à tout pour se placer en écrasant la concurrence, obtenir un poste de chef-toubib, et cultivant tout autant que Vailland sa légende. J’en connais d’autres à présent, des gendelettres tirant la couverture (des noms ? non, à quoi bon ?). Ce qui m’étonne, alors même que j’abonde, renforce, consolide, blatère sur ces plumes (et entretient le plumeau du paon Vailland), c’est… Je vous ai compris, vous m’avez compris… Nous devrions avoir (aussi) d’autres préoccupations. Get a life !
Oui, mais… Qu’auraient été nos vies sans des existences antérieures dont nous eûmes quelques connaissances ? Modèles et contre-modèles ? Et qu’aurait été notre vie si nous n’avions lu ni Céline, ni Vailland, ou Kessel, ou Cendrars, ou Darien, ou Maurras, ou… ou… ou… La « Génération Petit Prince » (de Saint-Exupéry) aurait-elle été ce qu’elle fut, ou reste pour ses survivants ?
Tiens, au fait, Céline a-t-il bavé sur Saint-Ex ? Il faudrait vérifier dans sa correspondance… Le postulant interne d’opérette-comique troupier de l’Occupant (il chercha à se faire nommer auprès des pompiers de service de l’Opéra-comique) rêvait aussi de se réincarner « à quatre pattes ». En chien hargneux ? En mâtin malfaisant ?
Moins subjugué par Vailland que le passé, devenu limite irrévérencieux (mais je plains qui n’aurait jamais admiré quiconque…), j’admets qu’on puisse, comme Philippe Djian, préférer des (non tous les...) livres de Céline à ceux de Vailland, ou Bukowski à Ignace de Loyola, Bouvard à Pécuchet, &c. Mais là, Vailland-Céline, c’est une histoire d’hommes plus que de littérature…
Thèse, antithèse… Synthèse : comment revoir nos passés et préfigurer l’avenir qui nous reste sans repères ? Littéraires. Dérisoire, cet énième essai sur le sujet d’Andrea Lombardi ? Retour sur le futur de Cesare Battisti… Qui n’a « même pas eu besoin de mentir à certains » (dont moi-même, qui resta nonobstant circonspect, me prononçant non sur l’individu, mais sur l’amnistie dont il bénéficia en France, l’approuvant). Nous serions-nous couchés comme Céline, levés comme Vailland ?
Céline (ou Brasillach, Drieu…) et Vailland. Qui, peut-être, dut aux circonstances et fréquentations de se retrouver « du bon côté ». Mais qui opta, s’engagea… Risqua. Tandis que… Ne pas diaboliser « tout » Céline, soit. Ne faire de Vailland que ce qu’il fut parfois pour chanter les laudes de Céline, c’est petit. Pas superflu nonobstant, et (je vérifierais peut-être en lisant Lombardi), ni anodin, ni totalement dispensable… Mais quand même…
Quand je lis, dans Pangea (“Rivista avventuriera di cultura & idee”), au-dessus de la signature de Martino Cappai, une présentation du livre d’Andrea Lombardi — illustrée de pas moins de quatre photos de Céline, d’aucune de Vailland — un « qui se souvient aujourd’hui de ses [Vailland] écrits ? », je m’interroge… Pourquoi se souvenir davantage de ceux de l’aventurier en chambre (ou contraint de fuir pour s’aventurer…) que de cet autre, combattant, correspondant de guerre, &c. ? Dura lex, sed legge… Qui se souvient en Italie de La Loi ? Ah oui, le film… Martino Cappai se le remémore vaguement peut-être…
Je lis ailleurs : “suoi romanzi, ora quasi dimenticati” (article non signé sur le site Barbadillo, “Laboratorio di idee nel mare del web”). Cela va plus loin : selon Il Primato Nazionale (“quotidiano sovranista”), Vailland aurait été « un résistant mythomane » (propos d’un certain Giampiero Mughini, repris à son compte par le signataire, Adriano Scianca. D’accord, l’idée de liquider Céline est peut-être venue après coup à Vailland ; mais en faire un Résistant d’auto-appellation, affabulateur invétéré, c’est un peu fort… La NRS (Nuova rivista storica, « revisionista » aussi ?), évoque « l’écrivain Roger Vailland, aujourd’hui inconnu », stipendié par « les services secrets soviétiques ». Mais au moins, la NRS et Allensandro Gnocchi, du Giornale, évoquent Hermann Bicker, colonel SS, qui réfuta très nettement ce que Céline dicta à son avocat, soit qu’il se couchait à sept heures du soir, ne recevait jamais personne rue Girardon, &c. C'est déjà cela. Vailland-Céline, un partout (sur ce point de savoir si, oui ou non, Vailland tenta de l'exécuter). Mais ailleurs, il n'y a pas photo : Vailland l'emporte.

