vendredi 1 mai 2020

La presse à l’école, toujours bien vivante


Une initiative rémoise avec France Bleu

De journalistes intervenant dans des écoles, ce n’est guère nouveau. Des élèves se voyant confier une ou des pages dans des quotidiens non plus. Mais préparer à l’oral du bac dans les studios d’une radio régionale, il fallait y penser.
Je me souviens être intervenu dans diverses classes, dont au moins l’une de celles d’Annette Gardet, au lycée Saint-Michel de Reims. C’était plutôt informel : présentation du et des métiers, réponses aux questions. Mais de longue date il existait des opérations plus ambitieuses. Ainsi le SPQR (syndicat et non sénat, pendant régional du SPQD, départemental, et SPQN, national), avait créé l’Arpej, Association Régions Presse Enseignement Jeunesse. Laquelle déléguait dans les établissements des consœurs et confrères qui formaient à la mise en pages, à l’écriture de presse, voire donnaient le coup de pouce initial au lancement d’un mensuel scolaire. Il me semble bien aussi que, périodiquement, L’Union confiait une ou deux pages dites « pages vertes » à des classes, sous l’égide d’Hervé Chabot si ma mémoire ne me trompe pas.
Tout cela a perduré et s’est transformé avec le Clémi (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) qui organise fla Semaine de la presse et des médias dans l’école et même « à la maison ». Je le signale en cette période pendant laquelle le télé-enseignement risque de perdurer un peu, voire redevenir la norme en cas de reconfinement.
Mais cela n’a pas freiné des initiatives individuelles. Dont celle d’Annette Gardet, professeure de français et Pauline Boucher, professeure documentaliste du lycée rémois Saint-Michel et Sébastien Gitton, animateur de l’émission « Oh Comptoir » de France Bleu. Les élèves de seconde A de Saint-Michel ont, et cela pendant six mois, participé à l’émission et dialogué avec l’auditorat. Sébastien Gitton venait dans l’établissement préparer son émission, laisser les élèves décider en commun du choix des sujets, suggérer des pistes de recherches d’informations, débattre de la manière de lancer un thème de réflexion. Pas vraiment des cours de radio (genre, mode Gunsett du Cuej de Strasbourg, comme creuser son diaphragme et « poser la voix » style France culture).
Mais plutôt un atelier de prise de parole, aiguillant sur la façon d’aborder un thème (d’actualité ou de société), de réagir aux objections ou contradictions. L’entrée en confinement a mis fin (jusqu’à la prochaine rentrée sans doute) à l’activité. Il en subsiste des albums-souvenirs mais aussi un bilan sous la forme d’entretiens rétrospectifs avec des participantes. Vous les retrouverez sur le site de France Bleu. Sébastien Gitton a aussi adapté le dispositif pour des élèves de collège, ceux de l’établissement Jean Monnet d’Épernay. Ce qui ouvre de plus larges perspectives.
Incidemment, j’en profite pour signaler aux enseignants et parents qu’un groupe FaceBook « Enseigner avec le numérique » recense des retours d’expériences et permet déchanger sur le sujet.
En fait, comme l’explique Annette Gardet, « chaque mois, nous étions accueillis à France Bleu, et les élèves disposaient à tour de rôle de trois micros ». Par ailleurs, Sébastien Gitton animait des ateliers radio dans des classes. « Ce fut une belle aventure, poursuit la professeure, les élèves ont pu travailler différemment sur l’actualité, sur des thèmes comme l’utilisation des dotations d’ordinateurs aux élèves, ou l’importance du football dans l’actualité, ou des choses plus générales comme l’amitié entre les hommes et les femmes, les ados et les réseaux sociaux, l’alimentation ou ce que signifie s’engager, le choix de la spécialisation scolaire après l’entrée en première ou encore l’information, et aussi comment repérer l’intox. ». C’est venu en appui de l’éducation média qui aborde la thématique « littérature d’idées et presse » qui est au programme. « On a constitué des groupes de dix volontaires qui ont approfondi leurs rapports aux médias et cela favorisé une dynamique de groupe pour toute la classe ».

jeudi 30 avril 2020

Enfin un covid « Français de souche » !

Cocorico, mais méfiez-vous des imitations.

