jeudi 27 septembre 2018

Revue Projet : les « jèzes »ont fort bien évolué...


Revue Projet : les « jèzes » ont fort bien évolué…

Longtemps, enfin au moins un lustre, je détaillais les sommaires de Siné (hebdo, mensuel). J’ai suspendu (flemme…). Mais je n’imagine pas opérer un grand écart, dont je serais physiquement incapable, en attirant votre attention sur Projet n° 72.

On a beau être athée, en tout cas agnostique, classifié « anarco-éthylique », il est possible de rester sensible aux propos des revues confessionnelles. Bon, celles du Sillon laissaient quelque peu (litote) à désirer. Mais, à Strasbourg, collaborateur d’Uss’m Follik (issu du peuple), j’étais attentif aux actualités de Réforme (hebdo protestant d’actualité). De même, de nos jours, ce que la Cimade développe sur l’immigration ne me laisse pas indifférent.
            Mais les jésuites… Sulfureux. À en préférer les éditions du Cerf (pourtant dominicaines, héritières d’une Inquisition qui… mais c’est une autre historiographie). Bon, ce fut aussi alimentaire : j’avais traduit une somme sur le catholicisme américain pour elles (jamais parue, mais Notre-Dame University acquit mes publications). Les « pétrisseurs d’âmes » (Mirbeau), ouh-ouh-méfions-nous. En tout cas, les français (pour les argentins, je ne sais ce qu’ils produisent…) publient Projet.
            Très « catho de gauche », cette publication qui me remémore Politique Hebdo, dont je fus l’un des collaborateurs-pigistes assidu. Avec, en ouverture de ce n° 72, un reportage d’Aurore Chaillou sur les chaussures de l’atelier Le Soulor, de Pontacq (Pyrénées-Atlantiques). Puis nous avons un témoignage de Jean-Michel Knutsen, sur le community organizing.
            Sillon encore. Enfin, ses actuelles réson(n)ances, avec Hartmut Rosa, et le Mouvement chrétien des cadres dirigeants, traitant de la « sociologie du rapport au monde ». Et puis divers articles ou contributions (Kevin d’Ovidio, Julie de Brux et Alice Mével) sur les prisons, leur(s) surpopulation(s), et la politique pénitentiaire. Suit une réflexion sur l’habitat partagé… Genre Commune libre de la Robertsau ? L’Aube sociale (voir Roger Vailland…) ? Le magasin général de Tarnac ? Pas vraiment. Il s’agit d’habitat participatif, groupé, coopératif ou solidaire, « dans une logique de solidarité de proximité ». Loin « de Charles Fourier ou des kibboutz ». Mais allez présumer du pas d’après…
Bref (à suivre), pourquoi ne pas créer un onglet ?

mardi 18 septembre 2018

Jean-Jacques Tachdjian en appelle au mécenat

Jiji Tachdjian contraint d’en appeler au mécénat…
Jean-Jacques Tachdjian se retrouve – une nouvelle fois – dans la plus grise, si ce n’est noire, précarité. Bon, il l’a bien cherché : ce fort talentueux (litote) créateur de typographies, graphiste, illustrateur, &c. – j’en passe beaucoup – et musicien, a toujours refusé, ou trop parcimonieusement accepté, toute activité commerciale, même très rémunératrice.