Leïla et La Visirova, deux feuilletons de Roger Vailland


« Femmes » de Vailland : Leïla la vorace, Tania la « favorite »

Roger Vailland compta à son actif trois feuilletons dans Paris-Soir : Leïla, ou les ingénues voraces ; La Visirova, ou des Folies-Bergères jusqu’au trône ; plus tard (1941), Cortès, le conquérant de l’Eldorado… En attendant de transcrire ce dernier, j’ai choisi de réunir les deux premiers…

Les récits de Vailland sur Leïla, jeune Turque et Parisienne, et Tania, jeune « Russe » ont été présentés en tant que reportages, en 1932 et 1933. Reportages, certes, mais‌‌‌ romancés.
Qu’il fallait, pour qui les lit aujourd’hui, contextualiser. Ne serait-ce que parce des toponymes mentionnés ont changé, ou que certains épisodes historiques de l’époque de la Turquie de Mustafa Kemal ou de l’Albanie du roi Zog se sont estompés ou effacés des mémoires contemporaines.
Leïla, jeune Turque ayant vécu à Paris et y revenant pour s’y fixer et vivre le plus intensément possible est, à mon humble avis, un personnage composite : soit inspiré d’une héroïne réelle dont certains traits, faits, gestes ont pu être empruntés à d’autres. Mais Tania, fille d’Helena et d’un certain Fomov-Stronovskiy (ou Stronovskii), fut bien réelle et « entière », comme son caractère, encore plus trempé par l'adversité que celui de Leïla.
Leïla était impossible à retrouver, tracer, mais Tania Visirova (pseudonyme qui fit oublier son patronyme) avait confié ses mémoires, en 1980, à une journaliste, Maria Craipeau... Il était donc tentant de confronter les deux versions, celle de Tania-Roger, celle de Tania-Maria…
Ce que je me suis préservé le plus possible de faire… Ce afin de tenter de démêler le vrai du « faux », ou plutôt du minoré et de l’exagéré, non pas tel véritablement qu’un lecteur de l’époque (totale gageure), mais d’à présent. Soit qui « connaît » Vailland « mieux que lui-même » (puisque, en 1933, peu lui faisait présager ce qu’il allait devenir, un Résistant, un écrivain de premier plan marqué par son adhésion au Parti communiste et à la ligne de ses dirigeants). Et redécouvre des époques troublées qu’une historiographie mouvante fait percevoir différemment.
Par conséquent, l’approche est faussée et les commentaires induisent des pistes erronées, comportent de flagrantes erreurs… Que je ne vais pas rectifier ici. D’une part pour vous inciter à l’entreprendre en lisant le remarquable Tania Visirova, du Caucase aux Folies-Bergères, de Maria Craipeau ; d’autre part parce que la Tania de 1933 se racontant à Vailland et celle de 1980 se confiant plus sereinement à Maria Craipeau sont à la fois une et dissemblables…
De plus, le « Vailland » rédacteur du feuilleton, et le Roger Vailland, l’homme, le journaliste, qui se met en scène dans les pages de Paris-Soir, interagit avec Tania Visirova, ne sont pas identiques. Pour diverses raisons dont la subsidiaire est qu’en cours de rédaction, il fallut transposer l’Albanie en une (peu) énigmatique Thrasubie ; et peut-être la primordiale, soit que Vailland (selon Tania Visirova) se vit sans doute contraint par Jean Prouvost, patron du quotidien, de forcer certains traits et d’en passer d’autres sous silence (dont, par exemple, l’ascendance juive de Tania, des épisodes de sa vie liés à divers israélites).
Sans (trop) dévoiler la teneur des propos de Tania dans ses mémoires, je vais aborder un exemple qui a suscité maints commentaires de spécialistes de Roger Vailland. Quand Tania rencontre Vailland, fit-elle allusion à l’effroi que lui procura la vision de son père transfiguré par la passion que lui inspirait sa maîtresse ou trouva-t-elle ce prétexte pour expliquer ses rapports distants avec les hommes ? Vailland insiste, revient à plusieurs reprises dans le feuilleton sur cet instant « crucial ». Qu’elle n’évoque pas du tout en 1980, en exposant un autre, bien plus primordial, dont elle ne pouvait sans doute, en 1933, et ne voulait assurément pas faire état.
Tania Visirova protesta auprès de Jean Prouvost à propos de divers passages, lequel lui fit valoir un argument similaire à celui que Fréjol, le directeur artistique des Folies-Bergère, lui avança lorsqu’elle refusa, dans un premier temps, de paraître nue sur scène. Les music-halls parisiens avaient oublié La Visirova lorsqu’elle revint d’Albanie après trois années vécues auprès du roi Zog. Elle voulait remonter sur les planches, toute publicité était bonne à prendre…
Voici donc ces deux feuilletons au format PDF (le document comptant près d’une centaine de pages A4, et des illustrations, est d’un poids dépassant 1,5 Mo, et donc nécessite une connexion de bonne qualité).

samedi 15 juin 2019

Brouille littéraire entre Roger Vailland et Robert Brasillach : irréconciliables ?