Une souche de covid NF ? Voire un covid celte, aux ancêtres « gaulois » ? Nos Panoramix de l’institut Pasteur l’auraient repéré. Il n’aurait rien à voir avec le covid romain, ni avec celui venu de l’Empire du Milieu.
Bien évidemment, je n’y connais rien, mais ce n’est pas ce qui m’empêchera de vous entretenir d’un article des Échos (signé Claude Fouquet) indiquant qu’une souche du covid serait autochtone. Si je fais bien semblant de comprendre, elle aurait été faiblement détectée chez des porteurs asymptomatiques.
Pour sa part, Clémence Barraal, de Marianne, a recueilli l’avis du virologue Étienne Simon-Lorière, qui exime que subrepticement, silencieusement (le cri du covid n’a pas encore de nom) circulait déjà, avant janvier dernier de ce côté méridional de Quiévrain (en Belgique, outre-Quiévrin, c’est la France, cela aurait pu être outre-Bouillon – de culture — dans les Ardennes, ou outre-Sémois).
Les virus barbares, des pays des Huns, ou les envahisseurs transalpins, les immigrés quoi, ont certes contaminé aussi, et notre souche ne serait pas dominante (le grand remplacement l’aurait donc emporté). Est-ce un biais politiquement correct qui empêche le virologue de l’énoncer clairement ?
Le virus gaulois ne serait-il qu’une « troisième souche » ? Puisque, comme il l’énonce « les différences entre les souches sont infimes », pourquoi donc reléguer la nôtre, bien de chez nous, au troisième rang ?
En tout cas, elle aurait su passer la Loire. La reconquista aurait déferlé au-delà de Poitiers. L’obstacle des Pyrénées sera-t-il vaincu pour reprendre possession de la Navarre ?
Comme usuel, si on ne nous cache pas tout, cela ne me dit pratiquement rien. Notre souche est-elle plus létale que d’autres ? Ou moins, ce qui permettrait de déclarer fièrement et patrioquement : « un franco-covid, sinon rien ».
Cela étant, avant d’en appeler au Frexit viral, je reste circonspect.
Si j’ai bien saisi ce que le professeur a confié à Marc Gozlan, du Monde, cette souche « résidait dans l’Oise ». La conclusion serait, selon le South China Morning Post, que « les premières souches de coronavirus ayant circulé en France, ne provenaient pas de Chine, ni même d’Italie ». Comme quoi, Donald Trump a bien fait d’interdire la venue des Français aux États-Unis ? On avait eu, autrefois « le mal français », la syphilis pour les anglo-saxons et les germanophones (et les Napolitains, Cesare Borgia étant venu à Naples à l’été 1497 et y ayant été infecté). Mais on n’arrête pas le progrès… français. Reste que le rayonnement universel de la souche nationale ne va guère être souhaitée par nos voisins. Qui risquent de bouder nos plages, nos campagnes et montagnes. En tout cas, il est temps de repeindre les représentations du covid aux couleurs de la France.

mercredi 29 avril 2020

Trump : les tests anti-covid d’Obama défectueux


Les Obama ont-ils saboté les tests anti-covid ?

Si l’actuelle Maison Blanche a tardé à tester en masse contre le covid-19, c’est tout simple : « nous avions hérité d’un très mauvais test », affirme Donald Tump. C’est donc l’administration précédente qui a fait preuve de négligence, si ce n’est de sabotage.
Donal Trump va faire tester cinq millions d’Étasuniens quotidiennement. Pour le moment, on en est à 200 000/jour. Et pour cause, les stocks de la période Obama ne valaient pas un clou : “We inherited a very broken test”. N’allez pas chercher plus loin. Qu’à cela ne tienne le Donald est arrivé, sans trop d’abord se presser. Mais depuis, tout a changé car si les États-Unis comptent un million de contaminés par le covid-19, c’est parce que les opérations de tests surpassent toutes celles de n’importe quel pays au monde. Si les autres pays été moins touchés, c’est parce qu’ils ont été très largement distancés en matière de tests. Tel quel.
Certes, il s’est produit un léger retard à l’allumage. La faute aux Obama qui n’avaient laissé que des tests périmés. Trump, depuis trois ans président avant que la pandémie de covid-19 se déclare, ne s’en est aperçu en descendant dans les caves de la Maison Blanche. Sidération, stupeur, tremblements vite réprimés.
54 000 morts après (plus, côté américain que de 1955 à 1975 au Viêtnam), Trump déclare à CNN qu’il avait bien eu raison de prédire que tout cela finirait par faire pschitt. Le temps venu (appropriate time), cela « descendra à zéro, comme je l’avais dit ».
Du cvoup, Trump déconfine à tout va et mobilise les abattoirs, les usines de corned-beef, &c. Mais il ne lâchera des fonds fédéraux aux États que lorsque les mesures qu’il préconise seront appliqués, voire quand leurs gouverneurs seront traînés en justice (“I’ll send the disaster relief once you brand my opponent a criminal” ; c’est lock’em up d’abord).
Quand je lis ce que je lis, que j’écoute ce Trump que j’écoute, j’éprouve du mal à penser ce que je pense. Donc, je vérifie aux sources que le Donald approuve, comme OAN (One America News Network). Et je relis et réentends. Oui, il suffit de tester pour déconfiner. Oui, si le confinement se poursuit, pas d’aide fédérale. Et si Trump n’a pas cité nominativement les Obama, oui, les tests hérités étaient périmés ou inadéquats. Il faut croire que contrairement à la France de Roselyne Bachelot qui a fait s’évaporer des stocks de masques devenus trop vieux, les États-Unis d’Obama laissaient des tests dépasser la date de péremption, à la stupéfaction de Trump. On teste, on relance, et sanctions si on songe à reconfiner.
CQFD, c’est gagné d’avance.
Les États-Unis, qui viennent de recevoir du matériel de Turquie, sont d’ailleurs prêts à aider les autres pays à mener des tests (au fait, Abbot se targue d’en avoir trouvé un fiable à 99 %).En fait, même OAN admet que, pour le moment, il ne s’agit que de tester 2 % de la population de 50 États… par mois.
Et sur Twitter, Trump affirme que le pire est à présent passé et que les Américains sont prêts à rouvrir leur économie. Qui le dit ? « Nos experts », affirme le Donald. Les autres experts démentent, fake news. Mensonges éhontés pour ternir la réputation du Potus.
L’eussiez-vous cru ? SteveMuchin (un soutien de Trump récemment promu à la tête du Trésor public) veut que les familles des défunts (de tous les défunts) retournent les chèques qu’ils ont reçus (ou leur montants) au titre des secours d’urgence en raison de la pandémie. Cela vaut-il aussi pour les entreprises dont les dirigeants ont trépassé ? «  Vous n’êtes pas supposésles conserver », affirme-t-il en assurant que son administration examine les remontées de certificats de décès. J’ai encore relu : en fait des chèques avaient été expédiés à des personnes décédées depuis des semaines ou des mois. L’administration fiscale plaide le droit à l’erreur. Mais il ne faudrait pas indument en profiter. « Oui, les héritiers devront rembourser », a déclaré Mnuchin au Wall Street Journal. Question : quelqu’un mourant de la covid le lendemain de la réception du chèque aura-t-il eu le temps de tout dépenser ? Et dans ce cas, le fisc poursuivra-t-il les héritiers ?
Attendons un tweet de Trump sur la question pour être fixés.

