jeudi 10 mars 2022

Ukraine : chairs à canon contre boucliers humains

L’armée russe restera-t-elle en Ukraine pour longtemps ?

L’actualité suffit à être angoissante, mais les suites envisageables, pour l’Ukraine, la Russie et l’Europe sont tout autant anxiogènes. Prévisions, mode imprécateur, que j’espère infondées.


La propagande poutiniste a atteint un point de non-retour. Comme en Syrie, l’Ukraine est accusée de vouloir employer des armes chimiques et biologiques (par conséquent, si l’armée russe en utilise, ce seront en fait les Ukrainiens qui en deviendront désignés responsables, tout comme l’opposition à Assad fut accusée d’y avoir recouru). C’est là l’un des aspects du rôle de la propagande. Notez que des soldats russes risquent aussi d’être victimes de ces emplois.

L’armée russe a finalement admis avoir envoyé des conscrits en Ukraine. Auxquels il est soutenu que leurs victimes civiles sont en fait des boucliers humains utilisés par les combattants ukrainiens. Poutine peut s’inquiéter du retour de ces conscrits et de soldats peu crédules en Russie. Certes, ce souci est mineur : ses sbires fidèles sauront les faire taire, et la plupart se tairont.

Mais des démentis à bas bruit, un bouche-à-oreille s’amplifiant, contrecarrant la propagande officielle peut inquiéter l’autoritaire Poutine. Autant différer le risque en laissant les troupes stationner assez longtemps sur place.

Il y a deux manières de faire cesser ce type de rumeur. La répression, qui sera sans doute efficace. L’autre consiste à faire en sorte que les criminels de guerre le deviennent contraints et forcés, et fort peu enclins à s’exprimer. Pour cela il faut déshumaniser l’adversaire, civils inclus, pousser aux viols, aux exactions. Souffrant de syndromes post-traumatiques ou non, les SS du régiment Der Fürher s’étant illustrés à Oradour ne se sont sans doute pas trop vantés de s’être livrés à un massacre de civils, si ce n'est à de très proches partageant l’idéologie nazie.

En France, le temps n’est plus ou un Laurent Wauquiez qualifiait Macron d’être un dictateur (Wauquiez s’était retracté). Il est vrai qu’en comparaison, depuis, avec Poutine, Macron fait figure de « dictateur » (guilles de distanciation s’imposant) au petit pied, et même de tout petit garçon en ce domaine. Et Jadot se garde bien de redire que Macron fait preuve de complaisance envers Poutine. Mais ce qui m’inquiète, c’est que la propagande poutiniste conservera sans doute des adeptes en France, et cela, durablement. Un Thierry Meyssan poursuit sa reprise des arguments d’intox sur le site du Réseau Voltaire. Pour lui, « l’ambition de la Russie et compréhensible, voire souhaitable. ». S’il se garde d’exprimer que cette ambitieuse fin justifie tous les moyens, c’est de justesse.

Il ne peut être exclu que Poutine décide unilatéralement d’un cessez-le-feu à peu près généralisé. Quitte à reprendre des contre-offensives temporaires, sporadiques, en arguant d’attaques localisées visant ses troupes. Mais retirer massivement des unités qui auraient été engagées dans des combats ou ayant pris possession de localités préalablement bombardées semble exclu à court ou moyen terme. Les combattants russes de retour dans leurs familles risqueraient d’écorner la thèse d’une opération de dénazification ou de destruction de sites ou laboratoires d’armes biologiques américains (Lavrov en avait évoqué deux, à Kyiv et Odessa et le compte twitter anglophone de Sputnik – Spunikint –s’était empressé d’amplifier).

L’opinion russe est majoritairement muselée, et les opposants ont commencé à fuir (ou tenter de…), en particulier vers la Finlande. Des parents mieux informés ou perspicaces dont les adolescents pourraient être appelés sous les drapeaux font de même. L’outrance de sa « propre » propagande finira peut-être par influer davantage que les sanctions occidentales. Mais il n’est pas sûr que Poutine fût en capacité de l’envisager.


mercredi 9 mars 2022

Vers des Jeunesses poutinistes armées ?

Les blindés russes frappés du Z de Zemmour ?

Bien présomptueux de parodier le Volatile entravé (hebdo du mercredi). Mais l’apparente bonne santé de Poutine en atteste : le ridicule — des arguments spécieux — ne tue pas. Un peu d’humour noir dissipe parfois l’angoisse.

La Poutinophobie (ou plutôt détestation) ne doit pas avoir pour pendant la Zelenskydolâtrie. Le second Volodia n’a pas brillé dans son combat contre la corruption, a su aussi en mettre un peu à gauche (voir Le Canard enchaîné de la semaine d’avant celle-ci), et sa position sur le Donbass ne fut guère limpide. Mais le président ukrainien n’a jamais posé en super-héros, en athlète accompli, et s’il n’est pas tout à fait aux premières lignes du front, le Russe n’est pas non plus aux avant-postes. Cela se conçoit, une balle de conscrit russe dans le dos ou d’un fusiller marin de Kronstadt ne serait pas à exclure.

Poutine n’a pas encore expédié des ados de la Lounarmia sur le front ukrainien. Ces successeurs des pionniers soviétiques ou des faucons de la patrie roumains bénéficient d’une formation militaire. La Lounarmia est diriigée, depuis fin 2018, par le vice-ministre russe de la Défense. C’est l’armée de la jeunesse poutinienne. Relevez qu’en 2014, la Russie a réactivé notamment en Ukraine (Kiev, Odessa, Donbass) la Droujina, le corps des auxiliaires de la police, qui s’illustra par des pogroms visant les campements des tziganes. Si, en Ukraine, les ultra-nationalistes sont devenus marginaux (un peu comme l’extrême-droite indépendantiste bretonne), la Droujina pro-Poutine d’Ukraine, hors Donbass, semble avoir depuis virée d’allégeance.

