Aidons Poutine à re-ressufier l’Ukraine
Allons bon, voilà que, faute de
la faire fondre pour fabriquer des obus, les troupes russes ont érigé une
statue de Volodia Lednne à Nova Kakhova (sur le Dniepr, à 78 km de Kherson, sud
de ce qu’il reste de l’Ukraine). Pourquoi donc Lénine et non Trotsky qui
réduisit Makhno (sans doute un néo-nazi à présent selon la propagande du
Kremlin que Jef Kessel propagera), hein, on se le demande.
Défense de cracher par terre et de parler breton. C’est un peu la même chose dans l’Ukraine re-russifiée. Alors que la Russie, c’est le cyrillique d’un tsar bulgare et pour partie une terre ukrainienne de fort longue date, voilà que la Russie poutiniste veut faire croire aux Ukrainiennes et Ukrainiens que Lénine est le fondateur de leur nation (soviétique). En fait, ce fut plutôt Trotsky qui permit, en liquidant si ce n’est Makhno lui-même, mais ses partisans, la Makhnovchina, de soviétiser l’Ukraine. Déjà, avant que Lavrov s’en prenne à Zelensky en revitalisant le mythe improbable d’une ascendance juive d’Hitler (sans que jamais aucun élément tangible ne conforte cette fable, quoique, question ascendance, au moins lointaine, rien ne peut être exclu, pour Lavrov lui-même inclus et un peu tout un chacun en Europe), la propagande alors bolchévique tenta de faire accréditer que Makhno avait été anti-juif ou à minima anti-israélite. Autant vouloir faire d’Aaron Baron, proche de Makhno, fusillé par le NKVD (en août 1937), un fasciste haïssant sa judéité.
On pourrait sourire (jaune) de
tout cela si ces falsifications historiographiques n’étaient pas révélatrices. On
se souvient (hors de Russie à présent) du sort réservé à Trotsky (né
Bronstein), à Zinoviev (né Radomylsky) et Kamenev (né Rosenfeld). La propagande
stalinienne sut faire remémorer leurs origines. Moins celles d’un certain
Oulianov (dit Lénine), dont l’un des aïeuls était dénommé Moshe Blank. Lequel
opta, par opportunisme ou conviction, pour l’orthodoxie. Qu’importe !
Il n’en reste pas moins que la propagande
poutiniste fait songer à une sorte de wokisme parallèle. Ce après avoir
alimenté des courants complotistes exécrant tant l’Occident qu’Israël (et
au-delà, une prétendue oligarchie sioniste). On aimerait pouvoir s’en contrebalancer.
Mais outre qu’une minoritaire russophobie imbécile s’en prend stupidement à la
culture russe (littéraire et musicale), c’est aussi de l’intérieur que cette
culture – ou sa partie estimée à présent non-conforme – est combattue. Un
dérapage en suscite souvent un autre (par surenchère concordante ou inverse),
je devrais m’en tenir là. Mais cette référence au « sang » d’un
individu doit être dénoncée, ne serait-ce que pour en prévenir la possible
contagion. Que de l’ADN d’Attila le Hun soit traçable dans celle de Poutine ou
non, je m’en contre-fiche (serait-il apparenté à Boris ou à Gleb, fils de
Vladimir de Kiev, que l’orthodoxie canonisa, cela me serait égal : on les
disait ou on les dira pacifistes par la suite). Ériger des statues de Lénine me
semble aussi dérisoire que de déboulonner un buste du maréchal Joukov (comme à Kharkiv),
lequel fut limogé par Staline puis par Khrouchtchev. Tout comme, si c’est bien
vrai, viser des statues scythes à Kherson (Ukraine), ne suffira pas à établir
que l’Ukraine ne pouvait exister avant Lénine.
Pour en revenir à Lavrov, je me
souviens de la réflexion d’un vieil habitant d’Odessa (c’était au temps de
Gorbatchev) : « Odessa était une ville si vivante, si gaie, mais,
hélas, tous les Juifs sont partis ». Massacrés en 1941, les Juifs d’Odessa
ont fui ensuite le soviétisme, puis le nationalisme ukrainien, et à présent, la
« dénazification » russe ne les convainc pas davantage. Et par
rapport à la propagande (d’où qu’elle provienne), soyons toutes et tous des « Juifs
d’Odessa ». Mais le courage ne consiste pas à fuir la propagande, mais à
tenter de la mettre en perspective.