Siné mensuel passe en version numérique


Presse écrite : quel monde d’après ?

Donald Trump a été à deux doigts de se féliciter que la pandémie puisse avoir raison de la lamepress écrite. Ne trouve plus grâce à ses yeux que la chaîne One America News (OAN). Effectivement, on se demande si la presse écrite passera le cap. Et si Siné mensuel reparaît (provisoirement) en version numérique, j’éprouve comme des appréhensions pour de nombreux titres.
Demi (ou semi, ou hémi) digression. Depuis le confinement, je me rends chez un dépositaire de presse de proximité (plus éloigné que mon habituel kiosque fermé) régler rituellement 1,20 euros pour un Canard enchaîné réduit à quatre pages (et sucrant les dessins de Delambre). Manière de remercier « ces Messieurs » d’avoir baissé leur prix de vente lors du passage à l’euro. De même me suis-je fendu de quatre euros pour le dernier Marianne. Soit quatre fois le montant de la version numérique.
Là, je reçois de Catherine Sinet ce petit poulet de presse : « Il vous manque peut-être le bruit du papier et l’odeur de l’encre, le plaisir de l’acheter (vous êtes d’ailleurs très nombreux à nous expliquer sque si vous ne voulez pas vous abonner, c’est pour garder ce plair et soutenir les marchands de journaux) ». Oui, en mémoire aussi des àlas (santé du confrère…) un peu trop prolongés au mettage mulhousien qui me valait de rentrer en départementale voisine dans la carriole du chauffeur faisant la tournée des kiosques « territoriaux » (du Neuf-zéro).
Aussi est-ce fort marri (mais non en instance de divorce) que je vous invite à consulter en ligne le sommaire de ce nº 96 de Siné mensuel. Je ne sais plus combien de sommaires j’ai pu commenter (d’abord sur le site de Come4News, puis ici). Là, je résume : c’est pendant covid et après covid, plus les crobars et les chroniques (Berroyer salue l’arrivée de l’essoreuse à maillots de bain dans sa piscine municipale, mode Arrivée du train en gare de La Ciotat, mais sans les images).
Revenons au sujet plus global avec rappel de la cessation de parution du Démocrate de l’Aisne. Et la mise au chômage de la dernière typote (ou linote, sans jeu de mots) de presse au plomb au monde. De presse, voire de labeur (comprendra qui pourra, je demandais à l’ami Christian Laucou, de l’éditeur-imprimeur-libraire Fornax, s’il avait encore connaissance d’une femme linotypiste en activité dans un musée de l’imprimerie ou un atelier de labeur).
Et je me demande sérieusement quelles seront les dépouilles papetières du monde d’après. Comme chacun ne le sait, je fus stagiaire chez The Independent, lequel, tout comme The Evening Standard, ne paraît plus qu’en ligne. Andrew Marr n’officie plus que sur les ondes (de la BBC). Glissons.
Avec tant et tant de kiosques fermés, voire d’imprimeries en sous-effectifs, de routeurs et livreurs frileux ou contaminés, la presse écrite endure et endurera encore (avec des annonceurs frigorifiés accentuant l’achat d’espaces télévisuels pour les plus riches, en ligne itou, comme trop d’autres : les éditeurs renoncent à sortir de nouveaux titres, donc à les faire connaître, pour ne donner qu’un exemple). Combien de temps durera-t-elle ? Elle mollit grave pour le moment.
Je signale que dans les transports, une tablette ou une liseuse font un moindre barrage qu’un hebdo ou un quotidien déployé. Siné mensuel consulté sur téléphone ? Espérons que cela sera provisoire. Catherine Sinet l’assure : « de meilleurs jours vont arriver ».
Le covid sera un fossoyeur massif. Je ne sais trop si les abonnés renouvelleront, resterons fidèles.
Pour finir, une anecdote. J’ai passé aussi le temps à établir des attestations de déplacement dérogatoire pour des ami·e·s et connaissances (nom, adresse, &c.). Voici… longtemps… J’en poste pour un bled de l’Aisne et un arrondissement parisien voisin. Au bout de trois semaines, la lettre pour l’Aisne (sur-affranchie comme la parsienne) est réceptionnée. Pour Paris, rien aux dernières nouvelles.
Je vous résume : hormis Le Monde et Libération, tous les titres (ceux de la SPQR inclus) ont vu leurs ventes chuter fortement. Quant à Paris-Normandie, déjà en difficultés, le glas a sonné.
Et puis, faute d’activités diverses, pour longtemps, les actualités sont en berne. C’est un peu comme pour le Rodong (Corée du Nord), faute d’activités du Dirigeant Suprême à relater. Selon Reuters, Kim Jon-un serait au large de Wonsan à bord d’un yatch de luxe. Cuisine-t-il à bord ? Quels sont ses recettes préférées ? Guère de quoi passionner les foules. Et puis, imaginez « les conseils minceur avant les vacances ». Quelles vacances ? Mince au balcon, juillet-août à la maison.