On comprend mieux pourquoi Zemmour se sent si proche des chrétiens. Le patriarche moscovite Kirill a dénoncé la décadence de l’Occident, et soutenu sans réserve l’invasion de l’Ukraine, car son dieu a reconnu les siens. Zemmour, en passe de passer ploutocrate, pourrait rependre à son compte les propos du patriarche pour lequel les « marches de la fierté » sont la manifestation satanique marquant la fin de « la civilisation humaine » (tel quel). Poutine œuvre pour le salut de l’Homme, pour la place qu’il occupera à la gauche ou à la droite du sauveur. Je n’en soutiens pas moins que fermer le Centre spirituel et culturel orthodoxe russe du quai Branly (mon billet précédent), fusse-t-il un nid d’espions dont les dômes sont garnis de systèmes d’écoute, pourrait être interprété comme relevant de la russophobie.

Les blindés russes d’invasion sont frappés d’un signe Z, lettre ni slavonne ni cyrillique moderne. Serait-ce l’initiale de notre nouveau Zébulon (qui fait du trampoline dans les sondages) ? Les bateleuses et bateleurs des plateaux télévisuels pourraient lui poser la question afin de lever l’ambiguïté. Et tant qu’à faire lui demander si à ses yeux, Poutine est ou non une immonde crapule ou un infâme scélérat, un dépravé. Le Zébulon a fait grand cas de sa liberté de parole, et que je sache le délit d’outrage à chef d’État étranger a été supprimé.

La Russie accuse à présent l’Ukraine de préparer des offensives utilisant des armes chimiques (selon une dépêche Interfax), ce afin de les imputer aux Russes. Une bonne manière de se dédouaner si la Russie emploie des armes chimiques : il suffira de soutenir que ce sont les Ukrainiens eux-mêmes qui se sont contaminés. Si vous regrettez Sputnik ou RT France, il vous reste les fils en anglais d’Interfax et Tass. Édifiant… On y apprend que les soldats russes fait prisonniers sont soumis aux mêmes tortures que les SS nazis infligeaient durant la « Grande guerre patriotique ». Alors que, bien sûr, les prisonniers ukrainiens des Russes seront « rendus à leurs familles ». On y croit très fort. Le ministère russe de la Défense n’ajoute pas : s’il reste des survivants dans leurs familles. On apprend aussi qu’à Melitopol, la population a accueilli les troupes russes en brandissant des drapeaux russes. Ce serait plutôt l’inverse, s’il faut en croire des vidéos parvenues à la presse internationale. Mais l’opinion russe est sommée d’accorder foi aux sources russes.

La Douma prépare la succession lointaine (2036) de Poutine. Aucun candidat soupçonné de terrorisme (intellectuel) ou de menées subversives (enfreindre la censure) ne pourra se présenter à l’élection présidentielle. Même pas besoin d’atteindre moins de  500 signatures pour se voir retoqué. La Finlande accueille déjà des milliers de réfugiés russes. On comprend pourquoi.

mardi 8 mars 2022

Quand le patriarche Kirill bénit les tchétchènes islamistes

 Faut-il fermer le Centre spirituel russe du quai d'Orsay ?


Interpellé par Sveta, Ukrainienne d'IdF, afin de signer une pétition demandant la fermeture du Centre orthodoxe du quai d'Orsay (dépendant du patriarcat de Moscou et de l'ambassade russe en France), je reste circonspect.
Beaucoup d'habitants du quartier de la porte Saint-Denis ont connu ou côtoyé Sveta (Svitlana mais surnommée Sveta). Devenue peu à peu nationaliste ukrainienne véhémente, au point de se brouiller avec des amies russophones (de diverses nationalités nominales, baltes et autres, dont la russe). Voilà qu'elle m'interpelle pour que je signe une pétition sur Change.org afin d'obtenir la fermeture du Centre spirituel et culturel orthodoxe russe de Paris. Au motif d'une mise en ligne sur son site d'une sorte d'exorde justifiant la propagande de Poutine et du patriarche russe Kirill. Lequel approuve de facto l'envoi d'un contingent de soldats tchétchènes (musulmans traditionalistes pour user d'un euphémisme) en Ukraine.
Il y a donc matière à se formaliser. On pourrait aussi s'inquiéter du silence du Séminaire russe de Sainte-Geneviève (à Épinay-sous-Sénart), ou des prises de position de l'institut Saint-Serge de Paris.
D'autres entités relevant du patriarcat de Moscou ont pris nettement position en faveur de la paix en Ukraine et interpellé vivement le patriarche Kirill. Il en est de même d'une partie du clergé (le site egliserusse.eu en rend compte) de diverses paroisses.
De ce fait, je reste circonspect. D'une part parce que je ne saurais dire si la prise de position poutiniste émane de l'ambassade ou du clergé du Centre du quai d'Orsay. D'autre part car j'ignore ce que pourraient en penser les Russes orthodoxes de France.
Lesquels sont divisés, certains restant persuadés d'une partie du bien-fondé (à leur entendement) de la propagande du Kremlin, d'autres s'y opposant ouvertement.
Il faut aussi prendre en compte ce qu'implique la moindre manifestation de dissidence lorsqu'on est russe, vivant en Russie ou partout ailleurs (U.E., Royaume-Uni, reste du monde). Les Russes ayant rejoint des manifestions de soutien à l'Ukraine ont pris des risques. Faibles, s'ils sont lambda, tant qu'ils ne cherchent pas à rentrer en Russie, forts, y compris en France ou dans leurs pays de résidence s'ils (elles et ils) sont susceptibles d'exercer une quelconque influence sur l'opinion russe de l'émigration.
S'en prendre à des Russes, celles et ceux se gardant de s'exprimer inclus, est aussi inutile que de dénoncer la cuisine québécoise et les établissements préparant de la poutine (frites, fromage et sauces). Nombre d'entre elles et eux, j'ai pu le constater, ne consultent que les chaînes officielles russes. D'autres, mieux informés, ne ménagent pas leurs critiques, car sachant à quoi s'en tenir sur Poutine. Ce avant même qu'il décide l'invasion de l'Ukraine et vise des cibles civiles.
Pour beaucoup, croyants ou non, se rendre à un culte orthodoxe relève autant d'une envie de retrouver des connaissances que d'autre chose. Cela vaut aussi pour des Ukrainien·ne·s hostiles à Poutine mais non russophobes et qui fréquentent des paroisses du patriarcat de Moscou hors Russie.
En conclusion, il faut se méfier des effets pervers des bonnes intentions. Oui, indubitablement, s'aligner sur les propos du Kirill (un oligarque vivant somptueusement) est condamnable. Le dénoncer s'impose. Fermer tous les lieux de culte relevant du patriarcat de Moscou me semble, pour le moment du moins, hasardeux. Même si on pourrait souhaiter que tous les lieux de culte (de quelque obédience qu'ils relèvent) soient fermés. On ne va pas non plus trier les réfugiés d'Ukraine entre laïcards et autres, plutôt russophones ou plutôt ukrainophones.
On peut d'ailleurs s'attendre à constater que des contingents de dissidents russes ne tarderont guère à se joindre à ce considérable exode. Risquer plus d'une décennie de prison, sans pouvoir espérer en sortir les pieds debout peut en inciter à chercher refuge hors de Russie. Puissions-nous leur réserver le même accueil.


