samedi 9 mai 2020

La Bretagne de Mirbeau et Tailhade

Ébauche d’une suggestion « bretonnante »

Jusqu’à présent je tenais Octave Mirbeau pour l’un des plus acerbes critiques des Bretons et en particulier du clergé de leurs temps. Et puis, incidemment, je tombe sur une évocation de Laurent Tailhade à Camaret-sur-Mer. Il faut croire qu’à une certaine époque les Bretons étaient aux Français ce que les Irlandais furent aux Anglais, soit des sources de multiples blagues péjoratives.
Il se trouve qu’un mien ami, Alain (Georges) Leduc pour ne point le nommer, observe rigoureusement le confinement après s’être retrouvé, confusion fort tolérable de soignants (écrire à présent : « nos héros les soignants »), placé dans le secteur covid d’un hôpital. Il me confiait, ce n’est pas là rompre le secret médical auquel je ne suis pas tenu, regretter de ne pouvoir se rendre à La Trinité (sur mer, et non dans le sanctuaire de saint Glinglin) à l’invitation de l’association des Amis d’Octave Mirbeau. Laquelle compte nombre de Bretons peu rancuniers. Histoire qu’il soit « présent » au moins par la pensée lors de cette réunion, je lui suggère d’adresser une petite contribution sur Mirbeau, Tailhade, et la Bretagne. Voici l’entrée d’une ébauche de sente pour l’inspirer.
Je ne reviens pas sur la piètre opinion dans laquelle Mirbeau tenait des Bretons soumis à un odieux clergé. Je l’ai déjà évoqué ici ou là, glissons. Mais je n’imaginais pas que, dans les années 1900, Mirbeau ait pu être égalé en férocité sur le sujet. Incidemment, je tombe sur un site attribuant la chanson Les Filles de Camaret à Laurent Tailhade (chastes Enfants de Marie s’avançant « tout au long du transept la poitrine barrée du ruban virginal », envolée d’un curé de saint-Laud d’Angers, il ne sera pas dit que je vous indiquai la voie vers le site de Xavier Hubaut).
Selon Xavier Hubaut, Laurent Tailhade se rendit odieux à Camaret en plaçant un vase d’aisance sur le rebord de sa fenêtre alors que se déroulait la procession ou pardon du 15 août 1903.
L’affaire prit des proportions car Tailhade et son épouse durent se réfugier à Morgat. Le Journal du 3 septembre 1903 donne la version du journaliste et littérateur anarchiste sous le titre de « Les Troubles de Camaret-sur-Mer ». Le maire de Camaret, Férec, et son adjoint, Keraudren, auraient incité la population à l’écharper. Et à s’en prendre à son épouse. Ce qui ne le dissuadait pas d’envisager de donner à Brest une conférence « Contre Dieu », assuré qu’il était de bénéficier de la protection « des ouvriers du port et ceux de la ville ». Soit ceux qu'il dénomme « les Peaux-Rouges de Bretagne » par opposition aux « tuniques bleues » des partis cléricaux.
En fait, outre la provocation tenant au pot de chambre, Tailhade avait commis une série d’articles sur Camaret et son curé, un dénommé Le Bras, dont la rapacité n’avait d’égale que celle des curés bretons de Mirbeau. Comme le qualifiait Xavier Reille, rapporté par Le Mercure de France (1er avril 1909) : « Laurent Tailhade est la pire des rosses ». La nécrologie des Annales (16 novembre 1919) résuma : « Laurent Tailhade ignorait le sourire malicieux, la critique nuancée. Son encre était à base de vitriol. ». Ses alias et pseudos, Tybalt, Patte velue, Don Junipérien, lui permettaient de déverser « des torrents d’invectives ». Ses articles signés de son patronyme n’étaient pas plus amènes.
Il fut rendu célèbre auprès du grand public par son procès pour un article du Libertaire en 1901, et son duel avec Sylvain Bonmariage (au parc des Princes, le 3 janvier 1912). Ils renforcèrent son début de notoriété dû à l’attentat au restaurant Foyot, proche du Sénat, début avril 1894 (une bombe, quatre victimes, et il fut le plus grièvement blessé des « collatéraux »).
Ses livres, come Imbéciles et gredins, lui valaient « la rare et si douce joie de’obtenir le maximum d’admiration par le minimum d’admirateurs. » (Correspondance de Paul Roulier-Davenel recueillie par Sacha Guitry). Parmi ceux-ci, Émile Zola, qui témoigna à son procès. Ou encore Théodore de Banville et Anatole France (qu’il ne ménageait pourtant pas). Hormis Les Filles, certains de ses poèmes (recueil Vitraux, éd. Léon Vanier) étaient, à mon goût, plutôt mièvres. On leur préférera les Poèmes aristophanesques (À travers les grouins, Au Pays du mufle, Chauvinisme sardinier).
Je n’ai hélas pu retrouver les papiers datés de Camaret signés Tilhade dans Action. Je me rattrape avec, dans Action du 6 septembre 1903, ce « Au pays de l’ignorance et de la misère » (lien vers le PDF).
D’habitude, je commente les articles, me livre à des recherches, là, je m’abstiens, me bornant à signaler que le « cor » figurant dans l’article est sans doute une bombarde. Peut-être, une autre fois, tenterais-je de retrouver l’affiche que La Croisade française consacra à l’imprimeur Étienne Dolet. Ou de m’attarder sur les dates de parution du Nouvelliste de Bretagne, les œuvres de Gaton Pollonais (autre journaliste). J’ai aussi laissé subsister quelques coquilles (Pais au lieu de Paris, &gard et non égard) qui me sont imputables et que tout un chacun pourra corriger de lui-même. Mettons-les sur le compte des séquelles d'une apoplexie de templier qui obère la dextérité des doigts de la main gauche (et sur celui de l'urgence de sortir mon chien pour ne les avoir pas corrigées).

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