mardi 28 avril 2020

Virus : la mortalité fortement sous-évaluée

Royaume-Uni, 40% de morts en sus des annoncées par le NHS

Selon The Financial Times, la létalité due au covid-19 aurait été minorée de 60 % dans 14 pays. Ce n’est qu’une estimation. En revanche, en Angleterre ou au Pays de Galles, c’est l’Office for National Statistics qui dévoile des pourcentages similaires.
Pour décider du déconfinement, la plupart des gouvernements se fondent sur les admissions et les décès en milieux hospitaliers. L’ennui, c’est que les données de létalité sont fortement, semble-t-il, inférieures à la réalité. C’est ce qui ressort d’une étude du Financial Times. Elle se fonde sur des statistiques et les différences entre les nombres des décès à même périodes depuis cinq ans. Ce qui laisse place à des interprétations.
En revanche, au Royaume-Uni, en tout cas en Angleterre et au Pays de Galles, ce sont les chiffres de l’ONS (l’équivalent britannique de l’Insee) qui établissent une minoration de 40 à à 60 % entre les décès recensés par le NHS (le système hospitalier) et ceux des totaux des certificats de décès, lesquels en mentionnent la cause. Tout peut donc laisser penser que ce qui est constaté outre-Manche reflète la réalité sur le continent.
Cela donne : total des certificats à 21 384 contre 15 293 pour le NHS en Angleterre, et 1 016 contre 632 pour Public Health Wales. Soit une différence globale de 40 %. La moitié de ces décès supplémentaires proviennent des maisons de retraite et centres de soin, et bien sûr de très nombreuses victimes sont mortes « à domicile » (ou ailleurs pour les sans-logis, les randonneurs, &c.).
De son côté, l’étude du FT recense 122 000 morts en 14 pays, contre un total de 77 000 remonté par les autorités sanitaires.
Pour la seule Lombardie, il s’agirait d’une sous-estimation de 66,5 % (avec +463 % pour Bergame) Le différentiel serait de surmortalité serait de 51 % pour l’Espagne, 34 % pour la France, et seulement 37 % pour le Royaume-Uni.
Bien sûr, comparer la moyenne sur cinq ans et ceux récents pour la même période peut laisser penser que la chute des accidents de la route ou du travail ne compense pas les décès dus à l’absence de traitements ou d’interventions urgentes pour d’autres maladie que celle de la covid.
Mais les hausses nationales sont surtout dues aux celles dans les foyers où le virus a le plus sévit.
L’incertitude sur les écarts entre modélisations et les indicateurs pris en compte par les gouvernements et la mortalité globale laisse perplexe. Certes, moins d’admissions et moins de décès dans les hopitaux (ou les EHPAD et autres remontant des décomptes), c’est un critère restant fiable. Il se produit bien un fléchissement indéniable. Mais celui-ci ne reflète pas la réalité de la mortalité globale. Non seulement toutes causes confondues, mais aussi celle découlant réellement de la pandémie.
L’Insee, pour sa part ne peut enregistrer les certificats de décès communiqués par les mairies qu’avec parfois de forts retards. C’est pourquoi le dernier graphique publié en date ne dépasse pas celle du 13 avril dernier. On observe bien un fléchissement entre le 31 mars et le 13 avril. De quoi valider les perspectives de déconfinement. Mais on comprend d'autant mieux que la prudence s’impose.

dimanche 26 avril 2020

Le sort de Kim Jong-un, version France Dimanche


Donald Trump et Kim Yo Jong unis dans la douleur !

Kim Jong-un, commandant suprême de la Corée du Nord serait-t-il l’unique victime du covid de tout son pays ? Cardiaque et quelque peu enrobé, aurait-il succombé. Non pour Donald Trump qui lui a souhaité un prompt rétablissement, oui, selon diverses sources. Au train où vont les choses, il est temps de préparer sa nécrologie.
Kim Jong-un batra-t-il le record du maréchal Pétain, annoncé mort plusieurs fois depuis 1946 avant son décès en 1951 ? Tout laisse plutôt penser qu’il sera déclaré bien vivant post-mortem… Le temps de préparer ses funérailles et de promouvoir qui lui succédera. Successivement, son épouse fut écartée, son frère aîné de même, des généraux limogés, et ses enfants estimés trop jeunes. Divers noms de généraux ont été avancés, mais au final, les médias s’accordent pour donner favorite la sœur, Kim Yo-jong. Il était spéculé en février 2018 qu’elle était alors enceinte d’un second enfant, mais à part cela, et le fait qu’elle fut scolarisée à Berne, personne n’en sait trop rien sur sa personne.
Il est d’autant plus hasardeux de spéculer sur elle qu’on n’a aucune certitude sur l’état de santé de son frère. Tout au plus relève-t-on, comme The Korea Herald qu’un satellite a localisé un train spécial dans une station balnéaire
Comment donc en traiter intelligemment ? Je suggère confraternellement d’aller consulter les archives d’Ici Paris (d’avant l’été 2009) et de France dimanche. Ou leurs équivalents étrangers.
C’est, semble-t-il, ce qu’a fait la rédaction du New York Post qui, en une, assortit son titre d’un point d’interrogation et titre à l’intérieur : « le dictateur nord-coréen donné mort, en mort cérébrale ou vaillant » (dead, brain dead or just fine). Ce qui n’empêche nullement de ressortir des photos d’archives de sa sœur en visite à Séoul.
L’article s’en remet à des sources anonymes ou à des experts n’excluant pas que la sœur puisse succéder à son (présumé) défunt frère.
Si jamais la nouvelle de son décès se confirmait, je suggère de titrer « Donald Trump et Kim Yo-jong unis dans la douleur ». Une façon élégante de ne pas focaliser sur la réaction des dirigeants chinois et de ménager l’avenir.
Histoire de faire de même, je glisse ici le nom de Choe Ryongt-hae en tant qu’improbable successeur du « représentant suprême de tout le peuple coréen » (entendez : aussi celui de la Corée du sud).
Ce qui m’étonne un peu, c’est la moindre attention des médias occidentaux pour le site du Rodong Sinmun qui, ce jour même, liste les activités du Leader suprême. Il est vrai que la dernière en date remonte au 12 avril dernier. Et que le fait que G. A. Zhuganov, du parti communiste russe, ait adressé un message de félicitations par plus tard que le 24, ne garantit pas que son destinataire l’ait lu.
De plus, une dépêche du 24 sur les grands leaders en tant que locomotives (voici peu, en Chine, lancé à toute vapeur sur les rails du socialisme) mentionne bien Kim Il-sung et Kim Jong-il, mais non Jong-un. Je note aussi que l’annonce de la mise au point d’un nouveau désinfectant « anti-épidémie » n’est pas attribuée aux efforts du leader suprême. Après les avancées étasuniennes sur les désinfectants, il était normal que la Corée du nord ne reste pas en retrait.
Et pour le moment, en bas de page, la galerie de photos n’en montre aucune de Kim Yo-jong.
Bon, il est temps de se rappeler que l’hebdo Ici Paris, en octobre 2018, titrait : « Michel Drucker : il lutte contre la mort ! ». Tandis que Michel Sardou ne pouvait plus marcher. Aux dernières nouvelles, selon Voici (2 avril), Michel Drucker était « en pleine forme » et le fils Sardou envisageait de remonter sur les planches avec son père. Allez, bientôt, Kim et Donald en duo sur One America News Network (désormais OAN est la chaîne préférée du Donald, qui boude Fox News).