jeudi 3 mars 2022

Macron pour une force nucléaire ouest-européenne ?

 Quand l’insomnie porte moins conseil que billevesées et calembredaines

Avant de tenter de rire jaune à propos de l’Ukraine, un peu de sérieux avec un échantillon fort partiel (et partial) de l’opinion en Russie.

Je la prénomme Olga pour préserver son anonymat. Elle peut être qualifiée d’intellectuelle, a vécu et séjourné à l’étranger (divers pays occidentaux et autres). Pour elle, nous sommes abusés par une propagande pro-Otan et étasunienne. En gros, elle considère que « les Ukrofascistes » se sont comportés en criminels de guerre au Donbass et ont « brûlés vifs des Russes à Odessa. ». Il s’agit donc d’une guerre fomentée par les États-Unis et l’Union européenne et en quelque sorte une riposte préventive en Ukraine. Je résume, mais c’est à peu près cela, et la guerre serait justifiée par le fait que l’Ukraine aurait été (et serait) armée en vue de s’en prendre à la Russie.

Que les affrontements au Donbass aient pu donner lieu à des exactions, notamment de la part du bataillon Azov (ukrainien et formé un temps avec des militants d’extrême-droite), c’est fort probable. Que les médias ouest-européens aient davantage insisté sur les menées russes dans les territoires de Donetsk et Lougansk que sur les atrocités dénoncées par des ONG et imputables aux ultra-nationalistes ukrainiens me semble, de mémoire, assez plausible. Que ces mêmes médias aient passé sous silence l’importance, un temps (depuis plutôt révolu), de l’extrême-droite en Ukraine me paraît (toujours de mémoire) quelque peu exagéré. Quant à l’affaire de la Maison des syndicats d’Odessa, je vous renvoie à Wikipédia. Si j’étais un propagandiste complotiste stipendié, ce qui n'est pas mon cas, je soutiendrais que des éléments du FSB infiltrés parmi les manifestants pro-russes ont provoqué cet incendie dans le but de faire passer tous les pro-ukrainiens pour des néo-nazis. En matière de propagande guerrière, tout est envisageable. Et il est fort possible que, de part et d’autre, tout puisse être envisagé sous peu. Essayons de ne pas inventer n'importe quoi déjà, et de ne pas accréditer n'importe quoi.
Toujours est-il que la réaction de cette Olga doit rester en mémoire lorsqu’il est fait grand cas des manifestant·e·s anti-guerre en Russie. Pour elle, et d’autres, oui, l’armée ukrainienne s’apprêtait à se livrer à un génocide dans le Donbass. Dont acte. Car à moins de supposer qu’Olga soit rétribuée pour s’exprimer de la sorte, j’ai la conviction qu’elle est réellement sincère.

Tentons aussi d’ironiser, maladroitement, forcément, mais sans animosité.

Emmanuel Macron semble plaider pour une défense européenne plus que renforcée. Elle ne pourra être désormais qu’appuyée sur la dissuasion nucléaire. C’est comme si c’était fait. Les Néerlandais vont camoufler des silos sous des serres de tulipes et doter leurs militaires de vélos lance-roquettes (des orgues de Staline sur deux roues ?). Cela laisse sceptique.

Mélenchon comprend fort bien les questions de journalistes mais répond à côté afin de répéter sa réclame prémâchée. Veut-il contraindre tous les pays limitrophes de la Russie à opter pour la finlandisation (non-adhésion à l’Otan, pas de système défensif), ou inciter la Roumanie et la Turquie (désormais limitrophes d’une mer contrôlée par la Russie) au désarmement ? Ce, histoire de pouvoir négocier ? C’est en termes moins explicites l’une des questions qu’il a esquivées.