Anciens de la veille et post-modernes du lendemain : Brasillach et Vailland

Parfois, les pires titres vous viennent d'un coup. Comme celui qui précède. Mais bon... la fatigue. De quoi est-il question ? D'un article de Roger Vailland s'en prenant vertement à Robert Brasillach...

Nous sommes en 1931. La littérature ayant marqué les « Années folles » n'a plus tout à fait l'heur de plaire à l'heure des lendemains de la crise économique de 1929 et de la montée des menaces de guerre. Du passé littéraire récent, Robert Brasillach veut faire table rase. Mais voilà que Vailland, pourtant en froid avec nombre de surréalistes (on l'aurait été à moins) fustige son ex-ami...
C'est presque un procès en « révisionnisme » qu'il lui intente. Vailland aurait-il pressenti les autodafés nazis de 1933, ceux des franquistes d'avril 1939 (et pourquoi pas celui d'Histoire d'O par des étudiantes féministes américaines en 1980, pendant que j'y suis ! ou celle de tomes d'Harry Potter par des prêtres polonais fin mars 2019) ? L'éradication d'une littérature « malsaine », immoraliste ? Sans doute pas. Vailland a rompu avec les disciples de Georges Gurdjieff, avec Daumal et Gilbert-Lecomte (au fait, saviez-vous que Tania Visirova rencontra Gurdjieff ? Ce que je n'indique pas dans le document sur Leïla et La Visirova que vous retrouverez peut-être ?).
La prescience, ce n'est plus sa tasse de thé.
En revanche, et c'est mon hasardeuse hypothèse, il voit en Brasillach un « traître » et emploie à son endroit, sans le moindre égard pour l'amitié qui les liait, les procédés que lui firent subir, à lui, Vailland, Aragon et Breton. J'exagère ? Je suis à bonne école avec cet article de Vailland de 1931.
Bon, allons-y d'une analogie douteuse... Je pourrais prendre au hasard, yeux bandés, un mot au hasard dans chacun de mes volumes d'une de mes éditions imprimées du Grand Robert, et vous les caser ici (ce que je fis autrement, demandant à mes confrères de m'imposer des mots farfelus pour un article politique, et j'y parvins). En dadaïste ou surréaliste à la petite semaine (ou plutôt minute). Brasillach considère que ce genre de divertissement n'est plus d'actualité, qu'il faut faire place à une littérature sérieuse, blindée d'idéaux musclés (en chemises noires ou brunes ? Non, pas déjà). L'encore jeune Vailland, déjà vieux car nostalgique de Gide et des surréalistes, du Grand Jeu, prend le contre-pied. Aussi parce qu'il se souvient que Brasillach, quand il lui apportait des écrits de la sorte à Louis-le-Grand, s'extasiait, se montrait enthousiaste, voire dévot vis-à-vis de lui.
Mais qu'est-ce que la littérature (le bac de français est passé ? dans l'incertitude, je me garde de répondre, ne voulant pas influencer les candidats), s'interrogent l'un et l'autre... Ce qui est pissotant (je ne sais si Maxence Van der Meersch employa ce vocable — que je considère angevin typique — dans Corps et âmes), c'est que Vailland, par la suite, en certains de ses romans militants, prônant l'engagement, les luttes sociales, se rallia quelque peu aux vues de Brasillach (sur le sérieux en littérature, n'extrapolons pas au-delà). Pour l'édification des masses... Transposez. À l'époque des « Grands » (Réchauffement, Remplacement...), il n'y aurait que littérature nombriliste (Breton, Nadja) ou loufoque, déjantée, érotico-fantastique (ou de vieux hommes blancs vous bassinant avec La Virisova et les Folies-Bergère ? Sauf que Tania Visirova, ce n'était pas que cela, ce n'était pas que Lido, Radio, Casinos, mais les pavés de Chisinau, l'Ukraine de la guerre, et des « universités  » à la Philippe Clay). Un peu d'indulgence pour Brasillach, s'il vous plait (ou non)... 
Mais j'exagère et le confesse. Que voulez-vous, formaté par un journalisme des années 1980, bien loin de celui des années 1930, je reste émasculé, incapable d'écrire à la manière d'un sicaire Vailland lardant d'ironie un Brasillach. Je ménage chèvre-chou Vailland et chou-chèvre Brasillanch. C'est beaucoup moins rigolo que ce « Une enquête "objective", la "fin de l'après-guerre" » de Vailland dans Paris-Soir du 16 septembre 1931. 

vendredi 14 juin 2019

Vous souvenez-vous de Tania Visirova ?

La Visirova : feuilleton de Roger Vailland et surtout, surtout...