samedi 25 avril 2020

Trump, rancunier, fait le vide de ses ex-partisans

Rien ne va plus entre le Donald et le Piers (Morgan)

Je n’allais pas vous seriner que le sarcastique Potus est revenu sur ses injonctions d’avaler des désinfectants et de fréquenter les salons de bronzage. Toute la presse a fait état de ses revirements. Mais un peu moins du décès de Gary (un technicien de l’Arizona) qui a pris Donald Trump au mot.
Feu Gary, et son épouse Wanda, s’étaient déjà automédicamentés à la quinine. Leur bien-aimé président leur conseillant les désinfectants, ils ont bu celui destiné à curer leur aquarium. Le Daily Mirror, qui rapporte le drame, indique aussi le nom du produit Magna CPMedic, un antiparisitaire présentant le double avantage d’incorporer du phosphate de chloroquine et de nettoyer profond. Bien évidemment, la Trumpland relève que Trump avait averti que tout traitement doit être pris sous la supervision d’un médecin et que le couple ne peut s’en prendre qu’à lui-même. C’est their OWN choice clament victorygirlsbloc (.com) et d’autres sites qui s’insurgent que la presse dominante (ou ex-dominante) impute au Potus de les avoir conduits en erreur.Haro sur la lame press qui a monté ce drame en épingle. Les victimes ne sont pas des deplorables mais leurs propres victimes.
Mais cette polémique est dérisoire comparée au retentissement, au Royaume-Uni, de la brouille entre Piers Morgan et Donald Trump. Piers Morgan, un conservateur bon teint, éditorialiste du Daily Mail et très suivi animateur d’une émission de télévision, ne compte plus Donald Trump parmi ses suiveurs sur Twitter. Le Donald s’est désabonné de son fil.
Il est vrai que suffisant Piers, qui se targuait depuis longtemps, comme Farage, de sa proximité avec Trump, n’y était pas allé de main morte. Il se peut qu’interpellé dans les couloirs de la rédaction et de la station, il aurait pu céder à la pression de celles et ceux se demandant s’il n’allait pas une nouvelle fois applaudir les initiatives de Trump. Ainsi que tout un chacun, il n’a pas su déceler l’ironie si subtile des propos du président. Lequel vient de virer de la tête d’une agence un directeur qui se refusait à démultiplier les essais associant la « quinine » à des poudres de perlimpinpin.
Trump a viré des tas de collaboratrices et aides ne lui paraissant pas assez complaisants. Presque tous les jours, il indique qu’il s’abstient de regarder telle ou telle émission car ses animateurs ne lui tressent pas des lauriers. Même Fox News ne lui semble plus fiable.
Morgan qui anime Good Morning Britain, avait été l’un des finalistes de l’émission de Trump, The Apprentice en 2008. À présent, he got fired. Mais il n’en veut pas à son ancien ami : « je veux juste qu’il écoute et infléchisse son attitude », a-t-il déclaré à CNN. Morgan n’avait pas ménagé ses louanges (et retrouver ses interventions pro-Trump ne manque pas de divertir). Mais le moindre écart se paye. Dire que Tump ai eu tort de dire ce qu’il a déclaré est une chose, nier qu’il ait pu se monter sarcastique, c’est trop.
Cela étant, Morgan est peut-être parvenu à ce résultat : faire renoncer Trump à ses conférences de presse sur le corona modèle Fidel Castro. En effet, pourquoi donc offrir à une presse hostile deux heures d'antenne comblées ainsi, si c'est pour ne recueillir en retour que citations extraites « hors contexte », sarcasmes et fake news ? Et si c'était Morgan qui lui avait fait jeter l'éponge ? 