Lui, Jean-Jacques Tachdjian, c’est l’associatif, la culture populaire… Un peu le pendant du théâtral Armand Gatti, un adepte de l’arte povera absolument pas spéculatif. Genre linograveurs anglais ou mexicains (Grafica Popular) des débuts du siècle dernier, sauf qu’eux tiraient leur épingle rémunératrice du jeu…
            Collaborateur de Création numérique, puis créateur de la têtière de Créanum (titres disparus…), son influence sur des générations de graphistes et illustrateurs (et trices), dont désormais de renom, fut et reste considérable. Le voilà, à Lille, aussi dans la dèche et la mouise qu’Éric Blair-Orwell le fut à Paris. Simple : plus d’aides sociales (aussi minimes soient-elles) car présumé se livrer à un travail indépendant (la plupart du temps bénévole).
            Donc, après avoir créé des fanzines et autres magazines via le financement collaboratif (Ulule, de mémoire), des œuvres collectives, ce sans en retirer le moindre profit autre que symbolique, il a recours à Patreon… www.patreon.com/jeanjacquestachdjian.
            Ce n’est pas un appel aux dons, car Jiji ne s’est montré, ne se montre jamais ingrat. Comme il me l’explique dans un courriel privé : « tu donnes une toute petite somme par mois ; plus il y en aura, plus je peux bosser et fabriquer des trucs à envoyer aux “patrons” (attention, ça veut dire mécènes en anglais, c’est un faux-ami) ».
            Par le passé, j’ai reçu plein de trucs somptueux gratos, œuvres de Jiji ou consorts. Et puis aussi de nombreuses polices de caractères, des de texte courant, d’autres apparemment foutraques à première vue, entendez « inventives », « insolites », ou impactantes (je ne devrais céder à cette facilité, mais… j’peux causer « premier de cordée » aussi). Toutes léchées, fonctionnelles… Jiji Tachdjian typographe est universellement connu, réputé, salué. En tant que graphiste et illustrateur, idem (expositions Paris, Californie, autres lieux). Mais ce furent à chaque fois plutôt des hommages que des manifestations rémunératrices. Ben voui, à chaque fois, il sérigraphie ou imprime sur des supports aussi peu chers que les oranges de Fernand Raynaud. Fi donc, ce n’est point pour mon salon ou mes cimaises. Warhol, ça, c’est du placement !
            Qui dit oui à Andy ne le dit pas à Jiji. Pourtant… Cherchez sur la Toile. Les frileux de Wikipedia (la plupart ignares), ont balancé des avertissements sur sa page (comme sur celle, italienne, d’Octave Mirbeau, pourtant élaborée par les plus éminents spécialistes). C’est malgré tout un point de départ, tant bien même plus qu’imparfait. Google remonte près de 15 000 résultats. Voyez aussi « El Rotringo », www.lachienne.com. La surabondante bibliographie de Jiji est impossible à recenser (lui-même s’en contrefout, hélas…). Tellement épars qu’il en manquera toujours. Le plus vaste portfolio restera toujours incomplet. L’Imaginieur, comme l’a surnommé Lucien Wasselin, a toujours de multiples projets de nuit comme de jour. Sans doute l’un de nos plus fougueux (véritables) artistes, Tachdjian ne « consolide » pratiquement jamais rien : du coup, son fabuleux site « Radiateur-fontes » s’est évanoui dans les limbes… (désastre, horreur, malheur, stupeur !). Si toutes celles et ceux qui lui doivent tant et tant ne lui retournaient qu’une infime fraction de ce qui devrait lui être dû, il ne s’enrichirait pourtant jamais : si ce n’est au centuple, il rendra au moins au décuple. Jiji, Kamerad, je sais que la modération n’est pas ton point fort, mais, pour une fois, pense un poil à toi (et à renouveler ton matelas en mousse).

dimanche 16 septembre 2018

Octave Mirbeau, précurseur de la décentralisation théâtrale


Octave Mirbeau,
précurseur de la décentralisation théâtrale
Presque toutes les universitaires et tous les auteurs traitant de la décentralisation théâtrale, soit l’implantation de troupes et lieux de représentations subventionnés par l’État hors de Paris, en fixent l’origine à l’action de Jeanne Laurent à la Libération. Ce n’est pas erroné et surtout commode. Pourtant, sans Octave Mirbeau, ou Catulle Mendès et tant d’autres, il n’est pas tout à fait sûr que la décentralisation dramatique française ait pris son essor si « rapidement » et si amplement…

