jeudi 10 mars 2022

Ukraine : chairs à canon contre boucliers humains

L’armée russe restera-t-elle en Ukraine pour longtemps ?

L’actualité suffit à être angoissante, mais les suites envisageables, pour l’Ukraine, la Russie et l’Europe sont tout autant anxiogènes. Prévisions, mode imprécateur, que j’espère infondées.


La propagande poutiniste a atteint un point de non-retour. Comme en Syrie, l’Ukraine est accusée de vouloir employer des armes chimiques et biologiques (par conséquent, si l’armée russe en utilise, ce seront en fait les Ukrainiens qui en deviendront désignés responsables, tout comme l’opposition à Assad fut accusée d’y avoir recouru). C’est là l’un des aspects du rôle de la propagande. Notez que des soldats russes risquent aussi d’être victimes de ces emplois.

L’armée russe a finalement admis avoir envoyé des conscrits en Ukraine. Auxquels il est soutenu que leurs victimes civiles sont en fait des boucliers humains utilisés par les combattants ukrainiens. Poutine peut s’inquiéter du retour de ces conscrits et de soldats peu crédules en Russie. Certes, ce souci est mineur : ses sbires fidèles sauront les faire taire, et la plupart se tairont.

Mais des démentis à bas bruit, un bouche-à-oreille s’amplifiant, contrecarrant la propagande officielle peut inquiéter l’autoritaire Poutine. Autant différer le risque en laissant les troupes stationner assez longtemps sur place.

Il y a deux manières de faire cesser ce type de rumeur. La répression, qui sera sans doute efficace. L’autre consiste à faire en sorte que les criminels de guerre le deviennent contraints et forcés, et fort peu enclins à s’exprimer. Pour cela il faut déshumaniser l’adversaire, civils inclus, pousser aux viols, aux exactions. Souffrant de syndromes post-traumatiques ou non, les SS du régiment Der Fürher s’étant illustrés à Oradour ne se sont sans doute pas trop vantés de s’être livrés à un massacre de civils, si ce n'est à de très proches partageant l’idéologie nazie.

En France, le temps n’est plus ou un Laurent Wauquiez qualifiait Macron d’être un dictateur (Wauquiez s’était retracté). Il est vrai qu’en comparaison, depuis, avec Poutine, Macron fait figure de « dictateur » (guilles de distanciation s’imposant) au petit pied, et même de tout petit garçon en ce domaine. Et Jadot se garde bien de redire que Macron fait preuve de complaisance envers Poutine. Mais ce qui m’inquiète, c’est que la propagande poutiniste conservera sans doute des adeptes en France, et cela, durablement. Un Thierry Meyssan poursuit sa reprise des arguments d’intox sur le site du Réseau Voltaire. Pour lui, « l’ambition de la Russie et compréhensible, voire souhaitable. ». S’il se garde d’exprimer que cette ambitieuse fin justifie tous les moyens, c’est de justesse.

Il ne peut être exclu que Poutine décide unilatéralement d’un cessez-le-feu à peu près généralisé. Quitte à reprendre des contre-offensives temporaires, sporadiques, en arguant d’attaques localisées visant ses troupes. Mais retirer massivement des unités qui auraient été engagées dans des combats ou ayant pris possession de localités préalablement bombardées semble exclu à court ou moyen terme. Les combattants russes de retour dans leurs familles risqueraient d’écorner la thèse d’une opération de dénazification ou de destruction de sites ou laboratoires d’armes biologiques américains (Lavrov en avait évoqué deux, à Kyiv et Odessa et le compte twitter anglophone de Sputnik – Spunikint –s’était empressé d’amplifier).

L’opinion russe est majoritairement muselée, et les opposants ont commencé à fuir (ou tenter de…), en particulier vers la Finlande. Des parents mieux informés ou perspicaces dont les adolescents pourraient être appelés sous les drapeaux font de même. L’outrance de sa « propre » propagande finira peut-être par influer davantage que les sanctions occidentales. Mais il n’est pas sûr que Poutine fût en capacité de l’envisager.


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