mardi 21 avril 2020

La minute inessentielle du Pr. Jef Tombeur de Piétemcap

C’est Donald Trump contre la Bête immonde

J’espère un chèque mentionnant “Economic Impact Payment, President Donald J. Trump”. J’avais bien imaginé lancer un concours réservé aux jeunes filles et femmes à la forte ou menue poitrine doté d’un dîner en ma compagnie avec nems de Chez Ann en entrées. Histoire de soutenir une TPE. Trump, qui dispose des moyens des contribuables américains et peut faire croître la dette, fait distribuer des petits chèques portant son nom (qu’on retrouvera sur e-Bay), mais l’essentiel de l’argent part en gros virements. Autant tenter d’en sourire.
Piétemcap ayant été rasée par mes ancêtres, descendus par les croisées de leurs soucoupes volantes, des fâcheux se gausseront : que cette localité disparue soit totalement exempte de contaminés par le covid-19 coulerait de source. Niais, sycophantes, dont les baguettes de noisetiers n’ont su détecter la menace, celle de la bête immonde qui vient de submerger les États-Unis. Soit le complot socialiste ou crypto-communiste fomenté par les adversaires de “God Trump” (si, si, l’expression a déjà été employée par l’un de ses médiatiques partisans). C'est cette contagion que je redoute : aidez-moi à construire un mur autour de Piétemcap.
Lequel Tump, après avoir vainement exorcisé les sorcières démocrates, encourage ses partisans à faire profession de leurs convictions. Du genre « Mon vaccin, c’est Jésus ». Sous quelles espèces ? Donald Trump à poussé toute l’industrie pharmaceutique américain e» à concevoir le suppositoire chabrot (à base de pain et de vin) du Pr. Raoult consacré par un évangéliste monseigneur. In God Trump we trust.
Cela suffira-t-il pour repousser la bête immonde Joe Biden (qui, comme chacun sait, rejoignait l’escroc Hillary Clinton dans le sous-sol d’une pizzeria pour se livrer à des bacchanales pédophiliques, c'est du moins ce qui fait encore bruisser la Trumpland) ?
Non, encore faut-il défiler coude à coude, avec rubans Trump 2020 en sautoir, pour exorciser qui veut tisser le linceul du de l’heureux monde garanti par le deuxième amendement de la Constitution. Le Minnesota Gun Rights Group et les vrais patriotes ont su mobiliser toutes celles et tous ceux qui pensent que la bête immonde est importée de l’étranger avec la complicité d’un ennemi intérieur, la troisième colonne des démocrates et des opposants à Donald Trump.
Certes, Donald Trump n’en est pas déjà à inciter ses partisans à graver au fer rouge le front de ses opposants du chiffre 666 ou « chiffre de Satan », mais sa mentalité de marmot précocement sénile finira bien par l’emporter : cela ne saurait trop tarder. Pour le moment, la Trumpland brandit des pancartes “Libety or Tranny?” (sic). En Californie, on chante du Springsteen, Born in the USA. Sans doute en raison de la strophe “So they put a rifle in my lap/ to go and kill the yellow man”. Car cette chanson très critique a été interprétée comme une variation du fameux My country, right or wrong.
Et puis, aux contradicteurs, on lance « va donc en Chine, communiste  ! ». Quant à Brad Little, le gouverneur de l’Idaho, c’est désormais “Little Hitler” selon la députée républicaine Heather Scott.
On comprend fort bien que Trump ait un urgent besoin de relancer l’économie. Il a fait voter une aide de 349 milliards de dollars pour, supposément aider les petites entreprises. Sauf que 300 milliards ont été absorbés par seulement 75 grosses compagnies ou firmes. Les petites entreprises reçoivent environ 150 000 dollars en moyenne, mais Shake Sharck Burger (189 restaurants) et d’autres comme Quantum reçoivent 10 millions, et ce ne sont pas les plus employeurs d’entre elles qui reçoivent le plus. Le croisement entre les bénéficiaires et les entreprises dans lesquelles la famille Trump a le plus d’actions attendra. Qu'importe, les grosses chaînes de restaurants rachèteront les locaux des indépendants à bas prix.
En fait, encourager ces manifestations peut pousser les gouverneurs démocrates à prolonger le confinement dans ces États en raison des risques accrus de propagation du virus, et donc à exacerber encore les tensions. Bah, dieu pourvoira la solution et l’essentiel sera sauvé : les firmes et les banques qui les financent, et leurs actionnaires, dont les Trump. Et puis 43 000 morts, la belle affaire, cela n’influe guère sur l’audimat du président -8 ,5 millions) et sa cote de popularité parmi ses partisans (selon lui, 96 %).
Évidemment, ce qui précède semble outrancier. Il s'agit en fait de pasticher Trump. Lequel aura toujours une longueur d'avance. Sa toute dernière : ne plus accorder de l'aide étasunienne aux pays amis sans être assuré d'être remboursé. On pense bien sûr aux pays de l'Otan sommés d'acquérir de l'armement américain. Mieux vaut traiter, commercialement, avec l'adversaire. Pour appuyer son propos, il a adressé ses vœux au président de la Corée du Nord, Kim Jong-un.
En fait, après avoir stigmatisé la Chine, Trump s'en prend à présent à l'Europe qui contamine le continent nord-américain. Boris Johnson appréciera. On souhaite le meilleur au Royaume-Uni pour ses négociations d'un traité commercial avec les États-Unis.

lundi 20 avril 2020

Fabrice Grimal : Journal d’un gilet jaune

Vers la démultiplication des bavures policières ?