Le Méluche veut s’en prendre en priorité aux oligarques. Dont les biens sont détenues par des sociétés opaques de divers pays tiers. Pour ne plus être étiqueté orthodoxo-gauchiste, il peut lui être suggéré de s’en prendre aux popes et aux églises du patriarcat moscovite. Cela étant en France, la plupart des orthodoxes russes se sont prononcés pour la paix, et le soutien aux réfugiés). Autant le relever… et le prendre en compte. Ce serait sans doute une fausse bonne idée.

 Au nombre des questions qui génèrent du blabla sur les plateaux télévisés, j’attends celle-ci : « La Chine attendra-t-elle que la Suède ait annexé l’Oblast russe de Kaliningrad pour envahir Formose ? ». Cette région exclave (externe) est lourdement militarisée depuis 2008. Les bateleurs (animateurs de plateaux) posant souvent des questions convenues appelant des réponses prévisibles l’étant tout autant, pourquoi pas une ouvertement saugrenue à l’occasion.

Macron veut toujours laisser ouverte la porte d’un dialogue avec Poutine. Si Zelensky (au passage intéressant portrait de lui, sans complaisance, dans le Canard enchaîné de cette semaine) était encore un comique, il lui conseillerait de dire qu’il attend un coup de fil de Poutine pour l’inviter à venir rependre des discussions à Paris. Poutine pourrait venir avec une yourte bouriate qu’il pourrait dresser (comme naguère Kadhafi) dans le parc de l’hôtel de Marigny. Un point de négociation pourrait être suggéré pour apaiser Poutine : lui proposer de transférer les Jeux Olympiques de Paris à Kharkiv, devenue russe, où presque tout est à reconstruire.

Cela frise le ridicule de censurer des artistes russes et de supprimer des programmes des œuvres de compositeurs russes. Que Zemfira, chanteuse que j’apprécie, subisse des sanctions financières, soit, mais elle s’est déclarée opposée à cette guerre. Alors ? Et même si elle s’était tue sur le sujet, quoi ? Irait-on jusqu’à retirer les œuvres des écrivains russes des rayons des bibliothèques ? Plus de livres sur la cuisine russe dans nos librairies ? Le site franco-russe Russie.net relaie l’appel de personnalités russes exigeant la fin de la guerre. Ne nous laissons pas choir dans une russophobie de façade au gré de prétextes farfelus.

lundi 28 février 2022

Ne dites plus, n'écrivez plus Kiev, mais... ? Kyiv

 Dérisoire mais symbolique, Kyiv est la capitale de l'Ukraine

Kyiv est la translittération la plus courante (et désormais adoptée au Royaume-Uni) de la graphie cyrillique ukrainienne correspondante. Je sais, c'est quelque peu dérisoire de l'adopter et de la répandre. Vous pouvez aussi opter pour  la vyshyvanka (en faisant gaffe à ne pas choisir un motif, des couleurs biélorusses).


Dans un message du ministère britannique de la Défense, cette graphie Kyiv, pour désigner la capitale de l'Ukraine. Ce n'est pas si anodin qu'il puisse y paraître. Les Ukrainiennes et le Ukrainiens (enfin, celles et ceux du Donbass, je ne sais) y sont sensibles.
Tout comme le président ukrainien s'est montré sensible au fait qu'un de ses homologues baltes ait revêtu la chemise traditionnelle ukrainienne pour manifester visuellement sa solidarité.
Mais ne pas se tromper. Si en Bretagne, se gourer de broderie ne porte pas trop à haussements de sourcils, il n'en va pas de même tout à fait au Banat (sud-ouest de l'actuelle Roumanie) et dans les divers pays et contrées d'Ukraine, de Biélorussie. Dans le doute choisir des motifs et couleurs de la Bucovine (région commune au nord de la Roumanie et au sud de l'Ukraine).

Cela étant, cela reste quelque peu (litote) dérisoire au regard des besoins.
Je me méfie toujours des appels aux dons sur les réseaux sociaux s'ils n'émanent pas d'une organisation de longue date reconnue (HCR, Croix-Rouge, Cimade...). Mais une source fiable, Mariana, que j'ai connue à Paris, ancienne journaliste ukrainienne ayant dû fuir l'Ukraine d'avant ce qui fut dénommé la Révolution orange (soit du temps de l'osmose relative entre le pouvoir russe et le gouvernement ukrainien d'alors), communique les coordonnées d'un compte fiable.

THE NATIONAL BANK of UKRAINE has opened a multi-currency fundraising account:
Details in EUR SWIFT Code NBU: NBUA UA UX
DEUTSCHE BUNDESBANK, Frankfurt
SWIFT Code: MARKDEFF
Account: 5040040066
IBAN DE05504000005040040066
Wilhelm-Epsteinn-Strabe 14, 60431 Frankfurt Am Main, RFA.

La chemise traditionnelle (modèles féminins et masculins) est un symbole fort de l'Ukraine qui, chaque année passée — là, cela semble compromis — organisait une grande marche (Megamarche, voir l'illustraton).

mercredi 23 février 2022

Ukraine et Poutine : Méluche moins Déat que l’original…

 Volte-face ou poudre aux yeux de distanciation ?

Pour ne pas sombrer dans le ridicule, tentons d’éviter, au sujet de la crise ukrainienne, l’usage d’invectives visant à discréditer les prises de position des candidat·e·s à la présidentielle. De toute manière, ce que d’aucunes et certains peuvent déclarer à présent ne les engageront pas ultérieurement. En revanche, tenant compte du rapprochement sino-russe, les orientations de l'Union européenne méritent que toutes les opinions soient soupesées.

Ce n’était point la résultante d’un abus de Ricard™ (en fait, au réel, de Lidanis® ou d’un breuvage anisé moins coûteux), ni d’une intoxication au Voleur dans la maison vide (de Jean-François Revel, père de Matthieu Ricard), mais dans la semi-hébétude d’un hémi-sommeil, me vint confusément un soupçon d’amalgame entre Jean-Luc Mélenchon et Marcel Déat. Force m’est faite de revenir au réel et de constater que le Méluche a fait évoluer la teneur de ses propos sur Vlad (euh, Volodia) Poutine et l’annexion du Donbass élargi.

