Ébauche d’une suggestion « bretonnante »
Jusqu’à présent je tenais Octave Mirbeau pour l’un des plus
acerbes critiques des Bretons et en particulier du clergé de leurs temps. Et
puis, incidemment, je tombe sur une évocation de Laurent Tailhade à Camaret-sur-Mer.
Il faut croire qu’à une certaine époque les Bretons étaient aux Français ce que
les Irlandais furent aux Anglais, soit des sources de multiples blagues péjoratives.
Il se trouve qu’un mien ami, Alain (Georges) Leduc pour ne
point le nommer, observe rigoureusement le confinement après s’être retrouvé,
confusion fort tolérable de soignants (écrire à présent : « nos héros
les soignants »), placé dans le secteur covid d’un hôpital. Il me confiait,
ce n’est pas là rompre le secret médical auquel je ne suis pas tenu, regretter
de ne pouvoir se rendre à La Trinité (sur mer, et non dans le sanctuaire de
saint Glinglin) à l’invitation de l’association des Amis d’Octave Mirbeau. Laquelle
compte nombre de Bretons peu rancuniers. Histoire qu’il soit « présent »
au moins par la pensée lors de cette réunion, je lui suggère d’adresser une petite
contribution sur Mirbeau, Tailhade, et la Bretagne. Voici l’entrée d’une
ébauche de sente pour l’inspirer.
Je ne reviens pas sur la piètre opinion dans laquelle
Mirbeau tenait des Bretons soumis à un odieux clergé. Je l’ai déjà évoqué ici
ou là, glissons. Mais je n’imaginais pas que, dans les années 1900, Mirbeau ait
pu être égalé en férocité sur le sujet. Incidemment, je tombe sur un site
attribuant la chanson Les Filles de Camaret à Laurent Tailhade (chastes Enfants
de Marie s’avançant « tout au long du transept la poitrine barrée du
ruban virginal », envolée d’un curé de saint-Laud d’Angers, il ne sera
pas dit que je vous indiquai la voie vers le site de Xavier Hubaut).
Selon Xavier Hubaut, Laurent Tailhade se rendit odieux à
Camaret en plaçant un vase d’aisance sur le rebord de sa fenêtre alors que se
déroulait la procession ou pardon du 15 août 1903.
L’affaire prit des proportions car Tailhade et son épouse
durent se réfugier à Morgat. Le Journal du 3 septembre 1903 donne la version du
journaliste et littérateur anarchiste sous le titre de « Les Troubles de
Camaret-sur-Mer ». Le maire de Camaret, Férec, et son adjoint, Keraudren,
auraient incité la population à l’écharper. Et à s’en prendre à son épouse. Ce
qui ne le dissuadait pas d’envisager de donner à Brest une conférence « Contre
Dieu », assuré qu’il était de bénéficier de la protection « des
ouvriers du port et ceux de la ville ». Soit ceux qu'il dénomme « les Peaux-Rouges de Bretagne » par opposition aux « tuniques bleues » des partis cléricaux.
En fait, outre la provocation tenant au pot de chambre, Tailhade
avait commis une série d’articles sur Camaret et son curé, un dénommé Le Bras,
dont la rapacité n’avait d’égale que celle des curés bretons de Mirbeau. Comme
le qualifiait Xavier Reille, rapporté par Le Mercure de France (1er avril 1909) : « Laurent Tailhade est la pire des rosses ».
La nécrologie des Annales (16 novembre 1919) résuma : « Laurent
Tailhade ignorait le sourire malicieux, la critique nuancée. Son encre était à
base de vitriol. ». Ses alias et pseudos, Tybalt, Patte velue, Don
Junipérien, lui permettaient de déverser « des torrents d’invectives ».
Ses articles signés de son patronyme n’étaient pas plus amènes.
Il fut rendu célèbre auprès du grand public par son procès pour
un article du Libertaire en 1901, et son duel avec Sylvain Bonmariage (au parc
des Princes, le 3 janvier 1912). Ils renforcèrent son début de notoriété dû à l’attentat
au restaurant Foyot, proche du Sénat, début avril 1894 (une bombe, quatre
victimes, et il fut le plus grièvement blessé des « collatéraux »).
Ses livres, come Imbéciles et gredins, lui valaient « la
rare et si douce joie de’obtenir le maximum d’admiration par le minimum d’admirateurs. »
(Correspondance de Paul Roulier-Davenel recueillie par Sacha Guitry).
Parmi ceux-ci, Émile Zola, qui témoigna à son procès. Ou encore Théodore de Banville
et Anatole France (qu’il ne ménageait pourtant pas). Hormis Les Filles, certains
de ses poèmes (recueil Vitraux, éd. Léon Vanier) étaient, à mon goût,
plutôt mièvres. On leur préférera les Poèmes aristophanesques (À
travers les grouins, Au Pays du mufle, Chauvinisme sardinier).
Je n’ai hélas pu retrouver les papiers datés de Camaret
signés Tilhade dans Action. Je me rattrape avec, dans Action du 6
septembre 1903, ce « Au
pays de l’ignorance et de la misère » (lien vers le PDF).
D’habitude, je commente les articles, me livre à des
recherches, là, je m’abstiens, me bornant à signaler que le « cor »
figurant dans l’article est sans doute une bombarde. Peut-être, une autre fois,
tenterais-je de retrouver l’affiche que La Croisade française consacra à l’imprimeur
Étienne Dolet. Ou de m’attarder sur les dates de parution du Nouvelliste de
Bretagne, les œuvres de Gaton Pollonais (autre journaliste). J’ai aussi
laissé subsister quelques coquilles (Pais au lieu de Paris, &gard
et non égard) qui me sont imputables et que tout un chacun pourra corriger
de lui-même. Mettons-les sur le compte des séquelles d'une apoplexie de templier qui obère la dextérité des doigts de la main gauche (et sur celui de l'urgence de sortir mon chien pour ne les avoir pas corrigées).
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