Voici un… certain temps que je me devais de chroniquer le livre de Fabrice Grimal, Vers la révolution . J’abdique. Mais je saisis l’occasion d’un grave incident impliquant des policiers pour évoquer son Journal d’un gilet jaune (en ligne sur le site de l’auteur).
Les faits ou prétextes immédiats. Selon « une certaine presse » (Le Figaro), un jeune motard aurait percuté la portière ouverte intentionnellement d’une voiture banalisée de police à Villeneuve-la-Garenne en « des circonstances troubles ». Comme d’habitude, les policiers ont argué du comportement du motard. Comme parfois des vidéos accréditent l’hypothèse « que la portière avait été délibérément ouverte pour stopper le motard  ».
Ni un journaliste de l’AFP, ni un localier du Figaro, ni moi-même n’étions sur place. Et je ne vais pas vous rabâcher ce que je pense du recrutement des policiers (soit l’histoire d’un docteur en sociologie méchamment recalé à l’oral du concours).
Ex-fait-diversier et chroniqueur judiciaire, je considère avoir « bien connu la police » et que « c’était mieux avant » (des années 1950 à 2000). J’ai foultitude d’exemples personnels élogieux ou amicaux à l’égard non des mais de policiers, nuance.
Il faut bien sûr aussi considérer que, pour la police aussi « c’était mieux avant ». Un peu partout d’ailleurs. J’en veux pour preuve les fortes majorations des montants des amendes en Espagne (1 500 euros pour se rendre en résidence secondaire pendant le confinement, beaucoup, beaucoup davantage si on tente simplement d’argumenter avec insistance ou, pire, d’insulter ou menacer).
Soit dit en passant, la qualité du recrutement est en relation avec l’attractivité et les (pénibles) conditions d’exercice du métier.
Pour vous évoquer Le Journal d’un gilet jaune, de Fabrice Grimal, il convient d’énoncer que les porteuses et porteurs de gilets jaunes m’ont parfois gonflé grave. Le type à 4 000 euros de revenus mensuels descendant dans la rue en jaune, le couple avec pavillon impeccable et 4×4 neuve criant misère, les manifestants en jeans de marque qu’on ne trouve pas sur les marchés, eh bien, cela ne crédibilisait pas trop ce mouvement. Lequel, par ailleurs, pour tant d’autres, se justifiait amplement. Ingrid Levavasseur m’inspirait une forte sympathie.
Je veux admettre, comme me le disait un ami fort autorisé à le dire que de notre ancien temps « les pauvres savaient vivre comme des pauvres ». Mes potes toujours dans les sous-sols de la dèche et dont la « garde-robe » consiste en trois jeans à dix euros pièce n’ont pas ressenti l’urgence d’acquérir ou de faucher un gilet jaune.
Autant dire que cette évocation de ce Journal et du livre Vers la révolution (J.-C. Godefroy éd. ; larges extraits en ligne sur le site de Fabrice Grimal) n’est pas tout à fait une spéciale copinage.
J’ai pourtant vaguement connu le jeune et charmant Fabrice Grimal, batteur plus qu’amateur en garage et bosseur en prépas écoles de commerce. J’étais loin d’imaginer qu’il pondrait un bouquin si soigneusement documenté et argumenté.
Mon impression première  : c’est du niveau d’un Raymond Aron — pour ce dont je me souviens confusément ; pas relu de longue date — et de nombreux crans au-dessus de ce qui se publie d’à-peu-près similaire, rayons éco et scpo. Pour Grimal « une éventuelle nouvelle révolution française » reste une hypothèse, non un postulat. Mon appréciation de son travail est d’autant plus sincère que je suis en net désaccord avec l’auteur sur l’Union européenne.
L’UE, comme pourrait l’écrire Yuval Harari, est une religion comme tant d’autres. Faute de mieux, cela reste la mienne et ce livre vaut pierre de touche. De quoi remettre quelques présupposés en question. Ce que, pour mon compte, la presse anglaise (je ne parle pas des affabulations et rodomontades d’un Boris Johnson, de la prose du Daily Express, mais de critiques sérieuses et fondées, étayées) ne parvint pas à faire, Grimal y échoue de fort peu (l’apostasie épouvante souvent, y compris les plus lucides, je laisse à l’UE le temps que Roger Vailland laissa à Staline).
Ce Vers la révolution, sous-titré « Et si la France se soulevait à nouveau ? » est un lourd pavé. (330 pages) structuré, soigneusement argumenté. 
Pour qui ne se sentirait pas la capacité de s’y plonger, les larges extraits sur le site sont abordables. Et vous retrouverez aussi aisément l’entretien donné par l’auteur à David L’Épée de la revue Éléments.
Quant au Journal, il ne se résume pas à l’anecdotique ou à une énième dénonciation des bavures (euphémisme) policières. S’y glisse par exemple une référence à « l’imperium que Lordon [Frédéric] emprunte à Spinoza ». Fabrice Grimal puise à de multiples références en rappelant que « le camp d’en face possède toujours une partie de la vérité » et revendique d’avoir mené « une quête d’honnête homme » s’étant décantonné de ses présupposés. On ne pourra le lui disputer ou l’accuser de restriction mentale. Pour qui se veut soucieux de ne pas proférer sans nuance ou nécessaire correctif des jugements à l’emporte-pièce, ces deux ouvrages confinent au nécessaire. Grimal fonde peu d’espoir en une insurrection qui viendrait inéluctablement. La convergence des refus n’est sans doute pas pour demain. Mais, comme il l’énonçait lors d’une conférence du Cercle Aristote : « pourquoi s’interdire d’y penser ? ».

P.-S. — sur cette histoire de motard et de portière, Le Monde est beaucoup moins affirmatif que Le Figaro. Bref, on ne sait trop si l'ouverture de la portière, par un commissaire, fut intentionnelle (pour stopper le motard, non pour le blesser) ou accidentelle (soit une imprudence que signalent tous les moniteurs d'auto-école).

dimanche 19 avril 2020

Correction : du « hiatus » temporel et positionnel

Pierre Lemaitre écrit-il assis par terre ?