En revanche, il subsiste des convergences entre les propos de l’Insoumis maximo et des alignés moscovites apparents (stipendiés ou non ? Je ne vois guère le Kremlin soutenir financièrement un Dupont-Gnangnan, pour la Marine et le Zorro-Zéro, son féroce usurpateur en devenir, je ne saurais fonder des supputations). L’approche du point Godwin, c’est de rappeler que les maréchalistes soutenaient que l’intérêt de la France avant tout reléguait au second plan d’autres aspects et respects des principes (Sauver la France en la protégeant du pire). Bref, pour un peu, il nous serait soutenu que demander notre rattachement à la Confédération helvétique (entraînant avec nous la Wallonie aussi ?) nous épargnerait les conséquences de l’hostilité russe. C’est exclure par avance que la Russie de Poutine puisse se déliter de l’intérieur. Ou que les sorts et orientations du Donetsk resteront immuables. Je ne peux prévoir ce que ses populations déplacées à Rostov retiendront de leur séjour contraint et forcé. La précarité de leurs prédécesseurs en Crimée peut faire évoluer leurs appréciations.

Celle de l’oligarchie russe, quant au soutien économique devant être accordée à la Transnistrie, aux conquêtes de Géorgie, et à ces deux nouvelles républiques de fait annexée, me semble — confusément, je l’accorde volontiers — quelque peu plus cruciale que ce qu’on tente d’imputer à la psychologie de Volodka Poutine. Mais bon, ce type d’approche farfelu devra attendre quelque temps pour se voir différemment qualifié ou non.

Souffrez que j’en revienne à Revel, qui, page 750 de ses Mémoires (voir le sous-titre supra), feignait de s’offusquer que Régis Debray, dans Les Empires contre l’Europe, l’ait comparé à Marcel Déat. Selon Revel, son antitotalitarisme doublé de son libéralisme lui valaient seuls cette comparaison abusive. « Ben voyons ! » rétorqua-t-il en substance avant Zemmour.

L’Union européenne semble dans une impasse. Les plus fortes sanctions visant la Russie proviendront du Royaume-Uni où les capitaux russes balisent la Tamise. L’Allemagne risque de se montrer circonspecte. Quand j’étais à Rostov, du temps de Gorbatchev, on voyait les investisseurs français venir faire de l’esbrouffe et raccourcir leurs séjours alors que leurs homologues allemands restaient des mois sur place, soucieux d’aboutir à des accords solides. Et puis, Bruxelles constate que des régimes comme ceux de la Pologne ou de la Hongrie soulèvent des questions problématiques. Les ouvertures vers la Russie, que les États-Unis contrecarreraient, entraîneront des exigences de concessions supplémentaires de la part de Moscou.

J’étais encore trop jeune, à l’automne 1956, pour prendre la mesure des polémiques et de la logorrhée verbale qui suivit l’écrasement de l’insurrection hongroise. La situation actuelle est fort différente, mais l’invasion de la Hongrie eut pour conséquence indirecte la fin de l’offensive franco-britannique en Égypte (difficile d’envisager un double front et une dispersion des troupes). Les historiens ont relevé l’extrême hostilité des termes employés par les commentateurs français (et il y eut aussi quelques troubles et affrontements physiques en France). Des clivages internes aux formations ou clans politiques envenimèrent les relations personnelles. Les noms d'oiseaux volaient haut et vif.

Je peux regretter, en termes mesurés, qu’un Emmanuel Macron n’ait pas fait mieux qu’un Nicolas Sarkozy lors de la crise en Géorgie de 2008 (la Géorgie considère que la Russie s’est livrée à un nettoyage ethnique en Ossétie du sud ; l’Abkhazie, aussi sous tutelle russe, évoque un État mafieux). Là encore, comparaison n’est pas raison. Sarkozy s’était  fait mousser à peu de frais, Macron, président temporaire du Conseil de l’U.E., pouvait difficilement s’abstenir de rencontrer Poutine. Pas davantage que Daladier de retour de Munich (juin 1933), Macron ne mérite des tomates pourries ou des fleurs. En revanche, si on veut bien créditer François Fillon de n’avoir pas fait preuve de complicité avec Poutine, rien ne devrait l’empêcher de démissionner de ses fonctions dans les instances des sociétés russes Zaroufejneft et Sibur. Et on peut s’étonner que Valérie Pécresse n’ait pas songé à le lui suggérer. Mais elle peut, par le truchement de Fillon, s’empresser de rencontrer Poutine pour lui tenir un langage d’extrême fermeté. Allez, chiche !

Pour l’anecdote, les félicitations de Donald Trump à Poutine pour sa conduite stratégique « géniale » n’ont encore obtenu aucun écho dans la presse russe. Trump s’est aussi déclaré convaincu que l’invasion de Formose (Taïwan) était imminente (manière élégante de pointer que Biden est pusillanime et ventre mou). Républicains et démocrates n’en sont pas au point de s’accuser mutuellement d’être la cinquième colonne du Kremlin, mais, comme disait Geneviève Tabouis, « attendez-vous à savoir… » que ce ne peut être exclu. Espérons que cela ne déteindra pas sur le débat (ou pugilat) interne à la France.

samedi 19 février 2022

Vers une guerre « civile » en Ukraine ?

 L'Orchestre "bleu-blanc-rouge" déjà l'œuvre en Ukraine

Il est clair que je ne suis nullement un prétendu expert de la situation en Ukraine. Journaliste honoraire (retraité) sans en avoir sollicité l'appellation, replié à Kerverner-Raez, je fus vaguement un sachant quand je résidais encore à Paris au contact de « Russes », enfin de russophones et d'Ukrainien·n·es nationalistes.