Tania Visirova fut surtout, bien au-delà d'avoir été une vedette des Folies-Bergère, ou pendant trois ans la prisonnière (devenue consentante) du roi Zog d'Albanie, un personnage extraordinairement attachant. Ses mémoires, confiées à Maria Craipeau, sont une lecture passionnante...
J'ai délaissé longtemps ce blogue-notes, car pris par la tâche de transcrire les deux « romans-reportages » de Roger Vailland depuis les pages de leur parution en feuilletons dans Paris-Soir... J'y reviendrai... Mais vraiment, si Leïla (dont je ne suis pas sûr qu'il s'agit d'un unique personnage ou d'une figure composite de jeunes turques et d'autres émigrées ayant vécu, et connu Vailland, à Paris ou Istanbul) vaut d'être connue, c'est encore plus vrai pour « La Visirova ».
Le livre de Maria Craipeau, Tania Visirova, du Caucase au Folies-Bergère, couvre la vie de Tatiana, dite Visirova, bien au-delà de 1933 (date de parution du feuilleton de Vailland). Et c'est captivant de bout en bout. C'est pourquoi je me suis aussi attaché à retrouver des photos de Tania dans les archives de la presse en ligne.
Avant de revenir sur Leïla et Tania Visirova — les deux fichiers PDF, des photos ou des textes, sont assez lourds, mais il était difficile de faire mieux — j'espère attirer votre attention sur ce livre, paru aux éditions Mazarine en 1980... Il doit s'en trouver encore des exemplaires d'occasion, mais il est aussi disponible au format e-book (malheureusement pas en PDF natif, ou j'ai mal cherché). Il donne une version, mettons, plus mesurée et laconique, de ce que narre Vailland (qui n'eut pas de mal à faire que la fiction dépasse — modérément cependant — la réalité), mais, justement, le réel est tout aussi exceptionnel. Formidables mémoires...
J"espère avoir, très modestement, petitement, enrichi sa biographie. Ne serait-ce, notamment, en obtenant, grâce à l'amabilité de la personne de la mairie de Roquestéron qui me l'a indiqué en prenant sur son temps libre, le patronyme d'Helena et Tatiana « Visirova » (Helena, mère de Tania, fut aussi appelée ainsi).
D'autres photos se trouvent sur le site de l'Agence Roger-Viollet (allez voir... ; mots-clefs : Visirova et Folies-Bergère).

jeudi 13 juin 2019

Référendum d'initiative partagée : l'arnaque...

Se prononcer contre la privatisation des Aéroports de Paris ? Impossible !

Je veux croire qu'il s'agit d'un bogue, et qu'il sera corrigé, mais je doute... Impossible de se prononcer en ligne pour le référendum d'initiative partagée sur la privatisations des Aéroports de Paris. Un hasard ?

Tout faire en ligne... Oui mais... Exemple : vous voulez, en ligne, remplir le formulaire pour devenir auto-entrepreneur... Vous n'avez pas de conjoint·e. Qu'à cela ne tienne, il faut absolument cocher la case comme quoi la conjointe, le conjoint inexistant·e est couvert·e par une assurance sociale...
Là, je tente de me joindre à toutes celles et ceux voulant qu'un référendum tranche le projet de privatisation des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly (que ne nationalise-t-on l'exécrable aérogare de Tilly, ou « Paris-Mauvais » !). Eh bien, il vous faut renseigner votre numéro de carte d'identité ou de passeport... Et indiquer la date de délivrance... Vous pouvez essayer tant que vous pourrez, jamais la date ne sera considérée valide... Vous pouvez vous y reprendre une, deux, trois... dix fois. Tenter avec le numéro de carte d"identité, de passeport... Rien à faire... C'est comme sur le site de Carrefour : il vous faut rentrer un numéro où les 0 et les O sont énigmatiques. Vous pouvez tenter tout ce que vous voulez, varier, &c., vous ne pourrez pas valider (mais, là, c'est moins crucial... et gagner un bon d'achat sur tel ou tel site, c'est encore vous inciter à dépenser).
La droite au pouvoir voici quelques années nous a berné en vendant les autoroutes au privé. La droite actuelle refait la même opération avec divers aéroports : privatiser les bénéfices, puis nationaliser les pertes... Antienne connue... Permettre au concessionnaire de relever les accises que les compagnies aériennes répercuteront sur les voyageurs... Et si jamais ils se reportent sur les trajets ferroviaires, pour ceux qui le pourront, il sera concocté un nouveau subterfuge...
Tout a été conçu pour que la Concurrence et les prix, l'inspection du travail, soient paralysées, et à présent, faire que la fonction hospitalière publique soit moribonde (et que les mandarins puissent exercer dans les cliniques privées). La représentation nationale (toutes nos députées, députés, ne sont pas tous et toutes complices) s'insurge ? La dictature c'est « ferme-la »... La démocratie c'est « cause toujours... ».
Bien sûr, c'est anecdotique, cette impossibilité de valider une option permettant de se prononcer pour un référendum bloquant la privatisation des Aéroports de Paris. Bien sûr, je ne veux pas sombrer dans la paranoïa et le complotisme. Évidemment, je ne pose pas en victime de je ne sais quelle machination ourdie par des « puissances » occultes.
Mais j'en viens à mieux appréhender le sentiment de qui se croit méprisé, tenu pour quantité négligeable, jouet de « qui décide ». Qui se persuade que tricheuses et tricheurs emploient tout moyen pour parvenir à leurs fins.
Mais reprenons posément... Référendum d'initiative partagé(e)... Ce n'est pas la votations helvète, mais déjà un mieux. Il y en aura d'autres... Espérons que garde-champêtre et crieur public inciteront à se prononcer, en roulant du tambour dans les communes. En mairie (autrefois, en bureau de poste, par exemple, mais ils sont de moins en moins nombreux). Si vous ne parvenez pas, en ligne, à soutenir ce premier référendum, allez en mairie... Prononcez-vous... Car si ce premier référendum ne se concrétise pas, vous aurez choisi, sciemment, de faire en sorte qu'il ne vous sera plus donné d'autre choix que de vous taire... et de voter pour des tricheuses et tricheurs majoritaires.



