jeudi 4 avril 2019

Roger Vailland à Saint-Omer au procès du pinceur de homards

Roger Vailland/Robert François : la guerre du homard (Saint-Omer)


Pince-mi et Pince-moi n'étaient pas dans le même bateau. Pince-mi (Charles-François Trabuchet) pinça les homards de Pince-moi (son concurrent, Savary). Mais les homards Savary étaient munis de pinces à pinces identifiables. Et il fut prouvé que Trabuchet en revendit... Que croyez-vous qu'il advint ? Trabuchet fut acquitté par les jurés, Savary, partie civile, débouté, pour n'avoir pas « spécifié le montant des dommages-intérêts demandés ».
Procès « truqué » que celui opposant, devant les jurés de Saint-Omer, deux négociants en homards et langoustes ? Eh, c'est le lot des procès d'assises : en dépit de preuves matérielles, d'aveux de complices, Trabuchet, qui avait organisé une expédition pour vider les viviers de son concurrent, l'autre « roi du homard », fut acquitté... Et la chambre civile débouta sa victime...

Cela Roger Vailland, signant Robert François dans Paris-Soir, ne le dit pas... Il quitta la salle d'audience avant la plaidoirie de l'avocat de la défense, pourtant un ancien ministre de l'Agriculture par ailleurs... Son article, « Le roi de la langouste vidait les casiers de son seul concurrent » nous laisse donc sur notre faim... Mais votre serviteur, votre Rouletabille ovalisé, votre Pierre Bellemare au petit pied, a retrouvé l'épilogue dans les archives (de la presse régionale de juillet 1939). 
Petit rappel tout d'abord. Un vol est généralement passible de la correctionnelle. Sauf si commis de nuit, en bande (« en réunion »), « avec effraction ou escalade  », ou encore « par ruse », car alors (depuis 2000 et quelques, je ne sais plus ce qu'il en est), ce vol aggravé était passible des assises, des foudres de l'avocat général.
Mon petit doigt me dit que magistrats, jurés, accusé et victime étaient plus ou moins de mèche (Trabuchet avait dû dédommager son concurrent en loucedé). Et puis, le sort des complices, cinq matelots de Trabuchet père et fils, pour certains chargés de famille, a sans doute dû émouvoir...
Quant aux magistrats, infliger un désaveu à un avocat gardant « le bras long » dans les couloirs du pouvoir, donc susceptible d'appuyer une demande de décoration ou un avancement, a peut-être été soupesé... Telle était aussi, parfois, localement, la justice de l'époque (zut, y a-t-il prescription pour outrages à magistrats depuis longtemps défunts ? Tant pis, je prends le risque ; attention, je n'ai jamais écrit « tous pourris », hein !).
Toujours est-il que le compte rendu d'audience de Vailland/François laisse peu de place au doute... Il prend nettement parti pour l'accusation. Pour une fois, il ne fait pas trop dans la couleur locale (parle d'un canot, et non d'un flobart ou flobard, bateau utilisé du côté d'Ambleteuse et Audreselles, sur la Côte d'Opale). Il brode à l'occasion, et c'est plus savoureux ainsi... 

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