Un immense gâchis, des drames atroces, et une prévisible épuration, à l'issue incertaine, voici ce que m'inspire la situation ukrainienne du moment. L'anecdote, c'est le pugilat au parlement ukrainien, avec des élus nationalistes en venant aux mains avec un autre élu catalogué pro-russe. L'incident me semble d'autant plus significatif qu'en coulisses, selon un reportage de Gianluca di Feo, du quotidien La Reppublica, les services russes ont formé un véritable orchestre aux couleurs russes. Il faut se souvenir de ce que fut l'Orchestre rouge, du temps du stalinisme, en Europe. Et bien se remémorer les assassinats ciblés, au Royaume-Uni, de dissidents russes, en délicatesse avec le régime de Poutine.
Mon sentiment, c'est que Poutine veut de faire de l'Ukraine une Biélorussie-bis, soit mettre en place et consolider un régime totalement inféodé. 
Au-delà, cela me semble une évidence, gangréner l'ensemble des démocraties (enfin, ce qu'il en reste) européennes, en favorisant des autocrates inféodés. Des Zemmour partout (voyez la complaisance de Sputnik ou RT France à leur endroit, et non égard, car un Poutine n'a aucun égard pour ce type de pantins utiles). Il en fera des exécutants, tout comme le stalinisme et successeurs firent de Thorez un soutien du gaullisme en sous-main.
L'Ukraine n'est pas seulement minée de l'intérieur par les contradictions de ses actuels dirigeants, mais par des stipendiés pro-Poutine. Avec l'appui des services secrets russes prêts à passer à l'action, soit à des éliminations au besoin. 
Logorrhée, vaticination, posture en jouant les Cassandre et les imprécateurs ? Comme il vous plaira, ou cela vous viendra sur le moment, je ne saurais vous reprocher de réfuter l'hypothèse hasardeuse d'un esprit que vous pouvez considérer dérangé et par trop pessimiste, voire parano, mais si ces élucubrations venaient à se vérifier, d'abord en Ukraine, tentez d'imaginer la suite.
Ici et dans un futur qui n'est pas inéluctable mais dépend aussi de vous, de nous. Bien, retournons à la météo et à des activités normales comme nous incitaient les Guignols de l'Info.
Sputnik et l'agence Tass font état d'éléments ukrainiens infiltrés dans les républiques pro-russes et se faisant passer pour des Russes afin de se livrer à des provocations permettant d'offrir à l'Ukraine un prétexte pour débuter une invasion. Et ces sources russes font aussi état de charniers accréditant la thèse d'un génocide des populations pro-russes (ou russophones) du Donetsk. Rien qu'en DPR (Donetsk People Republic) ou RPD (République populaire du Donetsk), plus de 130 tels charniers de dépouilles civiles viennent opportunément d'être découvertes, rapportent les agences russes. Pourquoi si tard ?
Ou plutôt si opportunément ?
De fait, même si les troupes russes et apparentées n'ont pas franchi la frontière, la guerre a déjà commencé.
Y compris à l'intérieur de l'Ukraine. De manière encore larvée. Et même si Poutine trouve le moyen de sauver la face vis-à-vis de l'opinion intérieure russe qu'il modèle, il ne renoncera, pas plus en Ukraine qu'en Moldavie, et sans doute au-delà, à poursuivre ses offensives. C'est du moins mon sentiment. Même si la tension militaire retombait, le conflit perdurera.



mardi 25 mai 2021

Le Koikilenkout (peu) de Charly

 L’étape « irrégalo-covidienne » de Charles Duchêne

Factuel : titre, Koikilenkout… ; auteur, Charly (ou Charly Chapo, ou Charles Duchêne[s], autre pseudonyme) ; éditeur, JBDiffusion (à la suite de BTFConcept ; envir. 180 pages ; 10 euros( il en coûte peu). Subjectif et incitatif suivront.

J’ai pratiquement chroniqué tous les bouquins de Charly (voir supra le châpo), donc je ne vais pas reculer devant ce Koikilenkkout… ni face à la facilité de botter rapidement en touche. C’est, après un Macron Lajoie, le seizième essai politique de ce libelliste gouailleur (sur un total de bouquins supérieur à la vingtaine). Sur le sujet, je ne me prononce pas ou fort peu. Charly traite de l’actualité récente, et surtout de l’approche de la pandémie par « Sa Boursouflitude » jupitérienne et consorts (soit la Cour, avec une C cap, comme cela peut parfois échapper aux correcteurs du romancier Jean-François Parot ; ou à l’oral, aux personnages d’Hugues Pagan, Le Floch inclus).

Sur le fond, la nature et le devenir de la pandémie, Charly botte aussi en touche, laissant à un comparse (quelque peu complice), Guy de Quercy, avec un chapitre mesuré et minutieusement pesé, le soin d’évoquer Raoult et sa « quinine », et les vaccins à ARNm (m pour modifié). Lesquels vaccins peuvent évoquer les OGM, et les gains financiers qu’ils peuvent induire par rapport vaccins ou processus classiques se révéler juteux. Je ne résume pas, j’évoque, nuance, étant trop peu qualifié pour vulgariser plus avant.

Cela laisse quelques interrogations en suspens. D’ailleurs, Charly, sans jamais tomber dans le complotisme, se questionne aussi. Mais pas d'infox, du soigneusement recoupé (il a fait l'ESJ de Lille, aussi peu longtemps que moi le Cuej de Strasbourg, des écoles formant des journalistes, non des animateurs et bonimenteurs, voire affabulateurs en quête de tirages ou d'audiences).