mardi 28 mai 2019

Un élu du Brexit Party à Strasbourg vit en France

L'icône des anti-Européens, c'est lui : Brian Monteih !

Élu du Brexit Party, il vit à Trévien (Tarn)

Mais qu'attendons-nous pour expulser, par la force s'il le faut, Brian Monteith, qui va se gaver plusieurs mois à Bruxelles et Strasbourg, car il vient d'être élu député européen de la formation du Brexit Party de Nigel Farage.
Je ne sais si vous avez suivi les résultats des élections européennes, et vu les tronches des caciques entourant les chef·fe·s de file de divers partis ayant brigué vos suffrages pour siéger au Parlement européen, bientôt grassement rétribués (sans compter les divers avantages). Des Brian Monteih, vous en avez reconnu des dizaines... En particulier à proximité des ténors des partis anti-Européens, dont les député·e·s prennent la monnaie, sous-payent leurs attaché·e·s parlementaires et alimentent des cagnottes (personnelles ou collectives). Émargent au minimum, siègent à peine, ni en commission, ni en séances plénières.
Je ne suis pas trop enclin à faire des procès en « délit de sale gueule », mais celle de Brian Monteih me révulse. Je n'y peux rien, c'est viscéral.
Brian Monteith a fait carrière avec les Tories, le parti conservateur. Sentant le vent tourner, il a obtenu l'investiture du Brexit Party, et obtenu un siège au Parlement européen...
Mais il vit à Trevien, dans le Tarn, et était peut-être défrayé pour siéger à Londres. Là, pour se rendre à Bruxelles ou Strasbourg, il se domiciliera peut-être en Écosse, histoire que cela soit plus juteux. Tout en restant la plupart de son temps à Trevien.
Ces individus n'ont qu'un objectif : se gaver, se goinfrer. Et comme des gogos croient que ces gens ont des convictions, sont « des leurs » (alors que leur somptueux train de vie doit tout à leurs électrices et électeurs qui ont du mal à boucler leurs fins de mois), ils leur font confiance. Comme des Sarthois ayant voté Fillon et consorts.
La carrière du sieur Monteith est éloquente. Ce fut un "spin doctor" (chargé de relations publiques), qui fit faillite lorsqu'il monta sa boîte de com' (laissant fournisseurs et sous-traitants sur le carreau). Sa page Wikipedia anglophone est édifiante... Seul credo : money, money, money...
Mais pour ces gens, et ils sont plus nombreux que présumé, pas de reconduite à la frontière. D'ailleurs, Marine Le Pen hurlerait sans doute au scandale, au procès politique.
Comme elle l'aurait peut-être fait si un Balkany avait retourné sa veste en temps utile, rejoignant le Rassemblement national ? Padamalgam' dit-on...  Et admettons. 
Admettons qu'un Thierry Mariani, qui vota en 2008 la ratification du traité de Lisbonne ait changé d'avis, et qu'après avoir soutenu Fillon, servi de brosse à reluire à Poutine en Crimée, courtisé Bachar el-Assad, le dirigeant de l'Azerbaïdjan, &c., il soit à présent animé de profondes convictions.
On verra si un Boris Johnson, s'il devient le Premier ministre britannique, emploiera Brian Monteih.
Je plains les électrices et électeurs de ce Brian Monteih s'étant laissé prendre à ses professions de « foi » et découvrant sa duplicité. Ce n'était pas pourtant trop difficile de se renseigner... À condition de ne pas se fier qu'aux seules « informations » des réseaux sociaux favorables à ce personnage. En négligeant toutes les autres, forcément fallacieuses, suspectes... 
Ah, au fait, à Trévien, le Rassemblement national a fait jeu égal avec La République en marche (19 votes chacun, soit 19,19 % des suffrages). La liste écologiste Jadot (16 voix) suit de près. Mais se souviendra-t-on de Brian Monteih lors des municipales ? 