Dans quelle position ou situation Pierre Lemaitre (sans flexe sur le i) a-t-il rédigé le chapitre 42 de ses Couleurs de l’incendie (Albin Michel éd.) ? Assis par terre ou depuis une mezzanine ? Toujours est-il qu’il m’offre l’occasion de vous entretenir de correction.
Il ne saurait durablement m’en vouloir. Relever dans son roman, Couleurs de l’incendie, une incohérence qu’une scripte saurait rectifier s’il était porté à l’écran ne me vaudra pas sa vindicte.
Point de « Ah, ah, ah », s’écria-t-il en espagnol (en réalité, « Ah ! ah ! cria-t-il en en portugais », Dumas père ou son prête-plume), ou d’autre perle littéraire dans la prose « colorée » de Pierre Lemaitre.
Beaucoup d’auteures et écrivains considèrent, à tort, que la correction se limite à se montrer pointilleux quant à l’orthographe, la syntaxe, et l’orthotypographie. Soit, pour ce dernier vocable, en son acception première, le respect des règles régissant l’emploi de la ponctuation et d’autres signes de composition, ou l’emploi des graisses (romain, italique), des petites capitales, des espaces, &c. L’autre emploi correspond à l’étude des marches et codes typographiques, ou à  collaborer pour les élaborer.
En fait, la correction va très largement au-delà. Il s’agit par exemple, pour tel ou tel personnage d’un roman, à veiller à la cohérence du niveau de langue. Ainsi, en titre, j’emploie «  hiatus » au sens figuré de décalage, voire, plus largement d’impair, maladresse. Je placerais peut-être ce hiatus dans la bouche d’une professeure de lycée, mais non dans celle d’un instituteur s’adressant à ses élèves.
Les décalages à déceler les plus fréquents sont les temporels. Par exemple, situer un événement antérieur ou ultérieur sous le règne de tel ou tel souverain accédant plus tôt ou tard au trône. Employez, selon le cas, parachronisme ou prochronisme
Le géographique se rapporte à la confusion des lieux. C’est parfois subtil lorsque, par exemple,  voici peu, Donald Trump attribue à Séoul la population de l’agglomération de Tokyo. Ce tout en se targuant de connaître la Corée mieux que quiconque (relevé dans un précédent billet de ce blogue-notes). Ne pas employer : analocalisme.
Et le positionnel ? Difficile à définir. Confusion spatiale ? Risqué... S’applique-t-il à ce qui m’a sauté aux yeux en lisant le chap. 42 des Couleurs de l’incendie ?
Deux protagonistes, Madeleine et André, unité de lieu, la brasserie Lipp.
Bas de page 502 (éd. LdP) :
— Pardon, cher André, cela ne vous gêne pas de m’abandonner la chaise, les banquettes ne me réussissent guère.
Haut de pagre 507 (id.) :
« (…) utilisant un argument que lui-même [André] aurait pu employer. Il recula insensiblement sa chaise. ».
Il me sera rétorqué qu’André, de la pointe d’une chaussure, aurait pu écarter légèrement la chaise de Madeleine. Vade retro, satanée Madeleine. La correction consiste aussi à l’envisager, à soupeser la plausibilité d’une telle éventualité.
Cela va en tout cas au-delà de s’interroger s’il fallait, p. 419, italiser ou non un Bitte ! Bitte !, de vérifier l’usage allemand des guilles et des espaces avant les points d’exclamation.
L’action se situe dans les années 1930. Que nous indique le Code typographique (douxième éd., printemps 1977) ?
« La tendance moderne de la typographie allemande est d’employer deux (…) virgules retournées pour le guillemet fermant ». Passent encore les guilles françaises («  Bitte ! »), mais après le Mein Herz schwimmtt im Bult et un a capella suivi de Meine Freiheit, meine Seele. Cela suscite réflexion…
En revanche, est-il admissible que les nombreuses translittérations du polonais (Vladi la Polonaise ne s’exprime qu’en cette langue) restent ou non en romain ? Je vais de ce pas (en fait, de ces mêmes doigts) consulter des expert·e·s. Les mêmes qui ont débattu des heures à propos de l’emploi du ou de la covid (le virus, la maladie provoquée par le dit virus). La correction est une activité confinant à la macération (quasiment aux deux sens puisqu’il s’agit d’extraire, filtrer avant la mise en encre d’imprimerie ou de reprographie).
Pierre Lemaitre est par ailleurs un écrivain vétilleux quant à la vraisemblance, sachant subrepticement risquer, licence romanesque, «  une entorse à la vérité historique », la plus souvent indécelable ou fort mineure (en tout cas, elle[s] m’a, ou m’ont échappé). Son livre s’achève par une abondante « reconnaissance de dette ». Ce qui laisse présager que de très nombreuses pages furent soigneusement relues.
Ce qui vaut par exemple que nervosisme soit employé à la place de sa variante alors admise, névrosisme qui évoquerait trop la moderne névrose (fort peu usitée à l'époque).
Ce genre de bévue vénielle (cette malencontreuse chaise «  musicale ») peut échapper aux plus scrupuleux, de celles ou ceux du genre à vérifier si, vers 1930, la brasserie Lipp comportait bien des banquettes similaires à celles d’à présent. Et présentement comme hier ou naguère, voire antan, je considère que c’est davantage essentiel, ou primordial, que de traquer le trait d’union incongru.
L’un n’empêchant évidemment pas l’autre