L’armée russe restera-t-elle en Ukraine pour longtemps ?
L’actualité suffit à être angoissante,
mais les suites envisageables, pour l’Ukraine, la Russie et l’Europe sont tout
autant anxiogènes. Prévisions, mode imprécateur, que j’espère infondées.
La propagande poutiniste a atteint un point de non-retour. Comme en Syrie, l’Ukraine est accusée de vouloir employer des armes chimiques et biologiques (par conséquent, si l’armée russe en utilise, ce seront en fait les Ukrainiens qui en deviendront désignés responsables, tout comme l’opposition à Assad fut accusée d’y avoir recouru). C’est là l’un des aspects du rôle de la propagande. Notez que des soldats russes risquent aussi d’être victimes de ces emplois.
L’armée russe a finalement admis
avoir envoyé des conscrits en Ukraine. Auxquels il est soutenu que leurs
victimes civiles sont en fait des boucliers humains utilisés par les
combattants ukrainiens. Poutine peut s’inquiéter du retour de ces conscrits et
de soldats peu crédules en Russie. Certes, ce souci est mineur : ses
sbires fidèles sauront les faire taire, et la plupart se tairont.
Mais des démentis à bas bruit, un
bouche-à-oreille s’amplifiant, contrecarrant la propagande officielle peut
inquiéter l’autoritaire Poutine. Autant différer le risque en laissant les
troupes stationner assez longtemps sur place.
Il y a deux manières de faire cesser
ce type de rumeur. La répression, qui sera sans doute efficace. L’autre
consiste à faire en sorte que les criminels de guerre le deviennent contraints
et forcés, et fort peu enclins à s’exprimer. Pour cela il faut déshumaniser l’adversaire,
civils inclus, pousser aux viols, aux exactions. Souffrant de syndromes post-traumatiques
ou non, les SS du régiment Der Fürher s’étant illustrés à Oradour ne se sont sans
doute pas trop vantés de s’être livrés à un massacre de civils, si ce n'est à
de très proches partageant l’idéologie nazie.
En France, le temps n’est plus ou
un Laurent Wauquiez qualifiait Macron d’être un dictateur (Wauquiez s’était
retracté). Il est vrai qu’en comparaison, depuis, avec Poutine, Macron fait
figure de « dictateur » (guilles de distanciation s’imposant) au petit
pied, et même de tout petit garçon en ce domaine. Et Jadot se garde bien de redire
que Macron fait preuve de complaisance envers Poutine. Mais ce qui m’inquiète,
c’est que la propagande poutiniste conservera sans doute des adeptes en France,
et cela, durablement. Un Thierry Meyssan poursuit sa reprise des arguments d’intox
sur le site du Réseau Voltaire. Pour lui, « l’ambition de la Russie et
compréhensible, voire souhaitable. ». S’il se garde d’exprimer que
cette ambitieuse fin justifie tous les moyens, c’est de justesse.
Il ne peut être exclu que Poutine
décide unilatéralement d’un cessez-le-feu à peu près généralisé. Quitte à
reprendre des contre-offensives temporaires, sporadiques, en arguant d’attaques localisées
visant ses troupes. Mais retirer massivement des unités qui auraient été
engagées dans des combats ou ayant pris possession de localités préalablement
bombardées semble exclu à court ou moyen terme. Les combattants russes de
retour dans leurs familles risqueraient d’écorner la thèse d’une opération de
dénazification ou de destruction de sites ou laboratoires d’armes biologiques
américains (Lavrov en avait évoqué deux, à Kyiv et Odessa et le compte twitter
anglophone de Sputnik – Spunikint –s’était empressé d’amplifier).
L’opinion russe est
majoritairement muselée, et les opposants ont commencé à fuir (ou tenter de…),
en particulier vers la Finlande. Des parents mieux informés ou perspicaces dont
les adolescents pourraient être appelés sous les drapeaux font de même. L’outrance
de sa « propre » propagande finira peut-être par influer davantage
que les sanctions occidentales. Mais il n’est pas sûr que Poutine fût en capacité
de l’envisager.
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