samedi 4 mai 2019

Roger Vailland, chroniqueur mondain, chez Tony Grégory


Quand Vailland estime déjà désuète « l’avant-garde » de 1931

C’est sous le pseudonyme de Georges Omer que Vailland signe ce billet paru dans Paris-Soir le 25 janvier 1931. Dont le sous-titre retient surtout l’attention : « une atmosphère tout à fait avant-garde… 1920 ! ».
Avant de vous évoquer le « danseur russe » Tony Grégory, quelques mots… Je me fais rare en ligne (soit ici ou ailleurs) : voyages… et puis, je me suis attelé à transcrire les deux « reportages-romans » ou, comme les qualifie Myriam Boucharenc, « reportages romancés » de Vailland (dans L’Écrivain-reporter au cœur des années trente, Septentrion éd.). Soit La Visirova ou des Folies-Bergère jusqu’au trône et Leïla ou les ingénues voraces. Non pas à partir des compositions des ouvrages les ayant auparavant reproduits (Roger Vailland – Chronique des Années folles à la Libération, éds Messidor, ou une édition Temps actuels de 1986, ou dans Écrits intimes, voire… &c.). Mais en les consultants « dans leur jus », soit tels que publiés dans Paris-Soir. Ce qui m’évite de me laisser « embarquer » par les commentaires de mes prédécesseurs (que je consulterai par après… et dont je tiendrai compte).
C’est une tâche de longue haleine, de saisie, de recherches portant sur des patronymes, toponymes, dates, &c. Les paumes m’en tombent parfois du repose-mains du clavier. Et l’envie prend de délaisser le chantier, d’intercaler avec… par exemple cet interlude sur Tony Grégory…
Grégory, que L’Aventure de la danse moderne en France, de Jacqueline Robinson (Bougé éd., 1990), présente d’origines corses, et âgé de quarante ans lors de son décès en 1947. Il n’aurait donc que 24 ou 25 ans quand Vailland assiste à une soirée dans son atelier. Lequel n’est pas déjà un lieu d’enseignement (Jacqueline Robinson indique que Tony Grégory donnera des cours à partir de 1936, à des amatrices et amateurs de toutes conditions sociales). Comme Molière, Tony Grégory mourut en scène, à Neuilly, lors d’un gala…
Corse… En tout cas Français puisqu’il fut, avec Janine Solane et Pierre Conté, l’un des trois concurrents français du concours des Archives internationales de la danse de 1932 (l’Allemand Kurt Jooss l’emporte, mais Tony Grégory se fait remarquer et est ainsi lancé à l’échelle européenne). En 1934, il se produit beaucoup à Paris (si cela vous intéresse, l’article d’Anita Estève, paru dans Le Midi socialiste du 12 juillet 1934, vous en dira davantage…).
Tony Grégory eut sans doute des homonymes (non pas le chanteur jamaïcain, plus contemporain, ou le boxeur), dont l’auteur de nouvelles du magazine pour la jeunesse de Jean Bruller (du temps de Patapouf, Pif et Paf, Plick et Plock…). Là encore, je vous laisse retrouver…
Comme vous le savez, grâce à Annette Gardet (docteure ès études théâtrales pour sa thèse sur La Comédie de Reims), je me suis intéressé à la décentralisation théâtrale. Donc au(x) théâtre(s) populaire(s). Fort peu à la danse. Or, le « populaire » avait son pendant chorégraphique. Ainsi, Tony Grégory participe au spectacle tiré du 14 juillet de Romain Rolland par Aragon. C’est en 1936 (donc hors-sujet par rapport à l’article de Vailland, mais ce qui est épatant, c’est de voir où Merpin, Omer, François et Vailland vous entraîne…). Romain Rolland consigne : « on me dit que le plus beau est l’organisation de ces danses et mouvements populaires par Grégory. ». Pendant aussi, ultérieur, des spectacles populaires de Chancerel et Ghéon ? Si intrigués, reportez-vous à la conférence de Chantal Meyer-Plantureux, « Les metteurs en scène de Romain Rolland : un itinéraire politique » (consultable sur le site association-romainrolland.org). Grégory fut-il aussi du Danton aux Arènes de Lutèce ? Je ne m’étends pas… Pascale Goetschel note aussi « Le chorégraphe de l’Utif [note : Union des théâtres indépendants de France, ou « théâtre de la Liberté », qui avait intégré les membres de la FTOF, Fédération du théâtre ouvrier], Tony Grégory, est, lui, chargé de la fête populaire à la fin de la pièce et précisément de la “ronde de la paix et de la fraternité” ». 150 « acteurs ouvriers » participent.