Peu de spécialistes s’interrogent sur l’action d’André Malraux, qui lance les Maisons de la Culture, en liaison avec ce qui les précéda, notamment dans ce qu’on nommait le « bloc communiste », soit les multiples palais et jardins de la culture… Mais il est reconnu que la décentralisation théâtrale française fut l’objet d’une lente maturation. Il est souvent fait état de Firmin Gémier, promoteur du théâtre populaire et du tout premier TNP à Paris, en 1920. D’autres prédécesseurs, dont Maurice Pottecher et son Théâtre du Peuple de Bussang. Mais on minimise souvent que le même Firmin Gémier put lancer un Théâtre national ambulant en 1911. Cela s’explique : l’aventure ne dura que deux saisons, et les Tréteaux de France, de Jean Danet, créés en 1959, requièrent davantage l’attention.
Pourtant, ce Théâtre national ambulant doit sans doute beaucoup à Catulle Mendès qui le préfigura, dans Je sais tout, dès 1905. Quant à la locution « décentralisation théâtrale », elle est employée, dans Le Monde artiste, dès août 1903. Peut-être sans doute même auparavant, sous le Second Empire (1852-1870), mais je n’ai pu l’établir (faute sans doute d’avoir lu soigneusement Denis Gontard, auteur de La Décentralisation théâtrale en France, 1895-1952). M’intéressant incidemment au sujet, à la faveur de la parution du livre d’Alain (Georges) Leduc, Octave Mirbeau, gentleman-vitrioleur (voir contribution précédente), et de son nécessaire rappel de l’œuvre de Mirbeau dramaturge, je me suis adressé à Pierre Michel, fondateur de la Société Octave Mirbeau. Lequel m’assura que la décentralisation dramatique était au nombre des préoccupations de l’auteur de Les affaires sont les affaires, et de nombreuses autres pièces. La suite de mes investigations (sur le site de la Société, d’autres…) allait amplement le vérifier.
C’est pourquoi il ne m’a pas semblé superflu, après tant d’autres (et sans doute avant maints continuateurs), dont Nathalie Coutelet, de m’intéresser aux contributions d’Octave Mirbeau, et du comité de La Revue d’art dramatique, à la revendication de faire essaimer un théâtre populaire en province. Cette modeste contribution à l’histoire de la « DT » (et à l’évolution de son historiographie) a été gracieusement localisée sur l’un des sites de la Société Octave Mirbeau. Intitulé, faute de mieux, « Décentralisation théâtrale : une notion restant à préciser… avec Mirbeau », ce texte n’a d’autre ambition que d’ouvrir (ou plutôt remémorer) quelques pistes pour traiter de la décentralisation dramatique. Soit de la concevoir un tant soit peu différemment, de contextualiser sa « légende dorée ». Aussi que, lorsqu’en 2027, il sera de nouveau question de cette « octogénaire », sa généalogie sera au moins esquissée, que ses pionnières et pionniers, injustement oubliés, auront à minima droit à mention, tout comme sa descendance, incarnée à présent tout autant par les Scènes nationales que par les Centres dramatiques nationaux.
Il conviendra sans doute aussi, avant 2027 puis-je espérer, de s’intéresser plus précisément aux théâtres confessionnels et aux « scènes » anarchistes, à l’apport des courants de l’éducation populaire, à l’action de Jack Ralite… L’historiographie est toujours (trop) sélective.
Quelques sites de la Société Octave Mirbeau :
et le fonds Octave Mirbeau qui doit énormément à la Société…

vendredi 14 septembre 2018

Première Université du féminisme : un programme chamboulé


1ère Université du féminisme : un programme « chamboulé »

Bizarre, bizarre : le programme provisoire et le définitif de la Première Université du féminisme (ou plutôt « des » féminismes), organisé par le secrétariat d’État à l’égalité H/F, ont quelque peu divergé. L’intervention en coulisses du Strass (Syndicat du travail sexuel) et de sa secrétaire-générale, Mylène Juste, ne fut donc pas qu’accessoire. Explications


Ces 13 et 14 septembre 2018 s’est tenue la Première Université du féminisme sous l’égide de Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Sur le fond, inutile de s’appesantir longuement… Les propos recueillis par Anthony Cortes, de Marianne (sur marianne.net), publiés sous le titre « Militante ou secrétaire d’État :mais à quoi sert vraiment Marlène Schiappa ? » résument fort bien ce qu’est en fait cet événement. Mais il convient aussi de mettre l’accent sur l’intervention de Mylène Juste, organisatrice du Collectif des Femmes de Strasbourg-Saint-Denis (pour situer, des travailleuses du sexe du haut de la rue Saint-Denis, bien connue des agriculteurs en goguette du Salon de l’Agriculture) et secrétaire générale du Syndicat du travail sexuel sur Mediapart. Elle est intitulée « Université d’été du féminisme, le règne de l’entre-soi ». Cette contribution, qui devait initialement être une tribune libre publiée sur le site de Mediapart, a été reléguée par la rédaction dans l’espace des blogues-notes, mais mise en valeur en page d’accueil.
Voir blogs.mediapart.fr/mylene-juste/blog/110918/universite-d-ete-du-feminisme-le-regne-de-lentre-soi. Le constat reste, comme le patronyme de son auteure, largement exact. Mais il convient d’y apporter un bémol… Ce parce qu’entre le programme provisoire de cette manifestation et le définitif, quelques modifications, qui ne doivent pas qu’à l’indisponibilité d’intervenant·e·s, sont intervenues.

