jeudi 4 octobre 2018

La presse française calque la gutter press


Médialogie : la presse française suit les brisées de la gutter press britannique…
Médialogie ? Médiologie ? Peu importe… Toujours est-il que je suis frappé par l’évolution de la presse française. Illustration avec un exemple récent…
Presque tous les jours je consulte le site du Daily Mail. Pas que… Guardian’s & Independent’s idem. Le Mail n’est pas tout à fait une presse « de caniveau ». Mais limite, limite… Désormais, Le Figaro s’en rapproche (sujets « sociétaux » et « comportementaux », alimentation, chiens-chats, célebs, &c.). De plus en plus flagrant à mesure que passent les mois… Mais je n’imaginais pas lire dans L’Express un titre tel que « Successeur de Collomb : Macron se tait mais a choisi ».
                Un titre digne d’Ici Paris, France Dimanche et prédécesseurs… Un peu comme « Untelle effondrée : sa terrible calamité ! » (son petit chat est souffrant ; enfin, la concierge a remarqué qu’il n’a plus d’allant, et si la très médiatique Unetelle ne s’exprime pas sur le sujet, c’est parce qu’elle est submergée par le chagrin). Macron se tairait mais a un nom, un candidat pour remplacer l’ex-ministre de l’Intérieur.
                Il fut un temps, où, au Cuej, au CFJ-CFPJ, à Lille et même à l’IUT de Tours, il était enseigné comment titrer « incitatif » et « factuel ». Je ne blâme pas les signataires de l’article de L’Express, Corinne Lhaïk et Éric Mandonnet. Voici longtemps que les inventifs sèches et secs de rédac’ sucrent les titres des journalistes de terrain s’ils ne sont pas à leur goût.
                Mais bon, quand un titre allèche ainsi, c’est qu’on peut avancer un, ou du moins, des noms… Mais là, c’est du délayage, du tirage à la ligne. Avec beaucoup d’interrogatives et l’insertion de la mention de la mort de Charles Aznavour (c’est là « écrire pour Google ») qui aurait (le conditionnel s’impose) pu différer l’annonce du maintien de la démission de Gérard Collomb.
                « Selon nos informations, le chef de l’État a d’ores et déjà décidé. ». Quoi ? Qui ? Allez savoir. Bref, pour tirer à la ligne, Lyon devient « la capitale des Gaules ». Genre : « tu as dit combien de signes ? Ah, d’ac’, trois feuillets… ». Pour remplir, il est donc supputé que Georges Kénpénekian n’allait pas rendre si aisément son écharpe de maire. Hypothèse qui téléphone « l’envie de rester calife à la place du calife… ». Soit près d’une cinquantaine de caractères de « mieux ». On ajoute « et ce n’est pas la moindre des raisons » (car Macron « déteste être contraint d’agir sous la pression »).
                Bref, on ne sait pas vraiment si « rien ne va plus » entre Gérard et Emmanuel, ou s’ils conservent une tendresse réciproque. Ce n’est pas un divorce, c’est une séparation, mais les deux chérubins auraient eu des mots, vifs… qu’une prochaine chaleureuse réconciliation fera oublier. Le jugement de Brigitte Macron sur les choix vestimentaires de l’ex-ministre nous est toutefois épargné. Au fait, ne serait-ce pas pour conforter le primat des Gaules, Mgr Barbarin, que l’ancien maire de Lyon a voulu regagner la cité des canuts, les collines de Fourvière et de la Croix-Rousse, les rives de la Saône et du Rhône, l’ombre du « crayon » de La Part-Dieu, les bouchons des Mères, la métropole du tablier de sapeur, le berceau de sainte Blandine, &c. ?
                Bref, on en vient à se demander si la presse française « sérieuse » (quality press) n’est plus incarnée que par Siné Mensuel, Le Monde diplomatique, et quelques – trop rares– revues confidentielles…


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