Quel rapport avec Vailland ? Peut-être aucun. Sauf que… En 1936, Vailland se rapproche des protagonistes de la sphère culturelle du Front Populaire. Rencontre-t-il Tony Grégory ? Ce dernier s’adresse-t-il à lui en russe ? Risque-t-il un calembour (« Grégory, dit le Vert zélé ») ? Car le titre de l’article le qualifie de « danseur russe » aux « vers ailés ». Toujours est-il que dans l’année suivant la parution de l’article, Les Archives internationales de la danse, rendant compte du concours, ne considèrent pas Grégory si has-been que Vailland le laisse supposer : « Dans l’évolution actuelle de la danse (…), M. Tony Grégory fait figure de précurseur. Pour employer un terme dont on a abusé, il est “d’avant-garde” (…) Dégagé ainsi des conventions paralysantes, il a imaginé un mode d’expression d’une objectivité directe. ». Et plus loin : « Le danseur Tony Grégory s’est toujours éloigné des formules acquises ». Grégory, en avril 1936, présenta aussi un ballet Palais de la Mutualité interprété par le « groupe populaire Regards de Bobigny ». Aragon revendiquera la conception d’ensemble (ou l’idée originale, comme on voudra) de ce « spectacle-ballet » dans la revue Commune (nº 34).
On sait Vailland/Omer à l’occasion critique cinématographique. Peu après sa visite en son atelier, Tony Grégory avait participé au gala de la revue L’Image, le 18 mars, « Le cinéma et la chanson ». Il est aussi qualifié à cette occasion de créateur d’avant-garde.
Petite digression au passage (forcément…) : Vailland, dans cet article, nous épargne une allusion au nez de Grégory (du fait du sien, Vailland fut assez coutumier de telles remarques), tout à fait remarquable (photo ci-contre).
Il semble que Tony Grégory avait plusieurs cordes à son arc. Le Ménestrel le qualifie ainsi : « M. Tony Grégory est d’abord un peintre, il est ensuite un danseur (…) il dessine lui-même ses costumes, règle lui-même ses éclairages… ».  (26 juin 1931). Il crée aussi des masques, ou on – Picasso  – en crée pour lui. C’est aussi un mime réputé, un interprète et compositeur musical.
Robert Desnos, pour Gags, spectacle inspiré de « gags cinématographiques », dont ceux des Frères Marx, reprend une musique de Darius Milhaud, et choisit Grégory pour chorégraphe, en août 1937, dans le cadre du Théâtre 1937 (doté d’une scène circulaire) avec Les Ballets de Paris..
Reste « l’essentiel » (hum…) : pourquoi, comme le fait titrer Vailland/Omer, « danseur russe » ? Pour le savoir (ou pas), reportez-vous à la transcription de l’article (en PDF) et à mes laborieux commentaires. Mais quelque chose cloche là-dedans, et je retourne immédiatement (ou presque) aux Leïla et Tania me restant sur la planche…
Ah, et puis à quoi bon relever qu'au lieu de s'intéresser au sujet principal, Vailland, comme à son habitude, s'étend sur une belle Allemande ? Enfin, s'étend. Ou laisse entendre qu'il voudrait s'étendre sur, par la suite... Dès qu'une sémillante étrangère se trouve dans l'assistance (ainsi de l'Égyptienne d'un certain dîner pascal qui doit pouvoir être retrouver sur ce blogue-notes), Vailland frétille, détaille, oublie même ce pourquoi Lazareff ou un confrère lui suggère de fournir un papier sur Untel ou tout autre. À moins qu'il ne choisisse ses sujets qu'en fonction des jolies femmes qu'il pourrait rencontrer (et tenter de séduire). J'en viens à me demander s'il ne délaissa pas – en partie, bien sûr – ce « type » de journalisme pour la carrière de romancier parce que, bien davantage que Tony Grégory, il devint has-been... Il qu'il valait mieux, pour retrouver des Leïla et des Tania, changer de registre.