Par exemple, et cela n’a rien d’anodin, l’après-midi du 13 septembre devait donner lieu à une prise de parole sur le thème « Féminisme et prostitution ». Sous la forme d’une « carte blanche à Yaëll Mellul, avocate féministe ». Or, entre les 9 et 13 septembre a circulé un communiqué suivi d’un post-scriptum s’étonnant : « cette dame (…) se présente plus fréquemment en tant qu’ex-avocate démissionnaire du barreau de Paris ». Signalant aussi qu’elle fut associée de fait avec François Pinada, un consultant un temps interdit d’exercice de direction-gérance de sociétés, « se proclamant comportementaliste ou profiler ». Il était fait aussi état du fait que Yaëll Mellul aurait – le conditionnel s’impose – interjeté appel d’une condamnation en correctionnelle. Exit Yaëll Mellul, « avocate », devenue « féministe, ex-avocate » peut-être à la suite d’une prise de contact avec le Conseil de l’Ordre et le bâtonnat. Mais ces qualités énoncées restent quelque peu réductrices… Pourquoi donc avoir maintenu la présence de cette personne ?
            Yaëll Mellul a été secondée en quelque sorte par Grégoire Théry, du Mouvement du Nid et de la Coalition pour « l’abolition » (entendez : éradication progressive) de la prostitution, soit du groupe de pression ayant conduit à l’adoption de la loi sur la pénalisation des clients du sexe tarifé… Inutile de s’étendre sur les polémiques tenant à la présence d’Élisabeth Lévy, de Causeur, ou de Raphaël Enthoven : quelques personnalités en peine de notoriété (ou à renforcer) ont réussi à alimenter les rubriques « pipeule » de magazines et de quotidiens, cela n’apprendra plus rien à personne…

Une université=mille mensualités 

En revanche, il faut relever, au nombre des intervenantes, Ovidie, de « retour ». Cette ancienne auteure de la maison d’édition La Musardine (collection « Osez », les sextoys, tourner votre film X, &c.), est une réalisatrice, documentariste, et une intellectuelle, courant féminisme hédoniste, qui avait été – dans un premier temps – conviée, mais déclinât l’invitation. Son revirement doit sans doute beaucoup à la présence de Grégoire Théry, histoire de réinstaurer un peu de débat contradictoire dans ce forum. Pipeulisée, certes, à présent, mais au moins sachant un peu, comme Virginie Despentes et quelques autres, de quoi « elle cause » (des femmes en général, de pornographie et de prostitution, entre autres). Certes, une dénonciation rance d’un pseudo-intellectualisme (ce dont Mylène Juste s’est préservée), sur le mode du « d’où tu parles ? », ne sert en rien à faire avancer la Cause. Mais pointer « l’entre-soi » marquant cette réunion a été quelque peu affaibli par la présence d’Ovidie (d’autres… je considère Peggy Sastre du nombre), et d’autres intervenantes non prévues au programme initial. Comme, par exemple, Marie Cervetti, directrice d’un centre d’hébergement, au contact avec celles dont d’autres « causent » ou plutôt « papotent sur ». Que Stréphane Chevet, présenté tel un secrétaire national de la CFDT, mais surtout conseiller municipal du Mans (et avec Marlène Schiappa, candidat malheureux aux cantonales dans la Sarthe), ait été maintenu au programme n’a rien de choquant. Il anime Alter Cité (promouvant la laïcité), il est membre du réseau Maman travaille. Que cette université ait aussi servi à mettre en valeur quelques personnes proches de La République en marche, ou de possibles relais d’opinion lui étant favorables, ne doit pas disqualifier l’initiative…
            Subsistent les constats du Canard enchaîné (un budget prévisionnel de 300 000 euros pour ce raout quasi-mondain en grande partie), et celui de Mylène Juste : les personnes voulant quitter le travail du sexe se voient allouer 330 euros mensuels. Soit « juste au-dessus du budget des Français consacré à un animal de compagnie » et souvent moins que celui d’un automobiliste consacre à son véhicule… Une université, combien de mensualités ? Pour les « bénéficiaires » de ces parcours de « réinsertion » ou tant d’autres (femmes violentées, en extrême précarité...) ?
            Je ne sais si les humoristes ou saltimbanques (Tristan Lopin, Julia Palombe, Rachel Khan, Noémie de Lattre, Blandine Metayer & consœurs, Titou Lecoq, dans l’ordre d’entrée en scène ; c’est là un peu « écrire pour Google » mais elles et ils le valent bien : mes applaudissements), furent ou non cachetonnés – et zut pour l’écriture inclusive – ou simplement défrayés, mais ce n’est pas cela qui alimentera fort leurs cotisations de retraite (amputée par la CSG et l’inflation non compensée). Ce colloque aura été finalement moins simple pince-fesse qu’initialement envisagé. C’est à minima cela de moins pire…