Pas sur les atermoiements et volte-face (tj. inv.) des « autorités » et leurs arguments parfois fallacieux, sciemment énoncés, plus de quoi se questionner, ce fut presque limpide. Nous fûmes souvent résignés en nos chaumières, Charly reste exaspéré en la sienne (désormais poitevino-bretonne —Pictonum Virtus BritonumFides — pour ce Picard familier des Ch’tis). Bref, car il réside dans la Baie de Bourgneuf, c’est à présent un quasi-voisin.

Autant confesser qu’outre une sympathie d’assez longue date, de quelques lustres, je ne vais pas m’aliéner sa réciprocité en prenant le contre-pied (en veau) de ses très étayées critiques. Mais, entre Macron et Boris Johnson (j’ai scruté l’actualité de ce dernier), je ne saurais trop départager. Duterte aux policiers constatant que les contrevenants portaient le masque sous le nez : « tuez-les ». Trump, Bolsonaro… Je n’insiste pas. Exaspéré, partant souvent acerbe, Charly sait se contenir nonobstant, préférant rester narquois.

Les argumentations serrées, fortement étayées, de Charly, n’en restent pas moins ardues à réfuter. Au zinc du Café du commerce, sauf à le contrer en brèves de comptoir plus cocasses que les siennes, j’aurais été un peu trop à la peine.

Ce bouquin, après tant d’autres de la même veine, renoue un dialogue avec un lectorat assidu. Mieux vaut biaiser et tenter de refaire surface en développant la manière et faconde de sa prose.

J’aime bien caser les copains (Pagan) ou copines (Anne Larue, plaidant pour la littérature populaire du « roman contemporain à grand succès »). Charly est un essayiste populaire, cultivant un genre « épistolier » qui n’est pas sans évoquer celui de tous ces livres employant « raconter » avec pour complément un « à mon fils, à ma fille ». Là, c’est l’actualité politique et sociétale narrée à la cantonade. Nous sommes en ses coulisses. Sa manière me fait penser parfois à celle d’Henri-Joseph Dulaurens (cher à Stéphan Pascau, idem mentionnés supra) dont certains écrits furent attribués à nul autre que Voltaire. Le compère Charly (pataude allusion au Compère Laurent, soit Dulaurens, de Pascau), déploie une verve immédiatement accessible. Ses soliloques n’en sont pas, il tient salon, fortement imprégné de la présence de celles et ceux auxquels il s’adresse.

Je ne sais s’il sera étudié par des linguistes ou littéraires comme il se devrait (j’ai renoncé à toute ambition doctorale), mais que l’on adhère ou non à ses démonstrations (difficile de ne pas se reconnaître des accointances multiples), le lire, ne serait-ce que pour sourire avec lui, « langue en coin » (comme on dit en anglais), de ses trouvailles de pamphlétaire, ne peut déplaire qu’aux chagrins et rabat-joie ou chafouins (et autres invectivés par le capitaine Haddock). En revanche, sa chronique de trois quinquennats rafraîchira la mémoire des politologues soucieux de la vox populi rétive à se confondre sans réticence avec le servum pecus se résignant à tout gober.

Et la chute ? Charly incite, irrégalien, à se redresser, à cesser de prendre les vessies qu’il dégonfle pour des lanternes, à ne plus se cantonner dans un indifférent laxisme résigné. La chute de Koikilenkout est un appel au sursaut lucide. Incitation à moins courber le dos en marmonnant, contrits : « Ah, si le roi savait cela… ». Quel ou quelle que soit le souverain, ou la souveraine, d’ailleurs. Car de koikilenkout à koikilenkNout, le dérapage ne peut être exclu.

Le livre peut être commandé par le truchement d’un libraire, ou directement (14 €, port inclus, France métro), chèque à l’ordre de C. Desquesnes (Charles Duchêne/JBD, Le Voilier 1 — 5, av. des Pays-de Monts, 851160, St-Jean-de-Monts).

mercredi 31 mars 2021

Choyons nos expatriés britanniques

Laissons-les conduire, laissons-les conduire en France

Selon le Daily Express (pro-Brexit, anti-Macron) près de trois milliers d’expatriés britanniques en France pourraient perdre la possibilité de conduire un véhicule motorisé… Franchement, c’est mesquin.


Le Daily Express étant le porte-voix d’une « perfide Albion » (ce qui exclut l’Écosse et d’autres), n’en ratant pas une pour ridiculiser Emmanuel Macron (l’Union européenne aussi), ce qui suit reste à prendre avec circonspection. Mais c’est là l’un de mes dadas : tout doit être fait pour faciliter la vie administrative de nos amis britanniques vivant en France (Anglais inclus, voui, et c’est un « petit » Breton qui le leur, nous le, souhaite). Obliger des gens, nos voisins parfois, en France depuis des lustres et décennies, de devoir voisiner avec nous que 90 jours de suite (ou fractionnés) — ce qu’impose l’Espagne aux Britanniques n’ayant pu se régulariser — serait catastrophique. Pour elles et eux, et nous. Aussi, toute initiative préfectorale (donc, gouvernementale) visant à simplifier leurs démarches (ce qu’avait fait la préfecture angevine et un peu trop d’autres) vaut d’être salué, et généralisé.

Voici donc, que, selon le quotidien pro-Brexit, mesquinement, nous viserions les titulaires d’un permis de conduire britannique, sommés d’en obtenir un français.

J’ai dû, à la suite d’un AVC, repasser un test de conduite (pas donné, plus de 150 euros), et ensuite ferrailler avec l’ANTS, office très vétilleux, pointilleux. J’ai fini par aboutir (le test fut positif, &c.). Mais en soulevant plus que des mottes, de quasi-collines.