lundi 29 avril 2019

Gérard Guégan marqué par Roger Vailland

 Gérard Guégan, grand lecteur de Roger Vailland (rappelle la presse)

Petit billet sans prétention: je reviens de voyage(s), il ne s'agit que d'une mise en jambe (sing. pourquoi donc ? on avance à cloche-pied ?) avant de me remettre à mes farfouilles sur Roger Vailland. Or donc, Gérard Guégan, quand les journalistes et critiques se documentent, est fréquemment associé à Roger Vailland...
C'est peut-être parce que Gérard Guégan « fut » journaliste (passés quelques années de pratique, on le reste à vie) qu'il s'intéressa de près à Vailand : on se cherche des prédécesseurs à émuler. J'écris ici « au fil de l'eau » (de l'encre d'Internet), piochant dans ce qu'il fut écrit de Guégan et Vailland... Philippe Lacoche (décidément, il coince, insère, du Vailland dès qu'il en pressent l'occasion), écrivait dans Le Courrier Picard « il avait imaginé une manière de procès improvisé à l'attachant Drieu La Rochelle, par des résistants, dont, of course, Roger Vailland. ». Là, Lacoche chronique Nikolaï, le bolchevik amoureux (« tout aussi épatant » — éd. Vagabonde). Chronique datée du 17 mars dernier (« Chapka Basse, Gérard Guégand ! ». Et je me demande si Étienne de Montety (dans Le Figaro, 24 avril), n'y a pas été piocher sa chronique du même livre (« son roman (...) qui doit plus à Roger Vailland qu'à un discours de Maurice Thorez »), chez Lacoche donc. Si c'était le cas, il aurait fort bien fait. Si ce n'était, les esprits bien faits se rencontrent.
Digression : je finis de lire en ces instants Un certain M. Pieckielny (Folio), de François-Henri Désérable. Lecture d'aéroports et de vols, piochée au hasard dans les rayons avant d'embarquer (un Écho des Savanes pour tromper l'attente, puis un bouquin une fois la ceinture bouclée... et ensuite). C'est sur Romain Gary... Et à un moment, évocation furtive du « regard froid » de Vailland. Parfois, les vaillandophiles (pas forcément vaillandolâtres) s'interrogent : leur dada s'évanouit-il dans les limbes de la littérature estompée par l'Éducation nationale et la gendelettre réunies ? Que nenni...
Retour à Guégan. Adrien Le Bihan, qui, lui, comme Lacoche, a lu Tout a une fin, Drieu (Gallimard), a su déceler que les noms « sont empruntés au Roger Vailland de Drôle de Jeu (...) et d'Héloïse et Abélard». Lamballe, en particulier. Et Marat.
Je n'ai pas lu Guéguan (ou alors, j'ai oublié, comme j'ai oublié tant d'autres livres et auteur·e·s), mais cela viendra (ou reviendra). En commençant peut-être par Appelle-moi Stendhal (Stock), car certain de n'avoir pas lu celui-ci, où Vailland serait évoqué (divers commentaires m'en assurent). 
Est-ce parce que Gérard Guégan se vit confier par Gallimard, en 1975, le soin de relancer les éditions du Sagittaire qu'il s'est intéressé au fonds de la maison disparue et à Vailland ? Lui seul pourrait répondre. Peut-être le fit-il déjà dans Ascendant Sagittaire (Parenthèses éd.) ? Ou cela date-t-il de son embauche à L'Humanité, fin 1963 ? De son intérêt pour Vailland scénariste lors de son passage aux Cahiers du cinéma ?  D'une réflexion sur les revirements (Fontenoy ne reviendra plus, Stock, livre sur Jean Fontenoy, écrivain marqué à gauche, opiomane, passant au fascisme), et les désillusions (Vailland et le stalinisme) ? Ou lorsqu'il s'intéressa à Aragon (Qui dira la souffrance d'Aragon, Stock), qui fit tant pour marginaliser Vailland (avec Breton, puis le PCF) ? 
Nikolaï, c'est Boukharine, qui, comme Vailland sans doute, aimait l'idée de révolution, sans être totalement certain (en dépit des gages qu'il donna au PCF) d'y trouver place « lorsqu'elle aura triomphé ».
Seconde digression : et association farfelue d'idées, avec un homonyme (Guégan, Gérard ; lui aussi journaliste honoraire, et non CRS retraité militant du Front national, autre homonymie), ayant collaboré à un album de BD sur Maurice Tillieux, créateur de Gil Jourdan, le détective privé (éd. Dupuis). J'y songe car, sauf omission involontaire, Vailland ne se rencontre pas en personnage, même secondaire, de bande dessinée. Étrange. Le Boukharine de Gérard Guégan ne devrait guère, à mon sens, tarder à passer en planches. En compagnie d'Ilya Ehrenbourg (dont la fille, Irina, traduira le 325 000 francs de Vailland).
Mais retour sur Gérard Guégan... Vailland estimait (formule facile, un peu moins quand même que celle de Séguala sur les Rolex...) que votre visage, passé un certain âge, reflète ce que fut votre existence. Retiré dans le Gers, comme Vailland dans l'Ain, Guégan semble donner raison à Vailland. Un visage plus marqué par le doute que celui de Vailland, à mon sens (qu'on se rassure, je ne suis pas adepte des théories de Cesare Lombroso, et plutôt du côté d'Alexandre Lacassagne sur la morphologie). Sur la couverture de Les Cannibales n'ont pas de cimetières (Grasset), le regard n'est pas si froid... Refroidi, sans doute. Oh, et puis, las, je n'en tire aucune conclusion : ce n'est là qu'une pirouette avant de  passer à (tout, peut-être) autre chose...