jeudi 7 juillet 2022

Hector Malot à Kerverner-Raetz ? Spéculation gratuite

Mais Malot à Pornic en famille sans aucun doute

Résidant désormais à Kerverner-Raetz, j’avais, en présomptueux, me placer dans les foulées d’Émile Boutin. Soit de contribuer à la suite de ses écrits (voir sa page Wikipedia), à enrichir la connaissance historique du Pays de Retz. Gageure, il a trop peu laissé de champ à d’éventuels émules. Restent des périphéries, comme le rappel du séjour d’Hector Malot à Pornic. Déjà pourtant amplement balisé.


Françoise Boutin (épouse Pierre-Jean Le Douarin) m’ayant fourni les livres de feu son père que je n’avais pas antérieurement lus, j’abandonne l’espoir d’enrichir ses recherches, quasi-exhaustives, et me retranche sur une position largement consolidée par Agnès Thomas Vidal (retrouvez « Le séjour d’Hector Malot à Pornic et le roman Paulette »). L’Association des Amis d’Hector Malot (amis-hectormalot.fr) vous éclairera plus amplement. Naguère, quand je vous entretenais d’Octave Mirbeau et de Roger Vailland, ou plutôt de leur prose journalistique, je vous aurais transcris celle de Malot dans Le Rappel (des 19 octobre 1882 et éditions suivantes). Est-ce l’air iodé ou l’approche du grand âge, j’ai la flemme et je résume, condense. Les férus retrouveront sur le site annexe de la BnF (retronews.fr). On le sait Émile Boutin et d’autres l’ont établi, les habitants de l’actuelle Côte de Jade, jusqu’à l’actuelle Villeneuve-en-Retz (Bourgneuf et localités voisines) penchèrent plutôt pour la République que pour le ci-devant vendéen Charette. Or donc, à Pornic, c’est la disette. Mais tandis qu’un sieur des Moutiers leur propose de les ravitailler en blé, un Pornicais royaliste signale que la défense de Pornic a rejoint Les Moutiers. Du coup, la ville sans défense est conquise, puis reprise. Mais « brulée en partie ». Reconstruite, Pornic attire le bourgeoisies nantaises, angevines et vendéennes (et la noblesse de Vendée qui dédaigne qui n’est pas bien né). Malot constate (ou suppute) que « la noblesse angevine et vendéenne guindée dans sa fierté, ne pouvait admettre les prétentions de la bourgeoisie nantaise, épanouie dans sa vanité, ses airs flambants, son ostentation et son importance (…) l’on se regarda en chiens de faïence. Ce fut la ruine du casino qui dut éteindre ses lampes et fermer ses portes. ». Conclusion : l’ambition de Pornic « se borna à devenir le rival de Dinard. ».

C’était là quelque peu faire fi de la vitalité pornicaise : vers la fin des années 1930, la Côte de Jade compte quatre casinos proches de Pornic (ceux de la Noëvillard, du Môle, de la Source et de la Côte de Jade). S’ajoute, à La Bernerie, celui de la Plage, et à Saint-Brévin, le Casino des Roches. À Tharon, il est fait état d’un Casino Lebreton. Toutefois, il semble que la fréquentation n’est pas aussi huppée qu’au casino de Monaco. Il semble effectivement que le casino du Môle périclita avant d’être repris en juillet 1929 (relate Le Phare de la Loire du 17 septembre 1929) par un « gros négociant parisien » et des banquiers de Paris et Tours. Le dix de cette année, le directeur des jeux part sans laisser d’adresse, puis ce fut le caissier, puis le directeur général, ce alors que le personnel portait plainte pour non règlement des salaires. Ce casino est fermé avec « apposition de scellés sur les portes ».

Alors, Hector Malot à La Bernerie ? Improbable. Il est fort possible qu’il se rendit, par curiosité, aux Moutiers… Donc, peut-être et non assurément, qu’il prit une rapide collation à Kerverner (La Bernerie), et peu importe. Lire Paulette ne renforce pas cette supposition (accès libre sur le site de Gallica.bnf.fr), car il y est surtout question de la plage « de la Noveillard ». Pour en revenir aux casinos, notons que La Vague de le côte pornicaise et du pays de Retz, datée du premier janvier 1928, signalait que « l’orchestre Duran s'est rendu directeur du Casino de la Plage ».

En fait, La Bernoche (surnom local), hormis le peintre Edgar Maxence, ne peut guère se targuer d’avoir inspiré des personnalités littéraires de tout premier plan (même si le poète René Guy Cadou fut un résident fréquent). Le seul — à ma connaissance – écrivain à fréquenter assidûment Kerverner fut sans doute Jules d’Herbauges (soit Julie Rousseau de Saint-Aignan). Mais, hélas, dans sa Poursuite de l’idéal, elle qualifie la localité de « pauvre village » et ses invités la pressent de s’établir à Pornic. Elle y consent d’autant mieux que son ami, le musicien Anatole Schaf était décédé (je n’ai pas retrouvé sa tombe au cimetière local). Cela étant, il est possible de supputer que la plupart des littérateurs nantais (tel Marc Elder, né Marcel Auguste Tendron, voire Michel Ragon, ami de Cadou) ont fréquenté La Bernerie. Et que le capitaine Lacroix, historien de la marine, eut nombre de visiteuses et visiteurs illustres. Je mentionne aussi Marie Sizun (Marie Dahlquist) dont le roman Les Sœurs aux yeux bleus, fait état de Kerverner. J’en omets sans doute (Ivan Jablonka, Sophie Pietra Roussel, notamment), voire non des moindres.

De médiocre foi, je suppute que de très nombreuses personnalités des arts et des lettres ont fréquenté La Bernerie, en se préservant soigneusement d’en faire la promotion. Mais même en cherchant bien, je n’ai trouvé, que le peintre Maurice Denis, venu en famille en août 1903. Il peint des baigneuses, quelques paysages, et un moulin encore en activité, que je peine à resituer (peut-être celui, à présent désaffecté, proche de la gare). Je ne saurais dire si sa Plage au cerf-volant s’y situe. En fouillant le site de la BnF, Gallica, j’ai retrouvé quelques noms de littérateurs oubliés (tel Victor-Lucien Tapié, auteur d’une centaine de titres). Plus proche dans ce siècle, je ne vois que Charlotte Gainsbourg, venue sans doute assez fréquemment en voisine (elle résida à Pornic). De toute façon, si Kerverner reste une station toujours qualifiée de « familiale », elle ne fut jamais très mondaine ; même si The New York Herald signala en septembre 1907 la présence de la comtesse Eugène de Bocandé « where she will remain until late in October », et si au moins un député de la Seine, le docteur Henri Marmottan, qui fut maire du seizième arrondissement de Paris, venait y rejoindre fréquemment sa famille.