Éviter d’alimenter la propagande de Moscou
C’est parce que l’Union européenne
serait devenue une coalition totalitaire
que la Russie poutiniste s’est donnée la mission de sauver le monde. Le problème,
c’est qu’une majorité de Russes en sont progressivement convaincus. Chaque
jour, le thème de la russophobie généralisée est martelé par la propagande du
Kremlin. N’en tenons pas rigueur aux Russes que nous pouvons côtoyer.
C’était en 1882 et la France chantait Le Fils de l’Allemand dont le fameux envoi « Va passe ton chemin, ma mamelle est française. » fit le succès de la chanteuse Amiati. Le père de l’enfant, officier uhlan, avait sans doute violé une Lorraine, morte en couches. Du moins, fallait-il le supposer.
Je consulte les sites anglophones
des agences Interfax et Tass, qui restent bien sûr dans la ligne
officielle poutiniste mais n’en rajoutent pas trop. Il faut consulter celui,
par exemple de l’agence Ria Novosti, pour prendre la mesure de ce qui
est inculqué à la majorité de la population russe (restée en Russie ou
expatriée). Vladimir Kornilov nous y apprend que les réfugié·e·s ukrainien·ne·sont
devenu·e·s les nouveaux/nouvelles esclaves de l’Europe. Seul·e·s échappent à ce
sort qui se réfugie en Russie ou en Biélorussie. Pas de second degré non plus
dans la description récurrente d’une russophobie annoncée véhémentement généralisée.
L’illustration ici employée
provient du site Donbass Insider pour lequel s’illustrent Laurent Brayard
et Christelle Néant, qui, comme divers aventuriers, pour la plupart issus des
extrêmes droites de l’U.E. ont combattu (en paroles) au Donbass, côté
pro-russe. Le thème de la russophobie est développé et alimenté constamment
depuis 2013 en Russie. Mais il était déjà présent dès la guerre dans l’ex-Yougoslavie
et renforcé dès 2004 et ladite révolution « orange » en Ukraine. Bien
auparavant, dès Charlemagne, l’anti-slavisme « autorisait » à réduire
des peuples slaves en esclavage. En France, à partir de 1871, c’est pourtant la
russophilie qui prit le dessus, et la guerre froide, en dépit de l’hostilité suscitée
par le stalinisme (dans une partie de l’opinion) ne l’étiola guère. Pour mon
propre compte, un séjour en Russie, puis l’exode économique (ou parfois dû à
des répressions politiques) de Russes et d’ex-citoyen·ne·s de républiques ex-soviétiques,
majoritairement aussi russophones, le russe restant la lingua franca de
cette diaspora multiforme, ou même la slavophilie des copains serbes – ou
moldaves russophones – m’ont détourné de tout sentiment xénophobe à l’endroit de
personnes me conservant leur amitié.
Je ne vais pas remémorer que
Dachau (camp ouvert en mars 1933) fut peuplé de communistes, de
socio-démocrates et de libéraux allemands. Les religieux allemands opposés au
nazisme y furent aussi internés. L’écrivain Günter Grass passa des Jeunesses
hitlériennes aux Waffen-SS. On sait comment il évolua à partir des années 1950.
Je ne vais pas non plus insister sur l’exode de Russes, opposés à la propagande
poutiniste, qui enfle, notamment en Finlande et en Turquie. Et je ne saurais
condamner définitivement des Russes gobant la propagande anti-européenne de
Poutine et consorts. Nombre de Cambodgiens ayant par la suite rejoint les
sinistres Khmers rouges avaient été des boursiers en France. Des tortionnaires
iraniens, islamistes chiites, s’étaient aussi ralliés à Khomeini en France. Et
c’est pourquoi je ne doute guère qu’il puisse se trouver des Russes (ou autres)
pro-Poutine en France. Qui pourraient relayer en Russie l’idée d’une population
française russophobe (en inventant au besoin des incidents, des anecdotes). Ne
leur en donnons pas l’occasion (surtout stupidement, car nombre de Français
sont peu à même de distinguer un Géorgien, voire un Ukrainien, un Arménien, d’un
Russe).
Des réfugiés politiques russes en
France auraient, paraît-il, été la cible d’incidents russophobes. La propagande
poutiniste s’empresse et s’empressera de les monter en épingle. Et puis, je
connais un très jeune garçon, Alexandre, de père ukrainien et de mère russe. Il
ne vit pas en Bretagne, mais si c’était le cas, et qu’il soit pris à partie par
des camarades de classe du fait de ses origines, j’en viendrais à me sentir
honteux d’être un Breton. La stupidité ira-t-elle jusqu’à expurger Sacha Distel
de la discographie du fait que son père était originaire d’Odessa ? Je
suis russophile (et ukrainophile, &c.), comme l’était François Cavanna,
auteur des Russkofs et de Maria, et pourquoi pas ? Sans
angélisme, mais surtout sans xénophobie. Si, en France, des gens veulent s’en
prendre à la propagande poutiniste, au lieu de viser des Russes abusés, ils
trouveront assez de Français (ou autres, même si breih-info.com s’abstient à
présent, c’est récent, de ne relayer que la propagande du Kremlin) à qui se
confronter. Mais, là encore, attention à ne pas se tromper de cible : les
convictions évoluent, comme en Russie. Et comme cela s’est vérifié en
Biélorussie manifestement après 2010.
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