Donc j’imagine la galère de conducteurs britanniques pas trop au fait de notre culture administrative et ne maîtrisant pas parfaitement le français (la plupart en remontrant aux Français quant à l'emploi de notre langue, mais non toutes et tous).

Or, ces expatriés ne sont pas tous localisés à Nice ou Antibes, mais très souvent dans nos territoires ruraux, de Bretagne et d’ailleurs, là où ne pas pouvoir utiliser un véhicule motorisé est plus que problématique. Elles et ils ont contribué à les revitaliser ou au moins à stabiliser un tant soit peu leur déclin. Ce n’est pas négligeable.

Je ne pousse pas « un cri », j’exhale juste un soupir. Mais j’exhorte (un peu dans le vide, mais au moins, sait-on jamais ?) nos pouvoirs publics à le percevoir.

Laissez-les conduire. Ils sont des n-ô-ô-ôtres, ils régleront d’éventuelles amendes comme nouzô-ô-tres. Mais ne les exposons pas à régler celle, fort lourde, pour la conduite sans permis.

Or, tenez-vous bien, je lis ailleurs que seul le Cert, office de la préfecture de Nantes, serait habilité à traiter les demandes d’échanges de permis de conduire (pas que celles des Britanniques, donc). Bon, le site service-public.fr renseignant sur les formalités inclut une version en anglais. Quant à la carte de séjour, le délai fut fixé à début juillet 2021. Et là, le site ad hoc renvoie vers un document de cinq pages (Un PDF, c’est écrit serré, il faut zoomer) rédigé uniquement en français.

De quoi donner du grain à moudre au Daily Express. Est-ce bien raisonnable ?

samedi 27 mars 2021

Ce siècle devient celui du savonarolisme

 Le saccage des librairies, nouvelle pandémie ?

Selon André Frossard, André Malraux aurait bien dit que ce siècle « sera mystique ou ne sera pas. ». Déjà, auparavant, en 1955 notamment, il évoquait « le problème religieux ». Approximations prémonitoires ? Il semble bien que, non le mysticisme, mais les religiosités aient pris le dessus, comme en témoigne le saccage des librairies.

Bien avant le régime théocratique de Calvin à Genève (circa 1540), Savonarole avait institué (vers 1495) une dictature religieuse à Florence. Le moine catholique instaura les autodafés sur le bûcher des Vanités. Avec le saccage des librairies et les trumpismes (pro-aveuglé et anti-exacerbé), emprunts de religiosité, qui ont fini par contaminer les esprits en France, comme je le pressentais de longue date, nous y sommes presque. Le saccage des librairies n’en est pas un signe avant-coureur, mais l’un des symptômes de la pandémie qui s’étend. Cela commence par les livres cela finit par faire liquider ou pousser au suicide des Walter Benjamin (1892-1940).

Le vandalisme visant les librairies, qu’il soit anonyme ou manifestement attribuable, caractérise ces années 2010-2020. Cela relève davantage d’une pensée magique, de la manifestation de cultes, que d’autre chose. Tant la culture de l’annulation déjantée que sa dénonciation fanatique tendent à s’apparenter à des rites. Il faut s'exaspérer et s'indigner plus fort qu'en face. Psalmodier. 

Je ne vais pas renvoyer dos à dos celles et ceux s’étant attaqué à la librairie « Les Deux Cités » de Nancy (au nom du féminisme et de l’antifascisme) et leurs pendants (homophobes et néo-nazis) s’en étant pris à la librairie « La Plume noire » de Lyon. Les dégâts et agressions ne sont pas du même niveau.

Mais je rappelle qu’un libraire stagiaire parisien d’une librairie libertaire fut attaqué au couteau voici quelques temps. Invectives (Nancy) et lourdes dégradations (à Lyon, en 1997, 2016 et à présent) ne sont pas de même nature.

Mais à vouloir  — ou contribuer à — exciter (consciemment ou non) — des illuminés, ou motiver des nervis au niveau de réflexion fumeux, on finit par instaurer un climat insupportable. On ne débat ou ne confronte plus, on invective, on insulte. S’instaure puis s’installe un climat délétère.

Au nom d’idéaux se muant en convictions indiscutables, on encourage de fait la violence ordinaire. Qui peut se répercuter en rixes aussi banales que celles opposant des automobilistes en venant aux mains pour des différents dérisoires.


Entre un ayatollah Erdogan voulant faire condamner des collaborateurs de Charlie Hebdo (pour se poser en chef de file des défenseurs de son prophète), et qui orchestre les jets d’anathèmes, la limite devient incertaine, provisoire, fluctuante.

La satire, même outrancière (je pense tant Mila qu’à Charlie, sans doute plus réfléchi dans sa démarche), ne doit pas exposer à des représailles visant les personnes. Rien ne les justifie. Le droit à la critique, même vigoureuse, doit être préservé.

Mais quand je lis « fachos au bûcher ! » collé à la vitrine de la librairie de Nancy, cela me remémore aussi quelques mauvais souvenirs. D’autant que « La Plume noire » fut auparavant l’objet d’un incendie criminel.

Les totalitarismes, quelles que soient leurs motivations, poussent à la déraison, à des climats de violences. Les cultes des chefs qui vitupèrent plus fort de même. J’éprouve le mauvais pressentiment qu’ils gagnent du terrain. Que s’instaure une religiosité de boutefeux cultuels. La prédominance d’obnubilés par des causes devenues intangibles.

Est-il trop tard pour en sortir ? Ce qui semble sûr, c’est que vouloir détruire des livres, y compris ceux qui vous déplaisent, ou censurer à tout-va, n’est jamais un bon point de départ pour tendre vers l’apaisement. Ni d’ailleurs pour faire valoir et prévaloir durablement ses propres idées.